Sermon ~ Pourquoi Jésus-Christ est-il descendu aux enfers ?

Mes bien chers Frères,

Que de richesses encore à découvrir dans la descente de Jésus aux enfers !

Comme souvent, je vous donne ci-dessous mes notes de travail, tirées de saint Thomas d’Aquin.

Que Dieu vous bénisse !

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Voici tout d’abord des notes à partir de la somme théologique de saint Thomas, puis le sermon de saint Thomas d’Aquin sur la descente de Jésus-Christ aux enfers.

Pourquoi Jésus est descendu aux enfers

Enfers = séjour des morts. Il existe 4 enfers : celui des damnés, des enfants morts sans baptême, du purgatoire, des justes de l’Ancien Testament. Les quatre sont appelés ‘enfers’ car ils sont une peine due au péché (originel ou personnel), le lieu de repos normal des morts étant le Ciel.

« Il y a quatre sortes d’enfers. Le premier est l’enfer des damnés ; on y rencontre les ténèbres à cause de la privation de la grâce et la peine sensible. Le second se trouve au-dessus du premier ; on y rencontre les ténèbres à cause de la privation de la vision divine et à cause de la privation de la grâce, mais non la peine sensible : ce sont les limbes des enfants. Le troisième est au-dessus du second ; on y rencontre les ténèbres quant à la privation de la vision divine, mais non quant à la privation de la grâce ; on y rencontre aussi la peine du sens : c’est le purgatoire. Le quatrième est encore plus au-dessus du troisième ; on y rencontre les ténèbres quant à la privation de la vision divine, mais non quant à la privation de la grâce ; et la peine sensible ne s’y trouve pas : ce sont les enfers des saints Patriarches ».

De la convenance de la descente du Christ aux enfers (c’est-à-dire dans le séjour des morts)

La difficulté vient de ce que l’enfer étant une conséquence du péché, il semble que le Christ n’aurait pas dû y séjourner. Mais le Christ ne s’affranchira totalement de notre condition de pécheur que par sa résurrection. Jusque-là, il supporte nos maux afin de nous en délivrer.

Il convenait que le Christ descendît aux enfers pour plusieurs raisons :

1° Afin de nous arracher à la peine qu’il était venu supporter, d’après Isaïe (53, 4) : “En vérité, il a pris nos maladies et porté lui-même nos douleurs.” Or, par le péché, l’homme avait mérité non seulement la mort du corps, mais aussi la descente aux enfers. Donc, si le Christ devait mourir pour nous délivrer de la mort, il convenait aussi qu’il descende aux enfers, afin de nous préserver d’y descendre nous-mêmes. De là cette parole d’Osée (13, 14) : “je serai ta mort, ô mort ; je serai ta destruction, ô enfer !”

2° Puisqu’il avait vaincu le démon par sa passion, il convenait qu’il aille délivrer ceux que celui-ci détenait captifs en enfer, selon Zacharie (9, 11 Vg) : “Toi aussi, dans le sang de ton alliance tu as retiré les captifs de la fosse.” Et S. Paul : “Dépouillant les principautés et les puissances, il les a emmenées triomphalement” (Col 2, 15).

3° De même qu’il avait montré son pouvoir en vivant et en mourant sur terre, il lui convenait de montrer aussi son pouvoir dans les enfers en les visitant et en y répandant la lumière. Aussi le Psalmiste s’écrie-t-il (24, 7) : “Élevez vos portes, ô princes” ; et la Glose commente : “Princes de l’enfer, renoncez à la puissance en vertu de laquelle vous déteniez jusqu’à présent les hommes dans l’enfer” ; et ainsi, “au nom de Jésus tout genou fléchit”, non seulement “dans les cieux”, mais aussi “dans les enfers”, selon S. Paul (Ph 2, 10).

En quel enfer le Christ est descendu

1° Le Christ a fait sentir sa puissance sur l’enfer des damnés, pour les confondre de leur incrédulité et de leur malice. À ceux qui étaient détenus dans le purgatoire, il a donné l’espoir d’obtenir la gloire ;

2° Par son essence, (c’est-à-dire en personne) le Christ est descendu seulement dans les enfers où les justes étaient retenus, afin de visiter aussi, dans leur lieu même et par son âme, ceux qu’il avait déjà visités intérieurement par sa divinité en leur accordant sa grâce.

Le Christ a-t-il délivré les saints patriarches des enfers ?

Lors de sa descente aux enfers, le Christ a agi en vertu de sa passion. Par sa passion, il a libéré le genre humain non seulement du péché, mais aussi de l’obligation de la peine. Les hommes étaient astreints à l’obligation de la peine d’une double manière : 1° à cause du péché actuel, que chacun commet personnellement ; 2° à cause du péché de toute la nature humaine, qui, dit S. Paul (Rm 5, 12), passe du premier père chez tous les hommes, par voie d’origine. La peine de ce péché originel, c’est la mort corporelle et la perte de la vie de gloire, comme on le voit dans la Genèse (2, 17 ; 3, 3) ; car l’homme que Dieu avait menacé de mort, s’il venait à pécher, il l’a chassé du paradis après le péché.

Et c’est pourquoi, en descendant aux enfers, le Christ, par la vertu de sa passion, a délivré les saints de cette contrainte en raison de laquelle ils étaient exclus de la vie de gloire, de sorte qu’ils ne pouvaient voir Dieu par essence, ce qui constitue la parfaite béatitude de l’homme. Or, les saints patriarches étaient retenus dans les enfers parce que l’entrée dans la vie de gloire ne leur était pas ouverte à cause du péché du premier père. Et ainsi, en descendant aux enfers, le Christ en a délivré les saints patriarches. C’est ce qu’avait dit le prophète Zacharie (9, 11 Vg) : “Toi, c’est dans le sang de ton alliance, que tu as retiré les captifs de la fosse sans eau.” Et S. Paul écrit (Col 2, 15) : “Dépouillant les principautés et les puissances, le Christ les a emmenées.” La Glose commente en disant que “le Christ a dépouillé les principautés et les puissances de l’enfer, et, ayant enlevé Abraham, Isaac, Jacob et les autres justes, les a emmenés au ciel loin de ce royaume de ténèbres”.

Durant leur vie, les saints patriarches ont été libérés, par la foi au Christ, de tout péché, aussi bien originel qu’actuel ; ils ont été libérés aussi de l’obligation à la peine due pour leurs péchés actuels, mais non de la peine due pour le péché originel, qui les excluait de la gloire, tant que n’était pas acquitté le prix de la rédemption humaine. Pareillement, maintenant, les fidèles du Christ sont délivrés, par le baptême, de la peine due pour leurs péchés actuels ; quant à la peine due pour le péché originel, ils ne sont plus condamnés à être exclus de la gloire, mais ils demeurent pourtant encore soumis à la nécessité de mourir d’une mort corporelle, car ils sont renouvelés selon l’esprit, mais pas encore selon la chair, selon le mot de S. Paul (Rm 8, 10) : “Le corps est mort, à cause du péché ; mais l’esprit est vivant, à cause de la justification.”

Pourquoi n’a-t-il pas délivré les damnés, ni les âmes du purgatoire ?

sa descente aux enfers n’a-t-elle apporté le fruit de la délivrance qu’à ceux qui avaient été unis à la passion du Christ par la foi jointe à la charité, qui en est la forme et qui enlève les péchés. Or, ceux qui se trouvaient dans l’enfer des damnés ou bien n’avaient possédé la foi d’aucune manière, comme les infidèles, ou bien, s’ils avaient possédé la foi, n’avaient eu aucune conformité avec la charité du Christ souffrant. Ils n’avaient donc pas été purifiés de leurs péchés. Telle est la raison pour laquelle la descente du Christ aux enfers ne leur a pas apporté la délivrance de leur obligation à la peine de l’enfer.

De même, les enfants qui étaient morts avec le péché originel n’étaient nullement unis à la passion du Christ par la foi et par l’amour. Ils n’avaient pas non plus été purifiés du péché originel par la foi de leurs parents, ni par quelque sacrement de la foi.

(Quant aux âmes du purgatoire, elles ne sont pas encore suffisamment purifiées pour être délivrées.)

Sermon de saint Thomas « Pourquoi le Christ a voulu descendre aux enfers avec son âme et quels sont les biens qui nous en proviennent ».

« Il est descendu aux enfers. On l’a dit, la mort du Christ a consisté, comme celle des autres hommes, dans la séparation de l’âme d’avec le corps ; mais la divinité était unie à l’Homme-Christ d’une manière tellement indissoluble que la Déité elle-même fut toujours présente de la façon la plus parfaite à l’âme et au corps du Christ, malgré leur séparation ; et c’est pourquoi le Fils de Dieu a été dans le sépulcre avec son corps et il est descendu aux enfers avec son âme.

« Or, il y a quatre raisons pour lesquelles le Christ est descendu aux enfers avec son âme :

« 1° Pour supporter toute la peine du péché et ainsi pour l’expier tout entière. La peine du péché de l’homme non seulement était la mort du corps, mais elle était aussi une peine dans l’âme ; car le péché visait aussi l’âme. Aussi, après la mort, tous descendaient-ils, même les saints Patriarches, dans les enfers avant la venue du Christ. Afin de supporter la peine complète qui était due aux pécheurs, le Christ a donc voulu non seulement mourir, mais même descendre avec son âme aux enfers. Mais le Christ y est descendu d’une autre manière que les anciens Patriarches : ceux-ci y avaient été amenés et ils y étaient détenus par contrainte, et, par suite, par violence ; le Christ, au contraire, y était venu en vertu de son pouvoir et de sa propre volonté. Aussi lit-on dans le psautier (Ps. 87, 5) : “On m’a compté parmi ceux qui descendent dans la fosse ; je suis devenu comme un homme sans secours, libre parmi les morts”. Les autres étaient là comme des esclaves, mais le Christ comme un homme libre.

« 2° Pour secourir parfaitement tous ses amis. Car le Christ possédait des amis non seulement dans le monde, mais aussi dans les enfers. Dans ces enfers se trouvent des amis du Christ en tant qu’ils ont la charité ; or, il y en avait beaucoup qui étaient morts avec la charité et la foi en celui qui devait venir ; tels Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David et d’autres, justes et parfaits. Le Christ, ayant visité les siens dans le monde et les ayant aidés par sa mort, a voulu aussi visiter les siens qui étaient dans les enfers et les secourir, d’après ce texte de l’Ecclésiastique (24, 35) : “Je pénétrerai toutes les profondeurs de la terre, je visiterai tous ceux qui dorment et j’éclairerai tous ceux qui espèrent dans le Seigneur”.

« 3° Pour triompher parfaitement du démon. On triomphe complètement de quelqu’un, non seulement en le vainquant sur le champ de bataille, mais en envahissant jusqu’à sa propre demeure et en le détrônant de son royaume. Or, le Christ avait remporté un triomphe sur le démon et il l’avait vaincu sur la croix ; d’où il dit dans S. Jean (XII, 31) : “Voici maintenant le jugement de ce monde ; à présent le prince de ce monde (c’est-à-dire le démon) va être jeté dehors”. Aussi, pour que son triomphe fût complet, a-t-il voulu le détrôner de son royaume et le lier dans sa propre demeure qui est les enfers. Et c’est pourquoi il y est descendu, a saccagé tout ce qui lui appartenait, l’a lié et lui a enlevé sa proie, selon ce mot de l’Épître aux Colossiens (II, 15) : “Il a dépouillé les principautés et les puissances et il les a livrées hardiment en spectacle en triomphant d’elles par la croix”. Ayant reçu le pouvoir et la possession du ciel et de la terre, le Christ a voulu aussi, pareillement, recevoir la possession des enfers, suivant le mot de l’Apôtre aux Philippiens (II, 10) : “Au nom de Jésus tout genou fléchit, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers”, et suivant le texte de S. Marc (XVI, 17) : “En mon nom ils chasseront les démons”.

« 4° Enfin, pour délivrer les saints qui étaient dans les enfers. Le Christ, en effet, a voulu souffrir la mort afin de libérer les vivants de la mort ; de même aussi a-t-il voulu descendre dans les enfers afin de délivrer ceux qui s’y trouvaient. On lit dans Zacharie (IX, 11) : “Toi aussi, par le sang de ton alliance, tu as retiré tes captifs de la fosse sans eau” ; et dans Osée (XIII, 19) : “Je serai ta mort, ô mort ; je serai ta morsure, ô enfer”. En effet, alors que le Christ a totalement détruit la mort, la destruction des enfers n’a pas été complète ; elle a été entamée seulement ; car le Christ n’a pas délivré des enfers tous ceux qui s’y trouvaient, mais uniquement ceux qui y étaient sans péché mortel ; c’est-à-dire ceux qui n’avaient ni péché originel, parce qu’ils en avaient été libérés, en ce qui concerne leur personne, par la circoncision, ni péché actuel ; ou, dans le temps qui a précédé la pratique de la circoncision, ceux qui, n’ayant pas l’usage de la raison, avaient été sauvés dans la foi de leurs parents croyants, ou ceux qui, adultes, avaient été sauvés par les sacrifices et dans la foi de celui qui devait venir. C’est ainsi que tous étaient dans les enfers à cause du péché originel d’Adam, péché dont ils n’ont pu être libérés, en ce qui concerne leur nature, que par le Christ. Et voilà pourquoi le Christ a laissé là ceux qui y étaient descendus avec le péché mortel et les enfants morts avec le péché originel ; aussi dit-il d’après Osée (XIII, 14) : “Je serai ta morsure, ô enfer”.

« Il est donc clair que le Christ est descendu aux enfers, et les raisons en sont manifestes.

« De ce qui précède nous pouvons tirer quatre leçons morales :

« 1° Un ferme espoir en Dieu. Quel que soit le degré d’affliction où l’homme se trouve, il doit toujours espérer dans le secours divin et avoir confiance en lui. Il n’y a en effet, rien d’aussi grave que d’être dans les enfers. Si donc le Christ a délivré ceux qui étaient dans les enfers, chacun doit avoir d’autant plus de confiance, s’il est ami de Dieu, qu’il le délivrera de n’importe quelle difficulté. On lit dans la Sagesse (X, 13-14) : “ La sagesse n’a pas abandonné le juste vendu ; elle est descendue avec lui dans la fosse et ne l’a pas quitté dans les chaînes”. Dieu aidant spécialement ses serviteurs, celui qui sert Dieu doit être d’autant plus dans la sécurité : “Celui qui craint le Seigneur, dit l’Ecclésiastique (XXXIV, 1-5) n’a peur de rien ; il ne tremble pas, car Lieu lui-même est son espérance”.

 « 2° Nous devons concevoir la crainte et chasser la présomption. Quoique le Christ ait souffert la Passion pour les pécheurs et soit descendu aux enfers, pourtant il n’en a pas libéré toutes les âmes, mais seulement, ainsi qu’on l’a dit, celles qui étaient sans péché mortel. Mais il a laissé les âmes qui étaient mortes dans le péché mortel. C’est pourquoi celui qui descend aux enfers avec le péché mortel ne doit pas espérer de pardon, mais il demeurera dans les enfers aussi longtemps que les saints Patriarches dans le paradis, c’est-à-dire à jamais. Le Christ déclare selon S. Matthieu (XXV, 46) : “Ceux-ci s’en iront aux supplices éternels ; mais les justes à la vie éternelle”.

« 3° Nous devons nous soucier de l’enfer. Le Christ y est descendu pour notre salut et nous devons fréquemment avoir souci d’y descendre, en en considérant les peines, comme le faisait le saint roi Ezéchias disant (Isaïe, XXXVIII, 18) : “Dans la paix de mes jours, je m’en vais aux portes des enfers”. Celui qui y descend, en effet, souvent par la pensée pendant sa vie, n’y descend pas facilement à sa mort : une telle pensée garde du péché et en fait sortir. Car nous voyons que les hommes de ce monde se gardent des mauvaises actions à cause des peines temporelles ; combien plus doivent-ils se garder à cause des peines de l’enfer, qui sont plus graves par leur durée, leur sévérité et leur nombre. L’Ecclésiastique (VII, 40) nous donne cet avertissement : « Dans toutes tes actions souviens-toi de ta fin et tu ne pécheras jamais”.

« 4° Nous pouvons en tirer un exemple de dilection. Le Christ est descendu aux enfers pour délivrer les siens ; et c’est pourquoi nous devons y descendre pour secourir les nôtres. Eux-mêmes, en effet, ne peuvent rien ; aussi devons-nous aider ceux qui sont dans le purgatoire. Ne serait-il pas d’une extrême dureté  celui qui n’aiderait pas son aimé qui serait dans une prison terrestre ? Combien plus celui qui ne secourrait pas son ami qui est dans le purgatoire, car il n’y a aucune comparaison entre les peines de ce monde et celles du purgatoire.

“Ayez pitié de moi, s’écrie Job (XIX, 21), ayez pitié de moi, vous du moins mes amis car la main de Dieu m’a frappé”. Et on lit dans le second livre des Machabées (XII, 46) : “C’est une pensée sainte et pieuse de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés”. Or, on leur vient en aide surtout par trois moyens, comme le dit S. Augustin : par des messes, par des prières et par des aumônes. S. Grégoire ajoute un quatrième moyen le jeûne. Et il n’y a rien d’étonnant à cela : car même dans ce monde un ami peut satisfaire pour son ami. Mais ce qui vient d’être dit, il faut l’entendre de ceux qui sont dans le purgatoire ».