Voici le texte du sermon des obsèques de ma mère à lire ou à imprimer en livret PDF.
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La Croix modèle du chrétien
Sermon pour l’inhumation de ma mère
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Mes bien chers Frères,
C’est une grande grâce que d’avoir des parents qui ont vécu du mystère de la Croix de Jésus et qui nous ont transmis l’amour de la Croix, à leur manière, différente pour chacun d’eux. C’est vrai aussi bien de papa que de maman. Ils nous en parlaient de façon différente l’un et l’autre, mais c’était très visible, très fort, en sorte que, lorsque je me suis retrouvé à Écône où Mgr Lefebvre nous a tenu le même discours, c’était en parfaite continuité avec l’enseignement que nous avions reçu à la maison.
Je ne parlerai évidemment pas de maman, ce n’est pas le lieu dans un sermon, mais je crois que je lui rendrai un hommage encore plus grand en parlant du mystère de la Croix qui faisait toute sa vie.
C’est un mystère très grand dont saint Thomas d’Aquin nous dit qu’il est un des plus surprenants, et saint Thomas confirme ce que dit saint Paul dans les Actes des Apôtres : « Je vais accomplir, dit Dieu, une œuvre en vos jours, une œuvre que vous ne croiriez pas si on vous la racontait. »
Pour comprendre ce grand mystère de la Passion de Jésus-Christ, de sa mort sur la croix, qui se prolonge ensuite dans la vie de tout chrétien, il faut d’abord y entrer, le faire sien. Notre Seigneur nous dit « Celui qui veut être mon disciple, qu’il porte sa Croix chaque jour et qu’il me suive. » C’est tellement important qu’il le répète huit fois dans l’Évangile.
Ce mystère est tellement opposé au désir de notre nature humaine blessée que nous avons du mal à admettre qu’il était nécessaire, nécessaire comme remède à nos péchés et comme modèle de nos actions.
Comme remède à nos péchés, c’est probablement une des dernières paroles que Didier m’a dite sur son lit d’hôpital peu avant qu’il décède. Nous parlions ensemble et il me dit « Je vois la croix et, derrière elle, la Rédemption. »
La Croix, modèle du chrétien
La patience
Pour nos parents, je pense que le modèle de la Croix a été prépondérant, non pas qu’ils évacuaient la Rédemption, loin de là, mais il faut aller plus loin. Une fois qu’on est racheté, on marche. Une fois qu’on est sauvé, on agit.
Dans le mystère de la Croix et dans sa passion, Jésus est vraiment un modèle pour nous tous. La Passion de Jésus est un modèle tout d’abord de charité. Elle nous rappelle ce qu’est la vraie charité, l’amour de Dieu et le rayonnement de l’amour de Dieu auprès du prochain, avec le prochain..
« Personne ne possède, dit saint Jean, personne ne possède une charité plus grande que celui qui donne sa vie pour ses amis. » C’est ce que Jésus a accompli sur la croix. Si donc il a donné sa vie pour nous, il doit ne pas nous être pénible de supporter pour lui n’importe quel mal.
« Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a donné. » C’est évidemment le mystère de la Croix seul qui peut nourrir la vraie charité, sinon on reste dans un humanisme.
La croix de Jésus et sa Passion sont un modèle de patience pour souffrir patiemment de grands maux, ou bien pour endurer ceux qu’on pourrait éviter et qu’on choisit de ne pas éviter.
Notre Seigneur a enduré de grand maux. Il aurait pu tous les éviter s’il l’avait voulu et, malgré tout, nous sauver, mais il a préféré subir ces maux. Il y a dans la patience quelque chose de merveilleux, parce qu’on est obligé de se laisser conduire par la Providence divine.
Dans certaines situations de la vie on est aux commandes, et on se sent rassuré parce qu’on pense pouvoir maîtriser la situation. Et il y a des situations bien plus pénibles, mais bien plus riches, bien plus pleines de Dieu, dans lesquelles c’est la Providence divine qui est aux commandes et nous, nous suivons. Et quand la Providence vraiment veut nous faire gagner des mérites, elle nous ne montre pas la suite, elle nous demande simplement de suivre. Grande leçon de Jésus.
Grande leçon que nous avons à mettre en œuvre, surtout aujourd’hui. Le Bon Dieu aujourd’hui permet que les institutions s’écroulent pour que nous nous appuyions sur lui. Plus les institutions seront faibles, plus le Christ sera fort, et plus nous serons forts avec lui, et plus le Saint-Esprit agira dans nos âmes, et plus il nous donnera l’amour de la Croix et la patience dans les épreuves.
L’humilité
« Le Seigneur s’est abaissé lui-même se faisant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix. » Je n’ai pas besoin de développer.
La croix est un secours
Je voudrais surtout vous montrer une richesse que l’on ne regarde peut-être pas assez souvent dans la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est qu’on la considère trop souvent comme un fardeau, alors qu’elle est une aide.
Le péché nous affaiblit et l’homme, après un manquement, croit pouvoir ensuite se garder du péché, mais c’est tout le contraire qui lui arrive. L’homme est comme une poule poursuivie par le renard. Lorsque la poule, le soir, n’est pas rentrée au poulailler, voyant le renard, elle se réfugie sur un arbre, mais le renard attend au pie de l’arbre, et la poule est inquiète, alors elle volette d’arbre en arbre, et cela dure toute la nuit, et à chaque fois elle est un petit peu plus faible et le renard finit par manger la poule. C’est cela les conséquences du péché.
Qui, alors, nous donnera la force ? La première faute affaiblit et rend plus enclin à pécher, le péché domine davantage et, sans la puissance divine, on ne peut pas se relever. C’est le Christ qui nous donnera cette puissance. Il nous la donne par la force de la Croix.
Certes, tout en diminuant notre faiblesse et notre infirmité, le Christ ne les a pas supprimées parce qu’il veut que nous luttions avec lui. Nous ne sommes plus au paradis terrestre, et nous ne sommes pas encore au ciel, donc il faut lutter. Cependant, sa Passion a vraiment fortifié l’homme. Elle a affaibli le péché si bien que nous ne sommes plus dominés par le péché. Aidés par la grâce de Dieu que nous confèrent la prière et les sacrements, dont l’efficacité vient de la Passion du Christ, nous pouvons faire enfin des efforts efficaces pour nous dégager du péché.
« Notre vieil homme a été crucifié avec le Christ pour que fut détruit le corps de péché. » Avant la Passion du Christ, en effet, on trouvait peu d’hommes vivant sans péché mortel, mais, après, beaucoup vécurent et vivent exempts du péché mortel.
Et cela maman l’avait compris. Elle nous l’a fait comprendre lorsqu’elle était dans l’épreuve, et Dieu sait si cela lui est arrivé comme à tout chrétien, comme à tout chrétien. Nous avons tendance, nous, à nous dire ce n’est pas le moment de nous charger de la croix, j’en porte déjà suffisamment. Il faut au contraire que je me soulage pour la porter vaillamment.
C’est tout le contraire. Et quand maman était dans l’épreuve, elle pratiquait cette belle dévotion du Chemin de la Croix qu’elle a fait des centaines, des milliers de fois, sans nous le dire. De temps en temps, on apprenait. C’était le Chemin de croix qui la portait. Elle ne considérait pas la Croix de Jésus comme un poids supplémentaire, elle considérait la Croix de Jésus comme une aide.
D’ailleurs, c’est ce que Notre Seigneur dit dans l’Évangile :
« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués, qui êtes chargés, je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous. Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Vous trouverez le repos de vos âmes, car mon joug est doux et mon fardeau léger. »
On retient d’habitude que ce joug, s’il est doux, demeure quand même un joug, que ce fardeau, s’il est léger, demeure quand même un fardeau.
Il faut lire ce que proclame Notre Seigneur Jésus-Christ, il faut le lire tout entier :
« Je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et vous trouverez le repos de vos âmes. »
« Prenez mon joug sur vous et vous trouverez le repos de vos âmes. »
Nous ne sommes pas en paix parce que nous n’avons pas suffisamment apprécié le mystère de la Croix. Cela trouve son application dans les Béatitudes.
Les béatitudes, fruit de la Croix
La miséricorde
« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. »
Notre Seigneur ne dit pas « Malheureux ceux qui ont faim et soif mais je compenserai en les rassasiant. » Il dit « Bienheureux ceux qui ont faim et soif… »
De même, Notre Seigneur dit « Bienheureux les miséricordieux… » ceux qui se penchent sur la misère des autres et qui en plus de porter leur Croix portent la Croix des autres.
Porter la Croix des autres soulage l’autre et nous soulage nous, parce que c’est dans l’Évangile, parce que porter la misère d’autrui, c’est porter sa Croix et la faire nôtre. Remarquez que la Croix ce n’est pas seulement la maladie quand il faut être malade, ou la mort quand le moment est venu. La Croix, c’est tous les jours. Si nous ne la portons pas tous les jours, c’est que nous n’avons pas su la voir. Et il est facile de la voir dans les misères du prochain que nous pouvons soulager. En soulageant la misère du prochain, on soulage sa propre misère, et si je suis si ému en disant cela, c’est que cela me remémore de nombreux actes de miséricorde de maman et de papa. Je m’étais promis de ne pas parler de maman, de ne pas faire ses louanges, comme j’avais promis à papa, cependant nous ne pouvons être que dans l’action de grâce que Dieu ait inspiré à nos parents de nous former dans et par les œuvres de miséricorde.
Un jour, j’ai appris que maman allait soigner des clochards chez l’abbé Bazire sur le boulevard en bas de la maison. Pourquoi faisait-elle cela ? Cela ne sert à rien. Elle nous racontait que le clochard, quand il est soigné, repart dans sa cloche, il ne sait vivre que dans sa vie de clochard. Pourquoi faisait-elle cela ? Tout simplement parce que, quand on n’a pas d’œuvres de miséricorde à exercer, on en trouve. Quand elles ne servent à rien, elles sont quand même du baume sur le cœur de celui qu’on soigne et elles sont aussi du baume sur le cœur de celui qui soigne. Je l’ai appris parce que maman m’en avait parlé. Cependant, elle était très discrète et même ce dont elle ne parlait pas, rayonnait la charité miséricordieuse. Il y a un rayonnement des œuvres de miséricorde qui est dans la suite directe du rayonnement de la Croix de Jésus.
« Bienheureux les cœurs purs… »
La persécution
« Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les Cieux. »
Notre Seigneur ne dit pas « Malheureux lorsqu’on vous insulte, malheureux lorsqu’on vous persécute, mais gardez l’espérance vous serez bienheureux après cela. » Il dit « Bienheureux lorsqu’on vous insulte, bienheureux lorsqu’on vous persécute, bienheureux lorsque l’on dit faussement toute sorte de mal sur vous à cause de moi. »
Insultés, nos parents l’ont été pour les positions que leur droiture leur montrait comme les seules justes, pour leur fidélité à la Tradition, à Mgr Lefebvre, à Mgr Williamson. Et ils nous ont appris, sans que cela nous coûte, au contraire, la joie de la dernière béatitude, celle qui domine toutes les autres, celle de la persécution.
La Très Sainte Vierge Marie
Il est évident que je ne peux pas terminer ce sermon sans parler de la Sainte Vierge, d’autant plus que Maman, comme Papa, récitait le rosaire chaque jour.
La Sainte Vierge est la grande éducatrice de la Croix.
Que fait une maman ? La première fois que son petit garçon tombe de bicyclette, qu’il rentre à la maison en pleurant parce qu’il s’est écorché le genou, maman souffle sur le genou qui, finalement, n’est pas tant écorché que cela. Quelquefois elle fait un baiser sur la blessure, et elle lui dit : Tu es un grand maintenant, tu ne pleures pas. Et cela commence par là : apprendre à tomber à bicyclette sans pleurer.
Il n’y a que les mamans qui savent faire cela et la Sainte Vierge le fait mieux qu’une autre. Nous trébuchons, elle nous relève et elle ajoute : « Cela ne suffit pas, si tu veux ne plus trébucher, il faut que tu te mettes à la suite de mon Fils. Il faut que tu portes ta Croix chaque jour. »
Lorsque ce mystère nous est révélé par Notre Seigneur Jésus-Christ, nous avons tendance à dire comme les disciples : « Oh ! ce langage est dur. » La Sainte Vierge nous dit : « Non, il est doux, c’est toi qui es dur. Assouplis-toi en étant guidé par mon Fils et tu t’apercevras que le langage tenu par mon Fils est vraiment doux. »
C’est une des grandes leçons de la vie que nous avons reçues de nos parents, de Mgr Lefebvre, et de tous les héros que grâce à eux nous avons connus et appréciés.
Cœur Sacré de Jésus ayez pitié de nous.
Cœur douloureux et immaculé, priez pour nous.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.