La Passion corporelle de Jésus
par le Docteur Pierre Barbet

Quand un chirurgien s’est penché pendant des années sur la souffrance d’autrui, quand il y a goûté soi-même, il est certes plus près de la compassion que de l’indifférence, parce que il connaît mieux la douleur, parce qu’il en sait mieux les causes et les effets.

   Aussi, lorsqu’un chirurgien a médité sur les souffrances de la Passion, quand il en a décomposé les temps et les circonstances physiologiques, quand il s’est appliqué à reconstituer méthodiquement toutes les étapes de ce martyre d’une nuit et d’un jour, il peut, mieux que le prédicateur le plus éloquent, mieux que le plus saint des ascètes (à part ceux qui en ont eu la directe vision, et ils en sont anéantis), compatir aux souffrances du Christ. Je vous assure que c’est abominable ; j’en suis venu pour ma part à ne plus oser y penser. C’est lâcheté sans aucun doute, mais j’estime qu’il faut avoir une vertu héroïque ou ne pas comprendre, qu’on doit être un saint ou un inconscient, pour faire un Chemin de Croix. Moi, je ne peux plus.

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La spiritualité du martyre
11. Prisonnier avec l’Eucharistie

XX
MON CHER PETIT ENFANT À CROQUER

L’ambiance devenait toujours très pénible à l’approche de Noël. Pour comprendre cela il faut connaître la chaude intimité avec laquelle on célèbre cette fête en Hongrie. Pendant ces froides journées de décembre chacun sombrait dans un profond mutisme comme si la grisaille avait aussi glacé nos cœurs. J’avais déjà passé trois Noëls en détention mais, dans la salle des prêtres, nous avions trouvé moyen de célébrer cette grande fête liturgique. Sans rien de spécial pour égayer la veillée, nous étions à même de célébrer la Sainte Messe et, après l’office, de bavarder en évoquant les souvenirs des Noëls de nos jeunes années. Nous prenions notre repas du soir en commun. À cette époque-là, nous obtenions encore des paquets et chacun gardait quelque chose en surprise : un morceau de pain blanc, même s’il était devenu dur comme pierre, ou un peu de confiture ou quelques morceaux de sucre… cela donnait une atmosphère de fête à la soirée. 

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La spiritualité du martyre
8. Prisonnier avec l’Eucharistie

MON SOUCI A PROPOS DES JEUNES

Je pouvais comprendre à partir des lettres et des visites que de grandes difficultés avaient surgi à X… Bien que K… ait collaboré avec moi depuis le début, elle était néanmoins encore trop jeune pour porter seule toutes les responsabilités dans ces circonstances difficiles. De plus, elle avait perdu beaucoup d’estime à X…, à cause du comportement douteux de son beau-frère, qui nous avait volés et dénoncés. C’est pour cette raison précisément que je confiai à ma nièce le soin et la responsabilité principale du foyer. Elle avait été religieuse et elle était plus âgée que K…, mais du fait qu’elle n’avait passé que six mois dans notre milieu, elle comprenait moins bien l’esprit des jeunes. Elle cherchait continuellement des possibilités pour placer tous les enfants et pour ne plus les garder près d’elle. Le nombre des jeunes avait diminué. Il y régnait une mésentente.

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La spiritualité du martyre
7. Prisonnier avec l’Eucharistie

LA PREMIÈRE MESSE EN PRISON

À la distribution de la soupe, le distributeur me donna furtivement un petit paquet :

— Ceci est pour vous, monsieur l’abbé. Cet objet vient d’un Jésuite de la chambre des prêtres, me souffla-t-il.

Je l’ouvris avec curiosité. D’abord je pus lire le billet suivant :

« Vous avez ici tout le nécessaire pour célébrer la messe. »

Tout content, je sursautai. Tous les trésors de la terre ne m’auraient pas rendu plus heureux à ce moment-là, que ne le faisait ce petit paquet. De mes mains tremblantes, je dépliai tout avec précaution. Je trouvai empaqueté dans une petite boîte : un missel peu épais, une bouteille de vin, quelques hosties et une toute petite boîte en aluminium qui devait servir de calice.

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La spiritualité du martyre
6. Prisonnier avec l’Eucharistie

BRULÉ, MAIS SAUVÉ !

La cellule souterraine était si fraîche que je frissonnais continuellement. J’essayais de me réchauffer par de nombreux mouvements du corps. Je priais beaucoup, car je n’avais rien d’autre à faire. Parfois je devais bien dire trente chapelets par jour et je faisais sept fois le chemin de la croix à l’intérieur de ma petite cellule. Le traitement de la part des gardiens était rude, mais celui des détectives était brutal.

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La spiritualité du martyre
5. Prisonnier avec l’Eucharistie

MON PROTECTEUR, LE DÉTECTIVE

Je supportais difficilement la lumière éblouissante, quand je fus conduit à travers de nombreux corridors vers une petite chambre. Le gardien resta dehors à la porte. Peu après entrèrent deux détectives : un grand maigre et un petit trapu. Ils me regardèrent longuement et fixement, puis s’assirent à un bureau. Ils ne prononcèrent pas un mot, tandis qu’ils feuilletaient toute une liasse de papiers.

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La spiritualité du martyre
4. Prisonnier avec l’Eucharistie

Épisode précédent

Début de ce récit.

SEUL DANS LA CELLULE DE PRISON

Dimanche ! Quel triste dimanche : sans messe, sans communion, sans église, sans bréviaire. C’est aujourd’hui le dernier dimanche d’octobre, donc la fête du Christ-Roi. D’un seul coup, je suis debout, mais je tombe de nouveau sur mon bas lit de planches, titubant et affaibli par la faim. Avec peine, j’arrive à m’asseoir sur le bord de la planche, la tête dans mes mains.

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La spiritualité du martyre
3. Prisonnier avec l’Eucharistie

Voir le début de ce récit.

DANS LES MAINS DE LA POLICE SECRÈTE

Budapest n’est pourtant pas à une distance trop longue, mais il me sembla que nous roulions depuis très longtemps et que le chemin n’en finissait pas. Finalement, après une longue route, sans parler, nous arrivâmes au célèbre n8.., de la rue A…. Je fus d’abord soigneusement fouillé. Je n’avais rien d’autre avec moi que mon bréviaire, le Nouveau Testament et un chapelet. Naturellement, ils m’ont pris ces objets, qui, bien que de peu de valeur, m’étaient si chers. Je dus même donner mes chaussettes et mon linge de corps. Quand un de mes détectives remarqua la chaînette du scapulaire autour de mon cou, il l’arracha avec un rire brutal.

“Qu’est-ce que cela ?”, demanda-t-il.

— C’est, répondis-je simplement, l’habit de Notre-Dame.

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La spiritualité du martyre
2. Prisonnier avec l’Eucharistie chapitre 1

Vous trouverez ci-dessous un récit passionnant. Il est d’actualité, non pas en ce que nous sommes prisonniers comme ce prêtre, mais il nous brosse le tableau d’un prêtre fidèle et zélé face à des prêtres plus ou moins lâches. Dans les mêmes circonstances, de quel côté serions-nous ? C’est dès maintenant que nous devons tremper notre caractère et notre âme. Une telle énergie est le fruit de la grâce… liée à un travail exigeant de vie intérieure.

Subsidiairement, la tactique communiste est bien dévoilée. La parade mise en œuvre par ce prêtre est la seule efficace : aucune compromission quoi qu’il en coûte. (Il en coûterait beaucoup plus d’ailleurs à se compromettre).

Ce récit complète utilement celui, parallèle, du Cardinal Minsdzenty dans ses Mémoires que tout le monde devrait avoir lus, car il est très important de bien connaître la tactique communiste envers les catholiques. Il s’agit là d’un récit absolument authentique de la captivité d’un prêtre hongrois. Des raisons de sécurité obligent à garder secrète l’identité du prêtre, héros et auteur de ce récit. C’est ce que garantissent les traducteurs, dont l’un a rencontré personnellement l’auteur.

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La spiritualité du martyre
1. Vouloir mourir à la place d’un autre

Tout en tête de l’examen de conscience « de mes péchés cachés, délivrez-moi Seigneur » j’ai posé la question « Ai-je inspiré à mes enfants le désir du martyre, meilleur moyen de proclamer la foi à la face d’un monde indifférent à Dieu ? Leur ai-je inspiré le désir du martyre pour imiter Jésus-Christ qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort ? »

C’est pour illustrer cette proposition surprenante que je me propose de publier quelques récits de martyrs. Voici le premier récit qui se passe dans la nuit du 24 au 25 mai 1871, à la prison de la Roquette, à Paris, sous la Commune.

Le P. Guerrin, des Missions étrangères, occupait la cellule 22, qui communiquait avec la cellule 21, où se trouvait un des otages laïques, marié et père de famille, M. Chevriot, proviseur au lycée de Vanves. Après lui avoir prodigué toutes les consolations et tous les encouragements de la charité la plus affectueuse, le P. Guerrin, dans la nuit qui suivit l’assassinat de l’archevêque et des cinq autres victimes, fit observer à son compagnon que l’appel des condamnés s’était fait et se ferait probablement encore sans contrôler leur identité ; que, par suite, une substitution de personnes serait chose facile, et que, si l’on procédait par fournées, les survivants auraient quelque chance de recevoir en temps utile le secours des libérateurs qu’il était encore permis d’espérer. Le hasard avait fait que le P. Guerrin se trouvait vêtu d’habits bourgeois au moment de son arrestation ; il avait laissé pousser en prison sa barbe et ses moustaches, et son extérieur n’avait en ce moment rien qui pût révéler un membre du clergé. Se fondant sur toutes ces circonstances heureusement réunies, dit-il avec une touchante simplicité, le P. Guerrin proposa à son voisin de répondre pour lui et de prendre sa place, si, lors du premier appel, le nom de ce père de famille était prononcé le premier.

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