Chers Amis
Voici le sermon que j’ai donné aux obsèques de mon Père. La partie centrale est dense et je l’ai écrite pour qu’elle soit étudiée afin d’être mise en pratique. Je vous donne donc le texte écrit intégral du sermon à la suite de l’enregistrement. Je remercie tous ceux d’entre vous, nombreux, qui m’ont exprimé leur soutien et leur compassion, avec leurs prières. Je prie pour eux tous.
Que Dieu vous bénisse !
Plan du sermon
Pourquoi sous une tente
La paternité de Dieu et nous
Les intentions de mon Père
Texte intégral du sermon
Mes bien chers Frères,
Je vous remercie de vous être déplacés pour participer à cette cérémonie, manifester votre compassion et votre amitié à notre famille, et témoigner de l’estime que vous avez pour mon père.
Pourquoi sous une tente
La cérémonie se déroule de façon inattendue sous une tente, dans une propriété privée, et non pas dans une église comme d’habitude. Cela est la volonté de mon père, volonté qu’il a consignée dans un testament spécial. Je vous dois quelques explications sur cette situation extraordinaire. Elles tiennent en deux mots : la gravité de la situation et la clairvoyance de mon père.
Oui, mes chers Amis, la situation de l’Église est grave, beaucoup plus grave qu’il apparaît. Je sais qu’il n’est pas facile de s’en apercevoir, mais soyez certains que la clairvoyance de mon père que nous avons si souvent appréciée dans d’autres situations graves est encore une fois bien réelle. Lorsqu’en mai 1954 il annonça l’abandon à venir de l’Algérie Française, bien peu le crurent et pourtant… Sans cette clairvoyance nous n’aurions pas été associés à l’œuvre de miséricorde magnifique de nos deux parents envers les rapatriés d’Algérie, les Harkis et les prisonniers politiques de la prison de Rouen. Oui, la loyauté est le fondement de la bonté et de la miséricorde.
Je comprendrai très bien que plusieurs parmi vous soient étonnés que je parle de cette action politique. Je ne peux pas tout vous dire dans un sermon, et mon Père m’a fait promettre – je lui ai promis – de ne pas parler de lui durant le sermon. Si donc vous voulez des explications, demandez-les nous. Nous serons très heureux de vous dire quelle est l’origine de toute cette reichesse dont nous nous réjouissons.
Apé, le père de Papa, m’avait sur son lit de mort en 1976 annoncé la ruine de l’Église et m’avait néanmoins encouragé à entrer au séminaire. Un jour vous remercierez Papa de vous avoir laissé ce dernier message et, dès maintenant, vous pouvez lui être reconnaissants, car c’est par sa clairvoyance que nous ne sommes pas modernistes et que nous sommes fiers de la tradition de l’Eglise.
La paternité de Dieu et nous
Je vais méditer avec vous – en vous rapportant l’enseignement de saint Thomas d’Aquin dans son commentaire sur le Pater – sur ce que doivent être nos rapports avec notre Père du Ciel, le Bon Dieu.
Le bon Dieu est Père d’une manière toute particulière parce qu’il nous a créés à son image et sa ressemblance, ce qu’il n’a fait pour aucune autre créature. Il est le meilleur des pères à cause du soin tout particulier avec lequel il s’occupe de nous, nous confiant ses affaires, comme un vrai père le fait avec ses fils, nous confiant l’éducation des enfants, l’exercice de la miséricorde en son nom, le signe qui parmi tous fait reconnaître l’Église catholique. Il nous remettant même son autorité que les pères exercent en son nom. Le Bon Dieu est notre Père parce qu’il nous a adoptés : tandis qu’aux autres créatures il n’a fait que de petits présents, il nous a fait, à nous, don de son héritage parce qu’il nous a adoptés pour ses fils.
En conséquence de cela, Saint Thomas d’Aquin énumère quatre devoirs que nous avons envers Dieu parce qu’il est Père.
Nous lui devons en tout premier l’honneur. Pour cela nous lui offrons en premier le sacrifice de louange, sur nos lèvres et surtout dans notre cœur. Mais nous lui devons aussi l’honneur en nous même par la pureté de notre corps. « Glorifiez et portez Dieu dans votre corps » dit l’Écriture Sainte. Et nous lui devons l’honneur dans les autres par l’équité dans nos jugements envers le prochain, car « l’honneur du roi aime la justice » dit Dieu. La justice, c’est d’abord la défense de la veuve, du pauvre, de celui qui est injustement en prison, injustement condamné.
Nous devons ensuite à Dieu de l’imiter. Oui, c’est ce qu’un père attend de ses enfants, qu’ils lui ressemblent. L’imiter dans son amour, c’est-à-dire marcher dans l’amour, dit saint Paul. Marcher dans l’amour ! L’imiter dans sa miséricorde. L’oraison de la messe des funérailles nous rappelle que c’est le propre de Dieu de faire miséricorde. Puiser dans les richesses de notre Père pour remédier à la misère, misère corporelle et surtout misère spirituelle, voilà pourquoi un père remet ses richesses entre les mains de ses fils. Enfin l’imiter dans sa perfection. « Soyez parfaits comme votre Père est parfait » dit Notre Seigneur dans l’Évangile.
Nous devons en troisième lieu à un père et donc à Dieu le Père de lui obéir. Lui obéir parce qu’il est le maître, un maître infiniment sage, infiniment vrai, dont les commandements sont l’expression d’une bonté touchante. C’est donc notre intérêt de lui obéir, car il ne commande que pour notre bien. En cela nous avons l’exemple de Jésus-Christ, le Fils éternel de Dieu qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort pour nous réapprendre l’obéissance.
Enfin, nous dit saint Thomas d’Aquin nous devons à Dieu la patience lorsqu’il nous châtie. « Nos pères selon la chair nous ont corrigés et nous les avons respectés, – parce qu’ils exerçaient la justice dans la correction – à combien plus forte raison devons-nous nous soumettre au Père des esprits ! » dit le Saint-Esprit dans l’épître aux Hébreux. Si nous avions toujours honoré notre Père du Ciel, si nous l’avions toujours imité, si nous lui avions toujours obéi, il n’aurait pas à nous châtier. Mais il a envers nous une telle bonté qu’il ne veut pas nous laisser dans le malheur du péché et qu’il nous châtie, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre, pour nous ramener à son amour.
Tout en vous donnant l’enseignement de l’Église sur ce que doit être notre attitude envers Dieu le Père, je vous ai fait, toute proportion gardée, le portrait de Papa et nous prenons encore plus conscience de ce qu’il fut auprès de nous et auprès de tous ceux qu’il a aimés. Puisse ce portrait devenir aussi le vôtre ! Donnons à notre père, donnez à votre grand-père, à votre arrière-grand-père l’honneur, imitez-le et, pour cela, apprenez à le connaître en profondeur, obéissez-lui.
Je sais que ce sermon a un caractère assez austère, c’est pourquoi je vous l’ai mis par écrit. Je suis conscient d’avoir reçu un dépôt que je dois vous transmettre. Toutes les lignes de ce sermon portent. Elles sont pensées, il ne suffit pas de les entendre, vous pourrez y revenir. Cela nous met à notre place devant Dieu le Père, et cela nous fait comprendre pourquoi il est légitime d’avoir un tel respect, un tel amour, pour tout père, même lorsqu’il ne correspond pas à la loi de Dieu, parce qu’il est le dépositaire de l’honneur de Dieu, de la sagesse de Dieu, à plus forte raison quand on a un père qui a comme instinctivement observé cet enseignement de saint Thomas d’Aquin qu’il n’avait pourtant jamais lu, mais parce que c’est l’enseignement de l’Évangile.
Les intentions de mon Père
Il me reste à conclure ce sermon en vous disant que, dès la nouvelle de son décès, j’ai commencé la célébration d’un trentain de messes pour Papa, mais ce trentain sera assez particulier, car je le célébrerai non pas pour Papa, mais aux intentions de Papa. Je reprends une prière qu’il aimait faire : « Notre Dame de Lourdes, daignez exaucer les prières que Didier vous a présentées, vous présente et vous présentera. Notre Dame de Lourdes, priez pour nous. » Didier est son fils qui l’a précédé au Ciel. Eh bien ! Disons : « Notre Dame de Lourdes, daignez exaucer les prières que Papa vous a présentées, qu’il vous présente et qu’il vous présentera. » Quelles sont ces prières ? Je n’invente rien, nous avons eu suffisamment de confidences.
Mon Dieu, je vous prie pour France, mon épouse chérie. Je n’ai presque rien à vous demander pour elle, car vous lui avez donné tout ce que je désirais, l’amour de la Croix et une grande générosité de miséricorde. Mais j’ai encore une grâce à vous demander pour elle, celle de la paix et de la sérénité pour les dernières années de sa vie et au moment de la mort.
Mon Dieu, je vous prie pour François que nous vous avons offert sans rien garder pour nous. Donnez-lui, d’être la sentinelle sur le rempart, le phare dans la nuit pour tous ceux qui vous cherchent, ô mon Dieu ! Donnez-lui d’être toujours fidèle à Mgr Lefebvre. – Il y avait trois documents dans le portefeuille de Papa, l’un des trois était une photo de lui avec Mgr Lefebvre. – Je vous prie aussi pour sa communauté, le Père Marcel de la Croix, le Frère Nicolas-Marie et pour ses fidèles, donnez-leur le courage dans les épreuves.
Mon Dieu je vous prie pour Marie-Laure, notre petite abeille, par qui vous avez exercé votre délicatesse envers nous, mais c’est au creux de l’oreille que je vous dirai, ô mon Dieu, ce que je vous demande pour elle.
Quant à Didier, il est à côté de moi pour vous prier en faveur de Nicole, de leurs enfants et petits-enfants. Qu’ils transmettent fidèlement et courageusement ce qu’ils ont reçu, que moi-même j’avais reçu. Tradidi quod et accepi, j’ai transmis ce que j’ai reçu, c’est ce que Mgr Lefebvre nous a laissé en ultime testament et qu’il a voulu voir gravé sur sa tombe. Il faudrait, mes bien chers Frères que l’on puisse graver cela sur chacune de nos tombes.
Et ma chère Claire, avec ses enfants, la plus jeune des quatre, je connais sa grande générosité. Ce que je vous ai demandé pour elle, vous me l’avez accordé. Le reste je vous le dirai aussi au creux de l’oreille.
De ceux que vous m’aviez confiés, mon Dieu, je n’en ai perdu aucun.
Je vous prie aussi, mon Dieu, pour tous ceux qui se sont dévoué auprès de nous et m’ont permis de rester à la maison au milieu de l’affection des miens, Estrela depuis quinze ans si dévouée, Magali, Sylvie et tous ceux et celles dont je vous dirai le nom, mon Dieu car nous aurons tout le temps de parler, n’est-ce pas mon Dieu ?
Je vous prie pour tous ceux que j’ai aimés et que j’aime aujourd’hui encore plus. Je vous prie pour tant de Français victimes de la Révolution, pour tant de catholiques et de prêtres trompés par leurs évêques, veuillez, ô mon Dieu, leur donner de bons évêques, de bons pasteurs, de bons pères, de bonnes mères qui suivent l’exemple de Jésus-Christ.
Je vous prie, ô mon Jésus, pour que le règne de votre Mère la Vierge Marie, s’étende dans les âmes, dans l’Église et dans le monde entier, dans le cœur de ses fidèles et dans le cœur de ses ennemis.
Notre Dame du Rosaire, veillez sur nous.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Ainsi soit-il.