Dom Guéranger ~ L’année liturgique
1er janvier, La Circoncision de Notre-Seigneur
et l’octave de Noël
Aux premières vêpres
À la messe
Aux secondes vêpres
À la louange de la Mère de Dieu
Le huitième jour de la naissance du Sauveur est arrivé ; l’étoile qui conduit les mages approche de Bethléhem ; encore cinq jours, et elle s’arrêtera sur le lieu où repose l’enfant divin. Aujourd’hui, ce Fils de l’Homme doit être circoncis, et marquer, par ce premier sacrifice de sa chair innocente, le huitième jour de sa vie mortelle. Aujourd’hui, un nom va lui être donné ; et ce nom sera celui de Jésus, qui veut dire Sauveur. Les mystères se pressent dans cette grande journée ; recueillons-les tous, et honorons-les dans toute la religion et toute la tendresse de nos cœurs.
Mais ce jour n’est pas seulement consacré à honorer la circoncision de Jésus ; le mystère de cette circoncision fait partie d’un plus grand encore, celui de l’incarnation et de l’enfance du Sauveur ; mystère qui ne cesse d’occuper l’Église, non seulement durant cette octave, mais pendant les quarante jours du Temps de Noël. D’autre part, l’imposition du nom de Jésus doit être glorifiée par une solennité particulière, que nous célébrerons demain. Cette grande journée offre place encore à un autre objet digne d’émouvoir la piété des fidèles. Cet objet est Marie, Mère de Dieu. Aujourd’hui, l’Église célèbre spécialement l’auguste prérogative de cette divine maternité, conférée à une simple créature, coopératrice du grand ouvrage du salut des hommes.
Autrefois la sainte Église romaine célébrait deux messes au premier janvier : l’une pour l’octave de Noël, l’autre en l’honneur de Marie. Depuis, elle les a réunies en une seule, de même qu’elle a mélangé dans le reste de l’office de ce jour les témoignages de son adoration envers le Fils, aux expressions de son admiration et de sa tendre confiance envers la Mère.
Pour payer son tribut d’hommages à celle qui nous a donné l’Emmanuel, l’Église grecque n’attend pas le huitième jour de la naissance de ce Verbe fait chair. Dans son impatience, elle consacre à Marie le propre lendemain de Noël, le 26 décembre, sous le titre de Synaxe de la Mère de Dieu, réunissant ces deux solennités en une seule, en sorte qu’elle n’honore saint Etienne que le 27 décembre.
Pour nous, fils aînés de la sainte Église romaine, épanchons aujourd’hui tout l’amour de nos cœurs envers la Vierge-Mère, et conjouissons-nous à la félicité qu’elle éprouve d’avoir enfanté son Seigneur et le nôtre. Durant le saint temps de l’avent, nous l’avons considérée enceinte du salut du monde ; nous avons proclamé la souveraine dignité de cette arche de la nouvelle alliance qui offrait dans ses chastes flancs comme un autre ciel à la majesté du roi des siècles. Maintenant, elle l’a mis au jour, ce Dieu enfant ; elle l’adore ; mais elle est sa Mère. Elle a le droit de l’appeler son Fils ; et lui, tout Dieu qu’il est, la nomme en toute vérité sa Mère.
Ne nous étonnons donc plus que l’Église exalte avec tant d’enthousiasme Marie et ses grandeurs. Comprenons au contraire que tous les éloges qu’elle peut lui donner, tous les hommages qu’elle peut lui offrir dans son culte, demeurent toujours beaucoup au-dessous de ce qui est dû à la Mère du Dieu incarné. Personne sur la terre n’arrivera jamais à décrire, pas même à comprendre tout ce que cette sublime prérogative renferme de gloire. En effet, la dignité de Marie provenant de ce qu’elle est Mère d’un Dieu, il serait nécessaire, pour la mesurer dans son étendue, de comprendre préalablement la divinité elle-même. C’est à un Dieu que Marie a donné la nature humaine ; c’est un Dieu qu’elle a eu pour Fils ; c’est un Dieu qui s’est fait gloire de lui être soumis, selon l’humanité ; la valeur d’une si haute dignité dans une simple créature ne peut donc être estimée qu’en la rapprochant de la souveraine perfection du grand Dieu qui daigne ainsi se constituer sous sa dépendance. Anéantissons-nous donc en présence de la majesté du Seigneur ; et humilions-nous devant la souveraine dignité de celle qu’il s’est choisie pour mère.
Que si nous considérons maintenant les sentiments qu’une telle situation inspirait à Marie à l’égard de son divin fils, nous demeurons encore confondus par la sublimité du mystère. Ce fils, qu’elle allaite, qu’elle tient dans ses bras, qu’elle presse contre son cœur, elle l’aime, parce qu’il est le fruit de ses entrailles ; elle l’aime, parce qu’elle est mère, et que la mère aime son fils comme elle-même et plus qu’elle-même ; mais si elle vient à considérer la majesté infinie de celui qui se confie ainsi à son amour et à ses caresses, elle tremble et se sent près de défaillir, jusqu’à ce que son cœur de mère la rassure au souvenir des neuf mois que cet enfant a passés dans son sein, et du sourire filial avec lequel il lui sourit au moment où elle l’enfanta. Ces deux grands sentiments de la religion et de la maternité se confondent dans ce cœur sur ce seul et divin objet. Se peut-il imaginer quelque chose de plus sublime que cet état de mère de Dieu ; et n’avions-nous pas raison de dire que, pour le comprendre tel qu’il est en réalité, il nous faudrait comprendre Dieu lui-même, qui seul pouvait le concevoir dans son infinie sagesse, et seul le réaliser dans sa puissance sans bornes ?
Une mère de Dieu ! tel est le mystère pour la réalisation duquel le monde était dans l’attente depuis tant de siècles ; l’œuvre qui, aux yeux de Dieu, dépassait à l’infini, comme importance, la création d’un million de mondes. Une création n’est rien pour sa puissance ; il dit, et toutes choses sont faites. Au contraire, pour qu’une créature devienne mère de Dieu, il a dû non seulement intervertir toutes les lois de la nature en rendant féconde la virginité, mais se placer divinement lui-même dans des relations de dépendance, dans des relations filiales, à l’égard de l’heureuse créature qu’il a choisie. Il a dû lui conférer des droits sur lui-même, accepter des devoirs envers elle ; en un mot, en faire sa mère et être son fils.
Il suit de là que les bienfaits de cette incarnation que nous devons à l’amour du Verbe divin, nous pourrons et nous devrons, avec justice, les rapporter dans un sens véritable, quoique inférieur, à Marie elle-même. Si elle est mère de Dieu, c’est qu’elle a consenti à l’être. Dieu a daigné non seulement attendre ce consentement, mais en faire dépendre la venue de son Fils dans la chair. Comme ce Verbe éternel prononça sur le chaos ce mot fiat, et la création sortit du néant pour lui répondre ; ainsi, Dieu étant attentif, Marie prononça aussi ce mot fiat, qu’il me soit fait selon votre parole, et le propre Fils de Dieu descendit dans son chaste sein. Nous devons donc notre Emmanuel, après Dieu, à Marie, sa glorieuse mère.
Cette nécessité indispensable d’une mère de Dieu, dans le plan sublime du salut du monde, devait déconcerter les artifices de l’hérésie qui avait résolu de ravir la gloire du Fils de Dieu. Selon Nestorius, Jésus n’eût été qu’un homme ; sa mère n’était donc que la mère d’un homme : le mystère de l’incarnation était anéanti. De là, l’antipathie de la société chrétienne contre un si odieux système. D’une seule voix, l’Orient et l’Occident proclamèrent le Verbe fait chair, en unité de personne, et Marie véritablement mère de Dieu, Deipara, Theotocos, puisqu’elle a enfanté Jésus-Christ. Il était donc bien juste qu’en mémoire de cette grande victoire remportée au concile d’Éphèse, et pour témoigner de la tendre vénération des chrétiens envers la mère de Dieu, des monuments solennels s’élevassent qui attesteraient aux siècles futurs cette suprême manifestation. Ce fut alors que commença dans les Églises grecque et latine le pieux usage de joindre, dans la solennité de Noël, la mémoire de la mère au culte du fils. Les jours assignés à cette commémoration furent différents ; mais la pensée de religion était la même.
À Rome, le saint Pape Sixte III fit décorer l’arc triomphal de l’Église de Sainte-Marie ad Praesepe, de l’admirable Basilique de Sainte-Marie-Majeure, par une immense mosaïque à la gloire de la mère de Dieu. Ce précieux témoignage de la foi du cinquième siècle est arrivé jusqu’à nous ; et au milieu du vaste ensemble sur lequel figurent, dans leur mystérieuse naïveté, les événements racontés par les saintes Écritures et les plus vénérables symboles, on peut lire encore la noble inscription par laquelle le saint pontife dédiait ce témoignage de sa vénération envers Marie, mère de Dieu, au peuple fidèle : xistus episcopus plebi dei.
Des chants spéciaux furent composés aussi à Rome pour célébrer le grand mystère du Verbe fait homme par Marie. De sublimes répons, de magnifiques antiennes, ornés d’un chant grave et mélodieux, vinrent servir d’expression à la piété de l’Église et des peuples, et ils ont porté cette expression à travers tous les siècles. Entre ces pièces liturgiques, il est des antiennes que l’Église grecque chante avec nous, dans sa langue, en ces mêmes jours, et qui attestent l’unité de la foi en même temps que la communauté des sentiments, en présence du grand mystère du Verbe incarné.
Aux premières vêpres
Les premières vêpres de la Circoncision sont rendues plus solennelles par le chant de cinq des vénérables antiennes dont nous parlions tout à l’heure ; l’office se compose en outre des psaumes assignés, pendant toute l’année, aux vêpres de la sainte Vierge.
Le premier de ces psaumes, en célébrant la royauté, le sacerdoce et la suprême judicature de l’Emmanuel, révèle en même temps la haute dignité de celle qui l’a enfanté. Le second renferme la louange du Dieu qui élève les humbles et qui rend féconde la stérilité ; il annonce magnifiquement les grandeurs et la fécondité de Marie, mère de Dieu et mère des hommes. Les trois derniers psaumes contiennent l’éloge de Jérusalem, cité de Dieu et symbole de Marie.
Ant. Ô commerce admirable ! le créateur du genre humain, prenant un corps et une âme, a daigné naître de la Vierge, et devenu homme sans le concours de l’homme, il nous a fait part de sa divinité.
Psaume 109
Celui qui est le Seigneur a dit à son Fils, mon Seigneur :
Asseyez-vous à ma droite et régnez avec moi ;
Jusqu’à ce que, au jour de votre dernier avènement, je fasse de vos ennemis l’escabeau de vos pieds.
Ô Christ ! le Seigneur, votre Père, fera sortir de Sion le sceptre de votre force : c’est de là que vous partirez pour dominer au milieu de vos ennemis.
La principauté éclatera en vous, au jour de votre force, au milieu des splendeurs des saints ; car le Père vous a dit : Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore.
Le Seigneur l’a juré, et sa parole est sans repentir ; il a dit en vous parlant : Dieu-Homme, vous êtes prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech.
Ô Père ! le Seigneur votre Fils est donc à votre droite : c’est lui qui, au jour de sa colère,viendra juger les rois.
Il jugera aussi les nations ; il consommera la ruine du monde, et brisera contre terre la tête de plusieurs.
Maintenant il vient dans l’humilité ; il s’abaisse pour boire l’eau du torrent des afflictions ; mais c’est pour cela même qu’un jour il élèvera la tête.
Ant. Ô commerce admirable ! Le créateur du genre humain, prenant un corps et une âme, a daigné naître de la Vierge, et devenu homme sans le concours de l’homme, il nous a fait part de sa divinité.
Ant. Quand vous naquîtes ineffablement d’une Vierge, alors s’accomplirent les Écritures. Comme la rosée sur la toison, vous descendîtes pour sauver le genre humain. Nous vous louons, ô notre Dieu !
Psaume 112
Serviteurs du Seigneur, faites entendre ses louanges : célébrez le nom du Seigneur.
Que le nom du Seigneur soit béni, aujourd’hui et jusque dans l’éternité.
De l’aurore au couchant, le nom du Seigneur doit être à jamais célébré.
Le Seigneur est élevé au-dessus de toutes les nations ; sa gloire est par delà les cieux.
Qui est semblable au Seigneur notre Dieu, dont la demeure est dans les hauteurs ?
C’est de là que, non content d’abaisser ses regards sur les choses les plus humbles dans le ciel et sur la terre, il a daigné descendre jusqu’à nous.
Du fond de son berceau, par sa vertu divine, il soulève de terre l’indigent, élève le pauvre de dessus le fumier où il languissait,
Pour le placer avec les princes, avec les princes mêmes de son peuple.
C’est lui qui fait habiter pleine de joie dans sa maison celle qui auparavant fut stérile, et qui maintenant est mère de nombreux enfants.
Ant. Quand vous naquîtes ineffablement d’une Vierge, alors s’accomplirent les Écritures. Comme la rosée sur la toison, vous descendîtes pour sauver le genre humain. Nous vous louons, ô notre Dieu !
Ant. Le buisson enflammé, mais non consumé, qui apparut à Moïse, nous l’avons reconnu dans votre virginité admirablement conservée : Mère de Dieu, intercédez pour nous.
Psaume 121
Je me suis réjoui quand on m’a dit : Nous irons vers Marie, la maison du Seigneur.
Nos pieds se sont fixés dans tes parvis, ô Jérusalem ! notre cœur dans votre amour, ô Marie !
Marie, semblable à Jérusalem, est bâtie comme une cité : tous ceux qui habitent dans son amour, sont unis et liés ensemble.
C’est en elle que se sont donné rendez-vous les tribus du Seigneur, selon l’ordre qu’il en a donné à Israël, pour y louer le nom du Seigneur.
Là, sont dressés les sièges de la maison de David, et Marie est la fille des rois.
Demandez à Dieu, par Marie, la paix pour Jérusalem : que tous les biens soient pour ceux qui t’aiment, ô Église.
Voix de Marie : Que la paix règne sur tes remparts, ô nouvelle Sion ! et l’abondance dans tes forteresses.
Moi fille d’Israël, je prononce sur toi des paroles de paix, à cause de mes frères et de mes amis qui sont au milieu de toi.
Parce que tu es la maison du Seigneur notre Dieu, j’ai appelé sur toi tous les biens.
Ant. Le buisson enflammé, mais non consumé, qui apparut à Moïse, nous l’avons reconnu dans votre virginité admirablement conservée : Mère de Dieu, intercédez pour nous.
Ant. La tige de Jessé a fleuri ; l’étoile est sortie de Jacob ; la Vierge a enfanté le Sauveur. Nous vous louons, ô notre Dieu !
Psaume 126
Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent.
Si le Seigneur ne garde la cité, inutilement veilleront ses gardiens.
En vain vous vous lèverez avant le jour : levez-vous après le repos, vous qui mangez le pain de la douleur.
Le Seigneur donnera un sommeil tranquille à ceux qu’il aime : des fils, voilà l’héritage que le Seigneur leur destine ; le fruit des entrailles, voilà leur récompense.
Comme des flèches dans une main puissante ; ainsi seront les fils de ceux que l’on opprime.
Heureux l’homme qui en a rempli son désir : il ne sera pas confondu, quand il parlera à ses ennemis aux portes de la ville.
Ant. La tige de Jessé a fleuri ; l’étoile est sortie de Jacob ; la Vierge a enfanté le Sauveur. Nous vous louons, ô notre Dieu !
Ant. Voici que Marie nous a enfanté le Sauveur, à la vue duquel Jean s’est écrié : Voici l’agneau de Dieu ; voici celui qui ôte les péchés du monde, alleluia.
Psaume 147
Marie, vraie Jérusalem, chantez le Seigneur : Marie, sainte Sion, chantez votre Dieu.
C’est lui qui fortifie contre le péché les serrures de vos portes ; il bénit les fils nés en votre sein.
Il a placé la paix sur vos frontières ; il vous nourrit de la fleur du froment, Jésus, le pain de vie.
Il envoie par vous son Verbe à la terre ; sa Parole parcourt le monde avec rapidité.
Il donne la neige comme des flocons de laine : il répand les frimas comme la poussière.
Il envoie le cristal de la glace semblable à un pain léger : qui pourrait résister devant le froid que son souffle répand ?
Mais bientôt il envoie son Verbe en Marie, et cette glace si dure se fond à sa chaleur : l’Esprit de Dieu souffle, et les eaux reprennent leur cours.
Il a donné son Verbe à Jacob, sa loi et ses jugements à Israël.
Jusqu’aux jours où nous sommes, il n’avait point traité de la sorte toutes les nations, et ne leur avait pas manifesté ses décrets.
Ant. Voici que Marie nous a enfanté le Sauveur, à la vue duquel Jean s’est écrié : Voici l’agneau de Dieu ; voici celui qui ôte les péchés du monde, alleluia.
Capitule (Tit. 2.)
La grâce de Dieu, notre Sauveur, a apparu à tous les hommes, et nous a appris à renoncer à l’impiété et aux désirs du siècle, pour vivre avec tempérance, justice et piété, en ce monde.
On chante ensuite l’hymne du jour de Noël, Jesu, Redemptor omnium, ci-dessus.
V/. Le Verbe s’est fait chair, alleluia. R/. Et il a habité parmi nous, alleluia.
Antienne de Magnificat
Ant. Par l’immense charité dont Dieu nous a aimés, il a envoyé son Fils sous la ressemblance de la chair de péché, alleluia.
Prions Ô Dieu, qui, par la virginité féconde de la bienheureuse Marie, avez procuré au genre humain le prix du salut éternel ; accordez-nous, s’il vous plaît, de ressentir les effets de l’intercession de celle par qui nous avons reçu l’auteur de la vie, notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, qui vit et règne avec vous.
À la messe
La station est à Sainte-Marie au delà du Tibre. Il était bien juste de glorifier cette basilique à jamais vénérable entre celles que la piété catholique a consacrées à Marie. La plus ancienne des Églises de Rome dédiées à la sainte Vierge, elle lui fut consacrée par saint Calliste, dès le troisième siècle, dans l’ancienne Taberna Meritoria, lieu célèbre chez les auteurs païens eux-mêmes par cette fontaine d’huile qui en sortit, sous le règne d’Auguste, et coula jusqu’au Tibre. La piété des peuples s’est plu à voir, dans cet événement, un symbole du Christ (unctus) qui devait bientôt naître ; et la basilique porte encore aujourd’hui le titre de Fons olei.
L’introït, comme la plupart des autres pièces chantées de cette messe, est celui de Noël, à la messe du jour. Il célèbre la naissance de l’enfant qui nous est né, et qui compte aujourd’hui son huitième jour.
Introït
Un enfant nous est né, et un fils nous a été donné ; il porte sur son épaule le signe de sa principauté, et il sera appelé l’ange du grand conseil. Ps. Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; car il a opéré des merveilles. Gloire au Père. Un enfant.
Dans la collecte, l’Église célèbre la virginité féconde de la mère de Dieu, et nous montre Marie comme la source dont Dieu s’est servi pour répandre le bienfait de l’incarnation sur le genre humain. Elle représente à Dieu lui-même les espérances que nous fondons sur l’intercession de cette créature privilégiée.
Collecte
Ô Dieu, qui, par la virginité féconde de la bienheureuse Marie, avez procuré au genre humain le prix du salut éternel ; accordez-nous, s’il vous plaît, de ressentir les effets de l’intercession de celle par qui nous avons reçu l’auteur de la vie, notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, qui vit et règne avec vous.
Épitre
Lecture de l’épître du bienheureux Paul, apôtre, à Tite. Chap. 2
Très cher fils, la grâce de Dieu notre Sauveur a apparu à tous les hommes, et nous a appris à renoncer à l’impiété et aux désirs du siècle, pour vivre avec tempérance, justice et piété, en ce monde, dans l’attente de la béatitude que nous espérons et de l’avènement glorieux du grand Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, qui s’est livré lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, de nous purifier et de nous rendre un peuple agréable à ses yeux, et appliqué aux bonnes œuvres. Prêche ces vérités, et exhorte les hommes en Jésus-Christ notre Seigneur.
En ce jour où nous plaçons maintenant le renouvellement de notre année civile, les conseils du grand apôtre viennent à propos pour avertir les fidèles de l’obligation où ils sont de sanctifier le temps qui leur est donné. Renonçons donc aux désirs du siècle ; vivons avec sobriété, justice et piété ; et que rien ne nous distraie de l’attente de cette béatitude que nous espérons. Le grand Dieu et sauveur Jésus-Christ, qui apparaît en ces jours dans sa miséricorde, pour nous enseigner, reviendra dans sa gloire, pour nous récompenser. Le mouvement du temps nous avertit que ce jour approche ; purifions-nous, et devenons un peuple agréable aux yeux du rédempteur, un peuple appliqué aux bonnes œuvres.
Le graduel chante la venue du divin enfant, et invite toutes les nations à le glorifier, lui et son Père qui l’avait promis et qui nous l’envoie.
Graduel
Toute l’étendue de la terre a vu le Sauveur que notre Dieu a envoyé : toute la terre, louez Dieu avec transport. V/. Le Seigneur a manifesté le Sauveur qu’il avait promis ; il a révélé sa justice aux yeux des nations.
Alleluia, alleluia. V/. Dieu ayant parlé autrefois à nos pères, en diverses manières, par les prophètes, nous a parlé, en ces derniers temps, par son Fils. Alleluia.
Évangile
La suite du saint évangile selon saint Luc. Chap. 2
En ce temps-là, le huitième jour étant venu, auquel l’enfant devait être circoncis, on lui donna le nom de Jésus, qui était celui que l’ange lui avait donné, avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère.
L’enfant est circoncis ; il n’appartient plus seulement à la nature humaine ; il devient, par ce symbole, membre du peuple choisi et voué au service de Dieu. Il se soumet à cette cérémonie douloureuse, à ce signe de servitude, pour accomplir toute justice. Il reçoit en retour le nom de Jésus ; et ce nom veut dire Sauveur ; il nous sauvera donc, mais c’est par son sang qu’il nous sauvera. Telle est la volonté divine, acceptée par lui. La présence du Verbe incarné sur la terre a pour but un sacrifice, et ce sacrifice commence déjà. Il pourrait être plein et parfait par cette seule effusion du sang d’un Dieu-Homme ; mais l’insensibilité du pécheur, dont l’Emmanuel est venu conquérir l’âme, est si profonde, que ses yeux contempleront trop souvent, sans l’émouvoir, les torrents du sang divin qui a ruisselé sur la croix. Les quelques gouttes du sang de la circoncision auraient suffi à la justice du Père ; elles ne suffisent pas à la misère de l’homme ; et le cœur du divin enfant veut par-dessus tout guérir cette misère. C’est pour cela qu’il vient ; et il aimera les hommes jusqu’à l’excès ; car il ne veut point porter en vain le nom de Jésus.
L’offertoire célèbre la puissance de l’Emmanuel. En ce moment où il nous apparaît blessé par le couteau de la circoncision, exaltons d’autant plus sa puissance, sa richesse et son indépendance. Célébrons aussi son amour ; car s’il vient partager nos plaies, c’est pour les guérir.
Offertoire
Les cieux et la terre sont a vous ; vous avez établi l’univers et tout ce qu’il renferme ; la justice et l’équité sont les bases de votre trône.
Secrète
Après avoir reçu nos dons et nos prières, daignez, Seigneur, nous purifier par vos célestes mystères, et nous exaucer dans votre clémence. Par Jésus-Christ, notre Seigneur.
Pendant la communion, l’Église se réjouit dans le nom du Sauveur qui vient, et qui remplit toute l’étendue de ce nom, en rachetant tous les habitants de la terre. Elle demande ensuite, par l’entremise de Marie, que le divin remède de la communion soit, pour nos cœurs, la guérison du péché, afin que nous puissions offrir à Dieu l’hommage de cette circoncision spirituelle dont parle l’apôtre.
Communion
Toutes les contrées de la terre ont vu le Sauveur que notre Dieu a envoyé.
Postcommunion
Que cette communion, Seigneur, nous purifie de nos crimes, et par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, nous fasse goûter les effets du céleste remède que nous avons reçu. Par Jésus-Christ, notre Seigneur.
Aux secondes vêpres
Tout comme aux premières vêpres, sauf ceci :
V/. Le Seigneur a manifesté, alleluia, R/. Le Sauveur qu’il avait promis, alleluia.
Antienne de Magnificat
Ant. Ô grand mystère de l’hérédité divine ! Le sein d’une Vierge est devenu le temple de Dieu ; Celui qui d’elle a pris chair, n’a contracté aucune souillure ; toutes les nations viendront et diront : Gloire à vous, Seigneur !
À la louange de la Mère de Dieu
Nous réunissons ici quelques traits à la louange de la mère de Dieu, empruntés aux offices divins du jour de l’octave de Noël. Les répons suivants sont extraits des matines de la Circoncision, au bréviaire romain.
R/. Réjouissez-vous avec moi, vous qui aimez le Seigneur : * Parce que, comme j’étais petite à mes yeux, j’ai eu le bonheur de plaire au Très-Haut ; et, de mon sein, j’ai enfanté un fils qui est Dieu et homme. V/. Toutes les générations m’appelleront bienheureuse : car Dieu a daigné regarder son humble servante. * Parce que. R/. Le cœur de la Vierge a été fortifié ; à la parole de l’ange, elle a conçu les mystères divins : alors, dans ses chastes entrailles, elle a reçu le plus beau des enfants des hommes : * Et bénie à jamais, elle nous a donné celui qui est Dieu et homme. R/. Vous êtes bénie et digne de tout respect, Vierge Marie, qui, sans rien perdre de votre pureté, vous êtes trouvée la mère du Sauveur : * Il était couché dans la crèche, et il brillait au ciel. V/. Seigneur, j’ai ouï ce que vous m’avez fait entendre, et j’ai été saisi de frayeur ; j’ai considéré vos œuvres, et je me suis étonné : entre deux animaux * Il était couché dans la crèche, et il brillait au ciel. R/. Une vierge, mère sans le commerce de l’homme, a enfanté sans douleur * Le Sauveur des siècles, le roi des anges ; et seule la Vierge l’allaitait de sa mamelle que le ciel remplissait. V/. La demeure d’un sein pudique devient soudain le temple de Dieu ; la Vierge intacte et sans souillure conçoit, à la parole de l’ange, un fils, * Le Sauveur.
L’Église grecque, au 26 Décembre, jour consacré par elle à la mère de Dieu, prodigue de pompeuses louanges à Marie. Nous empruntons à ses menées les deux seules strophes qui suivent, dont la première est en même temps l’antienne de Benedictus du jour de la Circoncision, au bréviaire romain.
Un mystère admirable se manifeste aujourd’hui : les deux natures s’unissent dans un prodige nouveau ; Dieu se fait homme ; il reste ce qu’il était, il prend ce qu’il n’était pas, sans souffrir ni mélange ni division. La vigne mystique, après avoir produit sans culture la céleste grappe, la soutenait sur ses bras, comme sur ses rameaux : Tu es mon fruit, disait-elle, tu es ma vie ; je sais de toi-même que je suis encore ce que j’étais, ô mon Dieu ! car le sceau de ma virginité n’a point été brisé : c’est pourquoi je te proclame immuable et Verbe fait chair. Je n’ai point connu l’homme, mais je te reconnais pour le libérateur de la commune perdition ; je suis toujours chaste, même après ta naissance. Tel tu trouvas mon sein, tel tu l’as laissé : c’est pourquoi toute créature me chante et s’écrie : « Réjouis-toi, ô pleine de grâce ! »
Considérons, en ce huitième jour de la naissance du divin enfant, le grand mystère de la circoncision qui s’opère dans sa chair. C’est aujourd’hui que la terre voit couler les prémices du sang qui doit la racheter ; aujourd’hui que le céleste agneau, qui doit expier nos péchés, commence à souffrir pour nous. Compatissons à notre Emmanuel, qui s’offre avec tant de douceur à l’instrument qui doit lui imprimer une marque de servitude.
Marie, qui a veillé sur lui dans une si tendre sollicitude, a vu venir cette heure des premières souffrances de son fils, avec un douloureux serrement de son cœur maternel. Elle sent que la justice de Dieu pourrait ne pas exiger ce premier sacrifice, ou encore se contenter du prix infini qu’il renferme pour le salut du monde ; et cependant, il faut que la chair innocente de son fils soit déjà déchirée, et que son sang coule déjà sur ses membres délicats.
Elle voit avec désolation les apprêts de cette dure cérémonie ; elle ne peut ni fuir, ni considérer son fils dans les angoisses de cette première douleur. Il faut qu’elle entende ses soupirs, son gémissement plaintif, qu’elle voie des larmes descendre sur ses tendres joues. « Mais lui pleurant, dit saint Bonaventure, crois-tu que sa mère pût contenir ses larmes ? Elle pleura donc quant et quant elle-même. La voyant ainsi pleurer, son fils, qui se tenait debout sur le giron d’icelle, mettait sa petite main à la bouche et au visage de sa mère, comme la priant par signe de ne pas pleurer ; car celle qu’il aimait si tendrement, il la voulait voir cesser de pleurer. Semblablement de son côté, cette douce mère, de qui les entrailles étaient totalement émues par la douleur et les larmes de son enfant, le consolait par le geste et les paroles. Et de vrai, comme elle était moult prudente, elle entendait bien la volonté d’icelui, jaçoit qu’il ne parlât encore. Et elle disait : Mon fils, si vous me voulez voir cesser de pleurer, cessez vous-même ; car je ne puis, vous pleurant, ne point pleurer aussi. Et lors, par compassion pour sa mère, le petit fils désistait de sangloter. La mère lui essuyait alors les yeux, et aussi les siens à elle, et puis elle appliquait son visage sur le visage de son enfant, l’allaitait et le consolait de toutes les manières qu’elle pouvait [1]. »
Maintenant, que rendrons-nous au Sauveur de nos âmes, pour la circoncision qu’il a daigné souffrir, afin de nous montrer son amour ? Nous devrons suivre le conseil de l’apôtre [2], et circoncire notre cœur de toutes ses mauvaises affections, en retrancher le péché et ses convoitises, vivre enfin de cette nouvelle vie dont Jésus enfant nous apporte du ciel le simple et sublime modèle. Travaillons à le consoler de cette première douleur ; et rendons-nous de plus en plus attentifs aux exemples qu’il nous donne.
À la louange du Dieu circoncis, nous chanterons cette belle séquence empruntée aux anciens missels de l’Église de Paris.
Séquence
Aujourd’hui, est apparue la merveilleuse vertu de la grâce, dans la circoncision d’un Dieu.
Un nom céleste, un nom de salut, le nom de Jésus lui est donné.
C’est le nom qui sauve l’homme, le nom que la bouche du Seigneur a prononcé dès l’éternité.
Dès longtemps, à la mère de Dieu, dès longtemps, à l’époux de la Vierge, un ange l’a révélé.
Nom sacré, tu triomphes de la rage de Satan et de l’iniquité du siècle.
Jésus, notre rançon, Jésus, espoir des affligés, guérissez nos âmes malades.
À tout ce qui manque à l’homme suppléez par votre nom, qui porte avec lui le salut.
Que votre circoncision épure notre cœur, cautérise ses plaies.
Que votre sang répandu lave nos souillures, rafraîchisse notre aridité, qu’il console nos afflictions.
En ce commencement d’année, pour étrennes fortunées, préparez notre récompense, ô Jésus ! Amen.
Adam de Saint-Victor nous offre, pour louer dignement la mère de Dieu, cette gracieuse composition liturgique qui a été longtemps un des plus beaux ornements des anciens missels romains-français.
Séquence
Salut ! ô mère du Sauveur ! vase élu, vase d’honneur, vase de céleste grâce.
Vase prédestiné éternellement, vase insigne, vase richement ciselé par la main de la Sagesse.
Salut ! Mère sacrée du Verbe, fleur sortie des épines, fleur sans épines ; fleur, la gloire du buisson.
Le buisson, c’est nous ; nous déchirés par les épines du péché ; mais vous, vous n’avez pas connu d’épines.
Porte fermée, fontaine des jardins, trésor des parfums, trésor des aromates,
Vous surpassez en suave odeur la branche du cinnamome, la myrrhe, l’encens et le baume.
Salut ! la gloire des vierges, la médiatrice des hommes, la mère du salut.
Myrte de tempérance, rose de patience, nard odoriférant.
Vallée d’humilité, terre respectée par le soc, et abondante en moissons.
La fleur des champs, le beau lis des vallons, le Christ est sorti de vous.
Paradis céleste, cèdre que le fer n’a point touché, répandant sa douce vapeur.
En vous est la plénitude de l’éclat et de la beauté, de la douceur et des parfums.
Trône de Salomon, à qui nul trône n’est semblable, pour l’art et la matière.
En ce trône, l’ivoire par sa blancheur figure le mystère de chasteté, et l’or par son éclat signifie la charité.
Votre palme est à vous seule, et vous demeurez sans égale sur la terre et au palais du ciel.
Gloire du genre humain, en vous sont les privilèges des vertus, au-dessus de tous.
Le soleil brille plus que la lune, et la lune plus que les étoiles ; ainsi Marie éclate entre toutes les créatures.
La lumière sans éclipse, c’est la chasteté de la Vierge ; le feu qui jamais ne s’éteint, c’est sa charité immortelle.
Salut ! mère de miséricorde, et de toute la Trinité l’auguste habitation.
Mais à la majesté du Verbe incarné vous avez offert un sanctuaire spécial.
Ô Marie ! étoile de la mer, dans votre dignité suprême, vous dominez sur tous les ordres de la céleste hiérarchie.
Sur votre trône élevé du ciel, recommandez-nous à votre fils ; obtenez que les terreurs ou les tromperies de nos ennemis ne triomphent pas de notre faiblesse.
Dans la lutte que nous soutenons, défendez-nous par votre appui ; que la violence de notre ennemi plein d’audace et de fourberie cède à votre force souveraine ; sa ruse, à votre prévoyance.
Jésus ! Verbe du Père souverain, gardez les serviteurs de votre mère ; déliez les pécheurs, sauvez-les par votre grâce, et imprimez sur nous les traits de votre clarté glorieuse. Amen.
[1] – Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par saint Bonaventure. Tome 1er.
[2] – Coloss. 2, 2.