Mgr Lefebvre et le code de droit canonique de 1983

On ne met pas plus d’ordre dans l’Église avec le code moderniste
qu’on ne met de sainteté avec la messe moderne.

J’ai donné un sermon sur le nouveau code, lequel ne peut être que l’instrument de la destruction de l’Église, car on ne voit pas comment un révolutionnaire pourrait faire un nouveau droit qui ne soit pas au service de la révolution et un moderniste un code qui ne soit pas au service du modernisme.

Le temps m’a manqué pour poursuivre cet exposé, malgré son importance capitale. Je le reprends ici et le poursuivrai jusqu’à ce que toute la lumière soit faite.

Sans vouloir me mettre en avant, il est quelquefois nécessaire de faire connaître ses titres dont l’objet est de garantir auprès du public l’autorité de celui qui les porte. Maître en droit civil, je fus nommé à la tête des Affaires Canoniques du District de France, ainsi que membre de la Commission Canonique Saint Charles Borromée pour toute la Fraternité Saint Pie X, et mes supérieurs me confièrent des fonctions de juge en première instance et en appel, avocat et promoteur de justice.

Vatican II le plus grand désastre depuis la fondation de l’Église
Le code nouveau plus grave que le Concile

Quel code Mgr Lefebvre utilisait-il ?

La nouvelle ecclésiologie, droit canon et liturgie

  • Nouveau droit et nouvelle liturgie
  • Le nouveau code de droit canonique

Quelques remarques importantes

  • Un nouveau code n’était pas nécessaire
  • Droit et liturgie

Prochains articles

  • Ce que le code dit de lui-même : il est un instrument du pouvoir révolutionnaire. Citations.
  • Nouveau droit canon pour une nouvelle ecclésiologie, pour une nouvelle conception de l’Église. C’est la révolution dans l’Église.
  • Le code nouveau et Vatican II
  • Tout le droit canon nouveau est empoisonné littéralement
  • Peut-on garder quelque chose de ce code ?
  • Le devoir de résister publiquement

Analyse détaillée du code moderniste

  • La vie religieuse,
  • Le mariage
  • La punition des fautes
  • La canonisation des saints
  • La validité des sacrements
  • Etc.

Vatican II le plus grand désastre depuis la fondation de l’Église
Le code nouveau plus grave que le Concile

On m’a demandé les sources des citations de Mgr Lefebvre que nous avons reprises dans la Charte de la Confrérie Sacerdotale Marcel Lefebvre. Je les donnerai très volontiers, car la question est d’importance et il est bien normal de la poser, tout en faisant attention à éviter tout zèle amer. Veritatem facientes in caritate, accomplissant la vérité dans la charité.

Mgr Lefebvre jugeait le concile Vatican II « plus grande catastrophe de l’histoire ». La citation que nous avons retrouvée est « le plus grand désastre de ce siècle et de tous les siècles passés, depuis la fondation de l’Église » dans Ils L’ont découronné Introduction, 2e paragraphe. Mgr Lefebvre s’est souvent exprimé en public et en privé sur le Concile et il l’a nécessairement fait en des termes variés qui expriment tous le même constat, à savoir l’extrême gravité de cette catastrophe.

Bien plus, et c’est ce qui nous intéresse dans l’analyse du code de 1983, Mgr Lefebvre unissait le concile et le code comme deux phases d’une même révolution et le jugement qu’il portait sur l’un éclairait l’autre et réciproquement.

Et il jugeait le nouveau code pire que le concile. La citation exacte est « plus grave que le concile ». Elle est de Mgr Tissier de Mallerais (Marcel Lefebvre, une vie, p. 558) résumant ainsi la position de Mgr Lefebvre. Plusieurs prêtres l’ayant connu nous ont confirmé ce jugement comme prononcé par Mgr Lefebvre. Il s’agit soit d’un jugement prononcé par lui et dont nous n’avons pas retrouvé la trace, soit d’un résumé fait par Mgr Tissier de Mallerais et qui conclut parfaitement les exposés horrifiés de Mgr Lefebvre sur le code de 1983.

Ces deux phrases lapidaires concluent maintes analyses qu’on trouvera ci-dessous, mais, auparavant :

Quel code Mgr Lefebvre utilisait-il ?

Là encore, quelques affirmations lapidaires de Mgr Lefebvre résument parfaitement sa position.

« Mais nous serons obligés de plus en plus de nous séparer de ceux qui sont à côté de nous et de donner à nos fidèles tout ce qu’ils attendent de nous, selon le Droit Canon ancien, bien sûr. » Conf. spir. Écône n° 115 B, 28 oct. 1985

Aux futurs diacres ; « Je voudrais d’abord vous dire un peu ce que le Droit Canon enseigne sur le diaconat, en vous citant les quelques canons, l’ancien évidemment ! » Conf. spir. Écône n° 135 A, 12 mai 1989

Ces affirmations d’évidence sont en parfaite cohérence avec la conférence ci-après et avec les autres conférences de Mgr Lefebvre que nous publierons ensuite.

La nouvelle ecclésiologie, droit canon et liturgie
Conférence de Mgr Lefebvre

Conférence à Turin, 24 mars 1984

Le nouveau code de droit canonique

Je voulais vous parler d’une nouveauté très grave : le nouveau Code de droit canonique. Je n’avais pas vu la nécessité d’un changement, mais enfin, si la loi était changée, elle était changée. Et alors il fallait bien s’en servir, car l’Église ne peut rien demander de mauvais pour les fidèles. Mais quand on lit ce nouveau Code de droit canonique, on y découvre une conception entièrement nouvelle de l’Église. Il est facile de s’en rendre compte par soi-même, puisque Jean-Paul II l’écrit dans la constitution apostolique (qui ouvre ce nouveau Code). « …Il en résulte, que ce qui constitue la nouveauté fondamentale du concile Vatican II, en pleine continuité avec la tradition législative de l’Église, — cela c’est pour tromper —(sic) spécialement en ce qui concerne l’ecclésiologie, constitue aussi la nouveauté du nouveau Code. » Donc la nouveauté de la conception de l’Église selon le Concile est également la nouveauté de la conception du nouveau Code de droit canonique.

Mais quelle est cette nouveauté ? C’est qu’il n’y a plus de différence entre le clergé et le laïcat. Il n’y a plus que des fidèles, rien d’autre, à cause de la « doctrine selon laquelle tous les membres du peuple de Dieu, selon le mode propre à chacun, sont participants de la triple fonction de Jésus Christ, sacerdotale, prophétique et royale. À cette doctrine se rattache également celle qui regarde les devoirs et les droits des fidèles et particulièrement des laïques, et finalement l’engagement de l’Église dans l’œcuménisme ». Et la définition de l’Église est celle-ci (canon 204), – vraiment incroyable une telle définition de l’Église – : « Les fidèles sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu, et qui, pour cette raison, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, selon la condition juridique de chacun, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour l’accomplir dans le monde. »

Donc nous sommes tous des fidèles, membres du peuple de Dieu, et donc nous avons tous des ministères ! Et ils le disent bien dans le Code : tous les fidèles ont des ministères. Ils ont donc la charge d’enseigner, de sanctifier et même celle de diriger.

Poursuivons le commentaire de ce canon 204 : « … rendus participants, selon leur mode propre, de la fonction sacerdotale prophétique et royale du Christ, ils sont appelés à exercer la mission que Dieu a confiée à l’Église pour l’accomplir dans le monde, selon la condition juridique propre à chacun. » Donc tout le monde, sans exception, sans distinction de clercs ni de laïques, en tant que peuple de Dieu, est chargé de cette mission confiée par Jésus Christ proprement à l’Église. Il n’y a plus de clergé. Que devient donc le clergé ? C’est comme si l’on disait ce ne sont pas les parents qui sont chargés de donner la vie aux enfants mais la famille, ou plutôt tous les membres de la famille : parents, enfants. Or c’est bien la même chose que l’on dit aujourd’hui : tous les fidèles, évêques, prêtres, laïques, tous sont chargés de la mission de l’Église. Mais, qui commence l’Église, qui donne les grâces pour devenir catholique ? Comment devient-on fidèle ? On ne sait plus qui est chargé de quoi. Il est donc facile de comprendre que cela est la ruine du sacerdoce et la laïcisation de l’Église. Tout le monde est laïc, et petit à petit disparaissent les ministres sacrés. Les ordres mineurs et le sous-diaconat ont disparu, maintenant il y a des diacres mariés, ainsi peu à peu les laïques prennent le ministère des prêtres. C’est ce qu’a fait Luther et les protestants, qui ont laïcisé le sacerdoce. C’est donc quelque chose de très grave.

Cela est exposé ouvertement dans un article de l’Osservatare romano du 17 mars 1984 : « Le rôle des laïcs dans le nouveau Code. C’est toujours la même chose. La fonction active que les laïques, depuis le concile Vatican II, sont appelés à exercer en participant selon leur vocation particulière à la condition et à la mission de toute l’Église. Une doctrine, qui dans le contexte de la mise en évidence du concept du peuple de Dieu a par conséquent opéré une réévaluation du laïcat, aussi bien pour la fondation de l’Église, que pour le rôle actif qu’il est appelé à développer dans l’édification de l’Église. »

Telle est l’inspiration de tout le nouveau Code de droit canonique. Cette définition de l’Église est le venin qui infecte ce nouveau droit.

Nouveau droit et nouvelle liturgie

Et c’est la même chose pour la liturgie. Je fais un rapprochement entre ce nouveau Code de droit canonique et toute la réforme liturgique, ainsi que Bunigni le dit dans son livre Les principes fondamentaux du changement de la liturgie. « La voie ouverte par le concile est destinée à changer radicalement l’aspect de l’assemblée liturgique traditionnelle, dans laquelle selon une coutume séculaire, le service liturgique est fait quasi exclusivement par le clergé. Le peuple y assiste, mais trop comme un étranger et comme un spectateur muet. » Quoi ? Changer la liturgie, et oser dire que tous les fidèles sont au sacrifice de la messe de simples spectateurs muets ! Mais comment les fidèles doivent-ils être actifs au sacrifice de la messe ? Par le corps ou par l’esprit ? Par l’esprit évidemment. On peut donc assister en silence à la messe avec un grand profit spirituel. C’est en effet un mystère de notre foi. Combien sont devenus saints dans ce silence de la vraie messe !

« Il faudra une longue éducation pour que la liturgie devienne une action de tout le peuple de Dieu » Certainement ! Ensuite il ajoute qu’il s’agira « d’une unité substantielle, mais non pas d’une uniformité. Il faut savoir qu’il s’agit là d’une véritable rupture avec le passé. » Ce passé, c’est vingt siècles de la prière de l’Église.

Bugnini a été l’homme clé de la réforme liturgique. J’ai vu le cardinal Cicognani, lorsque cette nouvelle messe a été publiée, et je lui ai dit : « Éminence je ne suis pas d’accord avec ce changement, la messe n’a plus sa caractéristique mystique et divine. » Il m’a répondu « Monseigneur, que voulez-vous, Bugnini peut entrer comme il le veut dans le bureau du pape pour lui faire signer tout ce qu’il veut. » Voilà ce qu’est la secrétairerie d’État, c’est ainsi qu’on en est arrivé à tous ces changements. Ils se sont d’abord mis d’accord et ils ont fait signer les changements, puis d’autres, et encore d’autres. Au cardinal Gut j’ai dit : « Éminence nous êtes chargé du culte, et vous donnez la permission de recevoir le Saint Sacrement dans la main ! Et l’on saura que cela a été publié avec l’accord du préfet de la Congrégation pour le Culte ! » Il m’a répondu « Ah ! Monseigneur, je ne sais même pas si l’on me le demandera pour le faire. Car vous savez, Monseigneur, que ce n’est pas moi qui commande. Le chef, vous le connaissez : Bugnini. Si le pape me demande ce que je pense de la communion dans la main, je me mettrai à genoux devant lui pour lui demander de surtout ne pas le faire. » Vous voyez donc comment les choses se sont passées à Rome : une simple signature au bas d’un décret, et on ruine l’Église avec des sacrilèges, de nombreux sacrilèges… On ruine la présence réelle de Notre Seigneur, qui n’est plus respecté. Et alors il ne reste plus rien de sacré, comme on a pu le voir dans cette grande réunion, à laquelle même le pape a assisté, où le Saint Sacrement a circulé de main en main entre des milliers de personnes. Plus personne ne s’agenouille devant le Saint Sacrement, comment croiront-ils encore que Dieu y soit présent ?

C’est donc bien le même esprit qui a animé le changement du droit canonique et celui de la liturgie : le peuple de Dieu, et l’assemblée qui fait tout. C’est la même chose quant au prêtre. C’est un simple président qui a un ministère, comme les autres ont aussi un ministère, au sein de l’assemblée. Notre orientation vers Dieu a également disparu, et cela vient des protestants qui disent que le culte eucharistique – car pour eux il n’y pas de messe ni de sacrifice, ce serait un blasphème – est seulement un mouvement de Dieu vers l’homme, non de l’homme à Dieu pour lui rendre gloire, ce qui est pourtant la fin latreutique de la liturgie. Et ce nouvel état d’esprit liturgique vient également du concile Vatican II : tout pour l’homme. Les évêques, les prêtres, sont au service de l’homme et de l’assemblée. Mais alors où est Dieu ? Ils sont pourtant au service de Dieu pour chanter sa gloire ! Que ferons-nous au ciel ? Car le ciel c’est bien « tout pour la gloire de Dieu », et c’est bien la même chose que nous devons faire sur la terre. Mais non tout cela est terminé, remplacé par l’homme. C’est vraiment la ruine de toute la pensée catholique.

Vous savez que dans le Code de droit canonique il est permis à un prêtre de donner la communion à un protestant. C’est ce qu’ils appellent l’hospitalité eucharistique. Il s’agit de protestants qui demeurent tels, non pas de ceux qui se convertissent. Cela est directement opposé à la foi. Or le sacrement de l’eucharistie est précisément le sacrement de l’unité de la foi, et alors donner la communion à un protestant, c’est rompre la foi et l’unité.

Fin de ce qui concerne le droit canon moderne dans la conférence de Mgr Lefebvre à Turin en 1984

Quelques remarques importantes

Un nouveau code n’était pas nécessaire

Mgr Lefebvre affirme au début de sa conférence à Turin qu’il n’y avait pas nécessité de changement. On affirme trop souvent, pour justifier d’adopter le code de 1983, au moins en partie, que des changements étaient devenus nécessaires.

Certes, il concèdera qu’une mise à jour du code n’était pas impossible (cours sur la nouvelle ecclésiologie, Écône, juin 1986), voire qu’elle aurait pu avoir une certaine utilité, mais elle n’était pas nécessaire.

Droit et liturgie

Mgr Lefebvre juge constamment de la liturgie et du droit de la même manière. Or, il n’a rien accepté de la nouvelle liturgie. Il est même revenu en arrière sur les quelques changements entre 1962 et 1969 qui, sans être vraiment mauvais, préparaient le nouveau rite : disparition des prières au bas de l’autel, première partie de la messe au siège du célébrant et non plus à l’autel, lectures à l’ambon. Quant au canon à haute voix et en langue vernaculaire, à la célébration face au peuple, bien que cela n’ait rien changé au texte liturgique, il n’eut pas à revenir en arrière, car il ne les accepta jamais.

Il déclara le nouveau rite valide, mais illicite. Or, qu’est-ce qu’un droit illicite ? C’est un droit nul. Le droit dit ce qui est licite, droit et illicite sont des notions contradictoires. Au contraire, en raison de l’effet physique des paroles liturgiques, il est nécessaire de distinguer la validité et la licéité des sacrements. La validité concerne l’effet physique, la licéité le caractère moral ordonné. Et il est clair — cela devrait même être évident — qu’une liturgie même valide n’est jamais autorisée si elle est illicite. Jamais. Les exceptions ne sont qu’apparentes. Le droit, lui, vise essentiellement un effet moral ordonné, et ce n’est qu’exceptionnellement qu’il obtient un effet physique ou quasi-physique. Nous y reviendrons.

On nous a objecté l’affirmation suivante de Mgr Lefebvre qui signifierait que, tout en condamnant le code nouveau, il en aurait accepté une application partielle. « Alors il nous faudra garder l’ancien Droit Canon, en en prenant les principes fondamentaux et comparer avec le nouveau Droit Canon pour juger le nouveau Droit Canon. De même que nous prenons la Tradition pour juger aussi les nouveaux livres liturgiques. » Il faut d’abord observer que cette phrase fut prononcée le 14 mars 1983, soit moins de deux mois après la publication du code moderniste le 25 janvier précédent pour être appliqué le 27 novembre. En mars 1984 Mgr Lefebvre voit ce code comme du pur modernisme. Mais, surtout, il est clair que Mgr Lefebvre n’affirme pas qu’il aurait l’intention d’accepter le code nouveau en fonction de sa conformité ou non à la Tradition, mais il énonce les raisons pour lesquelles il ne le prendra pas : c’est qu’il est contraire aux principes fondamentaux du droit traditionnel, comme la liturgie nouvelle est contraire à la Tradition. Il suffit de lire le texte qui ouvre le code nouveau pour que cela saute aux yeux. Les multiples conférences de Mgr Lefebvre montreront que le code nouveau n’est pas seulement contraire aux principes fondamentaux du droit traditionnel, mais à la Tradition même de l’Église, bien plus, à sa définition.

Prochains articles

  • Ce que le code dit de lui-même : il est un instrument du pouvoir révolutionnaire. Citations.
  • Nouveau droit canon pour une nouvelle ecclésiologie, pour une nouvelle conception de l’Église. C’est la révolution dans l’Église. Par Mgr Lefebvre.
  • Le code nouveau et Vatican II
  • Tout le droit canon nouveau est empoisonné littéralement
  • Peut-on garder quelque chose de ce code ?
  • Le devoir de résister publiquement

Analyse détaillée du code moderniste

  • La vie religieuse,
  • Le mariage
  • La punition des fautes
  • La canonisation des saints
  • La validité des sacrements
  • Etc.