Mes bien chers Frères,
« Accomplissez la vérité dans la charité, veritatem facientes in caritate, » proclame saint Paul aux Éphésiens..
Alors, mettons-nous à l’école du Christ et de ses saints pour pratiquer nous aussi le zèle de la charité, d’autant plus que la haine de la persécution ne se combat que par l’amour de de Dieu et du prochain.
Résumé du Sermon
Saint Paul « L’hymne à la charité«
Récit
Résumé du sermon
Dimanche dernier nous avons rappelé que saint Paul nous demande de prêcher à temps et à contretemps, mais rappelons-nous bien que la vérité n’est vivante qu’avec la charité : Veritatem facientes in caritate.
Les premières œuvres de miséricorde spirituelle sont de prêcher la charité et corriger les pécheurs, encore faut-il le faire avec… miséricorde.
« Le zèle est une ardeur qui brûle et se communique, qui consume et se répand ; c’est la flamme de l’amour – ou de la haine – se manifestant au-dehors par l’action. » (Dom Marmion, Le Christ idéal du moine)
Nécessité du zèle
Le zèle de la maison de Dieu me dévore.
Il est de la nature du bien de se communiquer et, en tout premier, d’enflammer celui qui le possède.
Le zèle du Christ s’est exercé principalement sur la Croix : je veux que tous soient un dans notre amour. (Discours après la Cène.)
Notre époque se meurt de la médiocrité des bons face au zèle de Satan et de ses complices. Le démon communique un zèle persévérant qui dépasse le temps.
Nous devons souffrir de ce que l’amour ne soit pas aimé.
Notre zèle ne s’exerce pas seulement envers les individus, mais envers l’Église.
Qualité du zèle
La foi n’est pas une qualité, ni une condition du zèle, car le zèle, c’est la foi en action, la vérité en action,
De même pour la charité. Elle n’est pas une condition du zèle, car le zèle, c’est la charité en action.
La première chose à faire est de vivre intensément de notre foi et de notre amour de Dieu.
Le respect – la patience – la promptitude à rendre service
Le respect
Non pas le respect du pécheur en tant que tel, mais le respect de cette créature que Dieu veut sauver.
Le respect des qualités que le pécheur n’a pas perdues, son âge, sa fonction, ses compétences, ses bonnes disposition.
D’ailleurs, celui que nous croyons pécheur est-il pécheur ? N’est-il pas dans l’ignorance plus que dans le rejet ?
Le zèle se meut dans le sacré, il exclut toute familiarité, toute insulte, tout jugement téméraire. « La charité est patiente, elle est bonne; la charité n’est pas envieuse, la charité n’est point inconsidérée, elle ne s’enfle point d’orgueil; elle ne fait rien d’inconvenant, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne tient pas compte du mal; elle ne prend pas plaisir à l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. » (1 ad Corinthios 13)
Et le pécheur que nous avons méprisé ne recevra-t-il pas plus tard la grâce et nous aurons alors rejeté un frère ?
La patience
Jésus et Judas. Dieu et le peuple élu dans l’Ancien Testament.
Patience active qui crée les conditions du retour, qui ouvre l’âme. Jésus et la samaritaine.
Croire à l’action de Dieu et ne pas la bousculer.
On ne peut rien comprendre aux attitudes de Mgr Lefebvre envers le pape si on ne voit pas son respect et sa patience. Ceux qui ne voient pas cela lui reproche de ne pas rompre avec le pape.
La promptitude à rendre service
Je viens de lire le récit de Robert Serveau, le massacreur pardonné. Il revient à Saint-Fulgent en Vendée militaire, bourg dans lequel il a massacré des Vendéens avec les colonnes infernales. (Ils furent nombreux à revenir sur le lieu de leurs méfaits, car cela les hantait.) Les habitants lui trouvent un logement, lui achètent du mobilier. Mais il veut revoir son pays et vend tout. Les habitants lui donnent même un pécule pour rentrer en son pays. Finalement, à plus de 80 ans, vagabond et mendiant sans ressources, il retourne dans le village vendéen qui l’avait si bien accueilli, toutes les maisons l’aident et il mourra hébergé par le fils de la femme qu’il avait massacrée, qui lui procura les derniers sacrements.
Le mauvais zèle
Le zèle individuel est incomplet. Notre zèle doit s’étendre à toute l’Église.
Le zèle amer.
Le zèle démoniaque.
Ne pas confondre les péché de faiblesse contre la charité – fréquents dit saint Benoît – qui ne procèdent d’aucune mauvaise intention, avec la malice voulue souvent hypocritement déguisée en affabilité.
Saint Paul, l’hymne à la charité
1 Corinthiens 13
1. Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante.
2. Et quand j’aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères et toute la science ; quand j’aurais toute la foi, au point de transporter des montagnes, si je n’ai point la charité, je ne suis rien.
3. Et quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai point la charité, cela ne me sert de rien.
4. La charité est patiente ; elle est douce ; la charité n’est point envieuse ; elle n’agit pas insolem ment ; elle ne s’enfle point ;
5. Elle n’est point ambitieuse, elle ne cherche point son propre intérêt ; elle ne s’irrite point ; elle ne pense pas le mal ;
6. Elle ne se réjouit pas de l’iniquité, mais elle met sa joie dans la vérité ;
7. Elle souffre tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout.
8. La charité ne finira jamais, pas même lorsque les prophéties s’anéantiront, que les langues cesseront, et que la science sera détruite.
Récit
Robert Serveau, le massacreur pardonné
Dans le tome VI de son Histoire de la Vendée, l’abbé Félix Deniau livre plusieurs exemples de pardons que des Blancs accordèrent à leurs ennemis républicains. L’un des plus édifiants concerne un soldat des Colonnes infernales qui finit sa vie à Saint-Fulgent, là même où il s’était couvert de sang.
Voici le fait rapporté par l’abbé Deniau : « Serveau, volontaire de Limoges (1), en 1794, avait fait partie d’une colonne incendiaire. Il avait mis le feu au village de la Fructière (2) et y avait massacré des femmes et des vieillards. Parmi ces victimes se trouvait la femme Moreau. Vieux et pauvre, Serveau vint mendier dans les fermes qu’il avait livrées aux flammes et où il fit couler tant de sang. Au lieu de le repousser et de le regarder avec horreur, les paysans l’assistèrent avec la plus grande commisération, lui procurèrent un refuge et lui achetèrent même un petit mobilier. Épris du désir de revoir son pays, Serveau vendit tout ce qu’on lui avait payé. Ses voisins lui donnèrent encore une somme d’argent pour les frais de son voyage. Serveau avait promis de ne plus paraître au pays. Malgré ses promesses, il y revint encore. En 1858, âgé presque de cent ans et devenu malade, il fut reçu à la Fructière chez le fils de la femme Moreau qu’il avait égorgée, et fut traité avec le plus grand soin par ce généreux Vendéen jusqu’à son dernier soupir. Celui-ci s’empressa surtout de lui faire administrer les derniers sacrements par M. Béthuis, curé de Saint-Fulgent » (3).
Les traces de Serveau dans les registres
Pour ceux qui pourraient en douter, ce Serveau a bel et bien existé puisqu’on trouve sa trace dans le registre d’état civil de Saint-Fulgent ; il est mort en effet dans cette commune vendéenne, à l’état de mendiant, le 5 janvier 1858, à l’âge de 88 ans. Deux Fulgentais, Joseph-Henri Pauleau et le garde champêtre Charles Seguin (4), qui se présentent comme amis du défunt, sont venus le lendemain en mairie afin de déclarer ce décès. Il est noté que Robert Serveau est né à Saint-Exupéry, en Corrèze, qu’il est veuf, mais les noms de ses parents et de son épouse restent inconnus.
Notes :
- En réalité il s’était engagé dans un bataillon des volontaires de la Corrèze qui stationna en 1793 au sud de la Vendée, principalement à Fontenay.
- Située sur la grand-route de Nantes à La Rochelle, entre Saint-Fulgent et Montaigu, la Fructière se trouvait en première ligne sur le passage des armées républicaines. Les notes d’Alexis des Nouhes y rapportent un autre massacre, à une date antérieure : « Vers la fin d’août 1793, un détachement de bleus passait près du village de la Fructière ; quelques traînards y pénétrèrent, ils entrent chez la femme Hardouin et l’égorgent avec ses cinq enfants. À quelques pas plus loin, ils fusillent à bout portant la vieille femme Rautureau, mère d’une nombreuse famille. Dans la maison Auneau, du même village, comme moyen plus expéditif, ils renferment une trentaine de femmes, de vieillards et d’enfants et les massacrent ; ils mettent ensuite le feu à la ferme et continuent leurs égorgements jusqu’au moulin de Preuilly (sur la Grande-Maine, paroisse de La Boissière-de-Montaigu). Ce fut le terme de leurs assassinats. Deux Vendéens les surprennent et les passent à leur tour par les armes » (source : Le canton de Saint-Fulgent).
- Félix Deniau, Histoire de la Vendée, t. VI, pp. 120-121.
- Charles Seguin est né aux Landes-Genusson en 1807, mais s’est établi à Saint-Fulgent.