Sermon sur Dieu ~ 7 L’homme fragile face à Dieu

Mes bien chers Frères,

Vous fûtes nombreux à vous consacrer ou à renouveler votre consécration à la Très Sainte Vierge le 8 décembre et je m’en réjouis. C’est une des grandes grâces que Dieu vous donne pour tenir quand tant d’appuis s’écroulent. Montons vers la crèche dans l’esprit de la consécration.

Dans le même esprit la doctrine que je vous expose dans mon sermon vous apporte des certitudes bien précieuses dans la confusion actuelle.

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Résumé du sermon
Texte de saint Thomas d’Aquin

Résumé du sermon

L’enseignement de saint Thomas d’Aquin

La preuve énoncée par saint Thomas se résume ainsi : tout ce qui est contingent ne peut exister qu’en dépendance d’un être nécessaire.

On pourrait la transposer ainsi : tout ce qui est fragile ne peut exister qu’en dépendance d’un être fort. Or, on ne peut procéder à l’infini. Donc il n’y a qu’un seul être absolument nécessaire – ou absolument fort – c’est le premier de tous. C’est Dieu.

Développement de la preuve

Ce qui est contingent, c’est ce qui pourrait ne pas être, qui naît, qui meurt, qui se corrompt, qui est fragile.

Tout contingent dépend d’un être nécessaire. Toute faiblesse dépend d’une force.

Tout être contingent fait la preuve par sa contingence qu’il ne peut avoir en soi-même la raison de son existence. Ce n’est pas parce qu’un chat est un chat qu’il existe et encore moins qu’il doit exister. La preuve en est que tout en étant chat, il peut perdre l’existence. C’est Dieu qui a choisi de le faire exister.
C’est là le nœud de la preuve.

Il reçoit son existence de quelqu’un qui en donne la raison. Si ce quelqu’un est lui-même contingent, ce quelqu’un dépend à son tour. Or, on ne peut remonter à l’infini.

L’important n’est pas de voir qu’il y a un être non contingent – c’est-à-dire nécessaire – au sommet, mais que tout dépend de lui.

Pour le comprendre, il faut comprendre que l’être nécessaire est un être plein, éternel.

Les objections des modernes

N. B. Toutes les objections des modernes ont pour but de s’affranchir de la dépendance de Dieu.

Cet être nécessaire serait le monde lui-même. Comme un manège dans lequel tout tourne, mais le manège est permanent.
réponse : une somme d’êtres imparfaits ne fait pas un être parfait. – ce monde n’aurait pas en soi la raison de son être, bien pire il serait toujours à la recherche de sa perfection en tournant continuellement.

Cet être nécessaire serait la loi qui meut le monde.
réponse : la loi du monde serait fragile comme lui. Il faudrait une loi supérieure, au-dessus du monde. Cette loi supérieure est bien mieux qu’une loi, elle est Dieu qui donne leur loi aux choses.

Remarquer que ces objections ne sortent pas du monde matériel. Elles ne se haussent pas au monde spirituel, celui de la pensée, de l’amour… Or, dans le monde spirituel, la nécessité de l’être nécessaire, éternel, se fait tout autant sentir que dans le monde matériel. Comment nos amours fragiles pourraient-ils tenir sans la force de Dieu. Bien plus, comment l’amour traverserait-il les siècles s’il n’y avait Dieu l’amour immuable ?

Dernière objection. Vous dites que tout vient de Dieu, nous affirmons que tout vient du néant. C’est l’évolution créatrice.
Réponse : il pourrait ne pas y avoir Dieu, alors il n’y aurait rien. Mais dire que quelque chose puisse sortir du néant est contradictoire en soi. Seule l’imagination peut accoler les deux mots évolution et créatrice.

Remarquer que cette dernière objection est celle des modernistes selon qui la religion et même Dieu sont viennent d’un besoin de l’homme.
ou encore Jean-Paul II : la vie est un défi, le Christ s’est jeté dans le vide et sa foi consistait à être persuadé que dans ce vide on trouve quelque chose. Le mystère central de la vie du Christ n’est pas la rédemption sur la croix, mais l’agonie durant laquelle le Christ se trouve face au vide. Pour Jean-Paul II, c’est cela l’amour du Père.

Conséquence morales

Toute qualité réelle, mais fragile en nous vient d’une qualité éternelle en Dieu. Nous n’insistons pas, car la 4e preuve mettra cela encore mieux en lumière.

Le temps dépend de l’éternité.

Le Christ homme dans le temps et Dieu dans l’éternité, ne change pas : Christus heri, hodie et in saecula. Le Christ hier, aujourd’hui et dans les siècles. (épître aux Hébreux.)

La religion ne change pas : saint Vincent de Lérins : Ce qui a été cru toujours, partout et par tous, voilà le critère de la vérité de la foi.

L’importance des principes. On voit souvent dans les principes quelque chose d’artificiel, nécessaire mais dont il faut savoir s’affranchir.
le principe est au contraire ce dont tout le reste dépend. Il ne s’agit pas de savoir s’en écarter, mais de savoir comment il s’applique.
Il est vrai que tous les principes n’ont pas la même valeur, mais, justement, ils dépendent tous de principes supérieurs et, en définitive, du principe des principes : in principio erat Verbum, au principe est le Verbe de Dieu (la deuxième personne de la sainte Trinité).

Seules les personnes qui ont des principes savent être souples dans la pratique, par que seules elles rapportent tout aux principes supérieurs, sans se limiter aux principes inférieurs.

Texte de saint Thomas d’Aquin

La troisième voie se prend du contingent et du nécessaire, et la voici. Parmi les choses, nous en trouvons qui peuvent être et ne pas être : la preuve, c’est que certaines choses naissent et disparaissent, et par conséquent ont la possibilité d’exister et de ne pas exister. Mais il est impossible que tout ce qui est de telle nature existe toujours ; car ce qui peut ne pas exister n’existe pas à un certain moment. Si donc tout peut ne pas exister, à un moment donné, rien n’a existé. Or, si c’était vrai, maintenant encore rien n’existerait ; car ce qui n’existe pas ne commence à exister que par quelque chose qui existe. Donc, s’il n’y a eu aucun être, il a été impossible que rien commençât d’exister, et ainsi, aujourd’hui, il n’y aurait rien, ce qu’on voit être faux. Donc, tous les êtres ne sont pas seulement contingents ou possibles, et il y a du nécessaire dans les choses. Or, tout ce qui est nécessaire, ou bien tire sa nécessité d’ailleurs, ou bien non. Et il n’est pas possible d’aller à l’infini dans la série des nécessaires ayant une cause de leur nécessité, pas plus que pour les causes efficientes, comme on vient de le prouver. On est donc contraint d’affirmer l’existence d’un Être nécessaire par lui-même, qui ne tire pas d’ailleurs sa nécessité, mais qui est cause de la nécessité que l’on trouve hors de lui, et que tous appellent Dieu.  (Somme théologique, 1 q. 2 a. 3)