Mes bien chers Frères,
Depuis le 6 mai, avec le sermon « Dieu a tout créé », nous sommes entrés dans une nouvelle série : « Les Œuvres de Dieu ». Nous avons donc commencé la création en général, nous verrons ensuite les anges, puis les hommes, le gouvernement divin… J’ai donc renuméroté les derniers sermons en conséquence.
Aujourd’hui nous étudions « Pourquoi le mal dans le monde, Dieu est-il l’auteur du mal ? » Cela commence de façon un peu austère avec la réponse donnée par saint Thomas d’Aquin, et s’achève de façon très nourrissante avec les réponses du concile de Trente.
Résumé du sermon
Saint Thomas d’Aquin en étudiant la création, étudie le mal.
Dieu est-il l’auteur du mal ?
Définition du mal : il n’est pas une nature, mais la privation d’un bien.
Les trois sortes de maux : le mal physique, le mal de peine et le mal de faute.
Le mal physique n’est pas un vrai mal, il est une condition de la nature limitée. Ainsi, le bois disparaît en brûlant pour fournir de la chaleur. Toute créature est limitée et faillible, plus ou moins selon le degré de perfection des créatures. Il est donc normal que ces créatures parfois défaillent.
Le mal de peine est une œuvre de justice soit parce que le sujet n’a pas droit à ce qu’il désire, soit parce qu’il doit être puni. La peine est donc en réalité un bien.
N. B. La privation de la grâce sanctifiante ou de la gloire qui sont retirées au pécheur, sont un bien en ce qu’elles sont la juste conséquence du péché.
Seul le mal de faute est un vrai mal, car seule elle rend l’homme mauvais, et car elle s’oppose au bien divin.
Dieu est donc indirectement l’auteur du mal physique, directement l’auteur du mal de peine, en rien l’auteur de mal du péché.
La demande du Notre Père « délivrez-nous du mal »
Voir tout le bien que Dieu fait pour nous. Le mal est moins fréquent que le bien.
Comment on doit demander d’être délivré du mal
Dans la demande précédente nous sollicitons la grâce d’éviter la faute, et dans celle-ci nous prions Dieu de nous délivrer de la peine.
Avant de le prier de nous délivrer du mal, il nous oblige à lui demander que son Nom soit sanctifié, que son Royaume arrive, en un mot il veut que nous fassions toutes les autres demandes qui sont comme autant de degrés pour arriver à celle-ci.
Pour bien prier, il faut tout rapporter à la gloire de Dieu, même lorsqu’on lui demande d’éloigner les peines, les calamités et les maux présents.
Pour les chrétiens, dans leurs maladies, dans leurs adversités, Dieu est leur principal refuge et, à vrai dire, leur seul soutien. Précisément parce qu’ils le reconnaissent, et l’adorent comme l’Auteur de tout bien, et leur Libérateur, ils n’oublient point que les remèdes n’ont de vertu curative que celle que Dieu leur a donnée, et par suite qu’ils ne sont utiles aux malades qu’autant que Dieu le veut. La médecine en effet vient de Dieu, qui l’a donnée lui-même aux hommes pour guérir leurs maladies. C’est pourquoi nos Saints Livres reprennent fortement ceux qui ont trop de confiance dans la science, et ne demandent aucun secours à Dieu.
Quels sont les maux dont nous demandons ici d’être délivrés
Il y a des choses que l’on regarde habituellement comme des maux, et qui, néanmoins, sont très utiles à ceux qui les endurent. Ainsi cet aiguillon de la chair, que ressentait si vivement S. Paul, servait, avec le secours de la grâce, à affermir sa vertu dans la faiblesse. Voilà pourquoi les personnes de piété, connaissant le prix et les avantages de ces épreuves, les supportent avec une très grande joie, bien loin de demander à Dieu d’en être délivrées. Nous nous bornons donc à conjurer par la prière ces sortes de maux sans profit pour notre âme, mais nullement ceux qui peuvent nous apporter quelques fruits de salut.
Nous demandons aussi à ce que les biens comme les richesses, les honneurs, la santé, etc. ne tournent pas à notre malheur ou à la perte de notre âme.
Nous prions Dieu de ne point être frappés de mort subite, de ne point soulever contre nous sa colère, de ne point encourir les châtiments réservés aux impies, de ne point passer par le feu du purgatoire. Nous le supplions en même temps, avec toute la piété possible, de délivrer les âmes qui y sont détenues. Enfin le sens que l’Église donne à cette demande, à la messe et dans ses Litanies, c’est que nous soyons délivrés des maux passés, présents et futurs.
Les consolations que Dieu accorde parfois à ceux que l’adversité accable, sont comme une véritable délivrance de tous les maux. C’est ainsi que David se consolait en disant : « Vos consolations, Seigneur, ont rempli mon âme de joie, à proportion même des cruelles douleurs que j’éprouvais. »
Dieu délivre encore les hommes du mal lorsqu’il les retire sains et saufs du milieu des dangers les plus grands, auxquels ils se trouvaient exposés, comme il fit pour les trois jeunes gens dans la fournaise, et pour Daniel dans la fosse aux lions. Les lions le respectèrent, comme les flammes avaient respecté les jeunes gens.
Enfin, le mal dont nous demandons à être délivrés, c’est le Malin, le démon.
De la patience nécessaire dans les maux
Enfin il importe de savoir que si nos prières et nos vœux ne nous délivrent point des maux que nous souffrons, nous devons alors les supporter avec patience, et aussi avec cette conviction que Dieu désire extrêmement nous les voir endurer de la sorte. Donc pas d’indignation, pas de tristesse, si Dieu ne nous exauce pas ! Ne devons-nous pas tout soumettre à sa sainte volonté et à son bon plaisir ? Ne devons-nous pas regarder comme utiles et salutaires les choses que Dieu approuve et non pas celles qui nous plaisent ?
Que les Pasteurs s’appliquent donc à bien représenter aux fidèles qu’ils doivent être prêts, tant qu’ils sont sur la terre, à supporter les incommodités et les calamités de tout genre, non seulement sans se plaindre, mais même avec une certaine joie. Tous ceux, est-il dit dans nos Saints Livres, qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront persécution. C’est par beaucoup de tribulations que nous devons entrer dans le Royaume de Dieu. Ne fallait-il pas que le Christ souffrît, et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? Or, il n’est pas juste que le serviteur soit au-dessus du maître ; il est même honteux, dit S. Bernard, que les membres soient délicats sous un Chef couronné d’épines.
Si nous savons nous présenter devant Dieu avec les pensées et les dispositions que nous venons de marquer, nous obtiendrons infailliblement, ou d’être entièrement délivrés de tous les maux qui nous assiègent, comme les trois jeunes gens furent préservés du feu dans la fournaise ; ou du moins comme les Macchabées, de supporter l’adversité avec un courage à toute épreuve. Au milieu des mépris et des tourments, nous imiterons les saints Apôtres qui, accablés de coups de fouets, se réjouissaient vivement, parce qu’ils avaient été trouvés dignes de souffrir des affronts pour Jésus-Christ. Remplis des mêmes sentiments, nous chanterons avec allégresse ce cantique de David : « Les princes m’ont persécuté sans sujet, mais mon cœur n’a craint qu’à cause de votre parole. Je me réjouis de vos oracles, comme celui qui a trouvé de riches dépouilles. »