1ère semaine de carême

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
1ère semaine de carême

Premier dimanche de carême

Ce dimanche, le premier de ceux qui se rencontrent dans la sainte Qua­rantaine, est aussi l’un des plus solennels de l’année. Son privilège, qu’il partage avec le Dimanche de la Passion et celui des Rameaux, est de ne céder à aucune fête, pas même à celle du Patron, du Saint titulaire de l’Église, ou de la Dédicace. Sur les anciens calendriers, il est appelé Invocabit, à cause du premier mot de l’introït de la messe. Au moyen âge on le nommait le Dimanche des brandons, par suite d’un usage dont le motif ne semble pas avoir été toujours ni partout le même ; en certains lieux, les jeunes gens qui s’étaient trop laissé aller aux dissipations du carnaval devaient se présenter ce jour-là à l’église, une torche à la main, pour faire satisfaction publique de leurs excès.

C’est aujourd’hui que le carême apparaît dans toute sa solennité. On sait que les quatre jours qui précèdent ont été ajoutés assez tardivement, pour former le nombre de quarante jours de jeûne, et que, le mercredi des Cendres, les fidèles n’ont pas l’obligation d’entendre la messe. La sainte Église, voyant ses enfants rassemblés, leur adresse la parole, à l’office des matines, en se servant de l’éloquent et majestueux langage de saint Léon le Grand :

« Très chers fils, leur dit-elle, ayant à vous annoncer le jeûne sacré et solennel du carême, puis-je mieux commencer mon discours qu’en em­pruntant les paroles de l’apôtre en qui Jésus-Christ parlait, et en répé­tant ce qu’on vient de vous lire : Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut ? Car encore qu’il n’y ait point de temps dans l’année qui ne soient signalés par les bienfaits de Dieu, et que, par sa grâce, nous ayons toujours accès auprès de sa miséricorde ; néanmoins nous devons en ce saint temps travailler avec plus de zèle à notre avancement spirituel et nous animer d’une nouvelle confiance. En effet, le carême, nous ramenant le jour sacré dans lequel nous fûmes rachetés, nous invite à pratiquer tous les devoirs de la piété, afin de nous disposer, par la purification de nos corps et de nos âmes, à célébrer les mystères sublimes de la passion du Seigneur.

« Il est vrai qu’un tel mystère mériterait de notre part un respect et une dévotion sans bornes, et que nous devrions toujours être devant Dieu tels que nous voulons être dans la fête de Pâques ; mais comme cette constance n’est pas le fait du grand nombre ; que la faiblesse de la chair nous oblige à relâcher l’austérité du jeûne, et que les diverses occupa­tions de cette vie divisent et partagent nos sollicitudes : il arrive que les cœurs religieux sont sujets à contracter quelque peu de la poussière de ce monde. C’est donc avec une grande utilité pour nous qu’a été établie cette institution divine qui nous donne quarante jours pour recouvrer la pureté de nos âmes, en rachetant par la sainteté de nos œuvres et par le mérite de nos jeûnes les fautes des autres temps de l’année.

« À notre entrée, mes très chers fils, en ces jours mystérieux qui ont été saintement institués pour la purification de nos âmes et de nos corps, ayons soin d’obéir au commandement de l’apôtre, en nous affranchis­sant de tout ce qui peut souiller la chair et l’esprit, afin que le jeûne ré­primant cette lutte qui existe entre les deux parties de nous-mêmes, l’âme recouvre la dignité de son empire, étant elle-même soumise à Dieu et se laissant gouverner par lui. Ne donnons à personne l’occasion de se plaindre de nous ; ne nous exposons point au juste blâme de ceux qui veulent trouver à redire. Car les infidèles auraient sujet de nous condamner, et nous armerions nous-mêmes, par notre faute, leurs lan­gues impies contre la religion, si la pureté de notre vie ne répondait pas à la sainteté du jeûne que nous avons embrassé. Il ne faut donc pas s’imaginer que toute la perfection de notre jeûne consiste dans la seule abstinence des mets ; car ce serait en vain que l’on retrancherait au corps une partie de sa nourriture, si en même temps on n’éloignait pas son âme de l’iniquité. »

Chacun des dimanches de carême offre pour objet principal une lecture des saints évangiles destinée à initier les fidèles aux sentiments que l’Église veut leur inspirer dans la journée. Aujourd’hui, elle nous donne à méditer la tentation de Jésus-Christ au désert. Rien de plus propre à nous éclairer et à nous fortifier que l’important récit qui nous est mis sous les yeux.

Nous confessons que nous sommes pécheurs, nous sommes en voie d’expier les péchés que nous avons commis ; mais comment sommes nous tombés dans le mal ? Le démon nous a tentés ; nous n’avons pas repoussé la tentation. Bientôt nous avons cédé à la suggestion de notre adversaire, et le mal a été commis. Telle est notre histoire dans le passé, et telle elle serait dans l’avenir, si nous ne profitions pas de la leçon que nous donne aujourd’hui le Rédempteur.

Ce n’est pas sans raison que l’apôtre, nous exposant l’ineffable miséri­corde de ce divin consolateur des hommes, qui a daigné s’assimiler en toutes choses à ses frères, insiste sur les tentations qu’il a daigné souf­frir [1]. Cette marque d’un dévouement sans bornes ne nous a pas man­qué ; et nous contemplons aujourd’hui l’adorable patience du Saint des Saints, qui ne répugne pas à laisser approcher de lui ce hideux ennemi de tout bien, afin de nous apprendre comment il en faut triompher.

Satan a vu avec inquiétude la sainteté incomparable qui brille en Jésus. Les merveilles qui accompagnèrent sa naissance, ces bergers convoqués par des anges à la crèche, ces mages venus de l’Orient sous la conduite d’une étoile ; cette protection qui a soustrait l’enfant à la fureur d’Hérode ; le témoignage qu’a rendu Jean-Baptiste au nouveau pro­phète : tout cet ensemble de faits qui contrastent si étrangement avec l’humilité et l’obscurité qui ont semblé couvrir d’une apparence vulgaire les trente premières années du Nazaréen, excite les craintes du serpent infernal. L’ineffable mystère de l’incarnation s’est accompli loin de ses regards sacrilèges ; il ignore que Marie toujours vierge est celle que la prophétie d’Isaïe annonçait comme devant enfanter l’Emmanuel [2] ; mais il sait que les temps sont venus, que la dernière semaine de Daniel a ouvert son cours, que le monde païen lui-même attend de la Judée un libérateur. Dans son anxiété, il ose aborder Jésus, espérant tirer de sa bouche quelque parole dont il pourra conclure qu’il est ou qu’il n’est pas le Fils de Dieu, ou du moins l’induire à quelque faiblesse qui fera voir que l’objet de tant de terreurs pour lui n’est qu’un homme mortel et pécheur.

L’ennemi de Dieu et des hommes devait être déçu dans son attente. Il approche du Rédempteur ; mais tous ses efforts ne tournent qu’à sa confusion. Avec la simplicité et la majesté du juste, Jésus repousse tou­tes les attaques de Satan ; mais il ne révèle pas sa céleste origine. L’ange pervers se retire sans avoir pu reconnaître autre chose en Jésus qu’un prophète fidèle au Seigneur. Bientôt, lorsqu’il verra les mépris, les ca­lomnies, les persécutions s’accumuler sur la tête du Fils de l’homme, quand ses efforts pour le perdre sembleront réussir si aisément, il s’aveuglera de plus en plus dans son orgueil ; et ce n’est qu’au moment où Jésus, rassasié d’opprobres et de souffrances, expirera sur la croix, qu’il sentira enfin que sa victime n’est pas un homme, mais un Dieu, et que toutes les fureurs qu’il a conjurées contre le Juste n’ont servi qu’à manifester le dernier effort de la miséricorde qui sauve le genre humain, et de la justice qui brise à jamais la puissance de l’enfer.

Tel est le plan de la providence divine, en permettant que l’esprit du mal ose souiller de sa présence la retraite de l’Homme-Dieu, lui adresser la parole et porter sur lui ses mains impies ; mais étudions les circonstan­ces de cette triple tentation que Jésus ne subit que pour nous instruire et nous encourager.

Nous avons trois sortes d’ennemis à combattre, et notre âme est vulné­rable par trois côtés ; car, comme parle le bien-aimé disciple : « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie [3]. » Par la concupiscence de la chair, il faut entendre l’amour des sens qui convoite tout ce qui flatte la chair, et en­traîne l’âme, s’il n’est pas contenu, dans les voluptés illicites. La concu­piscence des yeux signifie l’amour des biens de ce monde, des richesses, de la fortune, qui brillent à nos regards avant de séduire notre cœur. Enfin l’orgueil de la vie est cette confiance en nous-mêmes qui nous rend vains et présomptueux, et nous fait oublier que nous tenons de Dieu la vie et les dons qu’il a daigné répandre sur nous.

Il n’est pas un seul de nos péchés qui ne provienne de l’une de ces trois sources, pas une de nos tentations qui n’ait pour but de nous faire accepter la concupiscence de la chair, ou la concupiscence des yeux, ou l’orgueil de la vie. Le Sauveur, notre modèle en toutes choses, devait donc s’assujettir à ces trois épreuves.

Satan le tente d’abord dans la chair, en lui suggérant la pensée d’employer son pouvoir surnaturel à soulager sans délai la faim qui le presse. Dites que ces pierres deviennent des pains : tel est le conseil que le démon adresse au Fils de Dieu. Il veut voir si l’empressement de Jésus à donner satisfaction à son corps ne dénotera pas un homme faible et sujet à la convoitise. Lorsqu’il s’adresse à nous, tristes héritiers de la concupiscence d’Adam, ses suggestions vont plus avant : il aspire à souiller l’âme par le corps ; mais la souveraine sainteté du Verbe incarné ne pouvait permettre que Satan osât faire un tel essai du pouvoir qu’il a reçu de tenter l’homme dans ses sens. C’est donc une leçon de tempé­rance que nous donne le Fils de Dieu ; mais nous savons que pour nous la tempérance est mère de la pureté, et que l’intempérance soulève la révolte des sens.

La seconde tentation est celle de l’orgueil. Jetez-vous en bas ; les anges vous recevront dans leurs mains. L’ennemi veut voir si les faveurs du ciel ont produit dans l’âme de Jésus cet élèvement, cette ingrate confiance qui fait que la créature s’attribue à elle-même les dons de Dieu, et oublie son bienfaiteur pour régner en sa place. Il est déçu en­core, et l’humilité du Rédempteur épouvante l’orgueil de l’ange rebelle.

Il fait alors un dernier effort. Peut-être, pense-t-il, l’ambition de la richesse séduira celui qui s’est montré si tempérant et si humble. Voici tous les royaumes du monde dans leur éclat et leur gloire ; je puis vous les livrer ; seulement, adorez-moi. Jésus repousse cette offre méprisable avec dédain, et chasse de sa présence le séducteur maudit, le prince du monde, nous apprenant par cet exemple à dédaigner les richesses de la terre toutes les fois que, pour les conserver ou les acquérir, il faudrait violer la loi de Dieu et rendre hommage à Satan.

Or, comment le Rédempteur, notre divin chef, repousse-t-il la tenta­tion ? Écoute-t-il les discours de son ennemi ? Lui laisse-t-il le temps de faire briller à ses yeux tous ses prestiges ? C’est ainsi que trop souvent nous avons fait nous-mêmes, et nous avons été vaincus. Jésus se contente d’opposer à l’ennemi le bouclier de l’inflexible Loi de Dieu. Il est écrit, lui dit-il : L’homme ne vit pas seulement de pain. Il est écrit : Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. Il est écrit : Vous adore­rez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. Suivons désormais cette grande leçon. Ève se perdit, et avec elle le genre humain, pour avoir lié entretien avec le serpent. Qui ménage la tentation y suc­combera. Dans ces saints jours, le cœur est plus attentif, les occasions sont éloignées, les habitudes sont interrompues ; purifiées par le jeûne, la prière et l’aumône, nos âmes ressusciteront avec Jésus-Christ ; mais conserveront-elles cette nouvelle vie ? Tout dépendra de notre attitude dans les tentations. Dès le début de la sainte Quarantaine, l’Église, en mettant sous nos yeux le récit du saint évangile, veut joindre l’exemple au précepte. Si nous sommes attentifs et fidèles, la leçon fructifiera en nous ; et lorsque nous aurons atteint la fête de Pâques, la vigilance, la défiance de nous-mêmes, la prière, avec le secours divin qui ne manque jamais, assureront notre persévérance.

L’Église grecque célèbre aujourd’hui une de ses plus grandes solennités. Cette fête est appelée l’Orthodoxie, et a pour but d’honorer le rétablis­sement des saintes Images à Constantinople et dans l’empire d’Orient, en 842, lorsque l’impératrice Théodora, avec le secours du saint patriar­che Méthodius, mit fin à l’affreuse persécution des iconoclastes, et fit replacer dans toutes les églises les effigies sacrées que la fureur des hérétiques en avait fait disparaître.

À la messe

La station, à Rome, est dans la Basilique patriarcale de Saint-Jean-de-Latran. Il était juste qu’un dimanche aussi solennel fût célébré dans l’église mère et maîtresse de toutes les églises, non seulement de la ville sainte, mais du monde entier. C’est là que les pénitents publics étaient réconciliés le Jeudi saint ; là aussi, dans le Baptistère de Constantin, que les catéchumènes recevaient le saint baptême, dans la nuit de Pâques ; nulle autre basilique ne convenait autant pour la réunion des fidèles, en ce jour où le jeûne quadragésimal fut promulgué tant de fois par la voix des Léon et des Grégoire.

L’introït est tiré du psaume 90e, qui forme à lui seul la matière de tous les chants de cette messe. Nous avons parlé déjà de l’appropriation que l’Église a faite de ce beau cantique, à la situation du chrétien durant le carême. Tout nous y entretient de l’espérance que l’âme chrétienne doit concevoir dans le secours divin, en ces jours où elle a résolu de se livrer tout entière à la prière et à la lutte contre les ennemis de Dieu et d’elle-même. Le Seigneur lui promet, dans l’introït, que sa confiance ne sera pas vaine.

Introït

Il m’invoquera, et je l’exaucerai : je le délivrerai je le glorifierai : je le rassasierai de longs jours. Ps. Celui qui habite dans l’asile du Très-Haut demeurera sous la protection du Dieu du ciel. Gloire au Père. Il m’invoquera.

Dans la collecte, l’Église recommande à Dieu tous ses enfants, et demande que leur jeûne non seulement les purifie, mais obtienne d’en haut ce secours puissant qui les rendra féconds en bonnes œuvres pour leur salut.

Collecte

Ô Dieu ! qui purifiez chaque année votre Église par la pratique du carême : faites que vos serviteurs accomplissent par leurs bonnes œuvres le bien qu’ils s’efforcent de mériter par leur abstinence. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.[4]

Épître
Lecture de l’Épître du bienheureux Paul, apôtre, aux Corinthiens 2, Ch. 6.

Mes Frères, nous vous exhortons de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ; car il est dit : Je t’ai exaucé au temps favorable, et je t’ai aidé au jour du salut. Voici maintenant ce temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Prenons garde de ne blesser personne, afin que notre ministère ne soit point un sujet de blâme ; mais agis­sons en toutes choses comme des serviteurs de Dieu, et avec une grande patience dans les tribulations, dans les nécessités, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes ; par la chasteté, par la science, par la longanimité, par la douceur, par le Saint-Esprit, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la force de Dieu, par les armes de la justice dont nous combattons à droite et à gauche ; dans l’honneur et dans l’ignominie, dans la bonne et la mauvaise renommée ; comme des séducteurs, quoique sincères et véritables ; comme des inconnus, quoique très connus ; comme toujours à la mort, et vivant néanmoins ; comme châtiés, mais non jusqu’à en mourir ; comme tristes, et cependant sans cesse dans la joie ; comme pauvres, et toutefois enrichissant plusieurs ; comme n’ayant rien, et possédant tout.

Ce passage de l’apôtre nous montre la vie chrétienne sous un aspect bien différent de celui sous lequel l’envisage ordinairement notre mollesse. Pour en éviter la portée, nous serions aisément disposés à penser que de tels conseils convenaient au premier âge de l’Église, où les fidèles, sans cesse exposés à la persécution et à la mort, avaient besoin d’un degré particulier de renoncement et d’héroïsme. Cependant ce serait une grande illusion de croire que tous les combats du chrétien sont finis. Reste toujours la lutte avec les démons, avec le monde, avec la chair et le sang ; et c’est pour cela que l’Église nous envoie au désert avec Jésus-Christ pour y apprendre à combattre. C’est là que nous comprendrons que la vie de l’homme sur la terre est une milice [5], et que si nous ne luttons pas courageusement et toujours, cette vie que nous voudrions passer dans le repos finira par notre défaite. C’est pour nous faire éviter ce malheur que l’Église nous dit aujourd’hui, par l’organe de l’apôtre : « Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. » Agissons donc en toutes choses « comme des serviteurs de Dieu » ; et tenons ferme jusqu’à la fin de cette sainte carrière. Dieu veille sur nous, comme il a veillé sur son Fils au désert.

Le graduel nous assure de la protection des saints anges, dont la sollici­tude ne nous abandonne ni le jour ni la nuit. Durant le carême, ils redoublent d’efforts contre nos ennemis, et se réjouissent de voir le pécheur accepter enfin la pénitence qui doit le sauver.

Le trait se compose du psaume 90e, auquel sont empruntés le graduel, l’introït et les autres cantiques de cette messe. Que notre cœur se rassure donc : tout nous parle de la bonté de Dieu et de sa vigilance paternelle sur des enfants ingrats dont il veut faire ses amis fidèles et les cohéritiers de son royaume.

Graduel

Le Seigneur a commandé à ses anges de te garder en toutes tes voies. V/. Ils te porteront sur leurs mains, dans la crainte que tu ne heurtes ton pied contre la pierre.

Trait

V/. Celui qui habite dans l’asile du Très-Haut, demeurera sous la protection du Dieu du ciel !

V/. Il dira au Seigneur : Vous êtes mon protecteur et mon refuge ! Il est mon Dieu, j’espérerai en lui.

V/. Car c’est lui qui m’a délivré du filet des chasseurs, et des paroles fâcheuses.

V/. Le Seigneur te couvrira de son ombre : tu seras dans l’espérance sous ses ailes.

V/. Sa vérité sera ton bouclier : tu ne craindras ni les alarmes de la nuit,

V/. Ni la flèche qui vole pendant le jour, ni la contagion qui se glisse dans les ténèbres, ni les attaques du démon du midi.

V/. Mille tomberont à ta gauche, et dix mille à ta droite ; mais la mort n’approchera pas de toi.

V/. Car le Seigneur a commandé à ses anges de te garder en toutes tes voies.

V/. Ils te porteront sur leurs mains, dans la crainte que tu ne heur­tes ton pied contre la pierre.

V/. Tu marcheras sur l’aspic et le basilic, et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon.

V/. Parce qu’il a espéré en moi, je le délivrerai : je le protégerai, parce qu’il a connu mon nom.

V/. Il m’invoquera, et je l’exaucerai : je suis avec lui dans la tribula­tion.

V/. Je l’en retirerai et le glorifierai : je le rassasierai de longs jours, et je lui montrerai le Sauveur que je lui ai préparé.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. 4.

En ce temps-là, Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable. Et après avoir jeûné quarante jours et qua­rante nuits, il eut faim. Et le tentateur, s’approchant, lui dit : Si tu es le Fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains. Jésus répondit : Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alors le diable le transporta dans la ville sainte, et l’ayant posé sur le sommet du temple, lui dit : Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il a commandé à ses anges de prendre soin de toi ; ils te sou­tiendront de leurs mains, de peur que tu ne heurtes du pied contre la pierre. Jésus lui dit : Il est écrit aussi : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, et, lui montrant tous les royaumes du monde avec leur pompe, il lui dit : Je te donnerai tout cela, si tu veux te prosterner devant moi et m’adorer. Alors Jésus lui dit : Arrière ! Satan ; car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul. Alors le diable le laissa, et aussitôt les anges s’approchèrent de lui, et le servaient.

Admirons l’ineffable bonté du Fils de Dieu qui, non content d’expier par la croix tous nos péchés, a daigné, pour nous encourager à la pénitence, s’imposer un jeûne de quarante jours et de quarante nuits. Il n’a pas voulu que la justice de son Père pût exiger de nous un sacrifice qu’il n’eût offert lui-même le premier en sa personne, et toujours avec des circonstances mille fois plus rigoureuses que celles qui peuvent se ren­contrer en nous. Que sont nos œuvres de pénitence, si souvent encore disputées à la justice de Dieu par notre lâcheté, si nous les comparons à la rigueur de ce jeûne du Sauveur sur la montagne ? Chercherons-nous encore à nous dispenser de ces légères satisfactions dont le Seigneur daigne se contenter, et qui sont si loin de ce qu’ont mérité nos fautes ? Au lieu de plaindre une légère incommodité, une fatigue de quelques jours, compatissons plutôt à ce tourment de la faim qu’éprouve notre Rédempteur innocent, durant ces longs jours et ces longues nuits du désert.

La prière, le dévouement pour nous, la pensée des justices de son Père le soutiennent dans ses défaillances ; mais, à l’expiration de la quaran­taine, la nature humaine est aux abois. C’est alors que la tentation vient l’assaillir ; mais il en triomphe avec un calme et une fermeté qui doivent nous servir d’exemple. Quelle audace chez Satan d’oser approcher du Juste par excellence ! mais aussi quelle patience en Jésus ! Il daigne souffrir que le monstre de l’abîme mette la main sur lui, qu’il le trans­porte par les airs d’un lieu à un autre. L’âme chrétienne est souvent exposée à de cruelles insultes de la part de son ennemi ; quelquefois même, elle serait tentée de se plaindre à Dieu de l’humiliation qu’elle souffre. Qu’elle songe alors à Jésus, le Saint des Saints, donné, pour ainsi dire, en proie à l’esprit du mal. Il n’en est pas moins le Fils de Dieu, le vainqueur de l’enfer ; et Satan n’aura recueilli qu’une honteuse défaite. De même, l’âme chrétienne, sous l’effort de la tentation, si elle résiste de toute son énergie, n’en reste pas moins l’objet des plus tendres complaisances de Dieu, à la honte et au châtiment éternel de Satan. Unissons-nous aux anges fidèles qui, après le départ du prince des ténè­bres, s’empressent de réparer les forces épuisées du Rédempteur, en lui présentant de la nourriture. Comme ils compatissent à ses divines fati­gues ! Comme ils réparent, dans leurs adorations, l’horrible outrage dont Satan vient de se rendre coupable envers le souverain maître de toutes choses ! Comme ils admirent cette charité d’un Dieu qui, dans son amour pour les hommes, semble avoir oublié jusqu’à sa dignité, pour ne plus songer qu’aux malheurs et aux besoins des enfants d’Adam !

Dans l’offertoire, l’Église, empruntant toujours les paroles de David, nous montre le Seigneur couvrant d’une protection spéciale le troupeau fidèle, et l’armant contre toute attaque de ce bouclier invincible que nous offre la foi [6].

Offertoire

Le Seigneur te couvrira de son ombre : tu seras dans l’espérance sous ses ailes : sa vérité sera ton bouclier.

Le carême ne consiste pas seulement dans le jeûne ; il ne sera efficace pour la réforme de notre âme que si nous y joignons la fuite des occa­sions nuisibles, qui détruiraient en un instant l’œuvre de la grâce divine. C’est pourquoi l’Église demande pour nous, dans la secrète, un secours particulier à cet effet.

Secrète

Seigneur, nous immolons solennellement ce sacrifice, à l’ouverture du carême, vous suppliant de faire que, restreignant la nourriture de nos corps, nous nous abstenions aussi des plaisirs dangereux. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.[7]

Afin d’inculquer plus fortement encore la confiance dans nos âmes, la sainte Église répète dans l’antienne de la communion les paroles d’espérance qu’elle nous a proposées dans l’offertoire.

Le sacrifice qui vient d’être offert nous est un nouveau gage de la bonté divine.

Communion

Le Seigneur te couvrira de son ombre : tu seras dans l’espérance sous ses ailes : sa vérité sera ton bouclier.

Dans la postcommunion, l’Église nous apprend à regarder la sainte eu­charistie comme le grand moyen d’accroître nos forces, en purifiant nos souillures. Que le pécheur se hâte donc de faire sa paix avec Dieu, et qu’il n’attende pas le festin de la Pâque pour faire l’essai de l’aliment divin qui nous sauve de la divine justice, en nous incorporant l’auteur même du salut.

Postcommunion

Que la participation sainte à votre sacrement, Seigneur, rétablisse nos forces : qu’elle nous purifie du vieil homme, et qu’elle nous éta­blisse dans la communion du mystère de notre salut. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.[8]

Autres liturgies

Nous finirons la journée par ces deux belles préfaces que nous emprun­tons, la première au missel mozarabe, et la seconde au missel ambro­sien. Elles résument avec autant d’onction que d’éloquence les vérités que l’Église nous propose aujourd’hui.

Prière du missel mozarabe
(Illatio. Vendredi de la 4e semaine de carême.)

Il est juste et équitable que nous vous rendions grâces, Dieu tout-puissant et éternel, par Jésus-Christ votre Fils notre Seigneur, qui par le jeûne a obtenu sur le diable un glorieux triomphe, et a ensei­gné à ses soldats, par son exemple, l’art de combattre. Étant Dieu et le Seigneur de tous, il jeûna quarante jours et quarante nuits, afin de montrer que, vrai Dieu, il avait pris la véritable nature de l’homme, et de réparer par son abstinence ce qu’Adam avait perdu par sa gour­mandise. Le diable vient donc attaquer le fils de la Vierge ; il ignore qu’il a affaire au Fils unique de Dieu. Dans sa ruse consommée, il espère séduire le second Adam par les artifices qui lui ont servi à ren­verser le premier, mais il est impuissant ; pas une de ses séductions ne réussit à tromper un si redoutable adversaire. Jésus jeûne quarante jours et quarante nuits ; et ensuite il éprouve la faim, lui qui durant quarante années nourrit d’un pain céleste une multitude in­nombrable. C’est lui qui, fort de sa propre puissance, a combattu avec le diable, prince des ténèbres, et qui l’ayant terrassé, a remporté avec honneur le trophée de la victoire jusque dans les cieux.

Prière du missel ambrosien
(Préface, 1er dimanche de carême)

Il est juste et digne, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par Jésus-Christ notre Seigneur, qui dans ce saint temps du jeûne nourrit la foi des fidèles, élève leur espérance et fortifie leur charité. C’est lui qui est le pain vivant et véritable, qui est l’aliment de l’éternité et la nourriture de la vertu. Votre Verbe, Seigneur, par qui tout a été fait, est non seulement l’aliment des âmes humaines, mais le Pain des anges mêmes. Fortifié de ce Pain, Moïse votre serviteur, lorsqu’il reçut la loi, jeûna quarante jours et quarante nuits : il s’abstint de la nourriture charnelle, afin d’être plus en état de savou­rer votre douceur. Il ne sentait pas la faim dans son corps, et il oubliait la nourriture terrestre, parce que la vue de votre gloire l’illuminait ; et que, par le souffle de l’Esprit, la parole de Dieu le nourrissait. Ne cessez donc pas, Seigneur, de nous donner à nous aussi ce Pain pour lequel vous nous exhortez d’entretenir en nous une faim continuelle.

 

 

[1] – Hébr. 4, 15.

[2] – Isaï. 7, 14.

[3] – 1 s. Jean 2, 16.

[4] L’Église ajoute ensuite les deux oraisons suivantes pour les besoins généraux des fidèles et de la société chrétienne.

Deuxième collecte

Préservez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, de tous les périls de l’âme et du corps, et, vous laissant fléchir par l’intercession de la bienheureuse et glorieuse Mère de Dieu Marie toujours vierge, du bienheureux Joseph, de vos bienheureux apôtres Pierre et Paul, du bienheureux N. ( on nomme ici le Patron de l’église), et de tous les saints, accordez-nous dans votre bonté le salut et la paix, afin que toutes les erreurs et les adversités étant écartées, votre Église vous serve dans une liberté tranquille.

Troisième collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui régnez sur les vivants et sur les morts, et qui répandez votre miséricorde sur tous ceux que vous savez devoir se donner à vous par la foi et par les œuvres : nous vous supplions d’accorder dans votre bonté et votre clémence, et par l’intercession de tous vos saints, le pardon des péchés à ceux pour qui nous allons répandre devant vous nos prières, soit que le siècle présent les retienne encore dans la chair, soit que, ayant déposé leurs corps, ils soient déjà entrés dans le siècle futur. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

[5] – Job 7, 1.

 

[6] – Éph. 6, 16.

[7] Seconde secrète

Exaucez-nous, ô Dieu notre Sauveur ! et par la vertu de ce sacrement, défendez-nous de tous les ennemis de l’âme et du corps, nous accordant votre grâce en cette vie, et votre gloire en l’autre.

Troisième secrète

Ô Dieu, qui seul connaissez le nombre des élus à qui vous devez donner place dans la céleste béatitude, accordez, par l’intercession de tous vos saints, que les noms de tous ceux que nous avons résolu de vous recommander dans notre prière, ainsi que les noms de tous les fidèles, demeurent écrits dans le livre de la bienheureuse prédestination. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

[8] Seconde postcommunion

Que l’oblation du divin sacrifice nous purifie et nous protège, Seigneur nous vous en supplions ; et par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu, du bienheureux Joseph, de vos bienheureux apôtres Pierre et Paul, du bienheureux N. (on nomme ici le Patron de l’église), et de tous les saints, qu’elle soit pour nous l’expiation de tous nos péchés et la délivrance de toute adversité.

Troisième postcommunion

Purifiez-nous, ô Dieu tout-puissant et miséricordieux, par les sacrements que nous avons reçus, et faites, par l’intercession de tous vos saints, que votre sacrement ne soit pas en nous un crime digne de châtiment, mais une intercession puissante pour le pardon : qu’il efface nos péchés, qu’il soit notre force dans notre fragilité, et notre défense contre tous les dangers du monde ; qu’il opère dans les fidèles vivants et défunts la rémission de toutes leurs fautes. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Lundi

Chacune des féries du carême a sa messe propre, au lieu que, dans les fériés de l’avent, on répète simplement la messe du dimanche précèdent. Cette richesse de la liturgie dans la sainte Quarantaine nous aide puissamment à entrer dans la pensée de l’Église, en multipliant l’expression des sentiments qu’elle veut nous inspirer. Nous extrairons de chacune de ces messes fériales la collecte, qui est toujours la prière la plus solennelle, l’épître, l’évangile et l’oraison qui se dit sur le peuple à la fin de la messe. Cet ensemble renferme la plus solide instruction, et nous fait passer en revue tout ce que les saintes Écritures contiennent de plus substantiel et de plus convenable au temps où nous sommes.

À Rome, la station est aujourd’hui dans l’Église de Saint-Pierre-aux-Liens. Bâtie au 5e siècle par l’impératrice Eudoxie, femme de Valentinien III, elle garde avec honneur les chaînes du Prince des Apôtres. Nous aurons occasion de parler encore de cette Basilique au 1er août, lorsque le cycle nous ramènera la fête de saint Pierre délivré de prison.

Collecte

Dieu notre Sauveur, convertissez-nous : et afin que le jeûne du carême nous profite, éclairez nos âmes de vos célestes instructions. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Leçon
Lecture du prophète Ézéchiel. Chap. 34.

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Je rechercherai moi-même mes brebis, et je les visiterai. Comme un pasteur visite son troupeau pendant le jour, quand il est au milieu de ses brebis dispersées, ainsi je visiterai mes brebis, et je les délivrerai de tous les lieux où elles avaient été dispersées au jour plein de nuage et d’obscurité. Et je les retirerai du milieu des peuples, et je les rassemblerai de divers pays, et je les ramènerai dans leur propre terre, et je les ferai paître sur les montagnes d’Israël, au bord des ruisseaux et dans tous les lieux du pays. Je les mènerai paître dans les pâturages les plus fertiles ; les hautes montagnes d’Israël seront le lieu de leur pâture : c’est là qu’elles se reposeront sur l’herbe verdoyante, et elles paîtront les gras pâturages des montagnes d’Israël. Je ferai moi-même paître mes brebis, et je les ferai reposer moi-même, dit le Seigneur Dieu. J’irai à la recherche de ce qui était perdu, je relèverai ce qui était tombé, je banderai tout membre brisé, je fortifierai tout ce qui était faible, je conserverai tout ce qui était resté gras et fort, et je les ferai paître dans la justice, dit le Seigneur tout-puissant.

Le Seigneur nous apparaît ici sous les traits d’un pasteur plein de tendresse pour ses brebis : c’est en effet ce qu’il est pour les hommes, en ces jours de miséricorde et de pardon. Une partie de son troupeau s’était égarée et dispersée, au milieu des ténèbres de ce monde ; mais Jésus n’a point oublié ses brebis. Il s’est mis en marche pour les aller chercher et les réunir. Il n’est point de désert si écarté, point de montagne si abrupte, point de hallier si épineux, qu’il ne visite pour les retrouver. Il fait entendre à toutes sa voix par celle de la sainte Église qui les convie au retour ; et dans la crainte qu’elles ne se troublent à cause de leurs égarements, et qu’elles ne soient inquiètes de reparaître devant lui, il daigne les rassurer. Qu’elles reviennent seulement, qu’elles se laissent trouver ; et les plus doux pâturages sont pour elles, au bord des eaux, sur l’herbe la plus verdoyante, sur des montagnes pleines de délices. Elles sont blessées, le divin pasteur bandera leurs plaies ; elles sont faibles, il les rendra fortes. Il les réunira aux brebis fidèles qui ne l’avaient pas quitté, et il demeurera toujours avec elles. Que le pécheur se laisse donc enfin fléchir à la vue de tant de bonté, et qu’il ne craigne plus les efforts qu’il lui faut faire pour se rapprocher du Seigneur son Dieu. Le retour lui semble pénible, l’expiation effraie sa faiblesse ; qu’il se rappelle les jours où il habitait dans la sécurité du bercail, sous l’œil du plus tendre pasteur ; ces jours peuvent renaître pour lui. La porte de la bergerie est ouverte ; de nombreuses brebis, naguère égarées, s’y précipitent remplies de joie et de confiance ; qu’il les suive, et qu’il se rappelle « qu’il y a plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence [1] ».

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. 25.

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Quand le Fils de l’homme viendra dans sa majesté, et tous ses anges avec lui, alors il s’assiéra sur le trône de sa majesté. Et toutes les nations seront rassemblées devant lui, et il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d’avec les boucs. Et il placera les brebis à sa droite, les boucs à sa gauche. Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père ; possédez le royaume préparé pour vous dès l’origine du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais sans asile, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venu à moi. Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant faim, et que nous vous avons rassasié ; ayant soif, et que nous vous avons donné à boire ? Quand est-ce que nous vous avons vu sans asile, et que nous vous avons recueilli ; nu, et que nous vous avons vêtu ? Et quand est-ce que nous vous avons vu malade, ou en prison, et que nous sommes venus à vous ? Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait au moindre de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Il dira ensuite à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel, préparé pour le diable et ses anges ; car j’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez point donné à boire ; j’étais sans asile, et vous ne m’avez point recueilli ; nu, et vous ne m’avez point vêtu ; malade, en prison, et vous ne m’avez point visité. Alors eux aussi lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant faim, ou soif, ou sans asile, ou nu, ou malade, ou en prison, et que nous ne vous avons point assisté ? Mais il leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait. Et ceux-ci s’en iront au supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle.

Tout à l’heure, un prophète de l’Ancien Testament nous invitait de la part de Dieu à répondre aux avances du Pasteur de nos âmes ; le Seigneur épuisait tous les moyens de sa tendresse pour faire naître dans le cœur de ses brebis égarées le désir de se rallier autour de lui ; et voici que la sainte Église, le même jour où elle nous a montré ce grand Dieu sous les traits d’un pasteur si compatissant, nous le découvre sous l’aspect terrible d’un juge que rien ne saurait fléchir. Comment le caractère si débonnaire de notre Sauveur, du charitable médecin de nos âmes, s’est-il ainsi transformé ? « Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel ! » et c’est dans l’évangile même, dans le code de la loi de l’amour, que l’Église a trouvé ce formidable récit. Cependant, pécheur, ne vous y trompez pas ; lisez attentivement, et vous reconnaîtrez avec épouvante en celui qui prononce cet affreux anathème, le même Dieu dont le prophète vous a décrit la miséricorde, la patience, le zèle pour toutes ses brebis. Sur son tribunal, il porte encore les traits d’un pasteur : voyez, il sépare les brebis des boucs ; il place les unes à sa droite, les autres à sa gauche ; c’est toujours d’un troupeau qu’il s’agit. Le Fils de Dieu veut remplir la charge de berger jusqu’au dernier jour. Mais les conditions sont changées ; il n’y a plus de temps, l’éternité ouvre ses profondeurs ; le règne de la justice commence : justice qui accorde aux amis de Dieu la récompense promise ; justice qui précipite le pécheur impénitent dans l’abîme sans fond. Il serait trop tard alors de songer à la pénitence ; elle n’a lieu que dans le temps, et le temps n’est plus. Comment le chrétien qui sait que nous devons tous nous trouver réunis au pied de ce tribunal, hésite-t-il à se rendre aux invitations de l’Église qui le presse de satisfaire pour ses péchés ? Comment dispute-t-il à Dieu la faible expiation dont sa miséricorde veut bien encore se contenter aujourd’hui ? En vérité, l’homme est à lui-même son plus cruel ennemi, lorsqu’il écoute avec insensibilité cette parole de son Sauveur présent, de son Juge à venir : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous [2] ».

Oraison

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Déliez, s’il vous plaît, Seigneur, les liens de nos péchés, et, dans votre miséricorde, détournez les maux que nous méritons à cause d’eux. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autre liturgie

Terminons cette journée, en récitant cette belle hymne composée par saint Grégoire le Grand, et que l’Église emploie, dans le Carême, à l’office des matines.

Hymne

Fidèles à la tradition mystérieuse, gardons avec soin ce jeûne célèbre qui parcourt le cercle de quarante jours.

La loi et les prophètes l’inaugurèrent autrefois ; auteur et roi de toutes les choses réées, le Christ daigna lui-même le consacrer.

Il nous faut restreindre l’usage de la parole, du manger, du boire, du sommeil et des délassements ; veillons plus strictement sur la garde de nous-mêmes.

Évitons ces périls où succombe l’âme inattentive ; gardons-nous de laisser la moindre entrée à notre tyran perfide.

Fléchissons la colère vengeresse ; pleurons aux pieds de notre juge ; poussons des cris suppliants, et, prosternés devant notre juge, disons-lui :

Ô Dieu ! par nos péchés, nous avons offensé votre clémence, daignez étendre sur nous votre pardon.

Souvenez-vous que, malgré notre fragilité, nous sommes l’œuvre de vos mains ; ne cédez pas à un autre l’honneur de votre nom.

Pardonnez-nous le mal que nous avons fait ; donnez-nous avec abondance la grâce que nous implorons, afin que nous puissions vous plaire ici-bas et dans l’éternité.

Trinité bienheureuse, Unité parfaite, rendez profitable à vos fidèles le bienfait du jeûne. Amen.

Mardi

À Rome, la station est dans l’Église de Sainte-Anastasie, la même où l’on célébrait, dans l’antiquité, la messe de l’Aurore, le jour de Noël. C’est sous la protection de cette sainte martyre, immolée le jour même de la naissance du Sauveur, que nos vœux sont aujourd’hui présentés au Père des miséricordes.

Collecte

Regardez favorablement votre famille, Seigneur, et faites que notre âme, en se châtiant par la mortification de la chair, se distingue à vos yeux par l’ardeur de ses désirs. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Leçon
Lecture du prophète Isaïe. Chap. 55.

En ces jours-là, le prophète Isaïe parla, et dit : Cherchez le Seigneur pendant qu’on peut le trouver ; invoquez-le pendant qu’il est proche. Que l’impie quitte sa voie, et l’homme injuste ses pensées ; qu’il retourne au Seigneur, et il aura pitié de lui ; à notre Dieu, car il est empressé de pardonner. Mes pensées ne sont pas vos pensées, ni vos voies mes voies, dit le Seigneur ; mais autant sont élevés les cieux au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus des vôtres, et mes pensées au-dessus de vos pensées ; et de même que la pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent plus, mais elles abreuvent la terre, la fécondent et lui font produire le germe, afin qu’elle donne la semence pour semer, et le pain pour s’en nourrir : ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne retournera point à moi sans effet ; mais elle fera tout ce que j’aurai voulu, et remplira le but pour lequel je l’ai envoyée, dit le Seigneur tout-puissant.

Le prophète nous annonce de la part du Seigneur que si notre retour est sincère, la miséricorde descendra sur nous. En vain l’homme cherchera-t-il à mesurer la distance infinie qui sépare la souveraine sainteté de Dieu de l’état de souillure où est l’âme du pécheur ; rien de tout cela n’empêchera la réconciliation de la créature avec son créateur. La toute-puissante bonté de Dieu créera un cœur pur [3] dans l’homme repentant, et « la grâce surabondera où le péché avait abondé [4] ». La parole du pardon descendra du ciel, comme une pluie bienfaisante sur une terre stérile et desséchée, et cette terre donnera une abondante moisson. Que le pécheur néanmoins écoute la prophétie tout entière. L’homme est-il maître d’accepter ou de refuser cette parole qui vient d’en haut ? Peut-il la laisser tomber aujourd’hui, dans la pensée que peut-être il la recueillera plus tard, à la fin de sa vie ? Non ; Dieu nous dit par son prophète : « Cherchez le Seigneur, pendant qu’on peut le trouver : invoquez-le pendant qu’il est proche. » Nous ne pouvons donc pas toujours à volonté trouver le Seigneur ; il n’est donc pas toujours aussi proche de nous. Prenons garde, il a ses moments ; l’heure des miséricordes a sonné ; celle des justices la suivra. « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite [5] », criait Jonas dans les rues de cette superbe cité. Ninive ne laissa point passer les quarante jours sans revenir au Seigneur, sans l’apaiser dans le jeûne, sous la cendre et le cilice : et Dieu pardonna à Ninive. Entrons dans les sentiments de cette ville coupable et repentante ; ne défions pas la justice divine en refusant la pénitence, ou en l’accomplissant d’une manière imparfaite. Le carême que nous célébrons est peut-être le dernier que la bonté divine nous préparait ; s’il ne nous convertissait pas, qui sait si le Seigneur reviendrait ? Méditons ces paroles de l’apôtre qui se rapportent à celles d’Isaïe : « La terre qui se pénètre de la pluie dont elle est arrosée, et qui produit la verdure qu’en attend le cultivateur, est une terre bénie de Dieu ; celle qui ne produit que des ronces et des épines est réprouvée ; la malédiction est près d’elle, « et sa fin sera d’être dévorée par le feu [6]. »

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. 21.

En ce temps-là, Jésus étant entré en Jérusalem, toute la ville fut émue, et chacun demandait : Quel est celui-ci ? Et le peuple qui l’accompagnait disait : C’est Jésus, le prophète de Nazareth, en Galilée. Et Jésus entra dans le temple de Dieu, et il chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple, et il renversa les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient des colombes. Il leur dit : Il est écrit : Ma maison est appelée la maison de la prière ; mais vous en avez fait une caverne de voleurs. Et des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui dans le temple, et il les guérit. Or, les princes des prêtres et les scribes, voyant les merveilles qu’il faisait et les enfants qui criaient dans le temple : Hosannah au fils de David, s’indignèrent et lui dirent : Entendez-vous ce que disent ceux-ci ? Jésus leur répondit : Oui ; mais n’avez-vous jamais lu cette parole : Vous avez mis la louange dans la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle ? Et les laissant là, il s’en alla hors de la ville, à Béthanie, et il s’y arrêta.

Notre pieuse quarantaine est à peine à son début, et avant qu’elle soit terminée nous aurons assisté au supplice du Juste. Voici déjà ses implacables ennemis qui se dressent devant lui. En vain, leurs yeux viennent d’être témoins de ses prodiges : l’envie et l’orgueil qui dessèchent leur cœur n’ont rien voulu comprendre. Ces infidèles gardiens de la maison de Dieu sont demeurées muets quand tout à l’heure ils ont vu Jésus faire acte d’autorité dans le temple ; un étonnement mêlé de terreur les a saisis. Ils n’ont pas même réclamé quand il a appelé le temple sa maison : tant ils éprouvaient l’ascendant de sa vertu, tant ils redoutaient son pouvoir surhumain. Maintenant, ils ont repris leur audace : la voix des enfants qui crient encore Hosannah frappe leur oreille, et ils s’indignent. Ils osent se plaindre de cet innocent hommage rendu au fils de David qui passe en faisant le bien. Ces docteurs de la loi, aveuglés par la passion, ne savent même plus reconnaître les prophéties, ni en découvrir l’accomplissement. C’est l’application de l’oracle d’Isaïe que nous venons de lire. Pour n’avoir pas cherché le Seigneur quand il était près d’eux, ils ne peuvent plus le reconnaître, lors même qu’ils lui parlent. Les enfants le sentent et le bénissent ; les sages d’Israël ne voient en lui qu’un ennemi de Dieu, un blasphémateur. Nous, du moins, profitons de la visite de Jésus, afin qu’il ne nous quitte pas, comme il quitta ces faux sages. Il se retira d’auprès d’eux, et, laissant la ville, il retourna à Béthanie qui était proche de Jérusalem. C’est là qu’habitait Lazare, avec ses deux sœurs Marthe et Marie-Madeleine ; là aussi qu’était retirée Marie Mère de Jésus, dans l’attente du terrible événement qui bientôt devait s’accomplir. Saint Jérôme remarque que le mot Béthanie signifie Maison d’obéissance : ce qui nous apprend que le Sauveur s’éloigne des cœurs rebelles à sa grâce, et qu’il aime à se reposer dans les cœurs obéissants [7]. Acceptons la leçon tout entière, et dans ces jours de salut, montrons, par notre obéissance à l’Église et par notre soumission au guide de notre conscience, que nous avons enfin reconnu qu’il n’y a pour nous de salut que dans l’humiliation de l’orgueil et dans la simplicité du cœur.

Oraison

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Que nos prières, Seigneur, montent jusqu’à vous, et daignez éloigner de votre Église toutes sortes d’embûches. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autre liturgie

L’Église gothique d’Espagne, dans son missel mozarabe, nous présente ce cantique de pénitence, dont le lecteur chrétien sentira toute la beauté.

Prières
2e dimanche de carême

Seigneur plein de miséricorde, ayez pitié de votre peuple et pardonnez-lui ;
Car nous avons péché contre vous.

V/. Prosternés, nous versons toutes nos larmes ; nous manifestons les péchés secrets que nous avons commis ; nous implorons votre pardon, ô Dieu ! R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. Acceptez la prière des prêtres ; accordez abondamment tout ce qu’ils demandent ; ayez pitié de votre peuple, Seigneur ! R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. Vous avez appesanti votre colère sur nous ; nos cruels péchés nous ont accablés ; nous sommes tombés en défaillance, privés d’espoir ; R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. Nous avons été livrés à des malheurs que nous ne connaissions pas, tous les maux ont fondu sur nous ; nous vous avons invoqué, et nous n’avons pas reçu de réponse ; R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. À cette heure nous crions tous, nous vous cherchons tous ; nous vous poursuivons avec les larmes de la pénitence, nous avons provoqué la colère de tout le monde ; R/.Car nous avons péché contre vous.

V/. Jésus-Christ, nous vous implorons par nos prières et nos gémissements ; prosternés, nous vous supplions ; par votre pouvoir, relevez enfin ces misérables ; R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. Recevez la confession de votre peuple, nous la répandons devant vous avec des cris ; nous déplorons du fond du cœur nos iniquités ; R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. Nous demandons la paix ; accordez-nous la paix ; écartez la guerre, délivrez-nous tous : nous vous le demandons d’une humble prière, Seigneur ! R/. Car nous avons péché contre vous.

V/. Dieu très clément, inclinez votre oreille ; effacez la tache de nos péchés ; dans votre bonté, sauvez-nous du péril ! R/. Ayez pitié et pardonnez.

Mercredi des Quatre-temps de carême

Au jeûne quadragésimal vient se joindre aujourd’hui celui des Quatre-temps. Vendredi et samedi, nous aurons pareillement un double motif de pratiquer la pénitence. C’est la saison du printemps qu’il s’agit de consacrer à Dieu, lui en offrant les prémices dans le jeûne et la prière ; c’est l’ordination des prêtres et des ministres sacrés sur laquelle il faut appeler les bénédictions d’en haut. Ayons donc un souverain respect pour ces trois jours.

Jusqu’au 11e siècle, le jeûne des Quatre-temps du Printemps fut attaché à la première semaine de mars, et ceux de l’Été à la seconde semaine de juin. Un décret de saint Grégoire VII les fixa aux époques où nous les célébrons aujourd’hui : les Quatre-temps du Printemps à la première semaine de carême, et ceux de l’Été à la semaine de la Pentecôte.

La station est aujourd’hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Honorons la Mère de Dieu, refuge des pécheurs, et prions-la d’offrir elle-même à notre juge l’humble tribut de nos satisfactions.

Collecte

Regardez avec bonté, Seigneur, la dévotion de votre peuple, afin que ceux qui mortifient leurs corps par l’abstinence soient nourris et fortifiés selon l’esprit par le fruit des bonnes œuvres. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

L’Église, qui, dans les Mercredis des Quatre-temps, nous offre toujours deux lectures de la sainte Écriture, à la place de l’épître de la messe, réunit aujourd’hui les deux grands types du carême dans l’Ancien Testament, Moïse et Élie, afin de relever dans nos pensées la dignité du jeûne quadragésimal, auquel Jésus-Christ lui-même est venu donner un caractère plus sacré encore, en réalisant dans sa personne ce que la loi et les prophètes n’avaient accompli qu’en figure.

Première leçon
Lecture du livre de l’Exode. Chap. 24.

En ces jours-là, le Seigneur dit à Moïse : Monte vers moi sur la montagne pour y faire séjour, et je te donnerai les tables de pierre sur lesquelles j’ai écrit la loi et les commandements, afin que tu les enseignes aux enfants d’Israël. Moïse et Josué son serviteur se levèrent ; et Moïse, en montant sur la montagne de Dieu, dit aux anciens : Attendez ici jusqu’à ce que nous revenions à vous ; vous avez Aaron et Hur avec vous ; s’il s’élève quelque difficulté, vous leur en ferez le rapport. Et Moïse étant monté, une nuée couvrit la montagne, et la gloire du Seigneur habita sur le Sinaï, le couvrant d’un nuage durant six jours. Le septième jour, Dieu appela Moïse du milieu du nuage ; or l’éclat de la gloire du Seigneur paraissait aux enfants d’Israël comme un feu ardent sur le sommet de la montagne. Et Moïse, pénétrant par le milieu du nuage, monta sur la montagne, et il y demeura quarante jours et quarante nuits.

Deuxième leçon
Lecture du livre des Rois. 3. Chap. 19.

En ces jours-là, Élie, étant arrivé à Bersabée de Juda, renvoya son serviteur, et s’avança dans le désert une journée de chemin. Et étant venu sous un genièvre, il s’y assit et souhaita de mourir. Et il dit : C’est assez, Seigneur ; retirez mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères. Il s’étendit par terre, et s’endormit à l’ombre du genièvre. Et voici qu’un ange du Seigneur le toucha et lui dit : Lève-toi et mange. Il regarda derrière lui, et aperçut près de sa tête un pain cuit sous la cendre et un vase d’eau. Il mangea donc, et il but, et il se rendormit. Et l’ange du Seigneur, revenant une seconde fois, le toucha encore et lui dit : Lève-toi, mange ; car il te reste une longue route. Et s’étant levé, il mangea et but, et étant fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits, jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu.

Moïse et Élie jeûnent quarante jours et quarante nuits, parce qu’ils vont s’approcher de Dieu. Il faut que l’homme s’épure, qu’il se dégage du poids du corps, s’il veut se mettre en rapport avec celui qui est l’Esprit. Néanmoins, la vision de Dieu dont furent favorisés ces deux saints hommes fut très imparfaite : ils sentirent que le Seigneur était près d’eux, mais ils ne virent pas sa gloire. Depuis, le Seigneur s’est manifesté dans la chair, et l’homme l’a vu, il l’a entendu, il l’a touché de ses mains [8]. Nous ne sommes pas du nombre de ces heureux mortels qui conversèrent avec le Verbe de vie ; mais, dans la divine eucharistie, il fait plus que de se laisser voir : il entre en nous, il devient notre substance. Le plus humble fidèle dans l’Église possède Dieu plus pleinement que Moise sur le Sinaï, et Élie sur Horeb. Ne soyons donc pas étonnés si l’Église, pour nous préparer à cette faveur, dans la fête de Pâques, veut que nous traversions auparavant une épreuve de quarante jours, mais beaucoup moins rigoureuse que celle qui fut pour Moise et Élie la condition de la grâce que Jéhovah daigna leur faire.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. 12.

En ce temps-là, des Scribes et des Pharisiens s’approchèrent de Jésus, et lui dirent : Maître, nous voudrions voir un signe de vous. Il leur répondit : Cette génération perverse et adultère demande un signe, et il ne lui sera donné d’autre signe que le signe du prophète Jonas : car de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. Les hommes de Ninive se lèveront au jugement contre cette génération, et ils la condamneront, parce qu’ils firent pénitence à la prédication de Jonas ; et il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera au jugement contre cette génération et la condamnera ; car des confins de la terre elle vint écouter la sagesse de Salomon ; et il y a ici plus que Salomon. Lorsqu’un esprit immonde est sorti d’un homme, il s’en va errant par des lieux arides, cherchant le repos et ne le trouvant pas. Alors il se dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. Et y revenant, il la trouve libre, nettoyée et parée. Alors il s’en va prendre sept autres esprits plus méchants que lui, et ils entrent dans la maison, et ils y demeurent. Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Ainsi en sera-t-il de cette génération perverse. Il parlait encore à la foule, et voici que sa mère et ses frères étaient au dehors et demandaient à lui parler. Quelqu’un lui dit : Voici dehors votre mère et vos frères qui vous demandent. Mais il lui répondit : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Et étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.

Le Sauveur dénonce à Israël les châtiments qui l’attendent pour son aveuglement volontaire et pour la dureté de son cœur. Israël veut des prodiges pour croire ; il en est entouré, et il ne les voit pas. Tels sont les hommes de nos jours. Pour reconnaître le christianisme comme divin, il leur faudrait des preuves ; et cependant l’histoire est ouverte devant eux. Les événements présents rendent aussi leur témoignage ; mais rien ne les réveille. Ils s’en tiennent à leurs systèmes toujours déçus, et ils n’arriveront à comprendre que l’Église catholique est le fondement de la société, qu’au jour où la société qu’ils ont isolée eux-mêmes de l’Église s’écroulera dans l’abîme creusé par leurs mains. « Génération perverse et adultère », dit le Seigneur, contre laquelle s’élèveront les peuples infidèles qui n’ont point connu les institutions chrétiennes, et qui les eussent peut-être aimées et conservées. Craignons le sort des Juifs, auxquels le siège de Jérusalem, sa ruine même, ne purent ouvrir les yeux, et qui restent encore fidèles aux illusions de leur orgueil après un esclavage de dix-huit siècles. Au milieu des périls de la société, que les enfants de l’Église comprennent aussi leur responsabilité. Qu’ils se demandent pourquoi les sages du monde, les politiques de ce monde, ont cesse de compter avec eux ? Pourquoi, aujourd’hui encore, ces hommes ont tant de peine à apercevoir quelque part l’élément catholique ? C’est que les catholiques avaient délaissé l’Église et ses saintes pratiques. Chaque jour, une solitude plus grande se faisait remarquer dans nos Églises, les sacrements n’étaient plus fréquentés, le carême n’était plus qu’un mot sur le calendrier. Revenons non seulement à la foi de nos pères, mais à l’observation des lois chrétiennes : c’est alors que le Seigneur aura pitié de son peuple infidèle, à cause des justes qui seront dans son sein. L’apostolat de l’exemple produira ses fruits ; et si un faible faisceau de fidèles fut pour les peuples de l’empire romain ce levain dont parle le Sauveur, qui fait fermenter toute la pâte [9] : au milieu d’une société qui conserve encore plus d’éléments catholiques qu’elle ne le pense, notre zèle à confesser et à pratiquer les devoirs de la milice chrétienne ne demeurera point sans résultat.

Oraison

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Seigneur, éclairez nos âmes de l’éclat de votre splendeur, afin que nous puissions voir ce que nous devons faire, et accomplir ce qui est juste. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autre liturgie

L’Église grecque nous fournira aujourd’hui ces pieuses stances sur le jeûne, que nous empruntons à son Triodion (Lundi de la 2e semaine des jêunes).

Stances

Le jeûne aidé de la prière est une armure admirable ; c’est lui qui fit de Moïse un législateur, et d’Élie un zélateur, au milieu des sacrifices. Observons-le avec fermeté, ô fidèles ; crions au Sauveur : Nous avons péché contre toi seul, aie pitié de nous.

Jeûnons d’un jeûne spirituel, rompons les filets du tortueux serpent ; éloignons-nous de la perversité du mauvais exemple ; remettons à nos frères ce qu’ils nous doivent, afin que nos propres péchés nous soient remis ; c’est ainsi que nous pourrons dire : Seigneur, notre prière s’élève vers toi comme l’encens.

Agneau de Dieu, seul bon, source de miséricorde, qui par ton divin pouvoir ôtes les péchés du monde, je suis agité des tempêtes du péché, sauve-moi, et conduis-moi dans les sentiers de la pénitence.

Le vrai jeûne, c’est la fuite du péché, la rupture des affections perverses, la charité envers Dieu, le zèle de la prière, les larmes de la componction, le soin des pauvres, comme le Christ ordonne dans les Écritures.

Bienfaisant médecin de nos âmes, guéris la mienne blessée du glaive du péché, mise en lambeaux par mes nombreux crimes ; applique-moi le remède de tes sages commandements, Sauveur plein de clémence !

Le temps du jeûne convient à la componction : livrons-nous aux pleurs, gémissons, tendons nos mains vers l’unique Rédempteur, afin qu’il sauve nos âmes.

Qu’il me soit donné d’éteindre tous mes mauvais penchants, de concevoir ton amour, ô Christ ! de m’enrichir de tes dons divins, bon Jésus ! de me livrer à ton service.

Vois, mon âme, sois attentive, de peur que, tout en jeûnant, tu ne remplaces l’intempérance par les injures, les inimitiés, les rixes contre le prochain, et que tu ne te sépares de Dieu par ta négligence.

Ô mon Christ ! comment soutiendrai-je ta colère, quand tu viendras pour juger ? que répondrai-je, ô Christ ! moi qui n’ai pas accompli tes préceptes ? pardonne-moi avant ma sortie de ce monde.

Arrache mon âme, Seigneur, à la tyrannie des passions, afin que, rendu à la liberté, j’accomplisse ta volonté avec joie, et que je glorifie ta puissance dans les siècles.

Déteste, ô mon âme, l’intempérance d’Ésaü, imite les vertus de Jacob, remplace Bélial par l’abstinence, amasse un trésor divin et loue Dieu à jamais.

Accorde-nous, ô Christ miséricordieux ! de traverser sans aucune tempête la mer tranquille du jeûne, afin que nous arrivions au port de la Résurrection pour célébrer à jamais ta gloire.

Jeudi

La station d’aujourd’hui est dans l’Église de Saint-Laurent in Paneperna, l’une de celles que la piété romaine a élevées en l’honneur du plus célèbre martyr de la ville sainte.

Collecte

Regardez, Seigneur, d’un œil favorable la dévotion de votre peuple, afin que ceux qui mortifient leur corps par l’abstinence soient nourris selon l’esprit par le fruit des bonnes œuvres. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Leçon
Lecture du prophète Ézéchiel. Chap. 18.

En ces jours-là, le Seigneur me parla, et me dit : D’où vient que vous vous servez parmi vous de cette parabole, et que vous l’avez tournée en proverbe dans la terre d’Israël, disant : Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en sont agacées ? Par ma vie, dit le Seigneur, cette parabole ne passera plus en proverbe parmi vous dans Israël ; car toutes les âmes sont à moi : l’âme du fils est à moi comme celle du père. L’âme qui aura péché, mourra elle-même ; et si un homme est juste, s’il fait l’équité et la justice, s’il ne mange point de viandes immolées sur les montagnes, s’il ne lève point les yeux vers les idoles de la maison d’Israël, s’il ne souille point la femme de son prochain, s’il ne s’approche point de sa propre femme lorsqu’elle souffre son incommodité naturelle, s’il ne contriste point son prochain, s’il rend à son débiteur le gage qu’il en avait reçu, s’il ne prend rien par violence, s’il donne de son pain à celui qui a faim, et des vêtements à celui qui est nu, s’il ne prête point à usure et ne reçoit point plus qu’il n’a donné ; s’il détourne sa main de l’iniquité, s’il rend un jugement équitable entre un homme et un homme, s’il marche dans mes préceptes et garde mes commandements, pour agir selon la vérité : celui-là est juste, il vivra de la vie, dit le Seigneur tout-puissant.

Cette lecture du prophète nous donne à apprécier la miséricorde de Dieu envers les Gentils, qui vont bientôt passer des ténèbres à la lumière, par la grâce du saint baptême. En vain le proverbe juif prétend que « les dents des enfants sont agacées, parce que celles des pères ont broyé les raisins verts » : Dieu, dès l’Ancien Testament, déclare que les péchés sont personnels, et que le fils de l’impie, s’il veut suivre la justice, trouvera la miséricorde et la vie. La prédication de l’évangile par les apôtres et leurs disciples fut un appel qui retentit dans toute la Gentilité ; et l’on vit bientôt les fils des races idolâtres se presser autour de la piscine du salut, abjurer les mauvaises œuvres de leurs pères, et devenir l’objet des complaisances du Seigneur. La même merveille apparut dans la conversion des barbares de l’Occident ; elle se continue de nos jours chez les peuples infidèles ; et de nombreux catéchumènes, cette année encore, recevront la régénération à la fête de Pâques.

Dans l’ordre temporel. Dieu punit souvent dans les fils l’iniquité des pères ; cette disposition de sa providence est utile à l’instruction des hommes, qui reçoivent par là de salutaires leçons ; mais, dans l’ordre moral, chacun est traité selon ses mérites ; et de même que Dieu n’impute pas au fils vertueux les iniquités du père, de même la vertu du père ne rachètera pas l’iniquité du fils. Saint Louis fut l’aïeul de Philippe le Bel, et Louis XVI était le petit-fils de Louis XV : ces contrastes se rencontrent dans beaucoup de familles. « Dieu a laissé l’homme dans la main de son conseil ; l’homme a devant lui la vie et la mort, le bien et le mal ; on lui donnera ce qu’il préfère [10]. » Mais telle est la miséricorde du Seigneur notre Dieu, que lorsque l’homme a fait un mauvais choix, s’il repousse le mal qu’il avait d’abord préféré, et s’il se tourne vers le bien, lui aussi vivra de la vie, et la pénitence lui rendra ce qu’il avait perdu.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. 15.

En ce temps-là, Jésus se retira du côté de Tyr et de Sidon ; et voilà qu’une femme Chananéenne, sortant de ces contrées, lui dit avec grands cris : Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David ; ma fille est cruellement tourmentée par le démon. Mais il ne lui répondit pas un mot. Et ses disciples s’approchant de lui le priaient, disant : Renvoyez-la, car elle crie après nous. Mais il leur répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. Elle s’approcha cependant et l’adora, disant : Seigneur, aidez-moi. Il lui répondit : Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens. Mais elle lui dit : Il est vrai, Seigneur ; mais les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Alors Jésus lui répondit : Ô femme, ta foi est grande : qu’il te soit fait comme tu désires. Et sa fille fut guérie à l’heure même.

Jésus admire la foi de cette femme ; il la loue, il la recommande à notre imitation. Cette femme cependant était d’une race païenne ; peut-être jusqu’alors avait-elle adoré les idoles ; mais elle vient au Sauveur ; l’amour maternel l’amène aux pieds de Jésus. Elle y obtient la guérison de sa fille, et sans doute aussi celle de son âme. C’est une application de la vérité consolante que nous trouvions tout à l’heure dans le prophète : les élus sortent de toute race, même de la race maudite de Chanaan. Le Seigneur traite cette femme avec une dureté apparente, bien qu’il ait résolu de l’exaucer ; il veut que sa foi s’élève, qu’elle soit digne d’être récompensée. Prions donc avec instance dans ces jours de miséricorde. La fille de la Chananéenne était tourmentée par le démon dans son corps ; que d’âmes, dans toute l’Église, sont la proie de cet esprit infernal par le péché mortel qui habite en elles ! Sentent-elles leur mal ? Songent-elles à crier vers le libérateur ? et si d’abord il fait attendre la grâce du pardon, savent-elles s’humilier comme la femme de l’évangile, qui accepte avec tant de simplicité le mépris que le Sauveur semble avoir pour elle ? Brebis perdues de la maison d’Israël, profitez du temps où vous possédez encore le Pasteur. Avant quarante jours, il sera mis à mort, « et le peuple qui l’aura renié ne sera plus son peuple [11]. » Avant quarante jours aussi, nous célébrerons l’anniversaire de ce grand sacrifice ; et tout pécheur qui n’aura pas converti ses voies, qui ne sera pas venu à Jésus avec l’humilité de la Chananéenne, aura mérité d’être rejeté sans retour. Hâtons-nous donc de nous rendre dignes de la réconciliation. La table des enfants de Dieu est déjà dressée ; et telle est la générosité du père de famille, que si nous voulons revenir à lui du fond de notre cœur, ce ne sont point seulement les miettes tombées de cette table qu’il nous permettra de recueillir : c’est Jésus, le Pain de vie, qu’il nous donnera, en signe d’éternelle réconciliation.

Oraison

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Daignez accorder, Seigneur, aux peuples chrétiens, de reconnaître la dignité de leur profession, et d’aimer le don céleste qu’ils reçoivent si souvent. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autre liturgie

Lisons aujourd’hui cette belle préface du missel mozarabe, où le Sauveur nous est montré comme le Pain de vie qui doit soutenir les fidèles dans le jeûne (missel gothique, vendredi après le 2e dimanche de carême).

Illation

Il est digne et juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces, à vous, Père tout puissant, et à Jésus-Christ votre Fils notre Seigneur, en qui, dans le cours de ce jeûne, la foi trouve sa nourriture, l’espérance son avancement, la charité sa force. Il est en effet le Pain vivant et véritable, l’assurance de l’éternité, l’aliment des vertus. Il est votre Verbe, par qui tout a été fait ; il est le pain, non seulement de nos âmes, mais des anges eux-mêmes. C’est soutenu par ce Pain que Moïse votre serviteur, lorsqu’il reçut la loi, jeûna quarante jours et quarante nuits, et qu’il s’abstint de la nourriture matérielle, pour pouvoir goûter votre douceur. Vivant de votre Verbe, et fortifié par lui, son esprit en goûtait la suavité, et son visage en empruntait la lumière. Il n’éprouva pas la faim, il oublia la nourriture terrestre ; car l’aspect de votre gloire le glorifiait lui-même, et par l’influence de l’Esprit-Saint, votre parole le repaissait intérieurement. Ce Pain, vous ne cessez de nous le servir ; mais vous nous exhortez à entretenir pour lui en nous une faim continuelle. Cette chair, quand nous la mangeons, est notre force ; ce sang, quand nous le buvons, lave nos souillures.

Vendredi des Quatre-temps de carême

La station est dans la Basilique des Douze-Apôtres, l’une des plus augustes de Rome, enrichie des corps des deux apôtres saint Philippe et saint Jacques le Mineur.

Collecte

Soyez, Seigneur, propice à votre peuple ; vous lui inspirez la piété envers vous ; que votre miséricorde le soutienne maintenant de son bienfaisant secours. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Leçon
Lecture du prophète Ézéchiel. Chap. 18.

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : L’âme qui aura péché mourra elle-même ; mais le fils ne portera point l’iniquité du père, et le père ne portera point l’iniquité du fils. La justice du juste sera sur lui, et l’impiété de l’impie sera sur lui. Mais si l’impie fait pénitence de tous les péchés qu’il avait commis, s’il garde tous mes préceptes, et s’il agit selon l’équité et la justice, il vivra certainement, et il ne mourra pas. Je ne me souviendrai plus de toutes les iniquités qu’il avait commises, il vivra par les œuvres de justice qu’il aura faites. Est-ce que je veux la mort de l’impie, dit le Seigneur Dieu ; et ne veux-je pas plutôt qu’il se retire de sa mauvaise voie et qu’il vive ? Mais si le juste se détourne de sa justice, et s’il fait l’iniquité et toutes les abominations que l’impie commet d’ordinaire, vivra-t-il ? Toutes les œuvres de justice qu’il avait faites, on ne s’en souviendra plus. Il mourra dans la prévarication où il est tombé, et dans le péché qu’il a commis. Et cependant vous avez dit : La voie du Seigneur n’est pas juste. Écoutez donc, ô maison d’Israël : Est-ce ma voie qui n’est pas juste ; et ne sont-ce pas plutôt vos voies qui sont perverses ? Car lorsque le juste se sera détourné de sa justice, qu’il aura commis l’iniquité, et qu’il sera mort en cet état, il mourra dans l’œuvre injuste qu’il aura commise ; et lorsque l’impie se sera détourné de son impiété qu’il avait commise, et qu’il aura agi selon l’équité et la justice, il rendra ainsi la vie à son âme. Comme il a considéré son état, et qu’il s’est détourné de toutes ses iniquités qu’il avait commises, il vivra de vie et ne mourra pas, dit le Seigneur tout-puissant.

Portons nos regards sur les pénitents publics que l’Église se prépare à rétablir bientôt dans la participation des mystères. Mais auparavant ils ont besoin d’être réconciliés avec Dieu qu’ils ont offensé. Leur âme est morte par le péché ; pourra-t-elle donc revivre ? Oui, le Seigneur nous l’atteste ; et la lecture du prophète Ézéchiel, que l’Église commençait hier pour les catéchumènes, elle la continue aujourd’hui en faveur des pénitents publics. « Que l’impie, dit le Seigneur, fasse pénitence de tous les péchés qu’il a commis ; qu’il garde désormais mes préceptes : il vivra certainement, et il ne mourra pas. » Cependant ses iniquités sont là, qui s’élèvent contre lui ; leur voix est montée jusqu’au ciel et provoque une vengeance éternelle. Assurément, il en est ainsi ; mais voici que le Seigneur qui sait tout, qui n’oublie rien, nous déclare qu’il ne se souviendra plus de l’iniquité rachetée par la pénitence. Telle est la tendresse de son cœur paternel, qu’il veut bien oublier l’outrage qu’il a reçu d’un fils, si ce fils revient sincèrement à son devoir. Ainsi nos pénitents seront réconciliés, et au jour de la Résurrection du Sauveur, ils se mêleront aux justes, parce que Dieu ne gardera plus souvenir de leurs iniquités ; ils seront devenus justes eux-mêmes. En remontant par la pensée le cours des âges, nous nous retrouvons ainsi en face de ce grand spectacle de la pénitence publique, dont la liturgie, qui ne change pas, a seule conservé les traces aujourd’hui. De nos jours, les pécheurs ne sont plus mis à part ; la porte de l’église ne leur est plus fermée ; ils se tiennent souvent tout près des saints autels, mêlés aux justes ; et quand le pardon descend sur eux, l’assemblée des fidèles n’en est point avertie par des rites spéciaux et solennels. Admirons la miséricorde divine, et profitons de l’indulgence de notre mère la sainte Église. À toute heure et sans éclat, la brebis égarée peut rentrer au bercail : qu’elle use donc de la condescendance dont elle est l’objet, et qu’elle ne quitte plus désormais le pasteur qui a daigné l’accueillir encore. Quant au juste, qu’il ne s’élève pas par une vaine complaisance, en se comparant à la pauvre brebis égarée ; qu’il médite ces paroles : « Si le juste se détourne de la justice, s’il commet l’iniquité, toutes les œuvres de justice qu’il avait faites, on ne s’en souviendra plus ». Craignons donc pour nous-mêmes, et ayons pitié des pécheurs. La prière des fidèles pour les pécheurs, durant le carême, est un des grands moyens sur lesquels compte l’Église pour obtenir leur réconciliation.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Jean. Chap. 5.

En ce temps-là, le jour de la fête des Juifs étant venu, Jésus monta à Jérusalem. Or il y a à Jérusalem la piscine Probatique, appelée en hébreu Bethsaïda. Elle a cinq portiques, sous lesquels gisait une grande multitude de malades, d’aveugles, de boiteux, de gens dont les membres étaient desséchés, attendant le mouvement des eaux. Car l’ange du Seigneur descendait, en un certain temps, dans la piscine, et l’eau s’agitait. Et celui qui le premier descendait dans la piscine, après le mouvement de l’eau, était guéri de son infirmité, quelle qu’elle fut. Or il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. Jésus l’ayant vu étendu par terre, et sachant qu’il était malade depuis fort longtemps, lui dit : Veux-tu être guéri ? Le malade lui répondit : Seigneur, je n’ai point d’homme pour me jeter dans la piscine, lorsque l’eau est agitée, et pendant le temps que je mets à m’y rendre, un autre descend avant moi. Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche. Et cet homme fut guéri à l’instant, et prenant son grabat il marchait. Et ce jour-là était un jour de Sabbat. Les Juifs donc disaient à celui qui avait été guéri : C’est aujourd’hui le Sabbat : il ne t’est pas permis d’emporter ton grabat. Il leur répondit : Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton grabat, et marche. Ils lui demandèrent : Quel est cet homme qui t’a dit : Prends ton grabat, et marche ? Mais celui qui avait été guéri ne savait pas lui-même qui il était ; car Jésus s’était retiré de la foule qui était en ce lieu. Jésus ensuite le trouva dans le temple et lui dit : Te voilà guéri, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. Cet homme s’en alla et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri.

Revenons encore sur nos pénitents de l’antiquité ; le passage sera facile à ceux d’aujourd’hui et à nous-mêmes. Nous venons de voir par le prophète la disposition du Seigneur à pardonner au pécheur repentant. Mais comment ce pardon sera-t-il appliqué ? par qui la sentence d’absolution sera-t-elle prononcée ? notre évangile nous l’apprend. Ce malheureux paralytique de trente-huit ans figure le pécheur invétéré ; cependant il est guéri, et le voici qui marche. Que s’est-il donc passé ? Écoutons-le d’abord : « Seigneur, dit-il, je n’ai point d’homme pour me jeter dans la piscine ». L’eau de cette piscine l’eût sauvé ; mais il lui fallait un homme pour l’y plonger. Le Fils de Dieu sera cet homme ; c’est parce qu’il s’est fait homme que nous sommes guéris. Comme homme, il a reçu le pouvoir de remettre les péchés, et avant de monter aux cieux, il dit à d’autres hommes : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ». Nos pénitents seront donc réconciliés avec Dieu, en vertu de ce pouvoir surnaturel ; et le paralytique levant avec facilité son grabat, et l’emportant sur ses épaules, comme un trophée de sa guérison, est la figure du pécheur auquel l’Église de Jésus-Christ, en vertu du divin pouvoir des clefs, a remis ses iniquités.

Au 3e siècle du christianisme, un hérétique, Novatien, osa enseigner que l’Église n’avait pas le pouvoir de remettre les péchés commis depuis le baptême. Cette erreur désespérante fut proscrite par les conciles et les saints docteurs ; et, pour exprimer aux yeux des fidèles l’auguste puissance que le Fils de l’homme a reçue pour purifier toute âme pénitente, on peignit, dans les lieux où les chrétiens s’assemblaient, le paralytique de notre évangile marchant libre et dégagé, son grabat sur les épaules. Cette consolante image se rencontre fréquemment sur les fresques des catacombes de Rome, contemporaines de l’âge des martyrs. Nous apprenons sur ces monuments l’intention de cette lecture de l’évangile que l’Église, depuis tant de siècles, a fixée à ce jour.

L’eau de la piscine Probatique était aussi un symbole ; mais il était destiné à l’instruction des Catéchumènes. C’est par l’eau qu’ils devaient être guéris, et par une eau divinement fécondée d’en haut. Ce miracle, dont Dieu favorisait encore la Synagogue, ne servait chez les Juifs qu’à la guérison du corps, et seulement pour un seul homme, à rares intervalles ; mais depuis que l’Ange du grand Conseil est descendu des cieux et qu’il a sanctifié l’eau du Jourdain, la piscine est partout ; à chaque heure son eau rend la santé aux âmes, depuis l’enfant naissant jusqu’au vieillard. L’homme est le ministre de cette grâce ; mais c’est le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme qui opère. Disons aussi un mot des malades que l’évangile nous représente comme rassemblés dans l’attente de la guérison. C’est l’image de la société chrétienne, en ces jours. Il y a des languissants, hommes tièdes qui ne rompent jamais franchement avec le mal ; des aveugles, chez lesquels l’œil de l’âme est éteint ; des boiteux, dont la marche dans la voie du salut est chancelante ; des malheureux dont les membres sont desséchés, impuissants à toute espèce de bien ; ils espèrent dans le moment favorable. Jésus va venir à eux ; il va leur demander, comme au paralytique : Voulez-vous être guéris ? Question remplie d’une charité divine ! Qu’ils y répondent avec amour et confiance, et ils seront guéris.

Oraison

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Exaucez-nous, ô Dieu de miséricorde ! et faites voir à nos âmes la lumière de votre grâce. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autre liturgie

Rendons hommage au céleste médecin de nos âmes, en lui exprimant nos vœux par ces strophes de l’Église grecque, dans son Triodion (vendredi de la 1ère semaine des jêunes).

Toi qui par tes souffrances as délivré l’homme des mauvaises passions, fais, Seigneur, que ta divine croix éloigne les penchants de ma chair, et que je contemple ta sainte résurrection.

Source de pureté, Seigneur miséricordieux, conserve-nous par le mérite de ce jeûne ; vois-nous prosternés à tes pieds, vois nos mains élevées vers toi qui as étendu les tiennes sur le bois pour tous les mortels, unique Seigneur des anges.

Les illusions de l’ennemi m’ont jeté dans les ténèbres ; éclaire-moi, ô mon Christ ! toi qui, suspendu à la croix, as obscurci la lumière du soleil et fait luire sur tes fidèles la lumière du pardon. Que je marche à la lueur de tes préceptes, et que j’arrive purifié aux splendeurs salutaires de ta résurrection.

Ô Sauveur ! ô Christ ! semblable à une vigne attachée au bois, tu as arrosé toute la terre du vin de l’immortalité. Je m’écrie : Déjà tu m’as versé, à moi aveuglé par mes péchés, le suc de la douce componction ; maintenant donne-moi la force de jeûner des plaisirs coupables, toi qui es bon et miséricordieux.

Ô puissance de ta croix ! c’est elle qui a fait fleurir dans l’Église le germe de l’abstinence, en arrachant l’ancienne intempérance qui, dans Éden, fit tomber Adam ; celle-ci a été une source de mort pour les hommes ; celle-là est pour le monde un fleuve d’immortalité toujours pur, qui coule comme d’un autre paradis dans ton sang vivifiant uni avec l’eau ; c’est de là que tout a repris la vie ; par ce fleuve, fais-nous goûter des délices dans le jeûne, ô Dieu d’Israël ! toi dont la miséricorde est si grande.

Samedi des Quatre-temps de carême

La station est dans la Basilique de Saint-Pierre au Vatican, où le peuple se réunissait sur le soir pour assister à l’ordination des prêtres et des ministres sacrés. Ce jour était appelé le Samedi aux douze Leçons, parce qu’on lisait d’abord douze passages des saintes Écritures, comme au Samedi saint. La messe à laquelle se conférait l’ordination avait lieu dans la nuit, déjà sur le dimanche. Dans la suite, on a anticipé au samedi cette messe de l’Ordination ; mais, en mémoire de l’antique usage, on n’a pas assigné d’autre évangile pour le dimanche que celui qui se lit maintenant au samedi : ce qui amène la répétition de cet évangile deux jours de suite. Nous avons observé la même particularité au Samedi des Quatre-temps de l’Avent, parce que la messe de l’Ordination y a été pareillement avancée d’un jour.

Collecte

Regardez, Seigneur, votre peuple d’un œil favorable, et, dans votre clémence, détournez de lui les fléaux de votre colère. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Leçon
Lecture du livre du Deutéronome. Chap. 26.

En ces jours-là, Moïse parla au peuple et lui dit : Quand tu auras donné la dîme de tous tes fruits, tu diras ceci devant le Seigneur ton Dieu : J’ai ôté de ma maison ce qui vous était consacré, et je l’ai donné au lévite, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, comme vous me l’avez ordonné. Je n’ai point négligé vos préceptes, ni oublié votre commandement. J’ai obéi à la voix du Seigneur mon Dieu, et j’ai tout fait comme vous me l’aviez prescrit. Regardez donc, Seigneur, de votre sanctuaire, et du haut des cieux où vous habitez, et bénissez votre peuple d’Israël, et la terre que vous nous avez donnée, selon que vous l’aviez juré à nos pères, cette terre où coulent en ruisseaux le lait et le miel. Le Seigneur ton Dieu t’a commandé aujourd’hui d’observer ces ordonnances et ces préceptes, de les garder et accomplir de tout ton cœur et de toute ton âme. Tu as aujourd’hui choisi le Seigneur, afin qu’il soit ton Dieu, afin que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses cérémonies, ses préceptes et ses ordonnances, et que tu obéisses à son commandement ; et le Seigneur t’a choisi aujourd’hui, afin que tu sois son peuple particulier, selon qu’il te l’a déclaré, et que tu gardes tous ses préceptes, et qu’il fasse de toi la plus illustre des nations qu’il a créées, pour sa louange, pour son nom et pour sa gloire, afin que tu sois le peuple saint du Seigneur ton Dieu, selon qu’il te l’a dit.

Le Seigneur nous apprend, dans ce passage de Moïse, qu’une nation fidèle à garder toutes les prescriptions du service divin sera bénie entre toutes les autres. L’histoire est là pour attester la vérité de cet oracle. De toutes les nations qui ont péri, il n’en est pas une seule qui ne l’ait mérité par son oubli de la loi de Dieu ; et il en doit être ainsi. Quelquefois le Seigneur attend avant de frapper ; mais c’est afin que le châtiment soit plus solennel et plus exemplaire. Veut-on se rendre compte de la solidité des destinées d’un peuple ? Que l’on étudie son degré de fidélité aux lois de l’Église. Si son droit public a pour base les principes et les institutions du christianisme, cette nation peut avoir quelques germes de maladie ; mais son tempérament est robuste ; les révolutions l’agiteront sans la dissoudre. Si la masse des citoyens est fidèle à l’observation des préceptes extérieurs ; si elle garde, par exemple, le jour du Seigneur, les prescriptions du carême, il y a là un fonds de moralité qui préservera ce peuple des dangers d’une dissolution. De tristes économistes n’y verront qu’une superstition puérile et traditionnelle, qui n’est bonne qu’à retarder le progrès ; mais que cette nation, jusqu’alors simple et fidèle, ait le malheur d’écouter ces superbes et niaises théories, un siècle ne se passera pas sans qu’elle ait à s’apercevoir qu’en s’émancipant de la loi rituelle du christianisme, elle a vu baisser chez elle le niveau de la morale publique et privée, et que ses destinées commencent à chanceler. L’homme peut dire et écrire tout ce qu’il voudra ; Dieu veut être servi et honoré par son peuple, et il entend être le maître des formes de ce service et de cette adoration. Tous les coups portés au culte extérieur, qui est le véritable lien social, retomberont de tout leur poids sur l’édifice des intérêts humains. Quand bien même la parole du Seigneur n’y serait pas engagée, il est de toute justice qu’il en soit ainsi.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. 17.

En ce temps-là, Jésus prit Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les conduisit à part sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux. Et sa face resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que Moïse et Élie leur apparurent conversant avec lui. Pierre, s’adressant à Jésus, lui dit : Seigneur, il nous est bon d’être ici : si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. Comme il parlait encore, une nuée lumineuse vint les couvrir. Et voilà que de la nuée sortit une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu ; écoutez-le. Et les disciples, entendant cette voix, tombèrent sur leur face et furent saisis d’une grande frayeur. Et Jésus, s’approchant d’eux, les toucha et leur dit : Levez-vous et ne craignez point. Alors élevant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Et comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement : Ne parlez à personne de cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.

Cette lecture du saint évangile, qui nous sera proposée demain encore, est destinée à accompagner aujourd’hui l’Ordination ; les anciens liturgistes, à la suite du savant Abbé Rupert, nous en donnent l’intelligence. L’Église veut porter notre pensée sur la sublime dignité dont viennent d’être honorés les prêtres qui ont reçu aujourd’hui l’onction sacrée. Ils sont figurés dans ces trois apôtres que Jésus conduit avec lui sur la montagne, et qui seuls contemplent sa gloire. Les autres disciples du Sauveur sont demeurés dans la plaine ; Pierre, Jacques et Jean sont seuls montés sur le Thabor. C’est d’eux que les autres disciples, que le monde entier apprendront, quand il en sera temps, de quelle gloire Jésus a paru environné, et avec quel éclat la voix du Père céleste a tonné sur le sommet de la montagne pour déclarer la grandeur et la divinité du Fils de l’homme. « Cette voix du ciel, nous l’avons entendue, dit saint Pierre, quand nous étions avec lui sur la sainte montagne. Elle disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le [12]. » De même, ces nouveaux prêtres qui viennent d’être consacrés sous vos yeux, pour lesquels vous avez offert vos jeûnes et vos prières, ils entreront dans la nue où réside le Seigneur. Ils sacrifieront la victime de votre salut dans le silence du canon sacré. Dieu descendra pour vous entre leurs mains ; et, sans cesser d’être mortels et pécheurs comme vous, ils seront chaque jour en communication avec la divinité. Le pardon que vous attendez de Dieu, en ce temps de réconciliation, passera par leurs mains ; leur pouvoir surhumain ira le chercher pour vous jusque dans le ciel. C’est ainsi que Dieu a apporté le remède à notre orgueil. Le serpent nous dit aux premiers jours : « Mangez ce fruit, et vous serez comme des dieux. » Nous avons eu le malheur d’adhérer à cette perfide suggestion ; et la mort a été le seul fruit de notre prévarication. Dieu cependant voulait nous sauver ; mais pour abattre nos prétentions, c’est par des hommes qu’il nous applique ce salut. Son Fils éternel s’est fait homme, et il a laissé d’autres hommes après lui, auxquels il a dit : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie [13] ». Honorons donc Dieu en ces hommes qui viennent d’être aujourd’hui l’objet d’une si sublime distinction, et comprenons que le respect du sacerdoce fait partie de la religion de Jésus-Christ.

Oraison

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Ô Dieu, fortifiez vos fidèles par la bénédiction qu’ils implorent, afin qu’ils ne s’écartent jamais de votre volonté, et qu’ils se réjouissent toujours de vos bienfaits. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autre liturgie

En ce jour du samedi, recourons à Marie, l’Avocate des pécheurs ; et, plaçant sous sa protection maternelle les faibles œuvres de notre pénitence, offrons-lui cette prose naïve des anciens missels de Cluny :

Séquence

Tendre Mère du Sauveur, Marie, espoir de ce monde : salut, ô pleine de grâce !

Porte du ciel, temple de Dieu, port assuré où les pécheurs se retirent avec confiance.

Digne épouse du souverain Roi, clémente à tous et pleine de tendresse, tu nous aides par tes efforts.

Lumière pour l’aveugle, sentier sûr pour nos pas chancelants, Marthe et Marie pour nos besoins, ton affection est pour nous.

Entre les épines tu fus la fleur, fleur qui s’ouvrit pour la Fleur céleste, par ton grand amour.

Par ta parole tu conçus le Verbe, tu enfantas le Roi des rois, ô Vierge franche du joug de l’homme.

Fidèle au Roi né de ton sein, tu l’allaitas, tu le nourris, comme font les mères.

Dès longtemps à lui réunie, tu es devenue reine, pour prix de tes vertus.

Ô Reine ! daigne auprès du Roi intercéder pour les coupables ; qu’il leur accorde le pardon ;

Qu’il daigne dans sa bonté les rendre à la vie, les purifier de leurs souillures, les faire régner avec toi. Amen.

[1] – s. Luc 15, 7.

[2] – s. Luc 13, 3.

[3] – Psalm. 50, 12.

[4] – Rom. 5, 20.

[5] – Jonas, 3, 4.

[6] – Hébr. 6, 7,8.

[7] – In Matthaeum. Cap. 21.

[8] – 1 s . Jean 1, 1.

[9] – Évangile du 6e Dimanche après l’Épiphanie.

[10] – Eccli. 15, 14, 18.

[11] – Dan. 9, 26.

[12] – 2 Petr. 1, 17, 18.

[13] – s. Jean 20, 21.