Je vous en supplie, mes frères bien-aimés, confessez tous vos péchés, pendant que vous êtes encore sur cette terre, pendant que votre confession peut être entendue, pendant que la rémission de vos fautes, opérée par le prêtre, peut être agréée de Dieu. Convertissons-nous au Seigneur de toute notre âme ; ayons un regret véritable de nos crimes, et implorons la divine miséricorde. Que notre âme se prosterne devant lui ; pénétrée d’une douleur profonde, qu’elle expie ses fautes et qu’elle ranime son espérance. Revenez à moi, dit le Seigneur, de tout votre cœur, livrez-vous aux jeûnes, aux gémissements, aux larmes, et déchirez vos cœurs et non vos vêtements.
C’est ainsi qu’on apaise la justice divine. Mais il est des pécheurs qui, depuis leur chute, vont chaque jour aux bains, qui prennent place à des tables somptueuses, qui chargent leur estomac d’une multitude de viandes et ne partagent jamais leur nourriture avec le pauvre : est-ce là ce qu’on appelle déplorer sa faute, s’abandonner aux jeûnes, aux larmes, aux gémissements ? (…)
Malheureux, c’est votre âme que vous avez perdue ! morte spirituellement, vous vous survivez à vous-même, vous portez vos propres funérailles ; et vous ne pleurez pas, vous ne gémissez pas amèrement ! Honteux de votre crime, vous n’allez pas cacher vos larmes dans une retraite obscure ! Ah ! il est une chose plus grave que le crime lui-même, c’est de s’obstiner à ne pas le reconnaître et à ne pas le déplorer.
Exemples
Les trois enfants captifs à Babylone, Ananias, Azarias, Misael confessaient leurs fautes à. Dieu au milieu des flammes d’une fournaise ardente. Malgré le témoignage de leur conscience, malgré la grâce divine qu’ils avaient méritée par leur obéissance et leur fidélité, ils étaient toujours humbles et, au sein de leur glorieux martyre, ils ne cessaient de satisfaire à Dieu. Écoutez l’Écriture : Azarias debout au milieu des flammes, commença sa prière et fit avec ses compagnons la confession de ses fautes (Dan., 3).
Telle fut aussi la conduite de Daniel. Après avoir, dans plusieurs circonstances, donné des preuves de son innocence et de sa fidélité, après avoir vu ses vertus honorées des éloges de Dieu lui-même, il s’efforce encore d’attirer sur lui la miséricorde divine ; il se couvre d’un sac, il se roule sur la cendre, il confesse ses fautes avec douleur. Seigneur, s’écrie-t-il, Dieu grand, Dieu fort et redoutable, qui conserves ton alliance et tes miséricordes avec ceux qui t’aiment et qui obéissent à ta loi, nous avons péché, nous avons commis l’impiété et le crime ; nous avons transgressé et abandonné tes préceptes et tes commandements ; nous n’avons pas prêté l’oreille aux paroles de tes prophètes qui ont prophétisé en ton nom sur nos rois, nos peuples et notre patrie. À toi, Seigneur, la gloire et la sainteté ; à nous la confusion.
Voilà ce qu’ont fait ces âmes simples et innocentes pour se rendre Dieu favorable : et maintenant ceux qui l’ont renié refusent de le prier et de satisfaire à sa justice ! Je vous en prie, mes frères, suivez nos conseils, profitez du remède salutaire. Unissez vos larmes à. nos larmes, vos gémissements à nos gémissements. Nous vous prions d’abord, afin que nos prières soient efficaces auprès de Dieu et qu’elles fléchissent sa justice en votre faveur. Faites pénitence ; qu’on voie en vous la tristesse et les gémissements du repentir. Ne vous laissez pas arrêter par l’erreur ou la stupidité de certains hommes qui poussent l’aveuglement jusqu’à. méconnaître leurs crimes et à ne pas les pleurer. C’est le châtiment le plus sévère que Dieu puisse infliger à un pécheur ; c’est l’esprit de vertige dont parle le prophète. Saint Paul nous dit à son tour (Thess., 2) : Ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité, qui aurait pu les sauver ; c’est pourquoi le Seigneur leur enverra l’esprit d’erreur, et ils croiront au mensonge. Ainsi la justice de Dieu frappe ceux qui repoussent la vérité et se complaisent dans le crime. En effet, ces hommes superbes (= orgueilleux) paraissent en proie à la folie, ils méprisent les préceptes du Seigneur ; ils négligent le remède ; ils s’obstinent dans l’impénitence. Imprudents avant le crime, ils deviennent ensuite rebelles. Ils cèdent à la menace et ils rougissent de paraître en suppliants. Quand ils devaient se tenir debout, ils sont tombés ; et maintenant qu’on leur dit de se prosterner devant Dieu, ils veulent rester debout ; ils usurpent une paix que personne n’a mission de leur donner. Séduits par des promesses trompeuses, ils s’unissent aux apostats et aux traîtres ; ils reçoivent l’erreur au lieu de la vérité ; ils se mettent en communion avec des excommuniés. Naguère la crainte des hommes les empêchait de croire en Dieu maintenant la crainte de Dieu ne les empêche pas de croire aux hommes. Fuyez-les, évitez-les avec soin. Leur parole se glisse comme un serpent ; elle pénètre les âmes comme une contagion mortelle ; c’est un venin qui tue plus cruellement encore que la persécution. Je le répète, il n’y a qu’un moyen d’expiation, la pénitence : ceux qui vous enlèvent la pénitence vous enlèvent l’expiation ; ainsi, en acceptant témérairement une fausse sécurité promise par des téméraires, on se ferme à. soi-même le chemin du véritable salut.
Persévérance
Pour vous, mes frères bien-aimés, qui conservez la crainte de Dieu, vous dont la conscience coupable ne perd pas le souvenir de son état, reconnaissez vos péchés avec douleur, repassez-les dans l’amertume de votre âme, ouvrez les yeux du cœur pour en comprendre toute la gravité et, pleins d’espoir dans la miséricorde du Seigneur, gardez-vous bien de vous attribuer un pardon trop facile. Si Dieu a tout l’amour, toute la bonté, toute l’indulgence d’un père, il a aussi la sévère majesté d’un juge.
Que nos larmes soient en rapport avec la grandeur de nos fautes. Si la plaie est profonde, appliquons un remède, énergique ; que la pénitence ne soit pas inférieure au péché. Vous avez renié votre Dieu, vous lui avez préféré votre patrimoine, vous avez violé son temple par un sacrilège, et vous croyez pouvoir l’apaiser facilement ? Vous avez dit qu’il n’était pas votre Dieu, et vous croyez avoir sur-le-champ des droits à sa miséricorde ? Priez, prolongez vos supplications ; passez les jours dans les larmes, les nuits dans les veilles, étendus sur le cilice ; n’interrompez pas vos gémissements ; roulez-vous dans la cendre et dans la poussière. Le Christ vous couvrait comme un manteau ; vous l’avez perdu : quel autre vêtement pourriez-vous désirer ? Vous avez mangé la nourriture du démon, choisissez le jeûne ; vous avez commis des fautes, effacez-les par des œuvres de miséricorde ; vos âmes sont menacées de la mort éternelle, délivrez-les par d’abondantes aumônes. Donnez au Christ ce que l’ennemi cherchait à vous ravir. Pourriez-vous vous attacher à des biens qui, en vous trompant, ont causé votre rune ? On doit les sacrifier pour échapper à l’ennemi ; on doit les fuir pour échapper aux voleurs, les vendre pour échapper au glaive. S’il vous en reste, le seul avantage que vous puissiez en retirer c’est le rachat et l’expiation de vos fautes. Multipliez donc vos bonnes œuvres ; employez tous vos revenus à la guérison de vos blessures ; remettez toute votre fortune entre les mains de ce Dieu qui doit vous juger.
C’est ainsi qu’agissaient les premiers chrétiens. Leur foi était active et généreuse. Ils confiaient tout leur bien aux apôtres pour les distribuer en aumônes ; et pourtant ils n’avaient pas à racheter les fautes sur lesquelles vous gémissez. Si vous priez, si vous avez recours aux larmes et aux gémissements de la pénitence, si, par vos œuvres, vous fléchissez la justice divine, le Seigneur vous fera miséricorde. Il vous a dit lui-même : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Revenez au Seigneur votre Dieu, dit-il encore, car il est bon, miséricordieux, patient, prêt à pardonner toutes nos iniquités. Il peut faire grâce au coupable et révoquer ses arrêts ; il peut pardonner au pénitent qui multiplie ses bonnes œuvres et ses prières ; il peut avoir égard à ce que demandent les martyrs et à ce que font les prêtres. Si quelqu’un le touche davantage par ses œuvres satisfactoires, s’il apaise son indignation par l’ardeur de ses prières, il lui donnera des armes nouvelles ; jusque dans sa défaite, il lui enverra de nouveaux secours pour renouveler et fortifier sa foi. Alors le soldat retournera au combat, il rentrera dans la mêlée, il provoquera l’ennemi et le regret d’avoir été vaincu doublera ses forces. Celui qui satisfera ainsi au Seigneur et qui, animé par la honte et le repentir, tirera de sa chute, avec l’aide de Dieu, une augmentation de courage et de foi, celui-là réjouira l’Église qu’il avait attristée, et obtiendra, avec son pardon, la couronne de vie.