La prélature personnelle n’est pas pour demain

Si j’étais à la place du Pape…

Mgr Fellay vient de donner un entretien sur TV-Libertés. Il y affirme que la concession d’une prélature personnelle à la Fraternité Saint Pie X n’attend plus que le tampon de Rome. Mgr Pozzo affirme la même chose.

Si j’étais à la place du Pape, je ne donnerais pas ce « coup de tampon » et, comme je le crois retors et plus intelligent que moi, je crois que, de fait, il va se passer bien des années avant la signature de ce texte.

Signer ce texte sans délai, c’est tout d’abord faire partir de la Fraternité Saint Pie X quelques bons prêtres qui n’attendent que ce signal pour leur donner le coup de pouce.

Signer sans délai, c’est donner de l’autorité à la Fraternité Saint Pie X héritière de Mgr Lefebvre. Certes, l’héritage de Mgr Lefebvre est désormais très occulté, réduit, mais il vit encore.

Signer sans délai, c’est réveiller les prêtres encore fidèles à cet héritage. Bien que le libéral Mgr Fellay en ait caviardé une grande partie, tous ne sont pas comme lui. Par exemple, il est prêt à beaucoup diminuer le combat contre le Concile, il ne l’appelle plus comme Mgr Lefebvre « la plus grande catastrophe de l’Église[1] », mais plusieurs de prêtres n’en sont pas à ce point et se réveilleraient.

Bref, la Fraternité Saint Pie X n’est pas encore telle que Rome la veut. Elle est encore trop attachée aux principes, à la Tradition.

Ne pas signer, c’est faire ramper Mgr Fellay. Il a déjà si facilement abandonné de terrain, qu’on peut le faire aller beaucoup plus loin.

Ne pas signer, c’est faire abandonner les principes. Rome donne aux prêtres le pouvoir de confesser, elle reconnaît les ordinations… Où est la doctrine dans tout cela ? Comment définir cela par rapport au règne du Christ-Roi ? Mgr Fellay annonce qu’il va conclure un accord en dehors de toute considération doctrinale, c’est cela qui est le plus grave. Il est bien plus grave d’abandonner les principes que de les contredire. Remplacer un principe par un autre, c’est encore croire à la nécessité des principes. Comme la Fraternité Saint Pie X n’a pas encore assez abandonné les principes, il faut qu’elle aille plus loin.

La foi est le premier de tous les principes. Or, elle exerce encore une forte influence dans la Fraternité Saint Pie X. Rome ne peut l’admettre. Qu’on vive avec la foi, oui, qu’on vive de la foi, non. C’est-à-dire que Rome peut admettre des convictions à condition qu’elles soient sans influence. Cela suppose que la foi soit comme dans la société américaine : chacun la sienne et on vit en bonne entente. Rome sait qu’elle peut l’obtenir puisqu’elle l’a obtenu des « ralliés » c’est-à-dire des traditionalistes unis à la Rome moderniste. Il y faudra plus de temps pour la Fraternité Saint Pie X que pour les ralliés, c’est pourquoi Rome attendra.

Mgr Fellay met comme condition à l’accord que la Fraternité Saint Pie X soit reçue par Rome telle qu’elle est. À l’issue de ce processus, Rome pourra annoncer que la Fraternité Saint Pie X est désormais telle qu’elle la veut et qu’elle peut la reconnaître. Rome, elle, sera encore pire que maintenant. Alors, Mgr Fellay a beau jeu de proclamer que, pour conclure un accord, il faut ne pas attendre que Rome soit devenue comme les traditionalistes la désirent, sous entendant que Rome évoluera dans le bon sens, c’est lui qui deviendra comme Rome le désire.

L’annonce de la signature prochaine est donc amplifiée par Rome. En premier cela endort les bons qui se verront soulagés que l’accord ne vienne pas et se diront que, ma foi, ils ont peut-être eu tort de craindre et de prêter à Mgr Fellay de mauvaises intentions. Ensuite, cela accélère la décadence des prêtres favorables aux accords, qui lâchent un peu plus se disant qu’il serait dommage de rater, à cause de quelques difficultés subsistantes, un accord si proche.

[1] Conférence à Écône 2 déc. 1982