Voici le témoignage d’un chef de service des douanes qui, pendant deux ans, sanctifia le dimanche chez soi.
Esquisses d’exil[1]
Premier contact avec « notre » île d’exil, dimanche 16 décembre 2007, au terme d’un voyage de plus de dix-huit heures, aux environs de minuit notre avion atterrit, sur la piste de l’aéroport de Saint-Pierre et Miquelon, en pleine tempête de neige et avec deux heures de retard.
Dure épreuve. Pénurie alimentaire ; les rayons des magasins sont désespéramment vides. Les insulaires, sont habitués, ils ont fait leur plein mercredi dernier à l’arrivée du navire de desserte. Prochain approvisionnement le 19.
Pénurie spirituelle. Cette année nous n’aurons ni veillée, ni messe pour Noël. Malgré mes efforts je n’ai pas pu retarder ma mutation. Intérêt du service oblige.
Et pourtant.
Le diocèse de Saint-Pierre compte 6 057 habitants, « cinq clochers », deux prêtres incardinés. Il est constitué en un vicariat apostolique. Terre de mission, son vicaire apostolique, à l’époque Mgr Fischer, comme Mgr Lefebvre, est un spiritain. La comparaison s’arrête là.
Comme nous aurons l’occasion de le découvrir à l’occasion des seules messes protocolaires auxquelles j’ai dû participer, les assemblées sont nombreuses ; veilles traditions de pêcheurs basques, normands et bretons. Mais, conformément à nos craintes, nous sommes en plein dans l’esprit de Vatican II : lecture de l’Épître et des prières communes par des laïcs, communion distribuée par une religieuse ! Des petites filles servent la messe…
Non, décidément nous n’irons pas à cette messe.
Nous avons tout prévu. Nous sanctifions nos dimanches en suivant la liturgie sur nos missels et en respectant les dispositions requises. Chants grégoriens du graduel, de l’alléluia, de l’offertoire et de la communion avec nos CD de la Schola Bellarmina. Bonnes répétitions pour notre retour ; si Dieu le veut. Nous pratiquons la communion spirituelle.
Nous faisons également dire des messes par nos bons prêtres de France, en action de grâce ou pour des intentions particulières, et nous maintenons nos liens avec eux. Bienfait de la Providence, en février 2009, M l’abbé Pivert répondant à nos demandes[2] nous adresse un imprimé autographié qui comporte au verso le « Souvenez-vous, ô Notre Dame du Sacré Cœur… » et une communion spirituelle « Mon Jésus je suis si petit, vous êtes si grand et pourtant vous voulez vous donner à moi… » . Cette prière sera dite chaque dimanche jusqu’à notre retour en Métropole en février 2010. Elle est toujours dans mon missel ; le cas échéant.
Régulièrement, nos vacances ou mes déplacements professionnels, sont mis à profit afin de nous permettre de sanctifier la plupart des fêtes d’obligation.
Forts de tous ces soutiens, nous avons traversé ces années d’épreuves en restant « en union avec Notre Seigneur et Notre Dame ».
Deo gratias.
Vive le Christ Roi.
[1] Titre inspiré par celui de l’ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne : Le grain tombé entre les meules. Esquisses d’exil.
[2] M l’abbé Pivert nous renouvelle ainsi le témoignage de son amitié en rappelant que « Le saint abbé Alfred de Rievaulx enseigne à ses moines que, contrairement aux autres hommes qui ont peu d’amis, les chrétiens, eux en ont beaucoup ; et Mgr Lefebvre disait que c’est encore plus vrai des « traditionalistes » qui ont des amis d’une rare qualité. »