Sermon ~ Le Cœur Immaculé de Marie
par Mgr Lefebvre

Mes bien chers Frères,

Ayant achevé la série de sermons sur l’Église, je prépare une nouvelle série. En attendant, je vous donne un sermon de Mgr Lefebvre qui conclut ce que je vous ai exposé.

Je confie à vos prières plusieurs prêtres avec lesquels nous sommes en rapport, persécutés par leur évêque. Supplions la Très Sainte Vierge Marie qu’ils prennent les bonnes décisions pour la défense de la foi, pour être des phares dans les ténèbres. Qu’ils quittent l’Église Bergoglienne pour la Tradition pleine et entière.

Que Dieu vous bénisse.

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par Mgr Lefebvre »

Le message de Notre Dame à la Salette


Le message de Notre Dame à la Salette
le 19 septembre 1846
contenant le texte entier du secret
publié par Mélanie Calvat, bergère de la Salette

avec Imprimatur de Mgr l’évêque de Lecce.

Simple reproduction sans commentaire de l’édition originale de Lecce, en 1879, avec les corrections typographiques de l’édition ne varietur de Lyon, en 1904, et la suppression des fautes, rares mais évidentes, d’orthographe et de ponctuation, conte­nues dans cette dernière.

I

Le 18 septembre, veille de la sainte Apparition de la Sainte Vierge, j’étais seule, comme à mon ordinaire, à garder les quatre vaches de mes Maîtres. Vers les 11 heures du matin, je vis venir auprès de moi un petit garçon. À cette vue, je m’effrayai, parce qu’il me semblait que tout le monde devait savoir que je fuyais toute sorte de compa­gnies. Cet enfant s’approcha de moi et me dit : « Petite, je viens avec toi, je suis aussi de Corps. » A ces paroles, mon mauvais naturel se fit bientôt voir, et, faisant quelques pas en arrière, je lui dis : « Je ne veux personne, je veux rester seule. » Puis, je m’éloignais, mais cet enfant me suivait en me disant : « Va, laisse-moi avec toi, mon Maître m’a dit de venir garder mes vaches avec les tiennes ; je suis de Corps. » Moi je m’éloignai de lui, en lui faisant signe que je ne voulais personne ; et après m’être éloignée, je m’assis sur le gazon. Là, je faisais ma conversation avec les petites fleurs du Bon Dieu.

Un moment après, je regarde derrière moi, et je trouve Maximin assis tout près de moi. Il me dit aussitôt : « Garde-moi, je serai bien sage. » Mais mon mauvais naturel n’entendit pas raison. Je me relève avec précipita­tion, et je m’enfuis un peu plus loin sans rien lui dire, et je me remis à jouer avec les fleurs du Bon Dieu. Un instant après, Maximin était encore là à me dire qu’il serait bien sage, qu’il ne parlerait pas, qu’il s’ennuierait d’être tout seul, et que son Maître l’envoyait auprès de moi, etc… Cette fois, j’en eus pitié, je lui fis signe de s’asseoir, et moi, je continuai avec les petites fleurs du Bon Dieu.

Maximin ne tarda pas à rompre le silence, il se mit à rire, (je crois qu’il se moquait de moi) ; je le regarde, et il me dit : « Amusons-nous. Faisons un jeu. » Je ne lui répondis rien, car j’étais si ignorante, que je ne comprenais rien au jeu avec une autre personne, ayant toujours été seule. Je m’amusais seule avec les fleurs, et Maximin, s’approchant tout à fait de moi, ne faisait que rire en me disant que les fleurs n’avaient pas d’oreilles pour m’entendre, et que nous devions jouer ensemble. Mais je n’avais aucune inclination pour le jeu qu’il me disait de faire. Cependant je me mis à lui parler, et il me dit que les dix jours qu’il devait passer avec son Maître allaient bientôt finir, et qu’ensuite il s’en irait à Corps chez son père, etc…

Tandis qu’il me parlait, la cloche de la Salette se fit entendre, c’était l’Angélus ; je fis signe à Maximin d’élever son âme à Dieu. Il se découvrit la tête et garda un moment le silence. Ensuite, je lui dis : « Veux-tu dîner ? — Oui, me dit-il. Allons. » Nous nous assîmes ; je sortis de mon sac les provisions que m’avaient données mes Maîtres, et, selon mon habitude, avant d’entamer mon petit pain rond, avec la pointe de mon couteau je fis une croix sur mon pain, et au milieu un tout petit trou, en disant : « Si le diable y est, qu’il en sorte, et si le Bon Dieu y est qu’il y reste, » et vite, vite, je recouvris le petit trou. Maximin partit d’un grand éclat de rire et donna un coup de pied à mon pain, qui s’échappa de mes mains, roula jusqu’au bas de la mon­tagne et se perdit.

J’avais un autre morceau de pain, nous le mangeâmes ensemble ; ensuite nous fîmes un jeu ; puis comprenant que Maximin devait avoir besoin de manger, je lui indiquai un endroit de la montagne couvert de petits fruits. Je l’engageai à aller en manger, ce qu’il fit aussitôt ; il en mangea et en rapporta plein son chapeau. Le soir nous descen­dîmes ensemble de la montagne, et nous nous promîmes de revenir garder nos vaches ensemble.

Le lendemain, 19 septembre, je me retrouve en chemin avec Maximin ; nous gravis­sons ensemble la montagne. Je trouvais que Maximin était très bon, très simple, et que volontiers il parlait de ce dont je voulais parler ; il était aussi très souple, ne tenant pas à son sentiment ; il était seulement un peu curieux, car quand je m’éloignais de lui, dès qu’il me voyait arrêtée, il accourait vite pour voir ce que je faisais, et entendre ce que je disais avec les fleurs du Bon Dieu ; et s’il n’arrivait pas à temps, il me demandait ce que j’avais dit. Maximin me dit de lui apprendre un jeu. La matinée était déjà avan­cée : je lui dis de ramasser des fleurs pour faire le « Paradis ».

Nous nous mîmes tous les deux à l’ouvrage ; nous eûmes bientôt une quantité de fleurs de diverses couleurs. L’Angélus du village se fit enten­dre, car le ciel était beau, il n’y avait pas de nuages. Après avoir dit au Bon Dieu ce que nous savions, je dis à Maximin que nous devions conduire nos vaches sur un petit plateau près du petit ravin, où il y aurait des pierres pour bâtir le « Paradis ». Nous conduisîmes nos vaches au lieu désigné, et ensuite nous prîmes notre petit repas ; puis, nous nous mîmes à porter des pierres et à construire notre petite maison, qui consistait en un rez-de-chaussée, qui soi-disant était notre habitation, puis un étage au-dessus qui était selon nous le « Paradis ».

Cet étage était tout garni de fleurs de différentes couleurs, avec des couronnes suspendues par des tiges de fleurs. Ce « Paradis » était couvert par une seule et large pierre que nous avions recouverte de fleurs ; nous avions aussi suspendu des couron­nes tout autour. Le « Paradis » terminé, nous le regardions ; le sommeil nous vint ; nous nous éloignâmes de là à environ deux pas, et nous nous endormîmes sur le gazon.

La Belle Dame s’assied sur notre « Paradis » sans le faire crouler.

II

M’étant réveillée, et ne voyant pas nos vaches, j’appelai Maximin et je gravis le petit monticule. De là, ayant vu que nos vaches étaient couchées tranquillement, je redes­cendais et Maximin montait, quand tout à coup je vis une belle lumière, plus brillante que le soleil, et à peine ai-je pu dire ces paroles : « Maximin, vois-tu, là-bas ? Ah ! mon Dieu ! » En même temps je laisse tomber le bâton que j’avais en main. Je ne sais ce qui se passait en moi de délicieux dans ce moment, mais je me sentais attirer, je me sentais un grand respect plein d’amour, et mon cœur aurait voulu courir plus vite que moi.

Je regardais bien fortement celle lumière qui était immobile, et comme si elle fût ouverte, j’aperçus une autre lumière bien plus brillante et qui était en mouvement, et dans cette lumière une très belle Dame assise sur notre « Paradis », ayant la tête dans ses mains. Cette belle Dame s’est levée, elle a croisé médiocrement ses bras en nous regardant et nous a dit : « Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur ; je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. » Ces douces et suaves paroles me firent voler jusqu’à elle, et mon cœur aurait voulu se coller à elle pour toujours. Arrivée bien près de la belle Dame, devant elle, à sa droite, elle commence le discours, et des larmes commencent aussi à couler de ses beaux yeux :

« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si lourde et si pesante, que je ne puis plus la retenir.

« Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n’en faites pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres.

« Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder. C’est ce qui appesantit tant le bras de mon Fils.

« Ceux qui conduisent les charrettes, ne savent pas parler sans y mettre le Nom de mon Fils au milieu. Ce sont les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon Fils. »

« Si la récolte se gâte, ce n’est qu’à cause de vous autres.

« Je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre ; vous n’en avez pas fait cas ; c’est au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez et vous mettiez le Nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter, à la Noël, il n’y en aura plus. »

Ici je cherchais à interpréter la parole : pomme de terre ; je croyais com­prendre que cela signifiait pommes. La belle et bonne Dame devinant ma pensée reprit ainsi :

« Vous ne me comprenez pas, mes enfants ? Je vais vous le dire autre­ment. »

La traduction en français est celle-ci :

« Si la récolte se gâte, ce n’est rien que pour vous autres ; je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre, et vous n’en avez pas fait cas ; c’était, au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, et vous mettiez le nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter, et, à la Noël, il n’y en aura plus.

« Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer.

« Tout ce que vous sèmerez, les bêtes le mangeront ; et ce qui viendra, tombera tout en poussière quand vous le battrez. Il viendra une grande famine. Avant que la famine vienne, les petits enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront ; les autres feront pénitence par la faim. Les noix devien­dront mauvaises ; les raisins pourriront. »

Ici, la belle Dame qui me ravissait, resta un moment sans se faire enten­dre ; je voyais cependant qu’elle continuait, comme si elle parlait, de remuer gracieusement ses aimables lèvres. Maximin recevait alors son secret. Puis, s’adressant à moi, la Très Sainte Vierge me parla et me donna un secret en français. Ce secret, le voici tout entier, et telle qu’elle me l’a donné :

III

« Mélanie, ce que je vais vous dire maintenant, ne sera pas toujours secret ; vous pourrez le publier en 1858.

« Les prêtres, ministres de mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leurs irrévérences et leur impiété à célébrer les saints mystères, par l’amour de l’argent, l’amour de l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des cloaques d’impureté. Oui, les prêtres demandent vengeance, et la vengeance est suspendue sur leurs têtes. Malheur aux prêtres, et aux personnes consacrées à Dieu, lesquelles, par leurs infidélités et leur mauvaise vie, crucifient de nouveau mon Fils ! Les péchés des personnes consacrées à Dieu crient vers le Ciel et appellent la vengeance, et voilà que la vengeance est à leurs portes, car il ne se trouve plus personne pour implorer misé­ricorde et pardon pour le peuple ; il n’y a plus d’âmes géné­reuses, il n’y a plus personne digne d’offrir la Victime sans tache à l’Éternel en faveur du monde.

« Dieu va frapper d’une manière sans exemple.

« Malheur aux habitants de la terre ! Dieu va épuiser sa colère, et personne ne pourra se soustraire à tant de maux réunis.

« Les chefs, les conducteurs du peuple de Dieu ont négligé la prière et la pénitence, et le démon a obscurci leurs intelligences ; ils sont devenus ces étoiles errantes que le vieux diable traînera avec sa queue pour les faire périr. Dieu permettra au vieux serpent de mettre des divisions parmi les régnants, dans toutes les sociétés et dans toutes les familles ; on souffrira des peines physiques et morales ; Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes, et enverra des châtiments qui se succéderont pendant plus de trente-cinq ans.

« La Société est à la veille des fléaux les plus terribles et des plus grands événe­ments ; on doit s’attendre à être gouverné par une verge de fer et à boire le calice de la colère de Dieu.

« Que le Vicaire de mon Fils, le Souverain Pontife Pie IX, ne sorte plus de Rome après l’année 1859 ; mais qu’il soit ferme et généreux, qu’il combatte avec les armes de la foi et de l’amour ; je serai avec lui.

« Qu’il se méfie de Napoléon ; son cœur est double, et quand il voudra être à la fois Pape et empereur, bientôt Dieu se retirera de lui : il est cet aigle qui, voulant toujours s’élever, tombera sur l’épée dont il voulait se servir pour obliger les peuples à se faire élever.

« L’Italie sera punie de son ambition en voulant secouer le joug du Seigneur des Seigneurs ; aussi elle sera livrée à la guerre ; le sang coulera de tous côtés ; les Églises seront fermées ou profanées ; les prêtres, les religieux seront chassés ; on les fera mourir, et mourir d’une mort cruelle. Plusieurs abandonneront la foi, et le nombre des prêtres et des religieux qui se sépareront de la vraie religion sera grand ; parmi ces personnes il se trouvera même des Évêques.

« Que le Pape se tienne en garde contre les faiseurs de miracles, car le temps est venu que les prodiges les plus étonnants auront lieu sur la terre et dans les airs.

« En l’année 1864, Lucifer avec un grand nombre de démons seront détachés de l’enfer : ils aboliront la foi peu à peu et même dans les personnes consacrées à Dieu ; ils les aveugleront d’une telle manière, qu’à moins d’une grâce particulière ces personnes prendront l’esprit de ces mauvais anges ; plusieurs maisons religieuses perdront entièrement la foi et perdront beaucoup d’âmes.

« Les mauvais livres abonderont sur la terre, et les esprits de ténèbres répandront partout un relâchement universel pour tout ce qui regarde le service de Dieu ; ils auront un très grand pouvoir sur la nature ; il y aura des églises pour servir ces esprits. Des personnes seront transportées d’un lieu à un autre par ces esprits mauvais, et même des prêtres, parce qu’ils ne se seront pas conduits par le bon esprit de l’Évangile, qui est un esprit d’humilité, de charité et de zèle pour la gloire de Dieu.

« On fera ressusciter des morts et des justes [c’est-à-dire que ces morts prendront la figure des âmes justes qui avaient vécu sur la terre, afin de mieux séduire les hommes ; ces soi-disant morts ressuscités, qui ne seront autre chose que le démon sous ces figures, prêcheront un autre Évangile, contraire à celui du vrai Christ-Jésus, niant l’existence du Ciel, soit encore les âmes des damnés. Toutes ces âmes paraîtront comme unies à leurs corps]. « Il y aura en tous lieux des prodiges extraordinaires, parce que la vraie foi s’est éteinte et que la fausse lumière éclaire le monde. Malheur aux Princes de l’Église qui ne seront occupés qu’à entasser richesses sur richesses, qu’à sauvegarder leur autorité et à dominer avec orgueil !

« Le Vicaire de mon Fils aura beaucoup à souffrir, parce que pour un temps l’Église sera livrée à de grandes persécutions ; ce sera le temps des ténèbres ; l’Église aura une crise affreuse.

« La sainte foi de Dieu étant oubliée, chaque individu voudra se guider par lui-même et être supérieur à ses semblables. On abolira les pouvoirs civils et ecclésias­tiques, tout ordre et toute justice seront foulés aux pieds ; on ne verra qu’homicides, haine, jalousie, mensonge et discorde, sans amour pour la patrie ni pour la famille.

« Le Saint-Père souffrira beaucoup. Je serai avec lui jusqu’à la fin pour recevoir son sacrifice.

« Les méchants attenteront plusieurs fois à sa vie sans pouvoir nuire à ses jours ; mais ni lui, ni son successeur (1)…, ne verront le triomphe de l’Église de Dieu.

(1) En marge de son exemplaire de Lecce Mélanie a écrit ces mots entre crochet : [qui ne règnera pas longtemps.].

« Les gouvernants civils auront tous un même dessein, qui sera d’abolir et de faire disparaître tout principe religieux, pour faire place au matérialisme, à l’athéisme, au spiritisme et à toutes sortes de vices.

« Dans l’année 1865, on verra l’abomination dans les lieux saints ; dans les couvents, les fleurs de l’Église seront putréfiées et le démon se rendra comme le roi des cœurs. Que ceux qui sont à la tête des communautés religieuses se tiennent en garde pour les personnes qu’ils doivent recevoir, parce que le démon usera de toute sa malice pour introduire dans les ordres religieux des personnes adonnées au péché, car les désordres et l’amour des plaisirs charnels seront répandus par toute la terre.

« La France, l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre seront en guerre ; le sang coulera dans les rues ; le Français se battra avec le Français, l’Italien avec l’Italien ; ensuite il y aura une guerre générale qui sera épouvantable. Pour un temps, Dieu ne se souviendra plus de la France ni de l’Italie, parce que l’Évangile de Jésus-Christ n’est plus connu. Les méchants déploieront toute leur malice ; on se tuera, on se massa­crera mutuelle­ment jusque dans les maisons.

« Au premier coup de son épée foudroyante, les montagnes et la nature entière trembleront d’épouvante, parce que les désordres et les crimes des hommes percent la voûte des cieux. Paris sera brûlé et Marseille englouti ; plusieurs grandes villes seront ébranlées et englouties par des tremblements de terre ; on croira que tout est perdu ; on ne verra qu’homicides, on n’entendra que bruits d’armes et que blasphè­mes. Les justes souffriront beaucoup ; leurs prières, leur pénitence et leurs larmes monteront jusqu’au Ciel, et tout le peuple de Dieu demandera pardon et miséricorde, et demandera mon aide et mon intercession. Alors Jésus-Christ, par un acte de sa justice et de sa grande miséricorde pour les justes, commandera à ses anges que tous ses ennemis soient mis à mort. Tout à coup les persécuteurs de l’Église de Jésus-Christ et tous les hommes adonnés au péché périront, et la terre deviendra comme un désert. Alors se fera la paix, la réconciliation de Dieu avec les hommes ; Jésus-Christ sera servi, adoré et glorifié ; la charité fleurira partout. Les nouveaux rois seront le bras droit de la Sainte Église, qui sera forte, humble, pieuse, pauvre, zélée et imita­trice des vertus de Jésus-Christ. L’Évangile sera prêché partout, et les hommes feront de grands progrès dans la foi, parce qu’il y aura unité parmi les ouvriers de Jésus-Christ et que les hommes vivront dans la crainte de Dieu.

« Cette paix parmi les hommes ne sera pas longue : vingt-cinq ans d’abondantes récoltes leur feront oublier que les péchés des hommes sont cause de toutes les peines qui arrivent sur la terre.

« Un avant-coureur de l’antéchrist, avec ses troupes de plusieurs nations, combattra contre le vrai Christ, le seul Sauveur du monde ; il répandra beaucoup de sang et voudra anéantir le culte de Dieu pour se faire regarder comme un Dieu.

« La terre sera frappée de toutes sortes de plaies [outre la peste et la famine, qui seront générales] ; il y aura des guerres jusqu’à la dernière guerre, qui sera alors faite par les dix rois de l’antéchrist, lesquels rois auront tous un même dessein et seront les seuls qui gouverneront le monde.

« Avant que ceci arrive, il y aura une espèce de fausse paix dans le monde ; on ne pensera qu’à se divertir ; les méchants se livreront à toutes sortes de péchés ; mais les enfants de la Sainte Église, les enfants de la foi, mes vrais imitateurs, croîtront dans l’amour de Dieu et dans les vertus qui me sont les plus chères. Heureuses les âmes humbles conduites par l’Esprit-Saint ! Je combattrai avec elles jusqu’à ce qu’elles arrivent à la plénitude de l’âge.

« La nature demande vengeance pour les hommes, et elle frémit d’épouvante dans l’attente de ce qui doit arriver à la terre souillée de crimes.

« Tremblez, terre, et vous qui faites profession de servir Jésus-Christ et qui au-dedans vous adorez vous-mêmes, tremblez ; car Dieu va vous livrer à son ennemi. Parce que les lieux saints sont dans la corruption ; beaucoup de couvents ne sont plus les maisons de Dieu, mais les pâturages d’Asmodée et des siens.

« Ce sera pendant ce temps que naîtra l’antéchrist, d’une religieuse hébraïque, d’une fausse vierge qui aura communication avec le vieux serpent, le maître de l’impureté ; son père sera Ev. ; en naissant, il vomira des blasphèmes, il aura des dents ; en un mot, ce sera le diable incarné ; il poussera des cris effrayants, il fera des prodiges, il ne se nourrira que d’impuretés. Il aura des frères qui, quoiqu’ils ne soient pas comme lui des démons incarnés, seront des enfants de mal ; à 12 ans, ils se feront remar­quer par leurs vaillantes victoires qu’ils remporteront ; bientôt, ils seront chacun à la tête des armées, assistés par des légions de l’enfer.

« Les saisons seront changées, la terre ne produira que de mauvais fruits, les astres perdront leurs mouvements réguliers, la lune ne reflètera qu’une faible lumière rougeâtre ; l’eau et le feu donneront au globe de la terre des mouvements convulsifs et d’horribles tremblements de terre, qui feront engloutir des montagnes, des villes [etc.].

« Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’antéchrist.

« Les démons de l’air avec l’antéchrist feront de grands prodiges sur la terre et dans les airs, et les hommes se pervertiront de plus en plus. Dieu aura soin de ses fidèles serviteurs et des hommes de bonne volonté ; l’Évangile sera prêché partout, tous les peuples et toutes les nations auront connaissance de la vérité !

« J’adresse un pressant appel à la terre : j’appelle les vrais disciples du Dieu vivant et régnant dans les cieux ; j’appelle les vrais imitateurs du Christ fait homme, le seul et vrai Sauveur des hommes ; j’appelle mes enfants, mes vrais dévôts, ceux qui se sont donnés à moi pour que je les conduise à mon divin Fils, ceux que je porte pour ainsi dire dans mes bras, ceux qui ont vécu de mon esprit ; enfin, j’appelle les Apôtres des derniers temps, les fidèles disciples de Jésus-Christ qui ont vécu dans un mépris du monde et d’eux-mêmes, dans la pauvreté et dans l’humilité, dans le mépris et dans le silence, dans l’oraison et dans la mortification, dans la chasteté et dans l’union avec Dieu, dans la souffrance et inconnus du monde. Il est temps qu’ils sortent et viennent éclairer la terre. Allez, et montrez-vous comme mes enfants chéris ; je suis avec vous et en vous, pourvu que votre foi soit la lumière qui vous éclaire dans ces jours de malheurs. Que votre zèle vous rende comme des affamés pour la gloire et l’honneur de Jésus-Christ. Combattez, enfants de lumière, vous, petit nombre qui y voyez ; car voici le temps des temps, la fin des fins.

« L’Église sera éclipsée, le monde sera dans la consternation. Mais voilà Enoch et Elie remplis de l’Esprit de Dieu ; ils prêcheront avec la force de Dieu, et les hommes de bonne volonté croiront en Dieu, et beaucoup d’âmes seront consolées ; ils feront de grands progrès par la vertu du Saint-Esprit et condamneront les erreurs diaboli­ques de l’antéchrist.

« Malheur aux habitants de la terre ! Il y aura des guerres sanglantes et des famines ; des pestes et des maladies contagieuses ; il y aura des pluies d’une grêle effroyable d’animaux ; des tonnerres qui ébranleront des villes ; des tremblements de terre qui engloutiront des pays ; on entendra des voix dans les airs ; les hommes se battront la tête contre les murail­les ; ils appelleront la mort, et, d’un autre côté la mort fera leur supplice ; le sang coulera de tous côtés. Qui pourra vaincre, si Dieu ne diminue le temps de l’épreuve ? Par le sang, les larmes et les prières des justes, Dieu se laissera fléchir ; Enoch et Elie seront mis à mort ; Rome païenne dispa­raîtra ; le feu du Ciel tombera et consumera trois villes ; tout l’univers sera frappé de terreur, et beaucoup se laisseront séduire parce qu’ils n’ont pas adoré le vrai Christ vivant parmi eux. Il est temps ; le soleil s’obscurcit ; la foi seule vivra.

« Voici le temps ; l’abîme s’ouvre. Voici le roi des rois des ténèbres. Voici la bête avec ses sujets, se disant le sauveur du monde. Il s’élèvera avec orgueil dans les airs pour aller jusqu’au Ciel ; il sera étouffé par le souffle de Saint Michel Archange. Il tombera, et la terre qui, depuis trois jours, sera en de continuelles évolutions, ouvrira son sein plein de feu ; il sera plongé pour jamais avec tous les siens dans les gouf­fres éternels de l’enfer. Alors l’eau et le feu purifieront la terre et consu­meront toute les œuvres de l’orgueil des hommes, et tout sera renouvelé : Dieu sera servi et glorifié. »

IV

Ensuite la Sainte Vierge me donna, aussi en français, la Règle d’un nouvel Ordre religieux.

Après m’avoir donné la Règle de ce nouvel Ordre religieux, la Sainte Vierge reprit ainsi la suite du Discours :

« S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en blé, et les pommes de terre se trouveront ensemencées par les terres.

« Faites-vous bien votre prière, mes enfants ? »

Nous répondîmes tous les deux :

« Oh ! non, Madame, pas beaucoup. »

« Ah ! mes enfants, il faut bien la faire, soir et matin. Quand vous ne pourrez pas mieux faire, dites un Pater et un Ave Maria ; et quand vous aurez le temps et que vous pourrez mieux faire, vous en direz davantage.

« Il ne va que quelques femmes un peu âgées à la Messe ; les autres travaillent tout l’été le Dimanche ; et l’hiver, quand ils ne savent que faire, ils ne vont à la Messe que pour se moquer de la religion. Le carême, ils vont à la boucherie comme les chiens.

« N’avez-vous pas vu du blé gâté, mes enfants ? »

Tous les deux nous avons répondu : « Oh ! non, Madame. »

La Sainte Vierge s’adressant à Maximin : « Mais toi, mon enfant, tu dois bien en avoir vu une fois vers le Coin, avec ton père. L’homme de la pièce dit à ton père : Venez voir comme mon blé se gâte. Vous y allâtes. Ton père prit deux ou trois épis dans sa main, il les frotta, et ils tombèrent en poussière. Puis, en vous en retournant, quand vous n’étiez plus qu’à demi-heure de Corps, ton père te donna un morceau de pain en te disant : Tiens, mon enfant, mange cette année, car je ne sais pas qui mangera l’année prochaine, si le blé se gâte comme cela. »

Maximin répondit : « C’est bien vrai, Madame, je ne me le rappelais pas. »

La Très Sainte Vierge a terminé son discours en français : « Eh bien ! mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple. »

La très belle Dame traversa le ruisseau ; et, à deux pas du ruisseau, sans se retourner vers nous qui la suivions (parce qu’elle attirait à elle par son éclat et plus encore par sa bonté qui m’enivrait, qui semblait me faire fondre le cœur), elle nous a dit encore :

« Eh bien ! mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple. »

Puis elle a continué de marcher jusqu’à l’endroit où j’étais montée pour regarder où étaient nos vaches. Ses pieds ne touchaient que le bout de l’herbe sans la faire plier. Arrivée sur la petite hauteur, la belle Dame s’arrêta, et vite je me plaçai devant elle, pour bien, bien la regarder, et tâcher de savoir quel chemin elle inclinait le plus à prendre ; car c’était fait de moi, j’avais oublié et mes vaches et les maîtres chez lesquels j’étais en service ; je m’étais attachée pour toujours et sans condition à Ma Dame ; oui, je voulais ne plus jamais, jamais la quitter ; je la suivais sans arrière-pensée, et dans la disposition de la servir tant que je vivrai.

Avec Ma Dame je croyais avoir oublié le paradis ; je n’avais plus que la pensée de bien la servir en tout ; et je croyais que j’aurais pu faire tout ce qu’Elle m’aurait dit de faire, car il me semblait qu’Elle avait beaucoup de pouvoir. Elle me regardait avec une tendre bonté qui m’attirait à Elle ; j’aurais voulu, avec les yeux fermés, m’élancer dans ses bras. Elle ne m’a pas donné le temps de le faire. Elle s’est élevée insensible­ment de terre à une hauteur d’environ un mètre et plus ; et restant ainsi suspendue en l’air un tout petit instant, Ma belle Dame regarda le ciel, puis la terre à sa droite et à sa gauche, puis Elle me regarda avec des yeux si doux, si aimables et si bons, que je croyais qu’Elle m’attirait dans son intérieur, et il me sem­blait que mon cœur s’ouvrait au sien.

Et, tandis que mon cœur se fondait en une douce dilatation, la belle figure de Ma bonne Dame disparaissait peu à peu ; il me semblait que la lumière en mouvement se multipliait ou bien se condensait autour de la Très Sainte Vierge, pour m’empêcher de la voir plus longtemps. Ainsi la lumière prenait la place des parties du corps qui dispa­raissaient à mes yeux ; ou bien il me semblait que le corps de Ma Dame se changeait en lumière en se fondant. Ainsi la lumière en forme de globe s’élevait doucement en direction droite.

Je ne puis pas dire si le volume de lumière diminuait à mesure qu’elle s’élevait, ou bien si c’était l’éloignement qui faisait que je voyais diminuer la lumière à mesure qu’elle s’élevait ; ce que je sais, c’est que je suis restée la tête levée et les yeux fixés sur la lumière, même après que cette lumière, qui allait toujours s’éloignant et dimi­nuant de volume, eut fini par disparaître.

Mes yeux se détachent du firmament, je regarde autour de moi, je vois Maximin qui me regardait, je lui dis : « Mémin, cela doit être le bon Dieu de mon père, ou la Sainte Vierge, ou quelque grande sainte. » Et Maximin lançant la main en l’air, il dit : « Ah ! si je l’avais su ! »

V

Le soir du 19 septembre, nous nous retirâmes un peu plus tôt qu’à l’ordinaire. Arrivée chez mes maîtres, je m’occupais à attacher mes vaches et à mettre tout en ordre dans l’écurie. Je n’avais pas terminé, que ma maîtresse vint à moi en pleurant et me dit : « Pourquoi, mon enfant, ne venez-vous pas me dire ce qui vous est arrivé sur la montagne ? » (Maximin n’ayant pas trouvé ses maîtres, qui ne s’étaient pas encore retirés de leurs travaux, était venu chez les miens, et avait raconté tout ce qu’il avait vu et entendu). Je lui répondis : « Je voulais bien vous le dire, mais je voulais finir mon ouvrage auparavant. » Un moment après, je me rendis dans la maison, et ma maîtresse me dit : « Racontez ce que vous avez vu ; le berger de Bruite (c’était le surnom de Pierre Selme, maître de Maximin) m’a tout raconté. »

Je commence et, vers la moitié du récit, mes maîtres arrivèrent de leurs champs ; ma maîtresse, qui pleurait en entendant les plaintes et les mena­ces de notre tendre Mère, dit : « Ah ! vous vouliez aller ramasser le blé demain ; gardez-vous en bien, venez entendre ce qui est arrivé aujourd’hui à cette enfant et au berger de Selme. » Et, se tournant vers moi, elle dit : « Recommencez tout ce que vous m’avez dit. » Je recom­mence ; et lorsque j’eus terminé, mon maître dit : « C’était la Sainte Vierge, ou bien une grande sainte, qui est venue de la part du bon Dieu ; mais c’est comme si le bon Dieu était venu lui-même : il faut faire tout ce que cette Sainte a dit. Comment allez-vous faire pour dire cela à tout son peuple ? » Je lui répondis : « Vous me direz comment je dois faire, et je le ferai. » Ensuite il ajouta, en regardant sa mère, sa femme et son frère : « Il faut y penser. » Puis chacun se retira à ses affaires.

C’était après le souper, Maximin et ses maîtres vinrent chez les miens pour raconter ce que Maximin leur avait dit, et pour savoir ce qu’il y avait à faire : « Car, dirent-ils, il nous semble que c’est la Sainte Vierge qui a été envoyée par le bon Dieu ; les paroles qu’elle a dites le font croire. Et Elle leur a dit de le faire passer à tout son peuple ; il faudra peut-être que ces enfants parcourent le monde entier pour faire connaître qu’il faut que tout le monde observe les commandements du bon Dieu, sinon de grands malheurs vont arriver sur nous. » Après un moment de silence, mon maître dit, en s’adressant à Maximin et à moi : « Savez-vous ce que vous devez faire, mes enfants ? Demain, levez-vous de bon matin, allez tous deux à Monsieur le Curé, et racontez-lui tout ce que vous avez vu et entendu ; dites-lui bien comment la chose s’est passée : il vous dira ce que vous avez à faire. »

Le 20 septembre, lendemain de l’apparition, je partis de bonne heure avec Maximin. Arrivés à la Cure, je frappe à la porte. La domestique de Monsieur le Curé vint ouvrir, et demanda ce que nous voulions. Je lui dis (en français, moi qui ne l’avais jamais parlé) : « Nous voudrions parler à Monsieur le Curé. » — « Et que voulez-vous lui dire ? », nous demanda-t-elle. — « Nous voulons lui dire, Mademoiselle, qu’hier nous sommes allés garder nos vaches sur la montagne des Baisses, et après avoir dîné, etc., etc. » Nous lui racontâmes une bonne partie du discours de la Très Sainte Vierge. Alors la cloche de l’Église sonna ; c’était le dernier coup de la Messe. M. l’abbé Perrin, curé de la Salette, qui nous avait entendus, ouvrit la porte avec fracas : il pleurait ; il se frappait la poitrine ; il nous dit : « Mes enfants, nous sommes perdus, le bon Dieu va nous punir. Ah ! mon Dieu, c’est la Sainte Vierge qui vous est appa­rue ! » Et il partit pour dire la Sainte Messe. Nous nous regardâmes avec Maximin et la domestique ; puis Maximin me dit : « Moi, je m’en vais chez mon père, à Corps. » Et nous nous séparâmes.

N’ayant pas reçu d’ordre de mes maîtres de me retirer aussitôt après avoir parlé à Monsieur le Curé, je ne crus pas faire mal en assistant à la Messe. Je fus donc à l’Église. La Messe commence, et, après le premier Évangile, Monsieur le Curé se tourne vers le peuple et essaie de raconter à ses paroissiens l’apparition qui venait d’avoir lieu, la veille, sur une de leurs Montagnes, et les exhorte à ne plus travailler le Dimanche : sa voix était entrecoupée de sanglots, et tout le peuple était ému. Après la Sainte Messe, je me retirai chez mes maîtres. Monsieur Peytard, qui est encore aujourd’hui Maire de la Salette, y vint m’interroger sur le fait de l’apparition ; et, après s’être assuré de la vérité de ce que je lui disais, il se retira convaincu.

Je continuai de rester au service de mes maîtres jusqu’à la fête de la Toussaint. Ensuite je fus mise comme pensionnaire chez les religieuses de la Providence, dans mon pays, à Corps.

VI

La Très Sainte Vierge était très grande et bien proportionnée ; elle parais­sait être si légère qu’avec un souffle on l’aurait fait remuer, cependant, elle était immobile et bien posée. Sa physionomie était majestueuse, impo­sante, mais non imposante comme le sont les Seigneurs d’ici-bas. Elle imposait une crainte respectueuse. En même temps que Sa Majesté impo­sait du respect mêlé d’amour, elle attirait à elle. Son regard était doux et pénétrant ; ses yeux semblaient parler avec les miens, mais la conversation venait d’un profond et vif sentiment d’amour envers cette beauté ravis­sante qui me liquéfiait. La douceur de son regard, son air de bonté incom­préhensible faisait comprendre et sentir qu’elle attirait à elle et voulait se donner ; c’était une expression d’amour qui ne peut pas s’exprimer avec la langue de chair ni avec les lettres de l’alphabet.

Le vêtement de la Très Sainte Vierge était blanc argenté et tout brillant ; il n’avait rien de matériel : il était composé de lumière et de gloire, variant et scintillant. Sur la terre il n’y a pas d’expression ni de comparaison à donner.

La Sainte Vierge était toute belle et toute formée d’amour ; en la regar­dant, je languissais de me fondre en elle. Dans ses atours, comme dans sa personne, tout respi­rait la majesté, la splendeur, la magnificence d’une Reine incomparable. Elle parais­sait belle, blanche, immaculée, cristallisée, éblouissante, céleste, fraîche, neuve comme une Vierge ; il semblait que la parole : Amour s’échappait de ses lèvres argentées et toutes pures. Elle me paraissait comme une bonne Mère, pleine de bonté, d’amabilité, d’amour pour nous, de compassion, de miséricorde.

La couronne de roses qu’elle avait sur la tête était si belle, si brillante, qu’on ne peut pas s’en faire une idée : les roses, de diverses couleurs, n’étaient pas de la terre ; c’était une réunion de fleurs qui entouraient la tête de la Très Sainte Vierge en forme de couronne ; mais les roses se changeaient ou se remplaçaient ; puis, du cœur de chaque rose, il sortait une si belle lumière, qu’elle ravissait, et rendait les roses d’une beauté éclatante. De la couronne de roses s’élevaient comme des branches d’or, et une quantité d’autres petites fleurs mêlées avec des brillants.

Le tout formait un très beau diadème, qui brillait tout seul plus que notre soleil de la terre.

La Sainte Vierge avait une très jolie Croix suspendue à son cou. Cette Croix parais­sait être dorée, je dis dorée pour ne pas dire une plaque d’or ; car j’ai vu quelquefois des objets dorés avec diverses nuances d’or, ce qui faisait à mes yeux un bien plus bel effet qu’une simple plaque d’or. Sur cette belle Croix toute brillante de lumière était un Christ, était Notre-Seigneur, les bras étendus sur la Croix. Presque aux deux extré­mités de la Croix, d’un côté il y avait un marteau, de l’autre une tenaille. Le Christ était couleur de chair naturelle ; mais il brillait d’un grand éclat ; et la lumière qui sortait de tout son corps paraissait comme des dards très brillants, qui me fendaient le cœur du désir de me fondre en lui. Quelquefois le Christ paraissait être mort : il avait la tête penchée, et le corps était comme affaissé, comme pour tomber, s’il n’avait pas été retenu par les clous qui le retenaient à la Croix.

J’en avais une vive compassion, et j’aurais voulu redire au monde entier son amour inconnu et infiltrer dans les âmes des mortels l’amour le plus senti et la reconnais­sance la plus vive envers un Dieu qui n’avait nulle­ment besoin de nous pour être ce qu’il est, ce qu’il était et ce qu’il sera toujours ; et pourtant, ô amour incompréhensible à l’homme ! il s’est fait homme, et il a voulu mourir, oui mourir, pour mieux écrire dans nos âmes et dans notre mémoire l’amour Fou qu’il a pour nous ! Oh ! que je suis malheureuse de me trouver si pauvre en expression pour redire l’amour, oui, l’amour de notre bon Sauveur pour nous ! mais, d’un autre côté, que nous sommes heureux de pouvoir sentir mieux ce que nous ne pouvons exprimer !

D’autres fois, le Christ semblait vivant ; il avait la tête droite, les yeux ouverts, et paraissait être sur la Croix par sa propre volonté. Quelquefois aussi il paraissait parler : il semblait vouloir montrer qu’il était en Croix pour nous, par amour pour nous, pour nous attirer à son amour, qu’il a toujours un amour nouveau pour nous, que son amour du commencement et de l’année 33 est toujours celui d’aujourd’hui et qu’il sera toujours.

La Sainte Vierge pleurait presque tout le temps qu’Elle me parla. Ses larmes coulaient, une à une, lentement, jusque vers ses genoux ; puis, comme des étincelles de lumière, elles disparaissaient. Elles étaient brillantes et pleines d’amour. J’aurais voulu la consoler, et qu’Elle ne pleurât plus. Mais il me semblait qu’Elle avait besoin de montrer ses larmes pour mieux montrer son amour oublié par les hommes. J’aurais voulu me jeter dans ses bras et lui dire : « Ma bonne Mère, ne pleurez pas ! je veux vous aimer pour tous les hommes de la terre. » Mais il me semblait qu’Elle me disait : « Il y en a tant qui ne me connaissent pas ! »

J’étais entre la mort et la vie, en voyant d’un côté tant d’amour, tant de désir d’être aimée, et d’un autre côté tant de froideur, tant d’indifférence… Oh ! ma Mère, Mère toute toute belle et toute aimable, mon amour, cœur de mon cœur !…

Les larmes de notre tendre Mère, loin d’amoindrir son air de Majesté, de Reine et de Maîtresse, semblaient, au contraire, l’embellir, la rendre plus aimable, plus belle, plus puissante, plus remplie d’amour, plus maternelle, plus ravissante ; et j’aurais mangé ses larmes, qui faisaient sauter mon cœur de compassion et d’amour. Voir pleurer une Mère, et une telle Mère, sans prendre tous les moyens imaginables pour la consoler, pour changer ses douleurs en joie, cela se comprend-il ? O Mère plus que bonne ! Vous avez été formée de toutes les prérogatives dont Dieu est capable ; vous avez comme épuisé la puissance de Dieu ; vous êtes bonne et puis bonne de la bonté de Dieu même ; Dieu s’est agrandi en vous formant son chef-d’œuvre terrestre et céleste.

La Très Sainte Vierge avait un tablier jaune. Que dis-je, jaune ? Elle avait un tablier plus brillant que plusieurs soleils ensemble. Ce n’était pas une étoffe matérielle, c’était un composé de gloire, et cette gloire était scintil­lante et d’une beauté ravissante. Tout en la Très Sainte Vierge me portait fortement, et me faisait comme glisser à adorer et à aimer mon Jésus dans tous les états de sa vie mortelle.

La Très Sainte Vierge avait deux chaînes, l’une un peu plus large que l’autre. À la plus étroite était suspendue la Croix dont j’ai fait mention plus haut. Ces chaînes (puisqu’il faut donner le nom de chaînes) étaient comme des rayons de gloire d’un grand éclat variant et scintillant.

Les souliers (puisque souliers il faut dire) étaient blancs, mais un blanc argenté, brillant ; il y avait des roses autour. Ces roses étaient d’une beauté éblouissante, et du cœur de chaque rose sortait une flamme de lumière très belle et très agréable à voir. Sur les souliers, il y avait une boucle en or, non en or de la terre, mais bien de l’or du paradis.

La vue de la Très Sainte Vierge était elle-même un paradis accompli. Elle avait en Elle tout ce qui pouvait satisfaire, car la terre était oubliée.

La Sainte Vierge était entourée de deux lumières. La première lumière, plus près de la Très Sainte Vierge, arrivait jusqu’à nous ; elle brillait d’un éclat très beau et scintillant. La seconde lumière s’étendait un peu plus autour de la Belle-Dame, et nous nous trouvions dans celle-là ; elle était immobile (c’est-à-dire qu’elle ne scintillait pas), mais bien plus brillante que notre pauvre soleil de la terre. Toutes ces lumières ne faisaient pas mal aux yeux, et ne fatiguaient nullement la vue.

Outre toutes ces lumières, toute cette splendeur, il sortait encore des groupes ou faisceaux de lumière ou des rayons de lumière, du Corps de la Sainte Vierge, de ses habits et de partout.

La voix de la Belle Dame était douce ; elle enchantait, ravissait, faisait du bien au cœur ; elle rassasiait, aplanissait tous les obstacles, calmait, adou­cissait. Il me semblait que j’aurais toujours voulu manger de sa belle voix, et mon cœur semblait danser ou vouloir aller à sa rencontre pour se liqué­fier en elle.

Les yeux de la Très Sainte Vierge, notre tendre Mère, ne peuvent pas se décrire par une langue humaine. Pour en parler, il faudrait un séraphin ; il faudrait plus, il faudrait le langage de Dieu même, de ce Dieu qui a formé la Vierge Immaculée, chef d’œuvre de toute sa puissance.

Les yeux de l’auguste Marie paraissaient mille et mille fois plus beaux que les brillants, les diamants et les pierres précieuses les plus recherchées ; ils brillaient comme deux soleils ; ils étaient doux de la douceur même, clairs comme un miroir. Dans ses yeux on voyait le paradis ; ils attiraient à Elle ; il semblait qu’Elle voulait se donner et attirer. Plus je la regardais, plus je la voulais voir ; plus je la voyais, plus je l’aimais, et je l’aimais de toutes mes forces.

Les yeux de la belle Immaculée étaient comme la porte de Dieu, d’où l’on voyait tout ce qui peut enivrer l’âme. Quand mes yeux se rencontraient avec ceux de la Mère de Dieu et la mienne, j’éprouvais au-dedans de moi-même une heureuse révolution d’amour et de protestation de l’aimer et de me fondre d’amour.

En nous regardant, nos yeux se parlaient à leur mode, et je l’aimais tant que j’aurais voulu l’embrasser dans le milieu de ses yeux, qui attendrissaient mon âme et semblaient l’attirer et la faire fondre avec la sienne. Ses yeux me plantèrent un doux tremblement dans tout mon être ; et je craignais de faire le moindre mouvement qui pût lui être désagréable tant soit peu.

Cette seule vue des yeux de la plus pure des Vierges aurait suffi pour être le Ciel d’un bienheureux ; aurait suffi pour faire entrer une âme dans la plénitude des volon­tés du Très Haut parmi tous les événements qui arri­vent dans le cours de la vie mortelle ; aurait suffi pour faire faire à cette âme de continuels actes de louange, de remerciements, de réparation et d’expiation. Cette seule vue concentre l’âme en Dieu et la rend comme une morte-vivante, ne regardant toutes les choses de la terre, même les choses qui paraissent les plus sérieuses, que comme des amusements d’enfants ; elle ne voulait entendre parler que de Dieu et de ce qui touche à sa Gloire.

Le péché est le seul mal qu’Elle voit sur la terre. Elle en mourrait de dou­leur si Dieu ne la soutenait. Amen.

Castellamare, le 21 novembre 1878.

MARIE de la Croix, Victime de Jésus,
née MÉLANIE CALVAT, Bergère de la Salette.

Nihil obstat : imprimatur
Datum Lycii ex Curia Ep. die 15 Nov. 1879

Vicarius Generalis

Carmelus Archus Cosma

5e mystère glorieux
Le couronnement de Marie au Ciel


5e mystère glorieux 
Le couronnement de Marie

Tirée de Les gloires de Marie
de saint Alphonse de Liguori

L’auguste Vierge Marie a été élevée à la dignité de Mère du Roi des rois ; dès lors et avec juste raison, la sainte Église lui décerne et demande à tous les fidèles de lui décerner le titre glorieux de Reine.

« Si le Fils qu’elle a mis au monde est roi, dit saint Athanase, la Vierge, sa Mère, doit, en toute rigueur de vérité, être tenue pour Reine et Souveraine et en porter le nom. » C’est, remarque saint Bernardin de Sienne, à partir du moment où elle consentit à devenir la Mère du Verbe éternel, que Marie mérita d’être constituée Reine du monde et de la création tout entière. « Son consentement, dit-il, lui valut le sceptre du monde, l’empire de l’univers et la souveraineté sur toutes les créatures. » Voici comment raisonne Arnauld de Chartres : « La chair de Jésus et celle de Marie sont une seule et même chair. Comment donc la Mère pourrait-elle ne point partager la souveraineté de son Fils ? Ce n’est point assez dire qu’elle la partage : la gloire royale du Fils et celle de la Mère sont une seule et même gloire. »

Jésus étant roi de l’univers, c’est de l’univers aussi que Marie est la reine. « Établie Reine, dit l’abbé Rupert, elle possède à bon droit tout le royaume de son Fils. » De là cette affirmation de saint Bernardin de Sienne : « Autant il y a de créatures au service de Dieu, autant Marie en compte à son service. Et les anges, et les hommes, et tout ce qui est au ciel et sur la terre, en un mot toute la création, par le fait qu’elle est soumise à Dieu, est soumise à la glorieuse Vierge. » Aussi l’abbé Guerric tient-il à la divine Mère ce langage : « Continuez, ô Marie, continuez avec assurance à exercer votre empire ; n’hésitez pas, agissez en Reine, disposant à votre gré des biens de votre Fils. Vous êtes la mère et l’épouse du Roi de l’univers, à vous le droit de régner, à vous la puissance souveraine sur toutes les créatures. »

Marie est donc Reine. Mais, sachons-le bien pour notre commune consolation, c’est une Reine toute bonne, toute clémente, toute inclinée à nous faire du bien, à nous si misérables. C’est pourquoi la sainte Église, dans le Salve Regina, nous invite à saluer Marie en la proclamant Reine de miséricorde.

Le nom même de reine, observe le bienheureux Albert le Grand, signifie compassion et sollicitude pour les pauvres. « Secourir les malheureux, dit Sénèque, c’est en quoi consiste la magnificence des rois » et des reines. Alors que les tyrans font servir leur pouvoir à leur intérêt personnel, les rois doivent avoir en vue le bien de leur peuple. Aussi, au sacre des rois, on leur verse sur la tête de l’huile, symbole de la miséricorde, pour leur rappeler qu’ils doivent garder sur le trône un cœur rempli, par-dessus tout, de compassion et de bienveillance à l’égard de leurs sujets.

Le premier devoir des rois est donc de s’employer aux œuvres de miséricorde, avec cette réserve, cependant, qu’il leur faut, au besoin, exercer la justice à l’égard des malfaiteurs. Il n’en est pas ainsi de Marie. Reine, elle ne tient pas le sceptre de la justice pour le châtiment des coupables, mais uniquement celui de la miséricorde, n’ayant d’autre ministère que celui de la grâce et du pardon. C’est la pensée de l’Église quand elle nous fait acclamer Marie comme Reine de miséricorde.

Dans sa Préface aux Épitres canoniques, saint Thomas confirme ce privilège de la sainte Vierge : « Quand, dans son sein, elle conçut le Fils de Dieu, quand, ensuite, elle le mit au monde, alors, dit-il, elle obtint la moitié du règne de Dieu : elle fut constituée reine de miséricorde, comme le Christ est roi de justice. »

C’est pour la constituer Reine de miséricorde que, selon la prophétie de David, Dieu lui-même conféra, en quelque sorte, l’onction royale à Marie, en répandant sur elle l’huile de l’allégresse. Grand sujet d’allégresse pour nous, pauvres enfants d’Adam, de penser que nous avons au ciel une si grande Reine qui laisse découler sur nous « l’onction de sa surabondante compassion et miséricorde », ainsi que le dit saint Bonaventure.

Ici vient à propos l’histoire de la reine Esther. Le bienheureux Albert le Grand en fait une heureuse application à notre Reine Marie, dont Esther d’ailleurs était une figure.

Voici ce que nous lisons au chapitre quatrième du Livre d’Esther. Sous le règne d’Assuérus, il fut publié dans ses états un édit ordonnant la mise à mort de tous les Juifs. Mardochée, l’un des condamnés, recommanda leur salut à Esther, la priant de s’interposer auprès du roi pour obtenir la révocation de la sentence. Esther s’y refusa d’abord, par crainte d’aviver encore le courroux d’Assuérus. Mais Mardochée la réprimanda et lui envoya dire : Ne vous imaginez point, parce que vous êtes de la maison du roi, que vous sauverez seule votre vie, à l’exclusion de tous les Juifs. Il ajouta que le Seigneur l’avait élevée au trône précisément pour qu’elle assurât le salut de sa nation. Ainsi parla Mardochée à la reine Esther. Pauvres pécheurs condamnés à un juste châtiment, si jamais notre Reine Marie hésitait à obtenir de Dieu notre délivrance, nous aurions lieu de lui tenir le même langage : Ô notre Souveraine, vous êtes dans la maison du Roi, Dieu vous ayant constituée Reine de l’univers ; ne pensez point pour autant à vous sauver seule, à l’exclusion de tous les autres hommes ; car, votre élévation n’a pas eu pour but votre seul avantage ; si Dieu vous a faite si grande, c’est pour vous mettre plus à même de compatir à notre misère et de la secourir.

Assuérus, quand il vit Esther en sa présence, s’informa avec amour de l’objet de sa visite. Quelle est votre demande ? lui dit-il. La reine répondit : Ô mon roi, si j’ai trouvé grâce à vos yeux, accordez-moi mon peuple, pour lequel je vous implore. Elle fut exaucée : un ordre du roi révoqua aussitôt la sentence de condamnation.

Or, si Assuérus accorda le salut des Juifs à Esther, parce qu’il l’aimait, comment Dieu, qui aime immensément Marie, pourra-t-Il ne pas l’exaucer, quand elle le prie pour les pauvres pécheurs qui se recommandent à elle ? Ô mon Roi et mon Dieu, dit-elle, si j’ai trouvé grâce devant vous… Mais elle sait bien, la divine Mère, qu’elle est la bénie, la bienheureuse, la seule, parmi tous les hommes, à trouver la grâce qu’ils ont perdue ; elle sait bien qu’elle est l’aimée de son Seigneur, plus chérie que tous les saints et les anges ensemble. Si donc vous m’aimez, continue-t-elle, donnez-moi mon peuple, donnez-moi ces pécheurs pour lesquels je vous supplie. Et il se pourrait que Dieu ne l’exauçât point ? Mais qui ne sait le pouvoir qu’ont auprès de Dieu les prières de Marie ? La loi de la clémence est sur sa langue. Chaque prière de Marie à force de loi, le Seigneur ayant décrété qu’il sera fait miséricorde à tous ceux pour qui elle intercède. Pourquoi, demande saint Bernard, l’Église appelle-t-elle Marie Reine de miséricorde ? « C’est, répond-il, afin de nous assurer qu’elle ouvre l’abîme insondable de la pitié divine à qui elle veut, quand elle veut et comme elle veut ; si bien qu’un pécheur ne périra pas, fût-il un monstre d’iniquité, dès lors que cette sainte des saints le prend sous sa protection. »

Mais peut-être craindrons-nous que Marie ne dédaigne d’intervenir en faveur de tel pécheur, le voyant trop chargé de crimes ? Ou encore n’y a-t-il pas lieu de nous laisser effrayer par la majesté et la sainteté de cette grande Reine ? Non, dit saint Grégoire VII, car « la grandeur et la sainteté de Marie ne la rendent que plus clémente et plus douce à l’égard des pécheurs désireux de se convertir » et qui recourent à elle. Rois et reines, avec l’apparat de leur majesté, répandent la terreur et font craindre à leurs sujets de paraître en leur présence. Mais, observe saint Bernard, « quelle crainte pourrait retenir » la misère et « la fragilité humaine loin de Marie », la Reine de la miséricorde ? Regardons-la bien : « en elle, rien de sévère, rien de terrible ; elle est toute suavité » et affabilité. Elle nous donne, bien plus, « elle nous offre d’elle-même à tous le lait et la laine » : le lait de sa miséricorde qui ranime notre confiance ; la laine, la douceur de sa protection qui nous abrite contre les rigueurs de la justice divine.

Écoutons saint Bernard : « Comment pourriez-vous, ô Marie, vous refuser à secourir les misérables, alors que vous êtes la Reine de la miséricorde ? Les sujets de la miséricorde ce sont précisément les misérables. Vous êtes la Reine de la miséricorde, et moi, étant le dernier des pécheurs, je suis le premier, le plus grand de vos sujets » et j’ai droit, par conséquent, de préférence à tout autre, à vos soins les plus assidus. « Régnez donc sur nous, ô Reine de miséricorde », prenez-nous en pitié, et chargez-vous de notre salut éternel.

Quelle grande confiance nous devons donc avoir en notre Reine ; connaissant sa puissance auprès de Dieu, et sachant, d’autre part que son cœur est rempli d’une telle et si surabondante plénitude de miséricorde, qu’il n’est personne sur la terre à n’avoir pas de part aux effets de sa bonté et à ses faveurs ! La sainte Vierge le révéla elle-même à sainte Brigitte : « Je suis, lui dit-elle, la Reine du ciel et la Mère de la miséricorde ; je suis l’allégresse des justes et la porte ouverte aux pécheurs pour aller à Dieu. Il n’y a pas sur la terre, de pécheur assez maudit pour ne point éprouver, tant qu’il respire, la miséricorde, tout au moins — à défaut d’autre faveur — en étant moins tenté par les démons qu’il ne le serait sans mon intercession. » « Personne, ajouta-t-elle, à moins d’être absolument maudit — ce qui s’entend de la malédiction finale et irrévocable réservée aux damnés — n’est tellement rejeté, qu’il ne revienne à Dieu et ne trouve miséricorde, s’il m’appelle à son secours. » Elle lui dit encore : « Mère de miséricorde, c’est le titre que tout le monde me donne ; et vraiment la miséricorde de Dieu envers les hommes a fait de moi la toute miséricordieuse. » Et elle conclut : « Ah ! malheureux celui qui, tandis qu’il le peut, ne recourt pas à moi ! » Oui, malheureux pour l’éternité celui, qui, en cette vie, pouvant m’invoquer, moi, si pleine de pitié pour tous et si désireuse d’aider les pécheurs, néglige de recourir à moi et ainsi lamentablement se damne !

Courons donc aux pieds de notre très douce Reine, et soyons toujours fidèles à la prier, si nous voulons mettre notre salut en assurance. Si la vue de nos péchés nous épouvante et nous décourage, rappelons-nous à quelle fin Marie a été constituée Reine de miséricorde : c’est pour qu’elle sauve, par sa protection, les pécheurs les plus coupables, les plus désespérés, dès qu’ils se recommandent à elle. Ne doivent-ils pas être sa couronne au ciel ? Son divin Époux le lui a dit : Viens du Liban, ô mon Épouse, viens du Liban… Tu recevras pour couronne les tanières des lions, les montagnes des léopards. Que peuvent bien être ces tanières de bêtes féroces et monstrueuses, sinon les pauvres âmes coupables, devenues le repaire des péchés, ces monstres les plus affreux que l’on puisse rencontrer ? Eh bien ! s’écrie l’abbé Rupert, en commentant ce texte, « voilà, ô Marie, les lions dont les tanières seront votre couronne : votre couronne sera leur salut. » Ces malheureux pécheurs, seule votre intercession les sauve, ô glorieuse Souveraine ; il est juste qu’au ciel ils soient votre diadème ; et c’est bien celui qui convient en propre à une Reine de miséricorde.

L’exemple qu’on va lire vient à l’appui de cette vérité.

Exemple

On lit dans la vie de Sœur Catherine de Saint-Augustin qu’au même endroit où vivait cette servante de Dieu se trouvait une femme nommée Marie, laquelle, après une jeunesse passée dans le vice, s’obstinait, jusque dans la vieillesse, à poursuivre le cours de ses désordres ; tellement que, chassée du pays par ses concitoyens, elle fut réduite à se réfugier dans une grotte, loin de toute habitation. C’est là que, tombant d’avance en pourriture, elle finit par mourir sans sacrements, abandonnée de tous. On l’enfouit en plein champ, comme on aurait fait d’un vil animal. Or Sœur Catherine avait coutume de recommander à Dieu avec une grande ferveur les âmes de tous ceux qui entraient dans leur éternité ; mais pour cette misérable vieille femmes quand elle apprit sa triste fin, elle ne songea pas à prier. Comme tout le monde, elle la tenait pour damnée.

Quatre ans s’étaient écoulés, quand un jour elle vit apparaître une âme du purgatoire qui lui dit : « Sœur Catherine, que je suis donc malheureuse Vous recommandez à Dieu les âmes de tous ceux qui meurent, et il n’y a que mon âme dont vous n’avez pas eu pitié ! — Et qui êtes-vous ? demande la servante de Dieu. — Je suis, répond l’apparition, cette pauvre Marie qui mourut dans la grotte. — Eh ! quoi ! vous êtes sauvée ? s’écrie alors Sœur Catherine. — Oui, je suis sauvée par la miséricorde de la sainte Vierge. — Et comment cela ? — Quand je me vis sur le point de mourir, me voyant si chargée de péchés et privée de tout secours, je me tournai vers la Mère de Dieu, et je lui dis : « Ô Notre-Dame vous êtes le refuge des abandonnés ; voyez, en ce moment tout le monde m’abandonne ; vous êtes mon unique espérance, vous seule pouvez me venir en aide, ayez pitié de moi ! » La sainte Vierge m’obtint de faire un acte de contrition, je mourus et je fus sauvée. Ma bonne Reine m’a obtenu une autre grâce : que l’intensité de mes souffrances abrégeât la durée de mon expiation, laquelle aurait dû se prolonger pendant bien des années encore. Il ne me faut plus maintenant que quelques messes pour être délivrée du purgatoire. Je vous prie de me les faire dire, et moi, en échange, je vous le promets, je ne cesserai pas de prier le bon Dieu et la sainte Vierge pour vous. » Sœur Catherine fit aussitôt célébrer les messes, et, peu de jours après, cette âme lui apparut de nouveau, plus brillante que le soleil, et lui. dit : « Je vous remercie, Sœur Catherine, je m’en vais au ciel chanter les miséricordes de mon Dieu et prier pour vous. »

Prière

Ô Marie, Mère de mon Dieu et ma Souveraine, tel se présente à une grande reine un pauvre couvert de plaies et repoussant, tel je me présente à vous qui êtes la Reine du ciel et de la terre. Du trône sublime où vous êtes assise, ne dédaignez pas, je vous en prie, d’abaisser vos regards jusqu’à moi, pauvre pécheur. Si Dieu vous a comblée de richesses, c’est pour subvenir à notre pauvreté ; s’il vous a établie Reine de miséricorde, c’est pour réconforter les misérables. Regardez-moi donc, et laissez-vous toucher. Regardez-moi et ne me laissez point aller que, du pécheur que je suis, vous n’ayez fait un saint.

Je m’en rends compte, je ne mérite rien ; ou plutôt je mériterais, à cause de mon ingratitude, d’être dépouillé de toutes les grâces que, par vos mains, j’ai reçues du Seigneur. Mais vous êtes la Reine de la miséricorde, et, dès lors, ce ne sont pas des mérites que vous cherchez, mais des misères : vous voulez secourir qui est dans le besoin. Eh bien ! qui est plus pauvre et plus besogneux que moi ?

Ô Vierge sublime ! Je sais bien que je suis votre sujet, puisque vous êtes la Reine de l’univers. Mais je veux me consacrer à votre service d’une manière plus spéciale, afin que vous disposiez de moi selon votre bon plaisir. Aussi je vous dis avec saint Bonaventure : « Ma Souveraine, je m’abandonne à votre domination ; que je sois régi et gouverné par vous en toutes choses. Ne me laissez pas me reprendre. » Donnez-moi vos ordres, servez-vous de moi à votre gré ; et même n’hésitez pas à me châtier, si je suis indocile ; combien ils me seront salutaires les châtiments qui me viendront de votre main !

Être votre serviteur, ô Marie, c’est pour moi bien plus que devenir le maître du monde. Je suis à vous, sauvez-moi ! Acceptez-moi pour vôtre, et, à ce titre, occupez-vous de mon salut. Je ne veux plus être mon maître : je vous fais don de moi-même. Sans doute, je vous ai bien, mal servie ; que de belles occasions j’ai perdues de vous honorer ! Mais à l’avenir, je veux égaler vos serviteurs les plus aimants, les plus fidèles. Non, je ne laisserai désormais personne l’emporter sur moi en ardeur à vous rendre hommage et à vous aimer, ô ma très aimable Reine. C’est à quoi je m’engage, et c’est ce que j’espère tenir, avec votre assistance. Ainsi soit-il.

4e mystère glorieux
L’assomption de Marie au Ciel


4e MYSTÈRE GLORIEUX
L’ASSOMPTION DE MARIE AU CIEL

Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.

I. — Le corps de Marie exempt de la corruption du tombeau

Considérons, en premier lieu, que le corps de Notre-Dame, durant les trois jours qu’il resta dans le sépulcre, demeura aussi intact que si l’âme n’en était pas séparée. Car, comme Dieu, par un privilège spécial, la préserva de la tache du péché originel, bien que sa conception, dans l’ordre naturel, n’ait pas été différente de celle des autres enfants d’Adam, de même, quoique sa mort ait ressemblé à celle des autres hommes, son corps néanmoins, par une grâce singulière, fut exempt de la corruption du tombeau, qui est la peine du péché. En sorte qu’elle n’eut point de part à la malédiction que le Seigneur avait lancée contre l’homme, en lui disant : Tu es poussière, et tu retourneras en poussière. Or Dieu lui accorda ce privilège pour trois raisons.

1) Ce fut pour honorer sa pureté virginale qui avait été toute miraculeuse et sans exemple, confirmée par un vœu exprès, et gardée inviolablement jusqu’à la mort. Une semblable pureté méritait sans doute une récompense extraordinaire. Or pouvait-elle en avoir une qui lui fût plus proportionnée que l’incorruptibilité de ce corps, dont elle avait toujours été le principal ornement ?

2) Ce fut pour récompenser l’innocence et la sainteté de son âme qui, dans un corps mortel, n’avait jamais senti le ver intérieur des consciences coupables, à laquelle il ne s’était jamais attaché la moindre poussière, et qui n’avait participé en rien aux imperfections d’Adam terrestre. C’est pour ce sujet que les vers ne touchèrent point au corps de la plus pure des vierges, et qu’il ne fut point réduit en poussière, non plus que celui de l’Adam céleste, dont le Prophète, admirant la sainteté, disait : Vous ne permettrez pas, Seigneur, que votre Saint voie la corruption.

3). Il était de l’honneur du Fils de conserver dans son intégrité le corps de sa Mère. Car la chair de Jésus, dit saint Augustin, est la chair de Marie. Puis donc que la chair de Jésus n’avait pas éprouvé la corruption, il était juste que celle de Marie en fût exempte.

Ô digne Mère de mon Sauveur, arche du Nouveau Testament, fabriquée de bois incorruptible de Sétim, et revêtue d’un or très pur, dans laquelle a reposé celui qui est le propitiatoire commun de tous les pécheurs ; je me réjouis de l’incorruptibilité de votre corps, et de la beauté de votre âme, à qui les vertus, comme un or fin et brillant, donnent un merveilleux lustre. Obtenez-moi cette pureté incorruptible d’un esprit doux et modeste, qui est un riche ornement aux yeux de Dieu, afin que mon âme étant exempte de la corruption du péché, mon corps, au dernier Jour, soit délivré de la corruption qui est la peine du péché.

II. — Le corps de Marie ressuscité le troisième jour

Considérons, en second lieu, la résurrection de la bienheureuse Vierge, dont le corps sortit vivant et glorieux du sépulcre au troisième jour, par la toute-puissance de son Fils. Jésus, plein d’amour et de tendresse pour sa Mère, crut que ce serait trop peu faire pour elle de conserver son corps sans corruption jusqu’au temps de la résurrection générale. Il voulut prévenir ce temps et lui rendre la vie au bout de trois jours : ce qu’il fit pour plusieurs raisons.

1) Comme le corps et l’âme de Marie avaient toujours travaillé de concert pour accomplir la volonté de Dieu sur la terre, il était conforme à sa bonté de les réunir au plus tôt, afin qu’ils recommençassent à le louer et à le servir dans le ciel, avec plus de ferveur que jamais.

2) Ce fut encore pour nous donner une ferme espérance de notre résurrection future. Car ce n’est pas seulement Jésus-Christ, Dieu et homme, qui est ressuscité ; c’est encore sa Mère, bien qu’elle ne soit qu’une pure créature. Que cette pensée excite en nous de vifs désirs d’aller à Jésus et de rechercher, non les choses de la terre, mais celles du ciel, où il a établi son trône, et où celle en qui il a pris un corps semblable au nôtre est assise à sa droite.

3) Il fallait en outre que Notre-Dame conservât dans tous les siècles, jusqu’au jour du jugement, la qualité de Mère de Dieu. Or ce glorieux titre ne convient pas à son âme seule, mais à son âme et à son corps réunis ensemble.

4) Il était à souhaiter qu’elle pût exercer dans le ciel l’office de mère et d’avocate des hommes, et apaiser la colère de son Fils irrité contre eux en lui montrant ses mamelles, comme le Fils adoucit le courroux de son Père en lui découvrant ses plaies.

5) Enfin, comme le premier Adam avait eu, dans le paradis terrestre, une aide et une compagne semblable à lui par les qualités naturelles, de même le second Adam voulut en avoir une dans le ciel, qui lui ressemblât en ce qui concerne la gloire du corps et de l’âme.

Ces raisons, et quelques autres, déterminèrent Dieu à tirer du tombeau la dépouille mortelle de l’auguste Marie, et à réunir sans retard son âme à son corps pour jamais. Oh ! Qui pourrait dire de quelle joie ce nouveau bienfait remplit le cœur de Notre-Dame, et avec quel transport elle entonna, dans ce troisième jour, son admirable Cantique : Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi en Dieu mon Sauveur ! Le Tout-puissant a fait en moi de grandes choses, en glorifiant mon âme et mon corps. Oh ! Quel contentement ressentit ce corps sacré quand il se vit réuni à cette âme bénie, qui lui communiqua les quatre qualités des corps glorieux ! Car il devint à l’instant même plus resplendissant que le soleil, plus beau que la lune. Il fut doué de l’immortalité, de l’impassibilité, de la légèreté, de la subtilité, exempt désormais de la faim, de la soif, de la fatigue ; à l’abri de tous les changements et de toutes les misères ; en un mot, ressuscité à une vie nouvelle et bienheureuse pour ne plus mourir.

Je vous rends grâces, ô Verbe éternel, de cette dernière faveur que vous ajoutez à toutes celles dont il vous a plu d’enrichir votre Mère. En songeant à son honneur, vous n’oubliez pas le vôtre ; car la gloire d’une mère est celle de ses enfants. Ô glorieuse Vierge, toutes les puissances de mon âme vous félicitent du nouveau privilège que votre Fils vous accorde en ce jour. Vous n’avez plus rien à lui demander, puisqu’il rend votre corps impassible et immortel comme le sien. Soyez donc ma médiatrice auprès de lui ; montrez-lui les mamelles qui l’ont nourri ; priez-le d’exaucer mes désirs, et de me faire la grâce de le servir si fidèlement en cette vie, que je mérite de participer à sa gloire en l’autre.

III. — Le corps de Marie, réuni à son âme, élevé au plus haut des cieux

Considérerai, en troisième lieu, l’Assomption du corps glorieux de la Vierge dans le ciel. Nous ne savons pas, il est vrai, comment s’opéra cette merveille. Nous pouvons toutefois nous le figurer, en comparant l’Assomption de la Mère avec l’Ascension du Fils. Supposons donc que Marie ressuscita dans le tombeau, où son âme descendit pour se réunir à son corps, de la même manière que tous les hommes ressusciteront à la fin des siècles.

1) Des milliers d’anges gardaient le sépulcre de la Mère de Dieu. Ils y faisaient entendre des concerts célestes, comme nous l’avons dit plus haut ; et dirigeant de là leurs voix vers le ciel, ils adressaient à Jésus-Christ ces paroles de David : Levez-vous, Seigneur, entrez dans votre repos, vous, et l’arche de votre sanctification. Car ne sera-ce pas vous procurer un délicieux repos d’emmener avec vous l’arche vivante, dans laquelle fut déposé le trésor infini de la sainteté ?

2) Aussitôt l’arche commença à s’élever, portée par les mains des chérubins et des séraphins. Elle franchit majestueusement les régions de l’air, au milieu des acclamations des esprits bienheureux, enivrés d’une joie et d’une allégresse inexprimables, et perçant tous les cieux, elle arriva enfin jusqu’à l’empyrée.

3) Son Fils bien-aimé, qui l’y attendait, la reçut avec un contentement ineffable, et la plaça, en sa qualité d’arche de la nouvelle alliance, dans le Saint des saints, au lieu le plus élevé du temple, c’est-à-dire sur le premier siège d’honneur de la cité de Dieu. Il la couronna ensuite, comme l’arche ancienne, d’une couronne d’or très pur, la revêtant d’une beauté indicible, et environnant son corps d’une clarté qui surpassait la lumière même du ciel. Oh ! Que la Jérusalem céleste fut splendidement éclairée en ce jour par ces deux astres, ce Soleil et cette Lune, Jésus et Marie ! Oh ! Que les anges furent ravis de voir leur Reine ainsi honorée, dans l’espoir que, par son intercession, tant de places laissées vides dans leurs rangs par la chute des esprits rebelles seraient remplies ! Oh ! Combien les autres bienheureux se réjouirent en voyant ainsi glorifiée cette Mère de miséricorde qui devait, par ses prières, ouvrir le ciel à une infinité d’enfants d’Adam, rachetés par le sang de son Fils ! Oh ! Que cette humble Mère fut elle-même comblée d’allégresse lorsqu’elle se vit élevée du plus bas de la terre au plus haut des cieux.

Je me réjouis, ô Mère très sainte, de ce que vous êtes parée aujourd’hui de deux vêtements de gloire : l’un pour votre âme, commun aux autres âmes bienheureuses ; l’autre, par anticipation et par privilège, pour votre corps. Oui, le Seigneur Jésus accomplit fidèlement ses promesses ; car il vous donne au lieu de la cendre, une couronne ; au lieu de larmes, une huile de Joie ; au lieu d’un esprit affligé, un manteau de gloire ; et il veut que, dès maintenant, vous possédiez dans votre terre une double récompense, avec une joie qui ne finira jamais. Ô ma douce Mère, attirez mon esprit au ciel, où vous êtes assise à la droite de votre Fils. Car, où est la Mère, là doivent être les enfants ; où est le corps, là les aigles se rassembleront. Qui me donnera les ailes de l’aigle, afin que je vole jusqu’au ciel, et que j’y contemple la gloire de votre corps sacré ! Apprends, ô mon âme, à t’élever dans un saint transport au-dessus de toi-même, au-dessus de toutes les créatures. Oublie les choses de la terre, et ne soupire plus qu’après celles du ciel. Là est ton Père céleste ; là est ta glorieuse Mère ; humilie-toi comme elle en ce monde, et tu participeras à son élévation dans le royaume éternel. Ainsi soit-il.

IV. — L’entrée de Marie dans le ciel

Considérons enfin l’entrée triomphante de la Reine du ciel dans le séjour des bienheureux. À peine eut-elle rendu le dernier soupir, que son âme, dégagée des liens du corps, s’envola au ciel, et entra au même moment dans la gloire qui lui était préparée. Mais afin de mieux comprendre ce mystère, il faut méditer successivement, à notre manière, ce qui s’exécuta en un seul et même instant.

1) Représentons-nous l’accueil plein de tendresse que Jésus fit à sa Mère, et la joie ineffable dont il se plut à la combler. C’est alors que s’accomplirent ces paroles de l’Épouse : Sa main gauche est sous ma tête, et il m’embrasse de sa main droite. Il l’avait soutenue, pendant sa vie, par la contemplation des mystères et des œuvres de son humanité, figurée par la main gauche : et maintenant, il l’embrasse et l’environne par la vue claire de sa divinité, signifiée par la main droite. Oh i qui pourrait exprimer l’allégresse de cette âme bienheureuse en ce premier moment ! Avec quel transport et quel amour ne dit-elle pas : J’ai trouvé celui que j’aime ; je le tiens, et je ne le laisserai point aller qu’il ne m’emmène avec lui, et ne m’introduise dans la maison de ma mère, dans la Jérusalem céleste !

Ô glorieuse Vierge, obtenez-moi une si parfaite pureté de cœur, et une charité si ardente, que mon âme, au sortir de son corps, soit reçue entre les bras de son Bien-aimé, et qu’elle monte avec lui dans la maison de ma mère, c’est-à-dire dans le ciel, où vous, qui êtes ma vraie Mère, vivez enivrée dans la compagnie de votre Fils, durant les siècles des siècles.

2) Imaginons l’illustre cortège des neuf chœurs des anges qui accompagnent leur auguste Reine dans son Assomption. Ils la saluent, dit saint Athanase, en lui donnant mille titres d’honneur ; ils lui témoignent la joie qu’ils ressentent de conduire leur souveraine dans la cité du Dieu vivant ; ils la félicitent des grandes choses que Dieu a faites en elle ; ils chantent d’une voix unanime la salutation de l’archange Gabriel, où sont compris en abrégé ses plus glorieux privilèges. Pour nous, nous nous mêlerons en esprit parmi les hiérarchies célestes ; nous chanterons avec elles les louanges de la Mère de Dieu ; nous célébrerons son triomphe, et nous lui dirons, comme les Hébreux à Judith leur libératrice :

Vous êtes la gloire de Jérusalem, de l’Église militante, de l’Église triomphante ; vous êtes la joie des vrais Israélites, de ceux qui voient Dieu par la contemplation en cette vie, et de ceux qui le voient en l’autre par la lumière de la gloire ; vous êtes l’honneur de notre peuple, parce que vous avez agi avec courage, et que vous avez gardé une chasteté parfaite. C’est pourquoi vous serez bénie éternellement ; et le Seigneur bénira, en votre considération ; tous ceux que vous aurez pris sous votre maternelle et puissante protection.

3) Remarquons que Marie fut portée au ciel, non par les anges, comme Lazare avait été porté dans le sein d’Abraham ; mais par les mains et dans les bras de son divin Fils. Ainsi voulut-il reconnaître les services qu’elle lui avait rendus, et les caresses qu’elle lui avait faites, lorsqu’elle le portait dans ses bras pendant son enfance. C’est ce qui remplissait d’étonnement les esprits célestes. Quelle est celle-ci, se demandaient-ils, qui monte du désert, pleine de délices, appuyée sur son Bien-Aimé ? Comme s’ils disaient : Quelle est cette Vierge privilégiée qui sort du monde, désert stérile, où il n’y a que travail et que douleur ; et qui néanmoins est riche, heureuse, opulente, pleine de délices spirituelles, appuyée, non sur elle-même, non sur les anges, mais sur le Seigneur qu’elle aime uniquement ?

C’est ainsi qu’elle s’éleva jusqu’au plus haut des cieux, aux applaudissements universels de la cour céleste, et au plein contentement de la très sainte Trinité. Le Père éternel se réjouissait d’avoir auprès de lui sa Fille chérie ; le Fils, de posséder sa douce Mère ; le Saint-Esprit, de voir en sa compagnie son Épouse bien-aimée. Oh ! Quelle réception pleine d’allégresse ! Quels tendres baisers de paix ! Quels affectueux embrassements ! quels colloques amoureux entre une telle Fille et un semblable Père, une telle Mère et un pareil Fils, une telle Épouse et un tel Époux ; entre les trois Personnes divines délibérant sur les moyens d’honorer la Reine des vertus

Le fruit principal que nous devons retirer de cette contemplation, c’est un désir efficace d’imiter Marie dans la plus glorieuse des entreprises, celle de gagner le ciel, commençant à nous y disposer dès maintenant. En premier lieu, nous renoncerons de cœur au monde, le considérant comme un désert, et nous privant des plaisirs des sens, pour nous rendre capable de goûter les délices de l’esprit. En second lieu, nous nous efforcerons d’avancer et de monter chaque jour dans le chemin de la vertu, ne nous appuyant ni sur nos propres forces, ni sur un bras de chair, mais sur le bras du Tout-Puissant qui est seul notre force et notre soutien. En troisième lieu, nous ferons en sorte de nous réjouir toujours en Dieu et dans les œuvres de son service. Nous mériterons ainsi de recevoir ses dons avec abondance, et d’être riche en Jésus-Christ ; et il ne nous manquera aucune des grâces qui nous sont nécessaires pour attendre avec confiance le jour où il daignera nous manifester sa gloire.

3e mystère glorieux
La Pentecôte


3e mystère glorieux
La Pentecôte

Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.

Changement subit opéré dans les disciples par le Saint-Esprit

Et tous furent remplis du Saint-Esprit.

1) Considérons la bonté et la libéralité des trois personnes divines : du Père et du Fils qui envoient le Saint-Esprit ; du Saint-Esprit qui veut bien se donner Lui-même. Parmi les disciples réunis dans le cénacle, il y a inégalité de rang et de mérites ; cet Esprit divin les remplit tous de ses dons, les comble tous de joie et se donne tout entier à chacun d’eux, en sorte que tous sont vraiment pleins du Saint-Esprit, tous contents et satisfaits, sans désirer pour lors autre chose que Dieu. Il remplit principalement les puissances de leur âme et n’en laisse aucune vide. Il imprime dans leur mémoire les saintes Écritures afin qu’ils s’en souviennent toutes les fois qu’ils en auront besoin ; Il éclaire leur intelligence afin qu’ils comprennent tous les mystères qui y sont cachés ; Il grave en un instant dans leur cœur la loi de la charité en traits si profonds que, quand il n’y aurait au monde ni Loi écrite, ni Évangile, ils seraient eux-mêmes une loi vivante et l’Esprit qui les enseigne intérieurement la leur ferait observer dans toute sa perfection. En un mot, Il exerce à l’égard de chacun des disciples tous les offices qui Lui sont propres. Comme un vent rafraîchissant, Il les récrée avec suavité ; comme un soleil, Il les inonde de lumière ; comme un feu, Il les pénètre d’une chaleur céleste ; comme médecin, Il les guérit de tous leurs maux ; comme maître, Il leur apprend toutes choses et fait d’eux les maîtres des nations. De timides, Il les rend courageux ; de faibles, forts ; d’ignorants, savants ; d’envieux, charitables ; d’ambitieux, humbles ; d’imparfaits, consommés en toutes les vertus. Ô changement prodigieux ! Ô miracle de la droite du Très-Hauts ! Ô puissance infinie de l’Esprit de Dieu ! Ce que Jésus, durant trois ans, n’a fait ni par ses prédications, ni par ses exemples, ni par ses miracles, l’Esprit de Jésus, qui est la vertu d’en haut, l’opère en un moment, sans peine et sans travail.

Ô mon Sauveur, envoyez-moi ce divin Esprit afin qu’Il me change en un homme nouveau, entièrement selon votre cœur. Venez, Esprit sanctificateur ; remplissez-moi de vos dons afin que je vive non plus d’une vie terrestre, mais d’une vie céleste ; détachez-moi des biens passagers de ce monde et faites que je ne cherche ni ne désire rien hors de Vous, puisque je trouve et possède tout en Vous.

2) Tous les disciples, il est vrai, furent remplis du Saint-Esprit ; tous cependant ne le reçurent pas avec une égale plénitude. On remplit d’eau deux vases d’une grandeur inégale ; celui qui a plus de capacité en reçoit plus que celui dont la capacité est moindre. C’est ainsi que, parmi les disciples, ceux qui étaient le mieux disposés eurent une part plus abondante aux dons de l’Esprit-Saint. D’où il suit que la très sainte Vierge reçut, elle seule, plus de grâces que tous les autres ensemble, les apôtres plus que le reste des disciples, tous heureux, tous louant et remerciant le Seigneur de la faveur insigne qu’Il venait de leur accorder. Réjouissons-nous nous-même du bonheur qui leur est commun ; mais félicitons surtout la Reine du ciel des grâces extraordinaires dont elle est comblée et de la joie qu’elle ressent de voir tous les apôtres et tous les disciples remplis de l’Esprit de Dieu, selon la promesse de son divin Fils.

3) Puisqu’il est certain que le Saint-Esprit se communique avec plus de profusion aux âmes qu’Il trouve mieux disposées, excitons en nous un vif désir de préparer la nôtre avec toute la ferveur possible de Le recevoir. Quatre vertus contribueront à cette préparation. La première est la pureté de conscience ; nous l’obtiendrons en nettoyant avec soin le vase où l’Esprit-Saint doit verser ses dons. La seconde est la pureté de cœur ; nous viderons le nôtre de lui-même et de tout esprit contraire à celui de Dieu. La troisième est la confiance en Dieu ; cette vertu élargit et dilate le cœur de l’homme, non selon la mesure des mérites de l’homme-même, mais selon celle des mérites de Jésus-Christ et de sa bonté infinie. La quatrième est une oraison fervente ; elle attire le Saint-Esprit en lui demandant que, dans la distribution de ses grâces, Il ait plus égard à ce qu’Il est qu’à ce que je suis, à sa grandeur qu’à ma bassesse. Plus je m’efforcerai de pratiquer ces quatre vertus, plus j’acquerrai de dispositions pour recevoir l’Esprit-Saint avec l’abondance de ses richesses.

Ô Dieu tout-puissant, qui avez dit à votre peuple : Ouvrez votre bouche, dilatez votre cœur, et je le remplirai, voici que j’ouvre ma bouche pour attirer votre divin Esprits ; je ne souhaite rien tant que d’avoir une âme assez grande pour contenir tous ses trésors. Remplissez mon cœur tel qu’il est et étendez-le toujours davantage par votre miséricorde afin que, s’agrandissant de plus en plus, rien ne l’empêche de recevoir sans cesse de nouvelles faveurs.

4) Considérons que la plénitude avec laquelle les disciples reçurent le Saint-Esprit, fut en rapport non seulement avec leurs dispositions personnelles, mais encore avec leurs différents ministères. Car Dieu notre Seigneur ne manque jamais de donner à chaque homme en particulier la grâce qui lui est nécessaire pour s’acquitter des fonctions qu’Il lui confie et pour satisfaire aux obligations de l’état auquel Il l’appelle. C’est ainsi qu’Il remplit de grâces la glorieuse Vierge, saint Jean-Baptiste et les apôtres, proportionnant ses dons à leur dignité et à leur emploi. Il en use de même aujourd’hui à l’égard de ceux qu’Il destine à quelque état ou à quelque ministère dans l’Église.

1er samedi du mois

À Fatima, la Très Sainte Vierge à demandé la dévotion des cinq premiers samedis du mois. Elle promet une sainte mort à ceux qui auront répondu à cette demande. De plus, une indulgence plénière peut être gagnée ainsi chaque samedi. Voir ci-dessous.

Pour vous y aider, nous avons publié plusieurs méditations des mystères du chapelet.

En outre, je vous conseille de profiter de l’Année liturgique de Dom Guéranger.

Il y a cinq conditions pour gagner le privilège des cinq premiers samedis du mois.

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2e mystère glorieux
L’Ascension

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2e mystère glorieux
L’Ascension

Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.

I. — Jésus bénit ses disciples assemblés

1) Tous les disciples du Sauveur, en compagnie de sa bienheureuse Mère, étant arrivés au mont des Oliviers, Il leur apparut avec une douceur ravissante et un éclat incomparable. Au lieu de les embrasser comme des amis dont Il était sur le point de se séparer, Il leur permit de baiser les plaies sacrées de ses pieds et de ses mains, d’où émanait une odeur très suave qui leur réconfortait le cœur. La très pure Marie se présenta la première, et, en qualité de mère, elle colla ses lèvres sur la plaie du côté, dans lequel elle aurait souhaité entrer, pour monter au ciel avec son Fils. Mais elle était trop résignée à la volonté de Dieu pour désirer autre chose que ce qu’Il voulait. Saint Pierre, saint Jean ainsi que les autres apôtres et les disciples s’approchèrent ensuite et baisèrent avec une dévotion et une vénération singulières les cicatrices des mains et des pieds de leur divin Maître.

2) Après cette touchante cérémonie, le Sauveur, au rapport de saint Luc, leva les mains et les bénit.
D’abord, Il leva les mains pour signifier que la bénédiction qu’Il se préparait à donner à ses amis avait pour but d’attirer sur eux, non les biens de la terre, mais ceux du ciel ; biens qui sont le fruit de sa mort sur la croix à laquelle ont été attachées ses mains divines. Il les leva toutes deux, parce que toutes deux ont été élevées étendues, et clouées au bois de son supplice ; toutes deux encore, pour représenter l’abondance de ses bénédictions et pour nous montrer qu’il est prêt à verser sur nous à pleines mains les richesses de la grâce et de la gloire. Cette considération doit produire en nous des sentiments de louange et de reconnaissance, que l’on pourrait exprimer par ces paroles du grand Apôtre : Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés de toutes les bénédictions spirituelles et célestes, par les mérites de son Fils.

Ô mon Sauveur, digne d’être béni à jamais, je vous le demande par ces mains que Vous avez levées sur la croix avec autant de douleur que d’amour, pour attirer sur moi les bénédictions d’en haut, daignez les lever encore maintenant pour bénir votre serviteur. De mon côté, je lèverai les miennes vers Vous par de ferventes prières et par des œuvres qui méritent que Vous me donniez votre bénédiction.

Ensuite Jésus bénit ses disciples, accompagnant son geste de paroles qui déclaraient la nature des biens qu’Il leur souhaitait et qu’Il demandait pour eux à son Père. On ne sait pas précisément de quels termes Il se servit, ni quelle grâce en particulier Il leur souhaita ; mais il est probable qu’Il employa quelqu’une des formules que Dieu avait dictées à Moïse et que les prêtres de l’ancienne loi devaient prononcer pour bénir les enfants d’Israël. Il leur dit donc, par exemple : Que le Seigneur vous bénisse et qu’Il veille sur vous ; que le Seigneur vous regarde d’un œil favorable et qu’Il ait pitié de vous ; que le Seigneur tourne son visage vers vous et qu’Il vous donne la paix. Peut-être aussi répéta-t-Il quelque passage de la prière qu’Il avait faite pour eux dans son discours de la Cène, où Il exprime les derniers vœux qu’Il adressa en leur faveur à son Père céleste : Père saint, conservez en votre nom ceux que Vous M’avez donnés, afin qu’ils soient un comme nous ; prenez-les sous votre puissante protection ; qu’ils Me suivent un jour dans votre royaume, pour y contempler la gloire que Je tiens de Vous, parce que Vous M’avez aimé avant la création du monde. Et comme les bénédictions du Fils de Dieu ne sont pas de simples paroles, mais des effets réels, en souhaitant à ses disciples l’abondance des biens du ciel, Il les combla lui-même de tous les dons surnaturels qu’Il demandait pour eux.

Ô mon Jésus, qui, lorsque Vous bénissiez vos premiers disciples, aviez présents à l’esprit tous ceux qui devaient croire en vous dans la suite des âges, faites-moi part de cette bénédiction, de laquelle dépend mon bonheur. Ne me rejetez pas comme Ésaü, qui ne put obtenir d’Isaac son père, une bénédiction pleine et entière. Bénissez-moi, Père infiniment bon, avant de me quitter ; mais que votre bénédiction attire sur moi les biens du ciel, non ceux de la terre puisque ce ne sont pas les biens de la terre, mais ceux du ciel qui peuvent me rendre heureux.

II. — Jésus quitte la terre

Le Seigneur, ayant béni ses disciples, se sépara d’eux, et ils Le virent s’élever peu à peu de la terre vers le ciel. Il y monta, non comme le prophète Élie, sur un char de feu, mais par sa propre vertu ; sa divinité, semblable à la flamme la plus pure et la plus ardente, Le transportant par un mouvement naturel au plus haut des cieux. Il s’élevait ainsi, accompagné de toutes les âmes des justes et d’un grand nombre d’esprits célestes qui étaient venus au-devant de lui. Les disciples suivaient des yeux le corps de leur. Maître, et sentaient leurs cœurs partagés par trois sentiments.

Le premier était un sentiment d’admiration. Quoi de plus nouveau que de voir un homme s’élever de lui-même dans les airs, sans difficulté et sans efforts, avec des marques illustres de puissance et de grandeur !

Le second, un sentiment de joie inexprimable. Ils se réjouissaient de voir que leur Maître était dans l’allégresse et commençait à faire éclater sa divinité. Ils n’eurent garde de déchirer leurs vêtements, comme Élisée déchira les siens lorsque Élie fut enlevé au ciel. Loin de là, ils furent ravis de voir leur Seigneur monter dans sa gloire avec tant de majesté.

Enfin, le troisième sentiment était un désir extrême de suivre celui qu’ils aimaient uniquement. Leurs cœurs du moins ne consentirent point à se séparer de Lui ; et c’est alors que s’accomplit à la lettre cette prophétie de David : En s’élevant vers le ciel, Il entraîna après Lui la captivité captive. Il emmena en effet deux sortes de captifs. Les uns, à savoir, tous les justes qu’Il avait retirés des Limbes, Le suivirent véritablement et en personne ; les autres, comme sa Mère et ses disciples, Le suivaient de toutes les affections de leurs cœurs, que l’amour avait attachés et inséparablement unis au sien.

Oh ! Que n’ai-je été du nombre de ces heureux captifs ! – Ô mon Jésus, captivez mon cœur et emmenez-le au ciel, afin qu’il y soit toujours en votre compagnie. Quelle joie je ressens de Vous voir au milieu des airs, comme un aigle qui excite ses petits à prendre leur essor et à voler après lui. Donnez-moi, Seigneur, les ailes de l’aigle, afin que je Vous suive partout. Que toute mon ambition soit de m’élever avec Vous au-dessus des choses terrestres. Hors de Vous, je ne veux rien sur la terre, et je n’ai d’autre désir que de jouir de votre présence dans le ciel.

1er samedi du mois

À Fatima, la Très Sainte Vierge à demandé la dévotion des cinq premiers samedis du mois. Elle promet une sainte mort à ceux qui auront répondu à cette demande. De plus, une indulgence plénière peut être gagnée ainsi chaque samedi. Voir ci-dessous.

Pour vous y aider, nous avons publié plusieurs méditations des mystères du chapelet.

En outre, le premier vendredi de ce mois de février, nous fêterons la Purification de Notre Dame (chandeleur) je vous conseille de profiter de l’Année liturgique de Dom Guéranger.

Il y a cinq conditions pour gagner le privilège des cinq premiers samedis du mois.

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1er samedi du mois

À Fatima, la Très Sainte Vierge à demandé la dévotion des cinq premiers samedis du mois. Elle promet une sainte mort à ceux qui auront répondu à cette demande. De plus, une indulgence plénière peut être gagnée ainsi chaque samedi. Voir ci-dessous.

Pour vous y aider, nous avons publié plusieurs méditations des mystères du chapelet.

En outre, c’est aujourd’hui la fête de l’Épiphanie. je vous conseille vivement de lire l’Année Liturgique de Dom Guéranger

Il y a cinq conditions pour gagner le privilège des cinq premiers samedis du mois.

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5e mystère douloureux
La mort de Jésus en Croix


5e mystère douloureux
La mort de Jésus en Croix

Méditation par Dom Guéranger
L’Année liturgique

Après bien des coups Jésus parvient enfin au sommet de ce monticule qui doit servir d’autel au plus sacré et au plus puissant de tous les holocaustes. Les bourreaux s’emparent de la croix et vont l’étendre sur la terre, en attendant qu’ils y attachent la victime. Auparavant, selon l’usage des Romains, qui était aussi pratiqué par les Juifs, on offre à Jésus une coupe qui contenait du vin mêlé de myrrhe. Ce breuvage qui avait l’amertume du fiel, était un narcotique destiné à engourdir jusqu’à un certain point les sens du patient, et à diminuer les douleurs de son supplice. Jésus touche un moment de ses lèvres cette potion que la coutume, plutôt que l’humanité, lui faisait offrir ; mais Il refuse d’en boire, voulant rester tout entier aux souffrances qu’Il a daigné accepter pour le salut des hommes. Alors les bourreaux Lui arrachent avec violence ses vêtements collés à ses plaies et s’apprêtent à Le conduire au lieu où la croix l’attend. L’endroit du Calvaire où Jésus fut ainsi dépouillé, et où on Lui présenta le breuvage amer, est désigné comme la dixième station de la Voie douloureuse. Les neuf premières sont encore visibles dans les rues de Jérusalem, de l’emplacement du prétoire jusqu’au pied du Calvaire ; mais cette dernière ainsi que les quatre suivantes, sont dans l’intérieur de l’église du Saint-Sépulcre qui renferme dans sa vaste enceinte le théâtre des dernières scènes de la Passion du Sauveur.

Jésus est conduit à quelques pas de là par ses bourreaux, à l’endroit où, la Croix étendue par terre marque la onzième station de la Voie douloureuse. Il se couche, comme un agneau destiné à l’holocauste, sur le bois qui doit servir d’autel. On étend ses membres avec violence, et des clous qui pénètrent entre les nerfs et les os, fixent au gibet ses mains et ses pieds. Le sang jaillit en ruisseaux de ces quatre sources vivifiantes où nos âmes viendront se purifier. C’est la quatrième fois qu’il s’échappe des veines du Rédempteur. Marie entend le bruit sinistre du marteau, et son cœur de mère en est déchiré. Madeleine est en proie à une désolation d’autant plus amère, qu’elle sent son impuissance à soulager le Maître tant aimé que les hommes lui ont ravi. Cependant Jésus élève la voix ; Il profère sa première parole du Calvaire : « Père, dit-il, pardonnez-leur ; car ils ne savent ce qu’ils font. » (Luc. 23, 34) Ô bonté infinie du Créateur ! Il est venu sur cette terre, ouvrage des mains, et les hommes L’ont crucifié ; jusque sur la Croix, Il a prié pour eux, et dans sa prière Il semble vouloir les excuser !

La Victime est attachée au bois sur lequel il faut qu’elle expire ; mais elle ne doit pas rester ainsi étendue à terre. Isaïe a prédit que le royal rejeton de Jessé serait arboré comme un étendard à la vue de toutes les nations. (1s. 11, 10). Il faut que le divin crucifié sanctifie les airs infestés de la présence des esprits de malice ; il faut que le Médiateur de Dieu et des hommes, le souverain Prêtre et intercesseur, soit établi entre le ciel et la terre, pour traiter la réconciliation de l’un et de l’autre. À peu de distance de l’endroit où la Croix est étendue, on a pratiqué un trou dans la roche ; il faut que la Croix y soit enfoncée, afin qu’elle domine toute la colline du Calvaire. C’est le lieu de la douzième Station. Les soldats opèrent avec de grands efforts la plantation de l’arbre du salut. La violence du contre-coup vient encore accroître les douleurs de Jésus dont le corps tout entier est déchiré, et qui n’est soutenu que sur les plaies de ses pieds et de ses mains. Le voilà exposé nu aux yeux de tout un peuple, Lui qui est venu en ce monde pour couvrir la nudité que le péché avait causée en nous. Au pied de la Croix, les soldats se partagent ses vêtements ; ils les déchirent et en font quatre parts ; mais un sentiment de terreur les porte à respecter la tunique. Selon une pieuse tradition, Marie l’avait tissée de ses mains virginales. Ils la tirent au sort, sans l’avoir rompue ; et elle devient ainsi le symbole de l’unité de l’Église que l’on ne doit jamais rompre sous aucun prétexte.

Au-dessus de la tête du Rédempteur est écrit en hébreu, en grec et en latin : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. Tout le peuple lit et répète cette inscription ; il proclame ainsi de nouveau, sans le vouloir, la royauté du fils de David. Les ennemis de Jésus l’ont compris ; ils courent demander à Pilate que cet écriteau soit changé ; mais ils n’en reçoivent d’autre réponse que celle-ci : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit ». (Jn 19, 22). Une circonstance que la tradition des Pères nous a transmise, annonce que ce Roi des Juifs, repoussé par son peuple, n’en régnera qu’avec plus de gloire sur les nations de la terre qu’Il a reçues de son Père en héritage. Les soldats, en plantant la Croix dans le sol, l’ont disposée de sorte que le divin crucifié tourne le dos à Jérusalem, et étend ses bras vers les régions de l’occident. Le Soleil de la vérité se couche sur la ville déicide et se lève en même temps sur la nouvelle Jérusalem, sur Rome, cette fière cité, qui a la conscience de son éternité, mais qui ignore encore qu’elle ne sera éternelle que par la Croix.

L’arbre de salut, en plongeant dans la terre, a rencontré une tombe ; et cette tombe est celle du premier homme. Le sang rédempteur coulant le long du bois sacré descend sur un crâne desséché ; et ce crâne est celui d’Adam, le grand coupable dont le crime a rendu nécessaire une telle expiation. La miséricorde du Fils de Dieu vient planter sur ces ossements endormis depuis tant de siècles le trophée du pardon, pour la honte de Satan, qui voulut un jour faire tourner la création de l’homme à la confusion du Créateur. La colline sur laquelle s’élève l’étendard de notre salut s’appelait le Calvaire, nom qui signifie un Crâne humain ; et la tradition de Jérusalem porte que c’est en ce lieu que fut enseveli le père des hommes, le premier pécheur. Les saints Docteurs des premiers siècles ont conservé à l’Église la mémoire d’un fait si frappant ; saint Basile, saint Ambroise, saint Jean Chrysostome, saint Épiphane, saint Jérôme, joignent leur témoignage à celui d’Origène, si voisin des lieux ; et les traditions de l’iconographie chrétienne s’unissant à celles de la piété, on a de bonne heure adopté la coutume de placer, en mémoire de ce grand fait, un crâne humain au pied de l’image du Sauveur en croix.

Mais levons nos regards vers cet Homme-Dieu, dont la vie s’écoule si rapidement sur l’instrument de son supplice. Le voilà suspendu dans les airs, à la vue de tout Israël, « comme le serpent d’airain que Moïse avait offert aux regards du peuple dans le désert » (Joan. 3, 14) ; mais ce peuple n’a pour Lui que des outrages. Leurs voix insolentes et sans pitié montent jusqu’à lui : « Toi qui détruis le temple de Dieu, et le rebâtis en trois jours, délivre-toi maintenant ; si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix, si tu peux. » (Mt. 17, 40) Puis les indignes pontifes du judaïsme enchérissent encore sur ces blasphèmes : « Il est le sauveur des autres, et il ne peut se sauver lui-même ! Allons ! Roi d’Israël, descends de la croix, et nous croirons en toi, ! Tu as mis ta confiance en Dieu ; c’est à lui de te délivrer. N’as-tu pas dit : Je suis le Fils de Dieu ? » (Mt. 27, 42-43) Et les deux voleurs crucifiés avec lui s’unissaient à ce concert d’outrages.

Jamais la terre, depuis quatre mille ans, n’avait reçu de Dieu un bienfait comparable à celui qu’Il daignait lui accorder à cette heure ; et jamais non plus l’insulte à la majesté divine n’était montée vers elle avec tant d’audace.

Nous chrétiens, qui adorons Celui que les Juifs blasphèment, offrons-Lui en ce moment la réparation à laquelle Il a tant de droits. Ces impies Lui reprochent ses divines paroles, et les tournent contre Lui ; rappelons-Lui à notre tour celle-ci qu’Il a dite aussi, et qui doit remplir nos cœurs d’espérance : « Lorsque Je serai élevé de terre, J’attirerai tout à Moi. » (Jn 12, 32) Le moment est venu, Seigneur Jésus, de remplir votre promesse ; attirez-nous à Vous. Nous tenons encore à la terre ; nous y sommes enchaînés par mille intérêts et par mille attraits ; nous y sommes captifs de l’amour de nous-mêmes, et sans cesse notre essor vers Vous en est arrêté ; soyez l’aimant qui nous attire et qui rompe nos liens, afin que nous montions jusqu’à Vous, et que la conquête de nos âmes vienne enfin consoler votre Cœur oppressé.

Cependant on est arrivé, au milieu du jour ; il est la sixième heure, celle que nous appelons midi. Le soleil qui brillait au ciel, comme un témoin insensible, refuse tout à coup sa lumière ; et une nuit épaisse étend ses ténèbres sur la terre entière. Les étoiles paraissent au ciel, les mille voix de la nature s’éteignent et le monde semble prêt à retomber dans le chaos.

Un phénomène si imposant, témoignage trop visible du courroux céleste, glace de crainte les plus audacieux blasphémateurs. Le silence succède à tant de clameurs. C’est alors que celui des deux voleurs, dont la croix était à la droite de celle de Jésus, sent le remords et l’espérance naître à la fois dans son cœur. Il ose reprendre son compagnon avec lequel tout à l’heure il insultait l’innocent : « Ne crains-tu point Dieu, lui dit-il, toi non plus qui subis la même condamnation ? Pour nous, c’est justice ; car nous recevons ce que nos actions méritent ; mais celui-ci, il n’a rien fait de mal. » Jésus défendu par un voleur, en ce moment où les docteurs de la loi juive, ceux qui sont assis dans la chaire de Moïse, n’ont pour lui que des outrages ! Rien ne fait mieux sentir le degré d’aveuglement auquel la Synagogue est arrivée. Dymas, ce larron, cet abandonné, figure en ce moment la gentilité qui succombe sous le poids de ses crimes, mais qui bientôt se purifiera en confessant la divinité du crucifié. Il tourne péniblement sa tête vers la Croix de Jésus, et s’adressant au Sauveur : « Seigneur, dit-il, souvenez-vous de moi quand vous serez entré dans votre royaume. » Il croit à la royauté de Jésus, à cette royauté que les prêtres et les magistrats de sa nation tournaient tout à l’heure en dérision. Le calme divin, la dignité de l’auguste victime sur le gibet, lui ont révélé toute sa grandeur ; il Lui donne sa foi, il implore d’elle avec confiance un simple souvenir, lorsque la gloire aura succédé à l’humiliation. Quel chrétien la grâce vient de faire de ce larron !

Et cette grâce, qui oserait dire qu’elle n’a pas été demandée et obtenue par la Mère de miséricorde, en ce moment solennel où elle s’offre dans un même sacrifice avec son fils ? Jésus est ému de rencontrer dans un voleur supplicié pour ses crimes cette foi qu’Il a cherchée en vain dans Israël ; Il répond à son humble prière : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui même tu seras avec Moi dans le Paradis. » (Luc 23, 43) C’est la deuxième parole de Jésus sur la croix. L’heureux pénitent la recueille dans la joie de son cœur ; il garde désormais le silence et attend, dans l’expiation, l’heure fortunée qui doit le délivrer.

Cependant Marie s’est approchée de la Croix sur laquelle Jésus est attaché. Il n’est point de ténèbres pour le cœur d’une mère qui l’empêchent de reconnaître son fils. Le tumulte s’est apaisé depuis que le soleil a dérobé sa lumière, et les soldats ne mettent pas obstacle à ce douloureux rapprochement. Jésus regarde tendrement Marie, Il voit sa désolation ; et la souffrance de son cœur, qui semblait arrivée au plus haut degré, s’en accroît encore. Il va quitter la vie ; et sa mère ne peut monter jusqu’à Lui, Le serrer dans ses bras, Lui prodiguer ses dernières caresses ! Madeleine est là aussi, éplorée, hors d’elle-même. Les pieds de son Sauveur qu’elle aimait tant, qu’elle arrosait encore de ses parfums il y a quelques jours, ils sont blessés, noyés dans le sang qui en a jailli et qui déjà se fige sur les plaies. Elle peut encore les baigner de ses larmes ; mais ses larmes ne guériront pas. Elle est venue pour voir mourir celui qui récompensa son amour par le pardon. Jean le bien-aimé, le seul Apôtre qui ait suivi son maître jusqu’au Calvaire, est abîmé dans sa douleur ; il se rappelle la prédilection que Jésus daigna lui témoigner, hier encore, au festin mystérieux ; il souffre pour le fils, il souffre pour la mère ; mais son cœur ne s’attend pas au prix inestimable dont Jésus a résolu de payer son amour. Marie de Cléophas a accompagné Marie près de la Croix ; les autres femmes forment un groupe à quelque distance. (Matth. 27, 55)

Tout à coup, au milieu d’un silence qui n’était interrompu que par des sanglots, la voix de Jésus mourant a retenti pour la troisième fois. C’est à sa mère qu’Il s’adresse : « Femme, lui dit-il ; car il n’ose l’appeler sa mère afin de ne pas retourner le glaive dans la plaie de son cœur ; Femme, voilà votre fils. » Il désignait Jean par cette parole. Puis Il ajoute, en s’adressant à Jean lui-même : « Fils, voilà votre mère. » (Joan. 19, 26) Échange douloureux au cœur de Marie, mais substitution fortunée qui assure pour jamais à Jean, et en lui à la race humaine, le bienfait d’une mère. Acceptons ce généreux testament de notre Sauveur qui par son incarnation nous avait procuré l’adoption de son Père céleste, et dans ce moment nous fait don de sa propre mère.

Déjà la neuvième heure (trois heures de l’après-midi) approche ; c’est celle que les décrets éternels ont fixée pour le trépas de l’Homme-Dieu. Jésus éprouve en son âme un nouvel accès de ce cruel abandon qu’Il a ressenti dans le jardin. Il sent tout le poids de la disgrâce de Dieu qu’Il a encourue en se faisant caution pour les pécheurs. L’amertume du calice de la colère de Dieu, qu’il Lui faut boire jusqu’à la lie, Lui cause une défaillance qui s’exprime par ce cri plaintif : « Mon Dieu ! Mon Dieu ! pourquoi M’avez-Vous abandonné ? » (Mt. 27, 46) C’est la quatrième parole ; mais cette parole ne ramène pas la sérénité au ciel. Jésus n’ose plus dire : « Mon Père ! » On dirait qu’Il n’est plus qu’un homme pécheur, au pied du tribunal inflexible de Dieu. Cependant une ardeur dévorante consume ses entrailles, et de sa bouche haletante s’échappe à grand-peine cette parole qui est la cinquième : « J’ai soif. » (Joan. 19, 28) Un des soldats vient présenter à ses lèvres mourantes une éponge imbibée de vinaigre ; c’est tout le soulagement que Lui offre dans sa soif brûlante cette terre qu’Il rafraîchit chaque jour de sa rosée, et, dont Il a fait jaillir les fontaines et les fleuves.

Le moment est enfin venu où Jésus doit rendre son âme à son Père. Il parcourt d’un regard les oracles divins qui ont annoncé jusqu’aux moindres circonstances de sa mission ; Il voit qu’il n’en est pas un seul qui n’ait reçu son accomplissement, jusqu’à cette soif qu’Il éprouve, jusqu’à ce vinaigre dont on L’abreuve. Proférant alors la sixième parole, Il dit : « Tout est consommé. » (Jn 19, 30) Il n’a donc plus qu’à mourir, pour mettre le dernier sceau aux prophéties qui ont annoncé sa mort comme le moyen final de notre rédemption. Mais il faut qu’Il meure en Dieu. Cet homme épuisé, agonisant, qui tout à l’heure murmurait à peine quelques paroles, pousse un cri éclatant qui retentit au loin et saisit à la fois de crainte et d’admiration le centurion romain qui commandait les gardes au pied de la Croix. « Mon Père ! s’écrie- t-il, Je remets mon esprit entre vos mains. » (Lc 23, 46) Après cette septième et dernière parole, sa tête s’incline sur sa poitrine d’où s’échappe son dernier soupir.

À ce moment terrible et solennel, les ténèbres cessent, le soleil reparaît au ciel ; mais la terre tremble, les pierres éclatent, la roche même du Calvaire se fend entre la Croix de Jésus et celle du mauvais larron ; la crevasse violente est encore visible aujourd’hui. Dans le Temple de Jérusalem, un phénomène effrayant vient épouvanter les prêtres juifs. Le voile du Temple qui cachait le Saint des Saints se déchire de haut en bas, annonçant la fin du règne des figures. Plusieurs tombeaux où reposaient de saints personnages s’ouvrent d’eux-mêmes et les morts qu’ils contenaient vont revenir à la vie. Mais c’est surtout au fond des enfers que le contre-coup de cette mort qui sauve le genre humain se fait sentir. Satan comprend enfin la puissance et la divinité de ce juste contre lequel il a imprudemment ameuté les passions de la Synagogue. C’est son aveuglement qui a fait répandre ce sang dont la vertu délivre le genre humain, et lui rouvre les portes du ciel. Il sait maintenant à quoi s’en tenir sur Jésus de Nazareth, dont il osa approcher au désert pour le tenter. Il reconnaît avec désespoir que ce Jésus est le propre Fils de l’Éternel, et que la rédemption refusée aux anges rebelles vient d’être accordée surabondante à l’homme, par les mérites du sang que lui-même Satan a fait verser sur le Calvaire.

Fils adorable du Père, nous vous adorons expiré sur le bois de votre sacrifice. Votre mort si amère nous a rendu la vie. Nous frappons nos poitrines, à l’exemple de ces Juifs qui avaient attendu votre dernier soupir, et qui rentrent dans la ville émus de componction. Nous confessons que ce sont nos péchés qui Vous ont arraché violemment la vie ; daignez recevoir nos humbles actions de grâces pour l’amour que Vous nous avez témoigné jusqu’à la fin. Vous nous avez aimés en Dieu ; désormais, c’est à nous de Vous servir comme rachetés par votre sang. Nous sommes en votre possession, et Vous êtes notre Seigneur. Marie, votre mère, demeure au pied de la Croix ; rien ne la peut séparer de votre dépouille mortelle. Madeleine est enchaînée à vos pieds glacés par la mort ; Jean et les saintes femmes forment autour de vous un cortège de désolation. Nous adorons encore une fois votre corps sacré, votre sang précieux, votre Croix qui nous a sauvés.