Importance de la question
Oui, il y a deux volontés dans le Christ
Le Christ était-il libre ?
Y a-t-il une liberté de choisir le mal ?
La richesse de la liberté est dans la dépendance
Le Christ vient restaurer notre dépendance
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il.
Mes bien chers frères, nous en arrivons à l’étude de la volonté du Christ.
Une question est posée par Saint Thomas, de façon peut-être un peu austère, mais elle a une grande importance. La voici : « Y avait-il une volonté humaine dans le Christ en plus de la volonté divine ? » Elle a une grande importance, puisque plusieurs conciles y ont répondu pour faire taire des hérétiques, ce qui prouve qu’il y a une réelle difficulté et qu’on ne peut pas passer outre et négliger cette difficulté et cette question.
Importance de la question
L’importance de cette question est liée à la liberté. Le problème vient de ce que les hérétiques craignaient – en affirmant qu’il y avait dans le Christ une volonté humaine en plus de la volonté divine – qu’il y ait comme un dérapage de la liberté dans le Christ et que par conséquent le Christ ne soit pas saint. Dans l’importance de la réponse à cette question, il y a une importance générale et puis une importance particulière. Une importance générale qui est toujours la même, à savoir la réalité de l’Incarnation, et ce dont nous avons parlé depuis le début, le fait que certainement le Christ prends une nature humaine qui est limitée – nous l’avons vu la dernière fois – qui a ses faiblesses, et il y a une importance particulière du fait que le Christ dans sa vie, par l’union entre les deux volontés, la volonté humaine et la volonté divine, réalise une union extraordinaire – bien entendu, vous vous en doutez – parfaite absolument parfaite, et cette union va servir de modèle à l’exercice de notre propre liberté. Mes bien chers frères, quand on voit le problème de l’usage de la liberté depuis toujours, depuis Adam et Ève, problème qui ne fait que croître ces derniers temps, ce sur quoi la révolution insiste pour faire tomber tous les chrétiens, comme le démon a fait tomber Adam et Ève, nous nous rendons bien compte qu’étudier, qu´entrer dans le mystère de la volonté du Christ va être particulièrement important pour nous.
Oui, il y a deux volontés dans le Christ
Première partie de ce sermon : la démonstration. Il y a deux volontés dans le Christ, cela sera relativement facile. Il y a une volonté divine, ça tout le monde est d’accord il n’y a aucune difficulté là-dessus. Il y a nécessairement une volonté humaine, pourquoi ? Parce que s’il n’y avait pas de volonté humaine, la nature humaine en Jésus-Christ serait une nature incomplète, ou pour le dire de façon plus triviale, cette nature serait une chiffe molle. Ce n’est pas possible ! Il n’est pas possible que la nature humaine de Jésus Christ soit dépourvue d’une qualité aussi essentielle que la volonté. Voilà c’était la démonstration et elle est brève. Il faut la compléter. Saint Thomas pose la question : y a-t-il une ou plusieurs opérations dans le Christ ? Là encore on pourrait croire que nous avons la possibilité je vais dire de nous rattraper, très bien, il y avait deux volontés mais il n’y avait qu’une opération. Saint Thomas d´Aquin réponds non, du moment qu´il y a deux volontés il y a deux opérations. Il y a une volonté divine, qui exerce des actes de volonté divins, il y a une volonté humaine qui exerce des actes de volonté humains. Du moment qu´il y a deux volontés il y a deux opérations, sinon on retourne dans le même problème : La nature du Christ est peut-être parfaite dans sa constitution, mais elle est imparfaite dans son activité et par conséquent on retourne sur ce problème : la nature humaine de Jésus Christ ne serait pas une chiffe molle, mais elle se comporterait en une chiffe molle. C´est-à-dire un chiffon.
Deuxième partie de ce sermon. Il s’agit-là de la liberté.
Le Christ était-il libre ?
Il y a évidemment la liberté suréminente dans la volonté divine, à savoir que la volonté divine n’est déterminée absolument par rien d’autre qu’elle-même, c’est-à-dire la perfection divine, et Dieu libre de créer, de ne pas créer, de même qu’il était libre de racheter les hommes, de ne pas les racheter, qu’il était libre de les racheter par la croix plutôt que par un autre moyen. Dans la volonté humaine il faut distinguer et nous allons arriver mes bien chers frères à quelque chose de très important pour nous. Nous ne sommes pas libres par rapport à la fin, c’est-à-dire par rapport au bonheur. Vous n’avez pas un homme qui se pose la question : « Vais-je choisir d’être heureux ou malheureux ? » Vous avez des hommes qui se trompent sur la nature du bonheur, qui cherchent le bonheur là où il n’est pas, vous avez des hommes qui deviennent malheureux parce qu’ils ont cru chercher le bonheur, et ils ne l’ont pas cherché là où il fallait – cela est une autre affaire – mais il n’y a pas un homme qui puisse dire « Je choisis d’être malheureux ». De même lorsque nous serons au ciel – et j’espère bien que nous y serons tous mes biens chers frères – nous ne serons pas libres d’aimer Dieu ou de ne pas l´aimer. Parce que Dieu est la fin de notre vie, le but parfait et une fois que le but est atteint, il n’y a personne qui puisse dire « Je cours après le but, je l´atteins et après ça je m’en vais » ce n’est pas possible. Dieu est une telle perfection, qu’il n’y a aucune volonté qui puisse vouloir choisir quelque chose d’autre que cette perfection divine. Si ici-bas nous ne choisissons pas toujours la perfection divine, c’est parce que nous ne la voyons pas face à face, et, bien que tous cherchent le bonheur, tous ne le mettent pas dans la perfection de Dieu ! Une fois qu’on est au ciel, on sait que le bonheur c’est Dieu, que Dieu c´est le bonheur, et, par conséquent, on ne peut pas ne pas vouloir aimer Dieu. On aime Dieu parfaitement, sans aucune contrainte, et pourtant on ne peut pas dire qu’on soit libre au sens propre du terme.
Par contre, lorsqu’il s’agit des moyens, alors là, oui, c’est le domaine propre de la liberté : quels sont les moyens que je vais prendre pour obtenir ce bonheur ?. Et donc nous avons dans la volonté humaine deux catégories d’actes : La première catégorie qui se porte vers la fin, c’est-à-dire vers le bonheur et qui est absolument nécessaire, nécessaire c’est-à-dire pas libre, pas contraint non plus, mais pas libre, comme je viens de vous l’expliquer, la deuxième catégorie d’actes qui est le domaine de la prudence, qui sont des actes libres par lesquels on choisit tel moyen ou tel autre pour être heureux.
Y a-t-il une liberté de choisir le mal ?
Il faut que je fasse une petite parenthèse, parce que je vous entends d’ici mes bien chers frères. Depuis le début du sermon il y en a qui me chuchotent à l’oreille, en espérant que j’entendrai, rassurez-vous je l’ai entendu, « Le Christ avait une liberté particulière, il n’était pas vraiment libre parce qu’il ne pouvait pas choisir le mal. Tandis que nous sommes libres parce que nous pouvons choisir le mal. » Hé bien non mes bien chers frères, la liberté ne porte pas sur le mal. Comme la santé ne porte pas sur la maladie, comme l’intelligence ne porte pas sur l’erreur, le mal est un déraillement de notre volonté blessée, mais il ne peut absolument pas faire partie de la définition de la volonté, ni même de la liberté. La liberté n’est pas la faculté de choisir entre le bien et le mal, la liberté est la faculté de choisir les moyens qui nous mènent à la fin ! C’est une conception totalement étrangère à la conception moderne, mais parce que la révolution a triché sur les mots, et elle a appelé liberté ce qui est en réalité de l’indépendance. Pour le dire encore plus clairement, de la révolte. Lorsque quelqu’un choisit sciemment le mal, d’abord il le choisit parce qu’il croit que ce mal le rendra heureux, et s’il choisit sciemment le mal, c’est qu’il est révolté. La révolte est une indépendance et non pas de la liberté. Vous savez que notre indépendance est limitée, et vous savez très bien que l’homme est dans la dépendance de Dieu, et que sa révolte ne peut pas durer continuellement : il arrive un moment où le bon Dieu siffle la fin de la récréation en disant « Maintenant cela suffit, le maître c’est moi et tu vas le voir ».
La richesse de la liberté est dans la dépendance
Le rapport entre notre liberté et celle du Christ est très important parce que – et cela saint Thomas l’étudie – la liberté du Christ a été beaucoup plus parfaite que la nôtre. Elle était humaine, elle était de la même nature, mais elle a été beaucoup plus parfaite parce qu’elle était pleinement soumise à la volonté divine et à la fin poursuivie. Ce qui fait que quelqu’un qui est pleinement dépendant de Dieu est beaucoup plus libre que quelqu’un qui n’est pas dépendant de Dieu. Prenez l’exemple d´un chrétien tout à fait ordinaire qui aime le bon Dieu, mais sans plus. C’est-à-dire, puisqu’il s’agit d’amour il s’agit de volonté, puisqu’il s’agit d’une volonté il s’agit de dépendance. Il choisira de ne pas faire de péché mortel, parce qu´il veut aimer Dieu, mais il ne se donnera pas beaucoup de mal pour aller plus loin dans l´amour de Dieu. Pas de péché mortel, c’est-à-dire qu’il sera marié – prenons cet exemple-là – il sera marié en principe avec une bonne chrétienne, si c’est un homme, mais il ne lui viendra pas à l’esprit de se faire moine ou de se faire religieux ou quoi que ce soit de ce genre-là. Maintenant vous prenez un bon chrétien qui est vraiment profondément pénétré d’amour de Dieu et donc – Prenons un garçon pour la commodité de cet exposé – ce jeune homme doit faire des choix au moment où il entre dans la vie. C’est sûr qu’il va envisager le mariage, mais il envisagera aussi la vie religieuse ! Maintenant prenez quelqu’un qui est fou d’amour de Dieu comme l’était sainte Thérèse d’Avila. Sainte Thérèse d’Avila été tellement pénétrée à la folie, la folie divine bien entendu, qu´il s’offrait à elle une troisième possibilité, c’est celle-là qu’il a choisie, mariée, religieuse où martyr ! Et à sept ou huit ans sainte Thérèse d’Avila quitte la maison paternelle pour rejoindre les Maures, c’est-à-dire les musulmans, dans l’espoir d’être martyre par amour de Dieu. Donc vous voyez que les choix augmentent quand la dépendance augmente. Et donc si les choix augmentent, la liberté augmente ! Dans notre premier exemple, le jeune homme a le choix entre telle jeune filles ou telle fille ou telle jeune fille. Remarquez que ce choix est lui-même fait par rapport à un but : il va éliminer telle jeune fille qui n’est pas une bonne chrétienne, éliminer telle jeune fille avec laquelle il ne pourra pas fonder un foyer chrétien, alors il lui reste telle et telle et telle jeune fille. Comme son amour de Dieu est limité, il choisira peut-être la plus belle, ou la plus riche que sais-je, mais en tout cas il est dirigé par l’amour de Dieu, mais cette direction et cette influence étant relativement faible, il n’a le choix qu’entre telle ou telle ou telle jeune fille, une fois qu’il a fait éliminer celles qui ne conviennent pas. Dans notre deuxième exemple vous avez quelqu’un qui est beaucoup plus dans la dépendance de l’amour de Dieu, il a toujours le choix entre les mêmes jeunes filles, et on peut même aller plus loin : Regardez sainte Clothilde ! Parce qu’elle était pleine d’amour de Dieu, elle a reçu de saint Rémi le conseil d’épouser Clovis, ce que je ne conseillerais à aucune de nos jeunes filles traditionalistes. Parce que ce païen de Clovis qui était un brave homme, mais qui était quand même un peu une brute, était surtout un grand païen. Il y a un empêchement dans le droit canonique, une jeune fille chrétienne n’épouse pas un païen, surtout de la taille de Clovis. Mais voilà, parce qu’elle était pleine d’amour de Dieu, elle a reçu de saint Rémi le conseil d’épouser Clovis.
Maintenant, si la dépendance envers Dieu diminue, plus on diminue la dépendance, plus on diminue la liberté. Prenez quelqu’un qui ne veut pas dépendre de Dieu, qui refuse de dépendre de Dieu, il est évident qu’il ne songera absolument pas à se faire martyr et pas plus à se faire religieux. Il songera peut-être à se marier, mais les jeunes filles qui l’intéresseront seront en réalité toutes les mêmes. S’il pousse très loin son indépendance, c’est-à-dire sa révolte, il dira « Pourquoi se marier ? On se met en concubinage ! » Mais s´il pousse sa révolte encore plus loin, il dira « Pourquoi un homme se mettra-t-il avec une femme ? » Vous voyez donc mes bien chers frères, c’est la conclusion à laquelle je veux en arriver, que nos choix sont riches dans la mesure de notre dépendance, pauvres dans la mesure où notre dépendance est faible, ils sont mauvais dans la mesure de notre révolte. Bien sûr, il peut y avoir des erreurs de jugement dans la vertu de prudence, tel garçon qui veut cherche vraiment l’amour de Dieu a cru que telle jeune fille serait une bonne épouse, puis finalement elle ne l’est pas ! Mais cela, c’est autre chose ! Peut-être que son manque de jugement est un peu coupable, mais s´il était coupable, d’où vient cette culpabilité ? De ce qu´il n’était pas pris par l´amour de Dieu ! Parce que s’il avait été pris par l´amour de Dieu, hé bien il se serait peut-être trompé, en tout cas il ne l’aurait pas fait exprès ! Ce ne serait pas volontaire.
Le Christ vient restaurer notre dépendance
Alors que vient faire le Christ par son incarnation, mes bien chers frères ? Il vient restaurer cette dépendance de notre vertu de prudence, c’est-à-dire de notre liberté, la dépendance par rapport à ce qui s´impose nécessairement à nous, ce qui doit nécessairement s’imposer à nous, c’est-à-dire l’amour de Dieu, le ciel, la possession de Dieu, l’union intime avec Dieu. Cette dépendance était tellement cassée que l’homme n’aurait pas pu la restaurer lui-même. Regardez chez les païens, voyez quand il n’y a pas la grâce, ce n’est pas l’amour, c’est la haine qui règne. Regardez notre pauvre pays moderne qui refuse la dépendance envers Dieu : il n’y a plus aucune liberté ; c’est la révolte et chacun détruit la liberté du voisin pensant y trouver un peu de bonheur. Nous étions incapables de revenir à Dieu.
Notre Seigneur Jésus Christ par l’union de sa nature humaine avec sa nature divine, par l’union de sa volonté humaine à sa volonté divine, vient d’abord nous montrer l’exemple d´une vie vraiment riche, deuxièmement il nous gagne les grâces pour le suivre. Je vous entends encore mes bien chers frères me faire une dernière objection : « Notre Seigneur, pourtant, au jardin des oliviers, demande à son père que ce calice s’éloigne loin de lui ». Saint Thomas bien entendu va étudier profondément cette objection. Il dit qu’il s’agit à de la sensibilité, du désir sensible, puisque Notre Seigneur est homme. Et, nous l’avons vu la dernière fois, sa nature refuse naturellement la souffrance, il n’y a pas de problème en cela. Il y aurait un problème si le refus de cette souffrance prenait le pas sur la volonté, ou n’était pas soumis à la volonté. Or, nous voyons au contraire que non seulement la volonté humaine du Christ se soumet pleinement a la volonté divine : « Père que votre volonté soit faite, la vôtre et pas la mienne », mais que Notre Seigneur laisse à sa sensibilité son opération précisément parce qu’il veut souffrir, tout en maîtrisant cette souffrance pour mourir au moment où il l’a décidé, ni plus tôt, ni plus tard.
Mes bien chers frères et vous les jeunes qui m´écoutez, ce que je viens de vous dire est absolument capital. Un homme se définit par sa liberté et la liberté se définit par la dépendance. S’il y a des adolescents qui m’écoutent, apprenez mes chers amis à être libres en étant dépendants. Dimanche prochain je vous ferai un sermon sur l’adolescence, comment on apprend à être libre en étant dépendant, mais je vous ai déjà au moins donné la clé. Il est évident qu´après Notre Seigneur Jésus-Christ le modèle le plus parfait est Très Sainte Vierge, invoquez-la, demandez-lui de vous donner cette soumission libre et cette liberté dans la soumission.
Au nom du père et du fils et du Saint-Esprit ainsi soit-il.
Abbé
François Pivert
Prêtre de Jésus-Christ