Sermon sur Dieu ~ 16 Dieu est éternel, il nous fait participer à son éternité

Mes bien chers Frères,

Traiter de l’éternité de Dieu, c’est aller un peu plus avant dans le seul mystère qui vaut. C’est aussi corriger quelques erreurs souvent répétées. C’est enfin découvrir que notre vraie vie est dans l’éternité dès ici-bas et que nous n’y prêtons pas attention.

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Résumé du sermon
Saint Thomas d’Aquin

Résumé du sermon

Dire que Dieu est éternel, c’est la même chose que de dire qu’il est immuable, parfait et identique à soi-même.

Mais le rapport entre le temps et l’éternité nous intrigue et donc il est nécessaire d’étudier l’éternité de Dieu pour pénétrer un peu plus dans son mystère. Et aussi pour mieux comprendre comment nous approchons de l’éternité de Dieu.

Définition de l’éternité

Tota simul et perfecta possessio vitae interminabilis, la possession totale, simultanée et parfaite d’une vie sans terme.

Explication des termes

L’éternité n’est pas ce qui est sans début ni fin. Cela n’est qu’une conséquence.

Le temps est la mesure du mouvement selon l’avant et l’après.

Comparaison avec l’étendue spatiale.

Dieu fait participer à son éternité

Les bienheureux, les bons anges participent à l’éternité de Dieu, c’est pourquoi l’on dit que le Ciel est éternel.

Les chrétiens participent à l’éternité de Dieu par la foi.

D’une façon naturelle, l’intelligence humaine entre, sinon dans l’éternité de Dieu, du moins dans la connaissance de sa sagesse éternelle, c’est la connaissance de la vérité.

Le pécheur, lui, sort de la participation à l’éternité, car il met sa vie dans les choses passagères.

Quant à ce qui ne participe pas à l’éternité de Dieu, le monde qui change, surtout le monde pécheur, cela en dépend comme tout être dépend de Dieu.

Le monde révolté veut nier l’éternité et donc Dieu par une recherche constante du changement, qu’on appelle progrès. Le seul progrès qui compte, c’est celui qui nous rapproche de l’éternité, soit parce que nous vieillissons, soit parce que notre vie trouve sa permanence en Dieu et s’éloigne du monde changeant et périssable. Les autres progrès –matériels – ne sont pas des progrès véritables, mais une fuite.

Quant à l’enfer, on l’appelle éternel car il n’a pas de fin, mais cette éternité est pire que tout, car elle est un renouvellement de toutes les peines sans fin et sans espoir.

Comment entrer dès ici-bas dans l’éternité de Dieu

Il faut deux choses : 1. pénétrer les vérités éternelles, les contempler, en vivre. Surtout en vivre, car l’éternité est une vie. 2. S’éloigner des choses passagères et périssables. C’est la raison de la pauvreté, de l’ascèse, du carême.

Saint Thomas d’Aquin

Qu. 10, a. 3 Corpus Selon sa raison formelle, l’éternité est consécutive à l’immutabilité, comme le temps est consécutif au mouvement. Aussi, puisque Dieu est absolument immuable, il lui appartient absolument aussi d’être éternel. Et non seulement il est éternel, mais il est son éternité, alors que nulle autre chose n’est sa propre durée, n’étant pas son être. Dieu, au contraire, est son être parfaitement simple, et c’est pourquoi, de même qu’il est sa propre essence, il est aussi son éternité.

ad 1. Quand on dit que le présent immobile fait l’éternité, c’est selon notre façon de concevoir. De même que la perception du temps en concevant que le présent s’écoule, est causée en nous par la perception de l’écoulement de l’instant, ainsi l’idée de l’éternité est causée en nous lorsque nous concevons un instant immobile. Quant à ce que dit S. Augustin, que « Dieu est l’auteur de l’éternité », il faut l’entendre d’une éternité participée ; car Dieu communique son éternité à certains êtres, comme il leur communique son immutabilité.

2. Cela résout la deuxième objection. Car s’il est dit que Dieu est avant l’éternité, cela s’entend de l’éternité telle qu’elle est communiquée aux substances immatérielles. Aussi est-il écrit au même livre que « l’intelligence est égalée à l’éternité » Quant au texte de l’Exode : « Dieu régnera pour l’éternité et au-delà », il faut savoir que “éternité” est pris ici pour “un siècle”, comme le porte une autre version. Ainsi donc Dieu règne au-delà de l’éternité, parce qu’il dure au-delà de tout siècle, c’est-à-dire au-delà de toute durée déterminée, car les siècles ne sont qu’une période, selon Aristote.

Ou bien, on dit que Dieu règne au-delà de l’éternité parce que, même si quelque chose existait toujours (par exemple le mouvement du ciel pour certains philosophes), Dieu régnerait encore au-delà, en tant que son règne est tout entier simultané.

3. L’éternité n’est pas autre chose que Dieu lui-même. Quand on dit qu’il est éternel, on n’entend donc pas qu’il soit mesuré de quelque manière ; mais la notion de mesure est introduite ici à cause de notre façon de concevoir.

4. On applique à Dieu des verbes de divers temps selon que son éternité inclut tous les temps, mais non parce qu’il changerait selon le présent, le passé et le futur.

Article 4. Il faut dire que l’éternité, entendue en son sens propre et véritable, se trouve en Dieu seul. Car l’éternité est une conséquence de l’immutabilité, comme il est évident d’après ce qui précède. Or, Dieu seul est absolument immuable, ainsi qu’on l’a montré, Toutefois, dans la mesure où ils reçoivent de lui l’immutabilité, certains êtres participent à ce titre de son éternité.

Certains tiennent donc de Dieu l’immutabilité en ce qu’ils ne cessent jamais d’être, et c’est en ce sens qu’il est dit de la terre dans l’Ecclésiaste (1, 4 Vg) : « Éternellement elle demeure. » Également certaines choses, dans l’Écriture, sont dites éternelles en raison de leur durée, bien qu’elles soient corruptibles : c’est ainsi que dans le Psaume (75, 5 Vg) il est question « de montagnes éternelles ». Et dans le Deutéronome (33, 15 Vg), on parle même des « fruits des collines éternelles ».

D’autres êtres participent plus largement à l’éternité de Dieu, étant exempts de toute mutabilité selon l’être et, en outre, selon l’opération, comme les anges et les bienheureux qui jouissent du Verbe. Car, à l’égard de cette vision du Verbe, il n’y a pas chez les saints de pensées successives, ainsi que l’explique S. Augustin. Aussi, ceux qui voient Dieu sont-ils dits, dans l’Évangile, posséder la vie éternelle, d’après ces paroles en S. Jean (17, 3) : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul Dieu véritable. »

ad 1. Quand on parle de plusieurs éternités, c’est par allusion à tous ceux qui participent de l’éternité par la contemplation de Dieu.

2. Le feu de l’enfer est dit éternel uniquement parce qu’il n’a pas de fin. Il y a cependant, chez les damnés, des changements consécutifs à leurs peines elles-mêmes, selon ces paroles de Job (24, 19 Vg) : « Ils passeront de l’eau des neiges à une chaleur intolérable. » D’où l’on voit que dans l’enfer il n’y a pas de vraie éternité, mais plutôt une durée temporelle ; et c’est ce qu’exprime le Psaume (81, 16 Vg) en ces termes : « Leur temps s’étendra dans les siècles. »