Les grandes féries de l’avent
du 17 au 23 décembre

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
Les grandes féries de l’avent

17 décembre Commencement des grandes antiennes
18 décembre
18 décembre L’expectation de l’enfantement de la Sainte Vierge
19 décembre
20 décembre
21 décembre Saint Thomas, apôtre
21 décembre
22 décembre
23 décembre

 

17 décembre
Commencement des grandes antiennes

L’Église ouvre aujourd’hui la série septénaire des jours qui pré­cèdent la vigile de Noël, et qui sont célèbres dans la liturgie sous le nom de Féries majeures. L’office ordinaire de l’avent prend plus de solennité ; les antiennes des psaumes, à laudes et aux heures du jour, sont propres au temps et ont un rapport direct avec le grand avènement. Tous les jours, à vêpres, on chante une antienne solennelle qui est un cri vers le Messie, et dans laquelle on lui donne chaque jour quelqu’un des titres qui lui sont attri­bués dans l’Écriture.

Le nombre de ces antiennes, qu’on appelle vulgairement les Ô de l’avent, parce qu’elles commencent toutes par cette exclama­tion, est de sept dans l’Église romaine, une pour chacune des sept féries majeures, et elles s’adressent toutes à Jésus-Christ. D’autres Églises, au moyen âge, en ajoutèrent deux autres : une à la Sainte Vierge, Ô Virgo Virginum ! et une à l’Ange Gabriel, Ô Gabriel ! ou encore à saint Thomas, dont la fête tombe dans le cours des fériés majeures. Cette dernière commence ainsi : Ô Thomas Didyme [1] !

Il y eut même des Églises qui portèrent jusqu’à douze le nombre des grandes antiennes, en ajoutant aux neuf dont nous venons de parler, trois autres, savoir : une au Christ, Ô Rex pacifice ! une seconde à la Sainte Vierge, Ô mundi Domina ! et enfin une der­nière en manière d’apostrophe à Jérusalem, Ô Hierusalem !

L’instant choisi pour faire entendre ce sublime appel à la charité du Fils de Dieu, est l’heure des vêpres, parce que c’est sur le soir du monde, vergente mundi vespere, que le Messie est venu. On les chante à Magnificat, pour marquer que le Sauveur que nous attendons nous viendra par Marie. On les chante deux fois, avant et après le cantique, comme dans les fêtes doubles, en signe de plus grande solennité ; et même l’usage antique de plusieurs Égli­ses était de les chanter trois fois, savoir : avant le cantique lui-même, avant Gloria Patri, et après Sicut erat. Enfin, ces admira­bles antiennes, qui contiennent toute la moelle de la liturgie de l’avent, sont ornées d’un chant plein de gravité et de mélodie ; et les diverses Églises ont retenu l’usage de les accompagner d’une pompe toute particulière, dont les démonstrations toujours ex­pressives varient suivant les lieux. Entrons dans l’esprit de l’Église et recueillons-nous, afin de nous unir, dans toute la plénitude de notre cœur, à la sainte Église, lorsqu’elle fait entendre à son Époux ces dernières et tendres invitations, auxquelles il se rend enfin.

Première antienne

Ô Sagesse, qui êtes sortie de la bouche du Très-Haut, qui atteignez d’une extrémité à l’autre, et disposez toutes choses avec force et douceur : venez nous apprendre les voies de la prudence.

Ô Sagesse incréée qui bientôt allez vous rendre visible au monde, qu’il apparaît bien en ce moment que vous disposez tou­tes choses ! Voici que, par votre divine permission, vient d’émaner un édit de l’empereur Auguste pour opérer le dénombrement de l’univers. Chacun des citoyens de l’Empire doit se faire enregistrer dans sa ville d’origine. Le prince croit dans son orgueil avoir ébranlé à son profit l’espèce humaine tout entière. Les hommes s’agitent par millions sur le globe, et traversent en tous sens l’immense monde romain ; ils pensent obéir à un homme, et c’est à Dieu qu’ils obéissent. Toute cette grande agitation n’a qu’un but : c’est d’amener à Bethlehem un homme et une femme qui ont leur humble demeure dans Nazareth de Galilée ; afin que cette femme inconnue des hommes et chérie du ciel, étant arrivée au terme du neuvième mois depuis la conception de son fils, enfante à Bethlehem ce fils dont le Prophète a dit : « Sa sortie est dès les jours de l’éternité ; ô Bethlehem ! tu n’es pas la moindre entre les mille cités de Jacob ; car il sortira aussi de toi. » Ô Sagesse divine ! que vous êtes forte, pour arriver ainsi à vos fins d’une manière invincible quoique cachée aux hommes ! que vous êtes douce, pour ne faire néanmoins aucune violence à leur liberté ! mais aussi, que vous êtes paternelle dans votre prévoyance pour nos besoins ! Vous choisissez Bethlehem pour y naître, parce que Bethlehem signifie la Maison du Pain. Vous nous montrez par là que vous voulez être notre Pain, notre nourriture, notre aliment de vie. Nourris d’un Dieu, nous ne mourrons plus désormais. Ô Sagesse du Père, Pain vivant descendu du ciel, venez bientôt en nous, afin que nous approchions de vous, et que nous soyons il­luminés de votre éclat ; et donnez-nous cette prudence qui conduit au salut.

Prière pour le temps de l’avent
(Bréviaire Mozarabe, 4e dimanche de l’avent, oraison)

Ô Christ, Fils de Dieu, né d’une Vierge en ce monde, vous qui ébranlez les royaumes par la terreur de votre nativité, et contraignez les rois à l’admiration : donnez-nous votre crainte qui est le commencement de la sagesse ; afin que nous y puissions fructifier et vous présenter en hommage un fruit de paix. Vous qui, pour appeler les nations, êtes arrivé avec la rapidité d’un fleuve, venant naître sur la terre pour la conver­sion des pécheurs, montrez-nous le don de votre grâce, afin que toute frayeur étant bannie, nous vous suivions toujours dans le chaste amour d’une intime charité. Amen.

18 décembre

2e antienne

Ô Adonaï, Seigneur, chef de la maison d’Israël, qui avez apparu à Moïse, dans la flamme du buisson ardent, et lui avez donné la loi sur le Sinaï ; venez nous racheter dans la force de votre bras.

Ô Seigneur suprême ! Adonaï ! venez nous racheter, non plus dans votre puissance, mais dans votre humilité. Autrefois vous vous manifestâtes à Moïse, votre serviteur, au milieu d’une flamme divine ; vous donnâtes la loi à votre peuple du sein des foudres et des éclairs : maintenant il ne s’agit plus d’effrayer, mais de sauver. C’est pourquoi votre très pure Mère Marie ayant connu, ainsi que son époux Joseph, l’Édit de l’Empereur qui va les obliger d’entreprendre le voyage de Bethlehem, s’occupe des pré­paratifs de votre heureuse naissance. Elle apprête pour vous, divin Soleil, les humbles langes qui couvriront votre nudité, et vous garantiront de la froidure dans ce monde que vous avez fait, à l’heure où vous paraîtrez, au sein de la nuit et du silence. C’est ainsi que vous nous délivrerez de la servitude de notre orgueil, et que votre bras se fera sentir plus puissant, alors qu’il semblera plus faible et plus immobile aux yeux des hommes. Tout est prêt, ô Jésus ! vos langes vous attendent : partez donc bientôt et venez en Bethlehem, nous racheter des mains de notre ennemi.

18 décembre
L’expectation de l’enfantement de la Sainte Vierge

Cette fête, qui se célèbre aujourd’hui, non seulement dans toute l’Espagne, mais dans presque toutes les Églises du monde catho­lique, doit son origine aux Évêques du dixième Concile de Tolède, en 656. Ces Prélats ayant trouvé quelque inconvénient à l’antique usage de célébrer la fête de l’Annonciation de la Sainte Vierge au vingt-cinq mars, attendu que cette solennité joyeuse se rencontre assez souvent au temps où l’Église est préoccupée des douleurs de la Passion, et qu’il est même nécessaire quelquefois de la transfé­rer dans le Temps Pascal, où elle semble présenter une contradic­tion d’un autre genre, ils décrétèrent que désormais on célébrerait dans l’Église d’Espagne, huit jours avant Noël, une fête solennelle avec octave, en mémoire de l’Annonciation, et pour servir de pré­paration à la grande solennité de la Nativité. Dans la suite, l’Église d’Espagne sentit le besoin de revenir à la pratique de l’Église romaine, et de toutes celles du monde entier, qui solennisent le vingt-cinq mars comme le jour à jamais sacré de l’Annonciation de la Sainte Vierge et de l’Incarnation du Fils de Dieu ; mais telle avait été durant plusieurs siècles la dévotion des peuples pour la fête du dix-huit Décembre, qu’on jugea nécessaire d’en retenir un vestige. On cessa donc de célébrer en ce jour l’Annonciation de Marie ; mais on appliqua la piété des fidèles à considérer cette divine Mère dans les jours qui précèdent immédiatement son merveilleux enfantement. Une nouvelle fête fut donc créée sous le titre de l’Expectation de l’Enfantement de la Sainte Vierge.

Cette fête, qui est appelée Notre-Dame de l’Ô, ou la Fête de l’Ô, à cause des grandes antiennes qu’on chante en ces jours, et surtout de celle qui commence Ô Virgo Virginum ! (qu’on a retenue à vêpres dans l’office de l’Expectation, sans toutefois omettre celle du jour, Ô Adonaï !) est toujours célébrée en Espagne avec une grande dévotion. Pendant les huit jours qu’elle dure, on célèbre une messe solennelle de grand matin, à laquelle toutes les fem­mes enceintes, de quelque rang qu’elles soient, se font un devoir d’assister, afin d’honorer Marie dans sa divine grossesse, et de solliciter pour elles-mêmes son secours. Il n’est pas étonnant qu’une dévotion si touchante se soit répandue, avec l’approbation du Siège Apostolique, dans la plupart des autres Provinces de la catholicité ; mais antérieurement aux concessions qui ont été faites sur cette matière, l’Église de Milan célébrait déjà, au sixième et dernier dimanche de l’avent, l’office de l’Annonciation de la Sainte Vierge, et donnait à la dernière semaine de ce saint temps le nom de Hebdomada de Exceptato, par corruption de Expectato. Mais ces détails appartiennent à l’archéologie liturgi­que proprement dite, et sortiraient du genre de cet ouvrage ; nous revenons donc à la fête de l’Expectation de la Sainte Vierge, que l’Église a établie et sanctionnée, comme un moyen de plus de raviver l’attention des fidèles dans ces derniers jours de l’avent.

Il est bien juste, en effet, ô Vierge-Mère, que nous nous unis­sions à l’ardent désir que vous avez de voir de vos yeux Celui que votre chaste sein renferme depuis près de neuf mois, de connaître les traits de ce Fils du Père céleste, qui est aussi le vôtre, de voir enfin s’opérer l’heureuse Naissance qui va donner gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté. Ô Marie ! les heures sont comptées, et elles s’écoulent vite, quoique trop lentement encore pour vos désirs et les nôtres. Rendez nos cœurs plus attentifs ; achevez de les purifier par vos maternels suffrages, afin que si rien ne peut arrêter, à l’instant solennel, la course de l’Emmanuel sortant de votre sein virginal, rien aussi ne retarde son entrée dans nos cœurs, préparés par une fidèle attente.

Grande antienne à la Sainte Vierge

Ô Vierge des vierges ! comment cela se pourra-t-il faire ? Nulle autre n’a jamais été, ni ne pourra jamais être semblable à vous. — Pourquoi vous étonnez-vous de moi, filles de Jéru­salem ? Ce que vous voyez est un mystère divin.

19 décembre

3e antienne

Ô rejeton de Jessé, qui êtes comme un étendard pour les peuples ; devant qui les rois se tiendront dans le silence ; à qui les nations offriront leurs prières : venez nous délivrer ; ne tardez plus.

Vous voici donc en marche, ô Fils de Jessé, vers la ville de vos aïeux. L’Arche du Seigneur s’est levée et s’avance, avec le Seigneur qui est en elle, vers le lieu de son repos. « Qu’ils sont beaux vos pas, ô Fille du Rot, dans l’éclat de votre chaussure » [2], lorsque vous venez apporter leur salut aux villes de Juda ! Les anges vous escortent, votre fidèle Époux vous environne de toute sa ten­dresse, le ciel se complaît en vous, et la terre tressaille sous l’heureux poids de son Créateur et de son auguste Reine. Avancez, ô Mère de Dieu et des hommes, Propitiatoire tout-puissant où est contenue la divine manne qui garde l’homme de la mort ! Nos cœurs vous suivent, vous accompagnent, et, comme votre Royal ancêtre, nous jurons « de ne point entrer dans notre maison, de ne point monter sur notre couche, de ne point clore nos paupiè­res, de ne point donner le repos à nos tempes, jusqu’à ce que nous ayons trouvé dans nos cœurs une demeure pour le Seigneur que vous portez, une tente pour le Dieu de Jacob. » Venez donc, ainsi voilé sous les flancs très purs de l’Arche sacrée, ô rejeton de Jessé, jusqu’à ce que vous en sortiez pour briller aux yeux des peuples, comme un étendard de victoire. Alors les rois vaincus se tairont devant vous, et les nations vous adresseront leurs vœux. Hâtez-vous, ô Messie ! venez vaincre tous nos ennemis, et délivrez-nous.

Répons de l’avent

(Bréviaire ambrosien, 6e dimanche de l’avent)

R/. Heureux le sein de la Vierge Marie qui porta le Dieu invi­sible ! Celui que sept trônes ne peuvent contenir a daigné ha­biter en elle ; * Et elle le portait comme un léger fardeau dans son sein. V/. Le Seigneur lui a donné le trône de David son père ; il régnera dans la maison de Jacob à jamais ; son règne n’aura pas de fin. * Et Marie le portait comme un léger fardeau dans son sein.

20 décembre

4e antienne

Ô clef de David, ô sceptre de la maison d’Israël ! qui ouvrez, et nul ne peut fermer ; qui fermez, et nul ne peut ouvrir : venez et tirez de la prison le captif qui est assis dans les ténè­bres et dans l’ombre de la mort.

Ô Fils de David, héritier de son trône et de sa puissance, vous parcourez, dans votre marche triomphale, une terre soumise autrefois à votre aïeul, aujourd’hui asservie par les Gentils. Vous reconnaissez de toutes parts, sur la route, tant de lieux témoins des merveilles de la justice et de la miséricorde de Jéhovah votre Père envers son peuple, au temps de cette ancienne alliance qui tire à sa fin. Bientôt, le nuage virginal qui vous couvre étant ôté, vous entreprendrez de nouveaux voyages sur cette même terre ; vous y passerez en faisant le bien, et guérissant toute langueur et toute infirmité, et cependant n’ayant pas où reposer votre tête. Du moins, aujourd’hui, le sein maternel vous offre encore un asile doux et tranquille, où vous ne recevez que les témoignages de l’amour le plus tendre et le plus respectueux. Mais, ô Seigneur ! il vous faut sortir de cette heureuse retraite ; il vous faut, lumière éternelle, luire au milieu des ténèbres ; car le captif que vous êtes venu délivrer languit dans sa prison. Il s’est assis dans l’ombre de la mort, et il y va périr, si vous ne venez promptement en ouvrir les portes avec votre clef toute-puissante ! Ce captif, ô Jésus, c’est le genre humain, esclave de ses erreurs et de ses vices : venez briser le joug qui l’accable et le dégrade ; ce captif, c’est notre cœur trop souvent asservi à des penchants qu’il désavoue : venez, ô divin libérateur, affranchir tout ce que vous avez daigné faire libre par votre grâce, et relever en nous la dignité de vos frères.

Antienne à l’ange Gabriel

Ô Gabriel ! messager des cieux, qui es entré près de moi les portes fermées, et m’as dit cette parole : Vous concevrez et enfanterez ; on l’appellera Emmanuel !


21 décembre

En l’office des laudes, la voix de l’Église fait retentir aujourd’hui cet avis solennel :

Ne craignez point :
notre Seigneur viendra à vous dans cinq jours.

Saint Thomas, apôtre

Voici la dernière fête que va célébrer l’Église avant celle de la nativité de son Seigneur et Époux. Elle interrompt les Féries majeures pour honorer Thomas, apôtre du Christ, et dont le glorieux martyre, consacrant à jamais ce jour, procura au peuple chrétien un puissant introducteur auprès du divin Messie. Il ap­partenait à ce grand apôtre de paraître sur le cycle dans les jours où nous sommes, afin que sa protection aidât les fidèles à croire et à espérer en ce Dieu qu’ils ne voient pas encore, et qui vient à eux sans bruit et sans éclat, afin d’exercer leur foi. Saint Thomas douta un jour, et ne comprit le besoin de la foi qu’après avoir passé par les ombres de l’incrédulité : il est juste qu’il vienne maintenant en aide aux enfants de l’Église, et qu’il les fortifie contre les tentations qui pourraient leur survenir de la part d’une raison orgueilleuse. Adressons-nous donc à lui avec confiance ; et du sein de la lumière où son repentir et son amour l’ont placé, il demandera pour nous la docilité d’esprit et de cœur qui nous est nécessaire pour voir et pour reconnaître Celui qui fait l’attente des nations, et qui, destiné à régner sur elles, n’annoncera son arrivée que par les faibles vagissements d’un enfant, et non par la voix tonnante d’un maître. Mais lisons d’abord le récit des Actes de notre saint Apôtre. L’Église a jugé à propos de nous le présenter sous la forme la plus abrégée, dans la crainte de mêler quelques détails fabuleux aux faits incontestables que les sources authenti­ques nous fournissent.

Thomas Apôtre, appelé aussi Didyme, était de Galilée. Après avoir reçu le Saint-Esprit, il alla prêcher l’Évangile en beau­coup de provinces. Il enseigna les préceptes de la foi et de la vie chrétienne aux Parthes, aux Mèdes, aux Perses, aux Hircaniens et aux Bactriens. Il se dirigea en dernier lieu vers les Indes, dont il instruisit les peuples dans la religion chré­tienne. En ce pays, il se fit admirer de tout le monde par la sainteté de sa vie et de sa doctrine et par l’éclat de ses mira­cles, et il alluma grandement l’amour de Jésus-Christ dans les cœurs. Le roi de la contrée s’enflamma de colère ; car il était zélé pour l’idolâtrie ; et le saint apôtre ayant été condamné à mort par ses ordres, fut percé de traits, à Cala­mine, et rehaussa l’honneur de son apostolat par la couronne du martyre.

Grande antienne de saint Thomas

Ô Thomas Didyme ! vous qui avez mérité de voir le Christ, nous faisons monter vers vous nos prières à haute voix ; secourez-nous dans notre misère ; afin que nous ne soyons pas condamnés avec les impies, en l’avènement du Juge.

Prions

Accordez-nous, Seigneur, nous vous en prions, de célébrer avec joie la solennité de votre bienheureux apôtre Thomas ; afin que nous soyons toujours assistés de sa protection, et que nous suivions avec le zèle convenable la foi qu’il a profes­sée. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

L’oraison qui suit est tirée du bréviaire gothique ou mozarabe, à l’office des matines.

Seigneur Jésus-Christ, qui avez placé sur la tête de votre martyr Thomas l’apôtre une couronne formée de cette pierre précieuse qui est le fondement solide, afin qu’ayant cru en vous il ne fût pas condamné, et qu’ayant donné pour vous sa vie, il fût honoré du diadème : établissez par son intercession, en nous vos serviteurs, une foi véritable par laquelle nous croyions en vous, une confession pleine de zèle, par laquelle nous vous rendions témoignage, avec un dévouement em­pressé, devant les persécuteurs, afin que, par le secours d’un si grand martyr, nous ne soyons pas confondus en présence de vous et de vos anges. Amen.

L’Église grecque traite avec sa solennité ordinaire la fête de saint Thomas ; mais c’est au six octobre qu’elle la célèbre. Nous allons extraire quelques strophes des chants qu’elle lui a consacrés.

Hymne de saint Thomas
(Tirée des Menées des Grecs)

Quand ta main toucha le côté du Seigneur, tu trouvas le com­ble de tous les biens ; car ainsi qu’une éponge mystique, tu en exprimas de célestes liqueurs, tu y puisas la vie éternelle, bannissant toute ignorance dans les âmes, et faisant couler comme de source les dogmes divins de la connaissance de Dieu.

Par ton incrédulité et par ta foi tu as rendu stables ceux qui étaient dans la tentation, en proclamant le Dieu et Seigneur de toute créature, incarné pour nous sur cette terre, crucifié, soumis à la mort, percé de clous, et dont le côté fut ouvert par une lance, afin que nous y puisions la vie.

Tu as fais resplendir la terre des Indiens d’un vif éclat, ô très saint apôtre, contemplateur de la divinité ! Après avoir illu­miné ces peuples et les avoir rendus enfants de la lumière et du jour, tu renversas les temples de leurs idoles par la vertu de l’Esprit-Saint, et tu les fis s’élever, ô très prudent, jusqu’à la charité de Dieu, pour la louange et la gloire de l’Église, ô bienheureux intercesseur de nos âmes !

Ô contemplateur des choses divines, tu fus la coupe mystique de la Sagesse du Christ ! ô Thomas apôtre, en qui se réjouis­sent les âmes des fidèles ! tu retiras les peuples de l’abîme de l’ignorance avec les filets du divin Esprit : c’est pourquoi, tu as coulé, semblable à un fleuve de charité, répandant sur toute créature comme une source d’eau vive les enseigne­ments divins. Percé aussi de la lance en ton propre côté, tu as imité la Passion du Christ, et tu as revêtu l’immortalité : supplie-le d’avoir pitié de nos âmes.

Glorieux apôtre Thomas, vous qui avez amené au Christ un si grand nombre de nations infidèles, c’est à vous maintenant que s’adressent les âmes fidèles, pour que vous les introduisiez auprès de ce même Christ qui, dans cinq jours, se sera déjà manifesté à son Église. Pour mériter de paraître en sa divine présence, nous avons besoin, avant toutes choses, d’une lumière qui nous conduise jusqu’à lui. Cette lumière est la foi : demandez pour nous la foi. Un jour, le Seigneur daigna condescendre à votre faiblesse, et vous rassurer dans le doute que vous éprouviez sur la vérité de sa résurrection ; priez, afin qu’il daigne aussi soutenir notre faiblesse, et se faire sentir à notre cœur. Toutefois, ô saint apôtre, ce n’est pas une claire vision que nous demandons, mais la foi simple et docile ; car Celui qui vient aussi pour nous vous a dit en se montrant à vous : Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui cependant ont cru ! Nous voulons être du nombre de ceux-là. Obtenez-nous donc cette foi qui est du cœur et de la volonté, afin qu’en présence du divin Enfant enveloppé de langes et couché dans la crèche, nous puissions nous écrier aussi : Mon Seigneur et mon Dieu ! Priez, ô saint apôtre, pour ces nations que vous avez évangélisées, et qui sont retombées dans les ombres de la mort. Que le jour vienne bientôt où le soleil de justice luira une seconde fois pour elles. Bénissez les efforts des hommes apostoliques qui consacrent leurs sueurs et leur sang à l’œuvre des missions ; obtenez que les jours de ténèbres soient abrégés, et que les régions arrosées de votre sang voient enfin commencer le règne du Dieu que vous leur avez annoncé et que nous attendons.

21 décembre

5e antienne

Ô Orient ! splendeur de la lumière éternelle ! Soleil de jus­tice ! venez, et illuminez ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort.

Divin soleil, ô Jésus ! vous venez nous arracher à la nuit éter­nelle : soyez à jamais béni ! Mais combien vous exercez notre foi, avant de luire à nos yeux dans toute votre splendeur ! Combien vous aimez à voiler vos rayons, jusqu’à l’instant marqué par votre Père céleste, où vous devez épanouir tous vos feux ! Voici que vous traversez la Judée ; vous approchez de Jérusalem ; le voyage de Marie et de Joseph tire à son terme. Sur le chemin, vous ren­contrez une multitude d’hommes qui marchent en toutes les di­rections, et qui se rendent chacun dans sa ville d’origine, pour satisfaire à l’édit du dénombrement. De tous ces hommes, aucun ne vous a soupçonné si près de lui, ô divin Orient ! Marie, votre Mère, est estimée par eux une femme vulgaire ; tout au plus, s’ils remarquent la majesté et l’incomparable modestie de cette au­guste Reine, sentiront-ils vaguement le contraste frappant entre une si souveraine dignité et une condition si humble ; encore ont-ils bientôt oublié cette heureuse rencontre. S’ils voient avec tant d’indifférence la mère, le fils non encore enfanté à la lumière visi­ble, lui donneront-ils une pensée ? Et cependant ce fils, c’est vous-même, ô soleil de justice ! Augmentez en nous la foi, mais accroissez aussi l’amour. Si ces hommes vous aimaient, ô libéra­teur du genre humain, vous vous feriez sentir à eux ; leurs yeux ne vous verraient pas encore, mais du moins leur cœur serait ardent dans leur poitrine, ils vous désireraient, et ils hâteraient votre arrivée par leurs vœux et leurs soupirs. Ô Jésus qui traversez ainsi ce monde que vous avez fait, et qui ne forcez point l’hommage de vos créatures, nous voulons vous accompagner dans le reste de votre voyage ; nous baisons sur la terre les traces bénies des pas de celle qui vous porte en son sein ; nous ne voulons point vous quitter jusqu’à ce que nous soyons arrivés avec vous à l’heureuse Bethlehem, à cette Maison du Pain, où enfin nos yeux vous ver­ront, ô Splendeur éternelle, notre Seigneur et notre Dieu !

Prière pour le temps de l’avent
(Bréviaire mozarabe, au lundi de la 5e semaine de l’avent, oraison)

Ô Dieu notre Père ! quel crime énorme vois-je commettre sous vos yeux par les Juifs réprouvés ! ils méprisent votre Fils annoncé dans la loi, et ils demeurent dans le gouffre de leur incrédulité ; tandis que ceux auxquels il n’avait pas été annoncé l’ont vu, et que ceux qui n’en ont point entendu parler l’ont contemplé dans leur intelligence. Arrachez donc de nous, nous vous en supplions, tout ce qui vous résiste dans nos œuvres afin que les dons que vous avez implantés dans notre cœur docile prennent un accroissement fécond, et que la racine de l’humilité ne s’y dessèche jamais. Amen.

22 décembre

6e antienne

Ô Roi des nations, objet de leurs désirs ! Pierre angulaire qui réunissez en vous les deux peuples ! venez et sauvez l’homme que vous avez formé du limon.

Ô Roi des nations ! vous approchez toujours plus de cette Bethlehem où vous devez naître. Le voyage tire à son terme, et votre auguste Mère, qu’un si doux fardeau console et fortifie, va sans cesse conversant avec vous par le chemin. Elle adore votre divine majesté, elle remercie votre miséricorde ; elle se réjouit d’avoir été choisie pour le sublime ministère de servir de Mère à un Dieu. Elle désire et elle appréhende tout à la fois le moment où enfin ses yeux vous contempleront. Comment pourra-t-elle vous rendre les services dignes de votre souveraine grandeur, elle qui s’estime la dernière des créatures ? Comment osera-t-elle vous élever dans ses bras, vous presser contre son cœur, vous allaiter à son sein mortel ? Et pourtant, quand elle vient à songer que l’heure approche où, sans cesser d’être son fils, vous sortirez d’elle et réclamerez tous les soins de sa tendresse, son cœur défaille et l’amour maternel se confondant avec l’amour qu’elle a pour son Dieu, elle est au moment d’expirer dans cette lutte trop inégale de la faible nature humaine contre les plus fortes et les plus puis­santes de toutes les affections réunies dans un même cœur. Mais vous la soutenez, ô désiré des nations ! car vous voulez qu’elle arrive à ce terme bienheureux qui doit donner à la terre son Sau­veur, et aux hommes la pierre angulaire qui les réunira dans une seule famille. Soyez béni dans les merveilles de votre puissance et de votre bonté, ô divin Roi ! et venez bientôt nous sauver, vous souvenant que l’homme vous est cher, puisque vous l’avez pétri de vos mains. Oh ! venez, car votre œuvre est dégénérée ; elle est tombée dans la perdition ; la mort l’a envahie : reprenez-la dans vos mains puissantes, refaites-la ; sauvez-la ; car vous l’aimez toujours, et vous ne rougissez pas de votre ouvrage.

Grande antienne en l’honneur du Christ

Ô Roi Pacifique ! vous qui êtes né avant les siècles, hâtez-vous de sortir par la porte d’or : visitez ceux que vous devez racheter, et faites-les remonter au lieu d’où le péché les a pré­cipités.

23 décembre

Aujourd’hui, en l’office des laudes, l’Église chante cette an­tienne :

Voici que sont accomplies toutes les choses
que l’ange avait dites, au sujet de la Vierge Marie.

7e antienne

Ô Emmanuel ! notre roi et notre législateur ! l’attente des nations et leur sauveur ! venez nous sauver, Seigneur notre Dieu !

Ô Emmanuel ! Roi de paix ! vous entrez aujourd’hui dans Jéru­salem, la ville de votre choix ; car c’est là que vous avez votre temple. Bientôt vous y aurez votre croix et votre sépulcre ; et le jour viendra où vous établirez auprès d’elle votre redoutable tri­bunal. Maintenant, vous pénétrez sans bruit et sans éclat dans cette ville de David et de Salomon. Elle n’est que le lieu de votre passage, pour vous rendre à Bethlehem. Toutefois, Marie votre mère, et Joseph son époux, ne la traversent pas sans monter au temple, pour y rendre au Seigneur leurs vœux et leurs homma­ges : et alors s’accomplit, pour la première fois, l’oracle du pro­phète Aggée qui avait annoncé que la gloire du second temple serait plus grande que celle du premier. Ce temple, en effet, se trouve en ce moment posséder une arche d’alliance bien autre­ment précieuse que celle de Moïse, mais surtout incomparable à tout autre sanctuaire qu’au ciel même, par la dignité de Celui qu’elle contient. C’est le législateur lui-même qui est ici, et non plus simplement la table de pierre sur laquelle la loi est gravée. Mais bientôt l’arche vivante du Seigneur descend les degrés du temple, et se dispose à partir pour Bethlehem, où l’appellent d’autres oracles. Nous adorons, ô Emmanuel ! tous vos pas à tra­vers ce monde, et nous admirons avec quelle fidélité vous obser­vez ce qui a été écrit de vous, afin que rien ne manque aux carac­tères dont vous devez être doué, ô Messie, pour être reconnu par votre peuple. Mais souvenez-vous que l’heure est près de sonner, que toutes choses se préparent pour votre nativité, et venez nous sauver ; venez, afin d’être appelé non plus seulement Emmanuel, mais Jésus, c’est-à-dire Sauveur.

Grande antienne à Jérusalem

Ô Jérusalem ! ville du grand Dieu, lève les yeux autour de toi, et regarde ton Seigneur ; car il va bientôt venir te délivrer de tes liens.

 

[1]           Elle est plus moderne ; mais à partir du 13e siècle elle remplaça presque universellement celle : Ô Gabriel !

[2]           Cant. 7, 1.