Mgr Fellay vient d’accorder deux entretiens qui ont été présentés par la presse comme annonçant l’imminence d’un accord entre Rome et la Fraternité Saint Pie X[1].
L’audition attentive de ces deux interventions suscite quelques commentaires et, surtout d’importantes interrogations. Nous suivrons pour cela le fil de l’entretien à Radio Courtoisie, long de plus d’une heure, pour le confronter à celui de TV Libertés, de vingt minutes. Ce dont il s’agit n’est autre que :
Les critères de catholicité
La première partie, longue d’une quarantaine de minutes, décrit la situation de dislocation des sociétés et de l’Église en s’attardant notamment sur le scandale, au sens évangélique du terme, provoqué par l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia. Bien que tout cela lui paraisse « gravissime », Mgr Fellay s’efforce à comprendre, presque à justifier, ce que fait le pape, par l’intérêt qu’il porterait à la « périphérie » les « SDF, les chômeurs, les immigrés et… la Fraternité Saint Pie X à qui on n’aurait pas accordé suffisamment d’intérêt ».
Alors que Mgr Lefebvre avait toujours affirmé que les fidèles attachés à la Tradition étaient dans l’Église, voilà que qu’ils seraient à sa « périphérie », mais sans courir le « risque de schisme[2] » puisque les principes rappelés par la Fraternité Saint Pie X ne constituent plus des « critères de catholicité », ni les notes de la fidélité à la Tradition. Jamais un tel abandon n’avait été déclaré aussi ouvertement. Autant dire que ce que Mgr Lefebvre a défendu n’est pas essentiel à la foi.
Durant ce long développement, il fait le lien entre la doctrine et la morale, ce qui va lui permettre de répondre à la question de M. l’abbé Lorans sur l’utilité du dialogue avec Rome. « Oui, c’est utile, peut être pas immédiatement, mais sur la longueur… on verra les conséquences morales… tout ce tient. » Il serait important de « maintenir ou simplement rappeler les principes ». Tout ceci dans une certaine confusion au point que Mgr Fellay perdra le fil, en obligeant l’abbé Lorans à reprendre sa question.
Mais « l’erreur reste l’erreur, qui est en train de tuer l’Église ». Et de rappeler les quatre points d’achoppement : l’œcuménisme, la liberté religieuse, Nostra Ætate, la réforme liturgique. Rome admettrait, non pas que le concile Vatican II se serait trompé, mais que des « erreurs, des excès, des abus » auraient été commis. La Fraternité Saint Pie X jouerait alors le rôle de « catalyseur », puisque ces points de désaccord ne constitueraient plus des « critères de catholicité », c’est à dire qu’ils ne constitueraient plus une remise en cause de l’autorité du pape, son infaillibilité.
En affirmant cela, Mgr Fellay se révèle un peu plus. Les erreurs qu’il dénonce sont condamnées par les papes d’avant le Concile, l’œcuménisme et la liberté religieuse sont directement contraires à la foi ; en affirmant qu’elles ne sont pas des critères de catholicité, il affirme donc qu’elles n’appartiennent pas aux vérités de la foi, ou qu’il n’est plus nécessaire de professer intégralement la foi catholique. La cause de cet abandon, c’est que, selon lui, on ne peut contredire le pape. Le critère de catholicité est devenu la soumission au pape et non plus la foi. C’est l’erreur du catéchisme des diocèses de France de 1947 : « L’Église est la société de tous les chrétiens fondée par Jésus-Christ, gouvernée par le pape et les évêques unis au pape ». Alors que le catéchisme de saint Pie X affirme au contraire que « La sainte Église catholique est la réunion de tous ceux qui sont baptisés, croient et confessent la foi du Christ Notre-Seigneur, participent aux mêmes sacrements et reconnaissent pour Vicaire du Christ sur la terre le Souverain Pontife romain. » La première définit l’Église par l’autorité sans référence à la foi, la seconde définit l’Église par la foi et le Souverain Pontife également par rapport à la foi. Selon la première l’obéissance détermine la foi, selon la seconde la foi détermine l’obéissance.
Évidemment, Mgr Fellay ne s’exprime pas si clairement, c’est pourquoi il affirme que « Nous voulons ces discussions, mais pas avec le même but [que Rome] ». De même, il affirme que le projet de prélature personnelle est « adéquat et qu’il correspond à nos besoins », mais que « La structure n’est pas tout… Le problème n’est pas dans cette structure qui nous est offerte : s’il n’y avait que cette question-là, on dirait tout de suite “oui”. » en même temps qu’il affirme que l’accord n’attend plus qu’ « un coup de tampon », il dit qu’il « faudra du temps », car il n’y aurait pas pour l’instant « cette volonté de sortir de la ligne imposée au Concile »… Il faut être certain que Rome veut bien laisser la Fraternité Saint Pie X continuer son « expérience de la Tradition » comme le disait Mgr Lefebvre ou si « on nous attend au contraire [au tournant ?] et on va nous demander de nous aligner ».
« Nous restons hors la loi »… plus que tolérés mais en marge… c’est là toute la question …Nous ne pouvons plus avancer ».
Malgré ses diverses affirmations assez contradictoires, ce qui est clair, c’est que Mgr Fellay ne veut plus rappeler haut et fort la doctrine de la foi ; il lui suffit que la Fraternité Saint Pie X soit acceptée telle qu’elle est et il ne cherche plus la conversion de la Rome moderniste, que, d’ailleurs il n’appelle plus jamais ainsi. Moderniste est une accusation qu’il ne profère plus jamais.
Mgr Fellay n’a plus de principes, c’est pour cela que la contradiction ne le gêne pas et cela ne gêne pas ceux qui sont comme lui. Les bons prêtres de la Fraternité Saint Pie X ne peuvent concevoir qu’il soit malhonnête ; eux qui croient aux principes ne peuvent concevoir que Mgr Fellay agisse dans la contradiction. C’est pourquoi ils ne comprennent pas nos accusations.
[1] Le premier, avec l’abbé Lorans, enregistré le 13 janvier, fut diffusé le 26 janvier par Radio Courtoise ; le second, avec Jean-Pierre Maugendre, fut diffusé le 29 janvier par TV Libertés.
[2] TV Libertés