4e dimanche de l’avent

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
Quatrième dimanche de l’avent

Si ce dimanche tombe le 24 décembre, on l’omet cette année-là, et on fait l’office de la vigile de Noël. Voir aussi les grandes féries de l’avent

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

Nous voici entrés dans la semaine qui précède immédiatement la naissance du Messie : dans sept jours au plus tard, il viendra ; et selon la longueur du temps de l’avent, laquelle varie chaque année, il se peut que l’avènement tant désiré ait lieu dans six jours, dans trois jours, demain même. L’Église compte les heures d’attente ; elle veille jour et nuit, et ses offices ont pris une solen­nité inaccoutumée depuis le 17 décembre. À laudes, elle varie chaque jour les antiennes ; à vêpres, elle exprime avec tendresse et majesté ses désirs d’Épouse par de brûlantes exclamations vers le Messie, dans lesquelles elle lui donne chaque jour un titre ma­gnifique emprunté au langage des prophètes.

Aujourd’hui [1] elle veut frapper le dernier coup pour émouvoir ses enfants. Elle les transporte dans la solitude ; elle leur montre Jean-Baptiste, de la mission duquel elle les a déjà entretenus au troisième dimanche. La voix de cet austère précurseur ébranle le désert, et se fait entendre jusque dans les cités. Elle prêche la pénitence, la nécessité de se purifier en attendant celui qui va paraître. Retirons-nous à l’écart durant ces jours ; ou si nous ne le pouvons faire à raison de nos occupations extérieures, retirons-nous dans le secret de notre cœur et confessons notre iniquité, comme ces vrais Israélites qui venaient, pleins de componction et de foi dans le Messie, achever, aux pieds de Jean-Baptiste, l’œuvre de leur préparation à le recevoir dignement, lorsqu’il allait paraître.

Or, voici la sainte Église qui, avant d’ouvrir le livre du prophète, nous dit à l’ordinaire, mais avec une solennité de plus en plus grande :

Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le.

Du prophète Isaïe. Chap. 35

La terre déserte et sans chemin se réjouira, et la solitude tres­saillera et fleurira comme le lis. Elle poussera et germera de toutes parts ; et elle sera dans une effusion de joie et de louange. La gloire du Liban lui a été donnée, la beauté du Carmel et de Saron. Ils verront eux-mêmes la gloire du Sei­gneur et la beauté éclatante de notre Dieu. Fortifiez les mains languissantes et raffermissez les genoux tremblants. Dites à ceux qui ont le cœur abattu : Prenez courage, et ne craignez point ; voici votre Dieu, qui vient vous venger et rendre à vos ennemis ce qu’ils méritent. Dieu viendra lui-même, et il vous sauvera. Alors les yeux des aveugles s’ouvriront, et les oreilles des sourds seront accessibles. Alors le boiteux bondira comme le cerf, et la langue des muets sera déliée ; parce que des sources d’eau couleront au désert, et des torrents dans la solitude. Et la terre qui était desséchée sera un étang, et celle qui était altérée une fontaine d’eau vive. Dans les cavernes où les dragons habitaient auparavant, naîtra la verdure du ro­seau et du jonc. Et il y aura là un sen­tier et un chemin battu, et cette voie sera appelée sainte ; celui qui est impur n’y pas­sera point. Elle sera pour vous une voie droite, en sorte que les ignorants y marcheront sans s’égarer. Il n’y aura point là de lion, et la bête farouche n’y montera point, ni ne s’y ren­contrera. Et ceux qui auront été délivrés y marcheront, et ceux que le Seigneur aura rachetés retourneront et viendront en Sion avec des cantiques de louange ; ils seront couronnés d’une allégresse éternelle ; le ravissement de leur joie ne les quittera point ; la douleur et le gémissement fuiront loin d’eux.

Elle sera donc bien grande, ô Jésus ! la joie de votre venue, si elle doit briller sur notre front à jamais comme une couronne ! Mais comment n’en serait-il pas ainsi ? Le désert même, à votre appro­che, fleurit comme un lis, et des eaux vives jaillissent du sein de la terre la plus altérée. Ô Sauveur ! venez vite nous donner de cette eau dont votre cœur est la source, et que la Samaritaine, qui est notre image à nous pécheurs, vous demandait avec tant d’instances. Cette eau est votre grâce ; qu’elle arrose notre aridité, et nous fleurirons aussi ; qu’elle désaltère notre soif, et nous cour­rons la voie de vos préceptes et de vos exemples, ô Jésus ! avec fidélité, sur vos pas. Vous êtes notre voie, notre sentier vers Dieu ; et Dieu, c’est vous-même : vous êtes donc aussi le terme de notre route. Nous avions perdu la voie, nous nous étions égarés comme des brebis errantes : que votre amour est grand de venir ainsi après nous ! Pour nous apprendre le chemin du ciel, vous ne dédaignez pas d’en descendre, et vous voulez faire avec nous la route qui y conduit. Non, désormais nos bras ne sont plus abat­tus ; nos genoux ne tremblent plus ; nous savons que c’est dans l’amour que vous venez. Une seule chose nous attriste : c’est de voir que notre préparation n’est pas parfaite. Nous avons encore des liens à rompre ; aidez-nous, ô Sauveur des hommes ! Nous voulons écouter la voix de votre précurseur, et redresser tout ce qui offenserait vos pas sur le chemin de notre cœur, ô divin En­fant ! Que nous soyons baptisés dans le baptême d’eau de la pénitence ; vous viendrez ensuite nous baptiser dans le Saint-Esprit et dans l’amour.

À la messe

Le prophète a excité notre soif en nous parlant de la limpidité et de la fraîcheur des sources qui jaillissent à l’arrivée du Messie ; demandons, avec la sainte Église, la rosée qui rafraîchira notre cœur, la pluie qui le rendra fécond.

Introït

Cieux, répandez la rosée, et que les nuées fassent pleuvoir le Juste : que la terre s’ouvre, et qu’elle germe le Sauveur. Ps. Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie l’ouvrage de ses mains. Gloire au Père. Cieux.

Dans la collecte, l’Église fait instance pour être délivrée au plus tôt ; elle craint que ses péchés ne soient la cause du retard que l’Époux met à venir ; elle se recommande à sa miséricorde pour franchir cet obstacle.

Collecte

Faites paraître, Seigneur, votre puissance, et venez ; secou­rez-nous par votre grande force, afin que par le secours de votre grâce, votre indulgence miséricordieuse daigne accélé­rer le remède dont nos péchés nous rendent indignes ; Vous qui vivez et régnez dans les siècles des siècles. Amen.

Épître
Lecture de l’Épître de saint Paul, Apôtre, aux Corinthiens. Chap. 4

Mes Frères, que l’homme nous considère comme les minis­tres de Jésus-Christ, et comme les dispensateurs des Mystè­res de Dieu. Or, ce qui est à désirer dans les dispensateurs est qu’ils soient trouvés fidèles. Pour moi, je me mets fort peu en peine d’être jugé par vous, ou par quelque homme que ce soit : et je ne me juge pas moi-même. Car, encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela ; mais celui qui me juge, c’est le Seigneur. C’est pourquoi ne jugez point avant le temps, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, qui produira à la lumière ce qui est caché dans les té­nèbres, et découvrira les pensées des cœurs : alors chacun re­cevra de Dieu la louange qui lui sera due.

L’Église remet sous les yeux des peuples, dans cette épître, la dignité du sacerdoce chrétien, à l’occasion de l’ordination qu’on a célébrée la veille, et rappelle en même temps aux ministres sacrés l’obligation qu’ils ont contractée de se montrer fidèles dans la charge qui leur a été imposée. Au reste, il n’appartient pas aux brebis de juger le pasteur : tous, prêtres et peuple, doivent vivre dans l’attente du jour de l’avènement du Sauveur, de ce dernier avènement dont la terreur sera aussi grande qu’est attrayante la douceur du premier, et du second auquel nous préparons nos âmes. Après avoir fait retentir dans l’assemblée ces paroles sévè­res, la sainte Église reprend le cours de ses espérances, et célèbre encore l’arrivée prochaine de l’Époux.

Graduel

Le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent en vérité. V/. Ma bouche annoncera la louange du Seigneur ; que toute chair bénisse son saint Nom. Alleluia, alleluia. V/. Venez, Seigneur, et ne tardez plus : pardonnez les crimes d’Israël votre peuple. Alleluia.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Luc. Chap. 3

L’an quinzième de l’empire de Tibère César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée ; Hérode, tétrarque de la Gali­lée ; Philippe son frère, de l’Iturée et de la province de Traco­nite ; et Lysanias, d’Abilène ; Anne et Caïphe étant grands-prêtres ; Dieu fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Et il vint dans tout le pays qui est aux environs du Jourdain, prêchant le baptême de pénitence pour la ré­mission des péchés ; ainsi qu’il est écrit au livre des paroles du prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Pré­parez la voie du Seigneur ; rendez droits ses sentiers. Toute vallée sera remplie, et toute montagne et toute colline sera abaissée ; les chemins tortueux deviendront droits, les rabo­teux seront aplanis. Et toute chair verra le Sauveur envoyé de Dieu.

Vous êtes proche, Seigneur, car l’héritage de votre peuple a passé aux mains des Gentils, et la terre que vous aviez promise à Abra­ham n’est plus aujourd’hui qu’une province de ce vaste em­pire qui doit précéder le vôtre. Les oracles des prophètes s’exécutent de jour en jour ; la prédiction de Jacob lui-même est accomplie : Le sceptre est ôté de Juda. Tout se prépare pour votre arrivée, ô Jésus ! C’est ainsi que vous renouvelez la face de la terre : daignez aussi renouveler mon cœur, et soutenir son cou­rage, dans ces dernières heures qui précèdent votre venue. Il sent le besoin de se retirer au désert, d’implorer le baptême de la pénitence, de redresser ses voies : faites tout cela en lui, divin Sauveur, afin qu’au jour où vous allez descendre sa joie soit pleine et parfaite.

Pendant l’oblation, l’Église salue la glorieuse Vierge dont les flancs recèlent encore le salut du monde. Ô Marie ! donnez-nous bientôt celui qui vous remplit de sa présence et de sa grâce. Le Seigneur est avec vous, ô Marie incomparable ; mais l’heure ap­proche où il sera aussi avec nous ; car son nom est Emmanuel.

Offertoire

Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes, et béni est le fruit de vos entrailles.

Secrète

Daignez, Seigneur, recevoir favorablement ces offrandes, afin qu’elles servent à témoigner notre religion et à nous obtenir le salut. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

Pendant la communion, l’Église, toute pleine du Dieu qui vient de descendre en elle, emprunte les paroles d’Isaïe pour célébrer la Vierge mère, et ce chant lui convient aussi, à elle qui vient d’être mystérieusement visitée par le même Fils de Dieu dont le sein de Marie est le tabernacle.

Communion

Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, dont le nom sera Emmanuel.

Postcommunion

Après avoir reçu les dons sacrés, nous vous supplions, Sei­gneur, de faire naître en nous, par la fréquentation de ce mystère, l’effet de notre rédemption. Par notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.

À vêpres

(Si la vigile de Noël se trouvait coïncider avec le quatrième dimanche de l’avent, on chanterait les premières vêpres de Noël, en place de celles qui suivent.)

  1. Ant. Sonnez de la trompette dans Sion ; car le jour du Sei­gneur est proche : voici qu’il vient nous sauver. Alleluia, alleluia.
  2. Ant. Voici qu’il va venir, le désiré de toutes les nations, et la maison du Seigneur sera remplie de gloire. Alleluia.
  3. Ant. Les chemins tortueux seront redressés, et les chemins raboteux seront aplanis : venez, Seigneur, et ne tardez pas. Alleluia.
  4. Ant. Le Seigneur va venir ; allez à sa rencontre, et dites : Grande est sa puissance, et son règne n’aura pas de fin ; il est le Dieu, le fort, le dominateur, le prince de la paix. Alleluia, alleluia.
  5. Ant. Seigneur, votre toute-puissante parole va descendre de ses royales demeures. Alleluia.

Capitule

Mes Frères, que l’homme nous considère comme les minis­tres de Jésus-Christ, et comme les dispensateurs des mystè­res de Dieu. Or, ce qui est à désirer dans les dispensateurs, c’est qu’ils soient trouvés fidèles.

L’hymne Creator alme siderum, et le Cantique Magnificat.

On chante, à Magnificat, celle des grandes antiennes qui est marquée pour le jour du mois de décembre auquel tombe le quatrième dimanche.

Prions

Faites paraître, Seigneur, votre pouvoir, et venez ; secourez-nous par votre vertu toute-puissante, afin que, par le secours de votre grâce, votre indulgence miséricordieuse daigne ac­célérer le remède dont nos péchés nous rendent indignes ; Vous qui vivez et régnez dans les siècles des siècles.

[1]     Le quatrième dimanche de l’avent est appelé Rorate à cause de l’introït ; mais plus souvent on le nomme Canite tuba, qui sont les premiers mots du premier répons de matines, et de la première antienne de laudes et de vêpres.