Sermon ~ La vertu de force

Mes Bien chers Frères,

Et voici la vertu de force ! Comme, à la fin du sermon, je vous fais la lecture d’un texte, je vous le donne ci-dessous afin que vous puissiez le lire à tête reposée. Il en vaut la peine.

Reine des martyrs, priez pour nous !

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«  Le second fait manifeste qu’il faut considérer pour connaître notre temps, c’est la multiplication des martyrs. Les États les plus ouvertement athées sont — comme il est normal parce qu’il s’agit d’apostasie — plus violemment persécuteurs des chrétiens que les États païens qui voulurent, dans les premiers siècles de l’Église, empêcher sa diffusion.

«  Dans le XXe siècle nous sommes entrés dans une nouvelle ère des martyrs. Ils sont plus nombreux en ces quelques dernières décennies qu’ils ne le furent dans les premiers siècles de l’Église, et même probablement dans tous les siècles passés pris ensemble. Les martyrs de notre temps constituent à eux seuls, pour reprendre les mots de l’Apocalypse, « une foule immense que personne ne peut compter » (cf. Ap 7,9). Au sujet de cette multitude de martyrs, il faut noter quelque chose qui est très révélateur de la condition dans laquelle se trouvent actuellement les pays qui furent la chrétienté. Cette multiplication des martyrs, bien qu’elle soit connue de tous les chrétiens, retient souvent encore beaucoup moins leur attention que la multiplication des athées. On peut dire que l’Église des premiers siècles a vécu du culte de ses martyrs. Très vite, elle aima célébrer sur leurs tombeaux — qu’on nommait d’un mot magnifique leurs « mémoires » — le Sacrifice eucharistique, appelé lui-même « mémoire » ou « mémorial » de la Mort du Seigneur. Alors on comprenait que la vie chrétienne est tout entière assimilée au Sacrifice du Christ, et que donc, comme la célébration sacramentelle du Saint-Sacrifice est le sommet de cette vie ici-bas, la modalité la plus manifeste de l’union au Christ-Hostie, c’est le martyre. L’état d’esprit est très différent si l’on regarde le Sacrifice du Seigneur trop exclusivement comme une condition préalable. L’oblation du Sacrifice est alors appréciée parce qu’elle répare les péchés et obtient des grâces de force, pour mener à côté de cela une vie de simple honnêteté morale et d’heureux épanouissement humain. Le Sacrifice rédempteur n’est plus assez considéré comme la vraie Pâque, passage de ce monde au Père, où le Sauveur nous élève de terre à sa suite (Jn 12, 32 ; 13,1) en une vie intensément théologale. Dans ce cas le support de la persécution et le martyre sont regardés certes comme de douloureuses épreuves où il faut une fidélité héroïque, mais non plus comme étant par essence la forme la plus splendide et la plus exemplaire de la vie d’union au Christ en ce monde, de l’élancement avec lui vers le Père. Les martyrs ne sont plus vivement admirés, vénérés, et même enviés, comme étant les chrétiens modèles, qui sortent de la table sainte, nourris de feu, pour témoigner qu’ils sont avec Jésus morts à ce monde et voyant déjà les cieux ouverts (cf. Ac 7, 55-56). Serait-ce trop dur de dire qu’ayant trop souvent ramené notre vie au plan de la terre, nous, les chrétiens qui cependant se veulent fidèles aujourd’hui, nous nous préoccupons souvent de la diffusion chez nous de l’athéisme et du christianisme révolutionnaire parce que ces faits troublent notre sérénité et risquent de nous apporter de plus graves épreuves ; mais nous nous arrêtons peu à la pensée des martyrs parce que cette pensée aussi troublerait notre tranquillité que nous croyons pouvoir préserver en luttant dans nos pays contre l’esprit de la Révolution ? Là où sévissent brutalement les persécutions, les confesseurs de la foi et les martyrs sont sans doute plus honorés. Mais, pour ce qui nous concerne directement, constatons ce fait : jamais l’Église universelle n’a été autant qu’aujourd’hui conformée splendidement à la Passion du Christ en une multitude de ses membres ; regardée du ciel, et donc aussi de la terre sous la lumière de la foi, l’Église actuelle ruisselle de gloire parce qu’elle ruisselle du sang des martyrs. Mais aussi, pour beaucoup de ses membres, l’Église présente est tristement terne, parce qu’ils ne regardent pas la gloire que lui donne Jésus, son « Époux de sang » (cf. Ex 4, 26 ; 12,44, 48).  »

Vivre en chrétien dans notre temps, par le chanoine Lallement, p. 271[