Sermon ~ À condition de prier, les tentations sont une grande richesse pour nous

Mes bien chers Frères,

Nous prions dans le Notre Père non pour échapper à la tentation, mais pour obtenir la grâce de triompher. La lutte est terrible, mais elle est nécessaire, elle est bienfaisante, elle apporte le centuple et la vie éternelle à ceux qui y entrent généreusement.

Les tentations des derniers temps seront terribles, car le démon sera déchaîné, mais la gloire des vainqueurs sera grandiose, au centuple des tentations.

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Résumé du sermon
Catéchisme du Concile de Trente

Résumé du sermon

« Parce que tu étais agréable à Dieu, il était nécessaire que la tentation t’éprouvât. » Tob., 12, 13

Lorsque les enfants de Dieu ont obtenu la rémission de leurs péchés, ils se sentent embrasés du désir de lui rendre l’adoration et le culte qu’il mérite, ils soupirent après le Royaume céleste, ils s’acquittent fidèlement envers la Majesté divine de tous les devoirs de la piété, et ils en viennent à être entièrement soumis à sa Volonté paternelle et à sa sainte Providence. Mais c’est alors aussi, cela est bien connu, que l’ennemi du genre humain déploie tous ses artifices, met en rouvre toutes ses ruses et apprête toutes ses machines de guerre, pour les attaquer. Il y a donc lieu de craindre que leurs résolutions ne soient ébranlées et changées, qu’eux-mêmes ne retombent de nouveau dans le mal et ne deviennent pires qu’auparavant. C’est d’eux que le Prince des Apôtres a pu dire avec raison : ([1]) « Il eût mieux valu pour eux qu’ils n’eussent point connu la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue, et d’abandonner la Loi Sainte qui leur avait été donnée. »

D’où la nécessité de la prière, car nous ne pouvons vaincre sans le Christ, c’est l’objet de la sixième demande du Notre Père.

Qu’est-ce qu’être tenté

Histoire du colonel qui voulait marier sa fille à un sous-officier.

Tenter = mettre quelqu’un à l’épreuve

1. pour tirer de lui ce que nous désirons savoir.
Dieu ne tente pas ainsi, car il sait tout.

2. Mettre l’épreuve en vue du bien.

– constater et manifester la vertu de quelqu’un
– afin de la récompenser par des avantages et des honneurs, « celui qui combat dans la carrière ne sera couronné qu’après avoir légitimement combattu. » « Bienheureux l’homme qui souffre la tentation, parce qu’après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui L’aiment. »
proposer son exemple à imiter aux autres
– engager tout le monde à louer et à bénir le Seigneur qui seul donne la victoire.

Cette manière de tenter est la seule qui convienne à Dieu.

Dieu tente les siens, lorsqu’il les accable par la pauvreté, la maladie etc. Mais il n’agit ainsi envers eux que pour éprouver leur patience, et afin qu’ils deviennent pour les autres des modèles de vertu chrétienne.
Abraham lorsqu’il reçoit l’ordre d’immoler son propre fils.
Tobie « Parce que vous étiez agréable à Dieu, il était nécessaire que la tentation vînt vous éprouver. »

3. Mettre à l’épreuve en vue du mal, pour pousser au péché ou à la perte.

C’est le propre du démon qu’on appelle pour cela « le tentateur ».

—  Excite en nous les désirs et les mouvements déréglés de nos passions et de nos affections mauvaises ;
— se sert des choses extérieures pour nous enorgueillir, si elles sont heureuses, ou nous abattre, si elles sont malheureuses.
— Prend comme complices les hommes pervertis,
— surtout des hérétiques, qui sont assis dans la chaire de pestilence, et répandent le poison mortel de leurs doctrines malsaines pour perdre entièrement les hommes.

Être induit en tentation

1. lorsque, renversés par le choc, nous tombons dans le mal où veut nous jeter notre tentateur.
En ce sens Dieu ne tente et n’a jamais tenté personne, car il n’est l’auteur du péché pour personne : au contraire « Il déteste tous ceux qui commettent l’iniquité. » S. Jacques, ([2]) « que personne ne dise, quand il est tenté, que c’est Dieu qui le tente ; car Dieu n’est point tentateur pour le mal. »

2. Lorsque quelqu’un, sans nous tenter lui-même, sans même contribuer à nous tenter, n’empêche ni la tentation, ni la victoire de la tentation sur nous, bien qu’il le puisse.

C’est de cette manière que Dieu permet que les bons et les justes soient tentés ; mais alors il les soutient de sa grâce et ne les abandonne point.
Quelquefois aussi, par un secret et juste jugement, si nos crimes le demandent, il nous abandonne à nous-mêmes, et nous succombons.

On dit encore que Dieu nous induit en tentation, lorsqu’il tente pour le bien et que nous en profitons pour faire le mal. L’épreuve, alors, n’est pas dans la difficulté, mais dans l’humilité et la fidélité.

C’est la tentation des anges et d’Adam et Ève. De Jérusalem aussi : Dieu l’avait enrichie et parée de tous les genres d’ornements, et lui avait donné la plus belle mission qui soit. Elle en a abusé.

Ceux-là ressemblent à cette ville ingrate qui, pour offenser Dieu, se servent précisément des moyens si nombreux qu’il leur avait donnés de faire le bien.

N. B. c’est en ce sens qu’il faut entendre les expressions de la Sainte Écriture : pour exprimer ce qui n’est qu’une permission de la part de Dieu, elle emploie quelquefois des termes qui, pris à la lettre, désigneraient une action. Ainsi il est dit dans l’Exode : « J’endurcirai le cœur de Pharaon », dans Isaïe : « Aveuglez l’esprit de ce peuple », dans l’Épître aux Romains ([3]) : « Dieu les a livrés aux passions ignominieuses et à leur sens réprouvé. »

Que demande-t-on à Dieu par ces paroles :
« Ne nous induisez point en tentation » ?

Nous ne demandons point de n’être jamais tentés. Car la vie de l’homme sur la terre n’est qu’une tentation. Et il nous est utile et avantageux qu’il en soit ainsi.

Nous demandons d’être toujours assistés par le secours divin, afin de ne pas consentir à la tentation en nous laissant séduire par elle, et de n’y point céder non plus par faiblesse. Et si nos forces venaient à nous manquer, nous demandons que la grâce de Dieu soit toujours avec nous pour les réparer et les ranimer immédiatement.

Plus nous sommes tentés, plus nous devons prier.

Nous le prions enfin d’abattre Satan sous nos pieds.

Motifs et moyens de résister au démon

mettre en Dieu seul et en sa bonté l’espérance de notre salut.

Nous rappeler la victoire des saints qui nous ont précédés : l’Épître de S. Paul aux Hébreux est toute pleine des victoires des saints qui par la foi ont vaincu les royaumes, qui ont fermé la gueule des lions, etc. ([4]).

ne jamais perdre de vue le Chef que nous devons suivre dans ce combat acharné contre les tentations, c’est-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ qui nous a montré comment on remporte la victoire. « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde. » « nous avons pour nous aider un Pontife qui peut compatir à nos infirmités, ayant été Lui-même tenté et éprouvé en toutes choses. »

Ce n’est ni par l’oisiveté, le sommeil, le vin, la bonne chère, les plaisirs que l’on triomphe de Satan, mais par la prière, le travail, les veilles, la tempérance et la vertu de pureté. ([5]) « Veillez et priez, est-il dit, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, afin de ne point entrer en tentation. »

Prenons garde de nous complaire en nous-mêmes.

Combattre pour les couronnes que Dieu prépare aux vainqueurs et les récompenses infinies qu’il leur réserve dans l’éternité.

L’apocalypse : « Celui qui sera victorieux ne sera point frappé de la seconde mort ; et : Celui qui sera victorieux, sera ainsi vêtu de blanc, et Je n’effacerai point son nom du Livre de vie, et Je confesserai son nom devant mon Père et devant ses Anges. » « Celui qui sera victorieux, J’en ferai une colonne dans le Temple de mon Dieu, et il n’en sortira plus » puis encore : « Celui qui sera victorieux, Je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme j’ai vaincu moi-même et Me suis assis avec mon Père sur son trône.. » Enfin, après avoir fait le tableau de la gloire des saints et de l’immensité de ces biens éternels dont ils jouiront dans le ciel, il ajoute

« Celui qui vaincra possédera ces choses. »

Catéchisme du concile de Trente

Sixième demande de l’Oraison Dominicale :
« et ne nous induisez point en tentation ».

Texte intégral

Lorsque les enfants de Dieu ont obtenu la rémission de leurs péchés, ils se sentent embrasés du désir de lui rendre l’adoration et le culte qu’il mérite, ils soupirent après le Royaume céleste, ils s’acquittent fidèlement envers la Majesté divine de tous les devoirs de la piété, et ils en viennent à être entièrement soumis à sa Volonté paternelle et à sa sainte Providence. Mais c’est alors aussi, cela est bien connu, que l’ennemi du genre humain déploie tous ses artifices, met en rouvre toutes ses ruses et apprête toutes ses machines de guerre, pour les attaquer. Il y a donc lieu de craindre que leurs résolutions ne soient ébranlées et changées, qu’eux-mêmes ne retombent de nouveau dans le mal et ne deviennent pires qu’auparavant.

C’est d’eux que le Prince des Apôtres a pu dire avec raison : ([6]) « Il eût mieux valu pour eux qu’ils n’eussent point connu la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue, et d’abandonner la Loi Sainte qui leur avait été donnée. »

§ I. – Pourquoi Jésus-Christ
nous a ordonné cette sixième demande ?

Aussi Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a-t-il fait de cette prière un commandement, afin de nous obliger à implorer tous les jours le secours de Dieu, et à nous recommander à sa Bonté paternelle. Car il n’est pas douteux, s’il vient à nous abandonner, que nous ne soyons bientôt pris dans les filets de nos perfides ennemis. Et ce n’est pas seulement dans l’Oraison Dominicale que Jésus-Christ nous a ordonné de demander à Dieu de ne pas nous induire en tentation ; il a porté le même commandement dans cet entretien qu’il eut avec ses Apôtres, quelques heures avant sa mort. Après leur avoir dit en effet : ([7]) « qu’ils étaient tous purs » Il ajouta : ([8]) « priez, pour que vous n’entriez point en tentation ». Ce double commandement de Notre-Seigneur est pour les Pasteurs un motif très pressant d’exhorter avec le plus grand soin les fidèles à réciter fréquemment cette prière. Puisque le démon notre ennemi sème à toute heure sous nos pas les plus terribles dangers, il faut qu’à toute heure aussi nous puissions nous adresser à Dieu, qui seul peut nous en préserver, et lui dire : ne nous induisez point en tentation.

Or les fidèles comprendront parfaitement tout le besoin qu’ils ont de l’assistance divine, s’ils se souviennent de leur faiblesse et de leur ignorance, s’ils se rappellent cette maxime de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « L’esprit est prompt, et la chair est faible » et s’ils considèrent enfin que nos chutes, avec la malice et la haine du démon, sont presque toujours graves et mortelles, si la main de Dieu ne nous soutient. Quel exemple plus sensible de la faiblesse humaine que celui du collège sacré des Apôtres ! Ils avaient fait preuve de la plus grande fermeté, et un instant après, au premier péril, ils abandonnent le Seigneur, et prennent la fuite. Exemple plus frappant encore !

S. Pierre, le Prince des Apôtres, avait tiré de son cœur une magnifique profession de courage et en même temps de l’amour le plus sincère pour Jésus-Christ, il avait dit, plein de confiance en ses propres sentiments : ([9]) « Quand même il me faudrait mourir avec Vous, je ne Vous renierai point » et une heure plus tard, à la voix d’une servante, il se trouble, et va jusqu’à jurer qu’il ne connaît point le Seigneur. Ses forces, à coup sûr, ne répondaient pas à la vivacité de ses sentiments.

Mais si les hommes les plus saints ont été les victimes de la fragilité humaine, dont ils ne se défiaient pas assez, et sont tombés dans les fautes les plus humiliantes, que ne doivent pas craindre les autres qui sont si éloignés de leur sainteté !

§ II. – Des tentations ; de leurs causes

Il importe donc que les Pasteurs montrent bien aux fidèles les combats et les dangers auxquels nous sommes sans cesse exposés. Tant que notre âme habite dans ce corps mortel, la chair, le monde et le démon nous attaquent de toutes parts.

Quel est celui qui ne connaît point, à ses dépens, les effets de la colère et de la cupidité ! qui ne s’est senti blessé de leurs traits, déchiré de leurs aiguillons, et brûlé de leurs flammes ? Et en effet, les coups qu’elles frappent sont si variés, leurs attaques si diverses, qu’il est bien difficile de ne pas recevoir quelque grave blessure.

Mais outre ces ennemis qui habitent et vivent avec nous, il en est d’autres plus terribles encore dont il est écrit : ([10]) « Nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les maîtres des ténèbres de ce monde, contre les esprits de malice répandus dans les airs. » Aux combats intérieurs se joignent les attaques et les coups des démons, qui tantôt se précipitent sur nous à découvert, et tantôt se glissent si furtivement dans nos âmes que nous pouvons à peine nous en défendre.

§ III. – Des démons

L’Apôtre les appelle princes à cause de l’excellence de leur nature. Par ce côté, ils l’emportent en effet sur l’homme, et sur toutes les autres créatures. Il les nomme aussi puissances, parce qu’ils nous surpassent non seulement par la supériorité de leur nature mais encore par leur réel pouvoir ; puis, maîtres des ténèbres de ce monde, parce qu’ils régissent non pas le monde de la lumière et de la clarté, c’est-à-dire les bons et les justes, mais le monde sombre et obscur, c’est-à-dire ceux qui vivent plongés dans les souillures d’une vie criminelle, aveuglés par leurs passions ténébreuses et sans autre guide que le démon, ce prince des ténèbres ; enfin, esprits de malice, parce qu’il y a une malice de l’esprit, comme il y a une malice de la chair.

La malice de la chair allume les appétits déréglés des passions, et le désir des voluptés sensibles.

La malice de l’esprit se confond avec les passions et les inclinations dépravées de l’âme, mais qui toutefois appartiennent à sa partie supérieure. Elles sont d’autant plus dangereuses et plus criminelles que la raison et l’esprit sont au-dessus de la nature et des sens. Et comme la malice de Satan a pour but principal de nous priver de l’héritage du ciel, l’Apôtre a ajouté, à cause de cela, qu’ils sont « répandus dans l’air ».

Il n’est que trop aisé de conclure de là que nos ennemis sont forts et redoutables, qu’ils ont une ardeur invincible et sont animés contre nous d’une haine furieuse et inimaginable. Aussi bien ils nous font une guerre sans relâche, sans paix ni trêve possible. Leur audace est incroyable, nous en pouvons juger par cette parole que le Prophète fait dire à Satan : ([11]) « Je monterai au ciel. » Au surplus le démon a attaqué nos premiers parents dans le paradis, il a livré combat aux Prophètes, ([12]) « il a cherché les Apôtres, pour les cribler comme le froment » c’est l’expression même de Notre-Seigneur dans l’Évangile ; il n’a même pas rougi de tenter Jésus-Christ. L’Apôtre S. Pierre a donc bien exprimé ses désirs insatiables et son activité inouïe quand il a dit : ([13]) « Le démon votre ennemi tourne autour de vous comme un lion rugissant cherchant quelqu’un à dévorer. »

Et Satan n’est pas seul pour attaquer les hommes, c’est en troupe quelquefois que les démons fondent sur chacun de nous. On le vit bien par l’aveu de celui à qui Jésus demanda : quel est ton nom ? et qui répondit : mon nom est légion ([14]), c’est-à-dire qu’une multitude de démons tourmentaient ce malheureux.. Et puis, l’Évangile ne dit-il pas d’un autre démon : ([15]) « qu’il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, qu’ils entrent dans la maison (c’est-à-dire dans l’âme) et qu’ils y habitent » ?

Il n’est pas rare de rencontrer des chrétiens qui, ne sentant pas en eux-mêmes ces attaques du démon, s’imaginent que notre doctrine est fausse. Mais peut-on s’étonner que les démons n’attaquent point des hommes qui se sont volontairement donnés à eux, et dans lesquels on ne trouve ni piété, ni charité, ni aucune vertu digne d’un Chrétien ? Ils appartiennent entièrement à Satan. Comment aurait-il besoin de les tenter pour les vaincre, puisque, de leur plein consentement, il règne déjà dans leur cœur.

Mais ceux qui se sont consacrés à Dieu, et qui mènent sur la terre une vie toute céleste, sont plus que tous les autres en butte aux assauts du démon. C’est pour eux qu’il réserve toute sa haine, c’est contre eux qu’à chaque instant il dresse des pièges et des embûches.

L’Histoire Sainte est pleine d’exemples de grands et vertueux personnages qui, même en se tenant sur leurs gardes, ont été victimes de sa rage ou de sa duplicité. Adam, David, Salomon et tant d’autres qu’il serait trop long de citer ont éprouvé la violence de ses attaques et la perfidie de ses ruses, auxquelles ni la prudence ni les forces humaines ne sauraient résister. Qui oserait après cela se croire en sûreté avec ses seules forces ? Demandons donc à Dieu avec foi et pureté de cœur : ([16]) « qu’Il ne permette pas que nous soyons tentés au-dessus de nos forces, et qu’il nous donne, dans la tentation, le secours de son assistance, afin que nous puissions résister. »

Mais s’il se rencontre des fidèles qui, par faiblesse d’esprit ou par ignorance, sont épouvantés de la puissance des démons, il faut leur persuader de se réfugier dans le port de la prière, quand ils sont agités par les flots de la tentation.

Car Satan, quelles que soient sa puissance, son obstination, et sa haine contre nous ne peut cependant nous tenter et nous tourmenter ni autant ni aussi longtemps qu’il le voudrait. Tout son pouvoir est subordonné à la Volonté et au bon plaisir de Dieu. Qui ne connaît l’histoire de Job, que Satan n’eût jamais touché, si le Seigneur ne lui eût dit : « Voilà que Je te livre tout ce qu’il possède. » Mais si au contraire, Dieu n’avait point ajouté : « seulement n’étends pas la main sur lui », Satan l’eût fait périr d’un seul coup avec ses enfants et tous ses biens. Et même Dieu a enchaîné tellement la puissance des démons que, sans sa permission, ils n’auraient pas pu passer dans ces pourceaux, dont il est question dans l’Évangile.

Mais pour mieux faire comprendre le sens et la portée de cette demande, nous avons à expliquer ce que l’on doit entendre par tentation, et par être induit en tentation.

§ IV. – Qu’est-ce qu’être tenté et induit en tentation

Tenter, c’est mettre quelqu’un à l’épreuve, pour tirer de lui ce que nous désirons savoir, et par là connaître la vérité. On ne peut pas dire que Dieu puisse tenter en ce sens, car, y-a-t-il quelque chose qu’il ignore ? ([17]) « Tout, dit l’Apôtre, est à nu et à découvert devant ses yeux. »

Il y a une autre manière de tenter qui va beaucoup plus avant, c’est de mettre quelqu’un à l’épreuve, soit en vue du bien, soit en vue du mal.

On tente un homme en vue du bien, lorsqu’on l’éprouve dans le but de constater et de manifester sa vertu, afin de la récompenser ensuite par des avantages et des honneurs, de proposer son exemple à imiter aux autres et par suite d’engager tout le monde à louer et à bénir le Seigneur.

Cette manière de tenter est la seule qui convienne à Dieu. Et nous en trouvons un exemple dans le Deutéronome ; ([18]) « Le Seigneur votre Dieu vous tente, dit Moïse aux Hébreux, pour qu’il apparaisse visiblement si vous l’aimez. » On dit encore que Dieu tente les siens, lorsqu’il les accable par la pauvreté, la maladie et autres calamités de ce genre. Mais il n’agit ainsi envers eux que pour éprouver leur patience, et afin qu’ils deviennent pour les autres des modèles de vertu chrétienne. C’est ainsi que nous voyons Abraham tenté par Dieu, lorsqu’il reçoit de lui l’ordre d’immoler son propre fils. Mais cet acte d’obéissance fait de lui un exemple immortel de soumission et de patience.

C’est dans le même sens qu’il est dit de Tobie dans nos Saints Livres : ([19]) « Parce que vous étiez agréable à Dieu, il était nécessaire que la tentation vînt vous éprouver. »

On tente les hommes en vue du mal, lorsqu’on les éprouve pour les pousser au péché ou à leur perte. Il appartient au démon de nous tenter de la sorte ; car il ne s’adresse à nous que pour nous perdre et nous jeter dans le précipice. Aussi l’Écriture Sainte l’appelle-t-elle d’un seul mot : le tentateur.

Tantôt il excite en nous les désirs et les mouvements déréglés de nos passions et de nos affections mauvaises ; tantôt, il nous attaque par le dehors, et se sert des choses extérieures pour nous enorgueillir, si elles sont heureuses, ou nous abattre, si elles sont malheureuses. D’autres fois il a pour agents et émissaires des hommes pervertis, et surtout des hérétiques, qui sont assis dans la chaire de pestilence, et répandent le poison mortel de leurs doctrines malsaines pour perdre entièrement les hommes qui ne font aucun choix et aucune différence entre le vice et la vertu, et qui de leur naturel ne sont déjà que trop enclins au mal et toujours prêts à succomber.

Être induit en tentation, c’est succomber à la tentation. Or nous y sommes induits en deux manières, premièrement lorsque, renversés par le choc, nous tombons dans le mal où veut nous jeter notre tentateur. En ce sens Dieu ne tente et n’a jamais tenté personne, car il n’est l’auteur du péché pour personne : au contraire, ([20]) « Il déteste tous ceux qui commettent l’iniquité. »

Aussi bien, dit l’Apôtre S. Jacques, ([21]) « que personne ne dise, quand il est tenté, que c’est Dieu qui le tente ; car Dieu n’est point tentateur pour le mal. »

On dit en second lieu que nous sommes induits en tentation par quelqu’un qui, sans nous tenter lui-même, sans même contribuer à nous tenter, passe cependant pour nous éprouver réellement parce qu’il n’empêche ni la tentation, ni la victoire de la tentation sur nous, bien qu’il le puisse. C’est de cette manière que Dieu permet que les bons et les justes soient tentés ; mais alors il les soutient de sa grâce et ne les abandonne point. Quelquefois aussi, par un secret et juste jugement, si nos crimes le demandent, il nous abandonne à nous-mêmes, et nous succombons.

On dit encore que Dieu nous induit en tentation, lorsque nous abusons pour notre malheur des bienfaits qu’il nous avait accordés en vue de notre salut, et qu’à l’exemple de l’enfant prodigue nous dissipons l’héritage de notre Père en vivant dans la luxure, et en esclaves de toutes nos passions. C’est alors que nous pouvons nous appliquer ce que l’Apôtre disait de la Loi de Dieu : ([22]) « Il est arrivé que le commandement qui devait servir à nous donner la vie, a servi à nous donner la mort. »

Jérusalem en est pour nous un exemple bien frappant. Au témoignage d’Ézéchiel, Dieu l’avait enrichie et parée de tous les genres d’ornements, et il lui disait par la bouche de son Prophète : ([23]) « Vous étiez parfaitement belle, de cette beauté que moi-même Je vous avais donnée. » Et cependant cette ville comblée de tous les bienfaits divins, bien loin de rendre grâces à Dieu des faveurs qu’elle en avait reçues, bien loin d’employer tous ces dons pour acquérir le bonheur du ciel, cette ville par une horrible ingratitude envers son Père et son Dieu, repousse l’espérance et même la pensée du bonheur éternel, et ne songe, dans l’abondance des biens terrestres, qu’à s’abandonner au plaisir et à la débauche ! Mais il faut lire tout le passage dans Ézéchiel.

Ceux-là ressemblent à cette ville ingrate qui, pour offenser Dieu, se servent précisément des moyens si nombreux qu’il leur avait donnés de faire le bien.

Mais il est un usage de la Sainte Écriture qu’il faut signaler avec soin. Pour exprimer ce qui n’est qu’une permission de la part de Dieu, elle emploie quelquefois des termes qui, pris à la lettre, désigneraient une action. Ainsi il est dit dans l’Exode ([24]) : « J’endurcirai le cœur de Pharaon », dans Isaïe ([25]) : « Aveuglez l’esprit de ce peuple », dans l’Épître aux Romains ([26]) : « Dieu les a livrés aux passions ignominieuses et à leur sens réprouvé. » Dans ces passages, et dans les autres semblables, il ne s’agit point d’une action positive de Dieu, mais d’une simple permission.

Ceci bien compris, il ne sera point difficile de savoir ce que nous devons demander à Dieu dans cette sixième partie de l’Oraison Dominicale.

§ V. – Que demande-t-on à Dieu par ces paroles :
« Ne nous induisez point en tentation » ?

Nous ne demandons point de n’être jamais tentés. Car la vie de l’homme sur la terre n’est qu’une tentation. Et il nous est utile et avantageux qu’il en soit ainsi. C’est dans la tentation en effet que nous nous connaissons nous-mêmes, c’est-à-dire nos propres forces. C’est dans la tentation par conséquent que nous nous humilions sous la main puissante de Dieu, et que, combattant généreusement, nous méritons la couronne de gloire qui ne se flétrira jamais. Car, dit S. Paul ([27]), « celui qui combat dans la carrière ne sera couronné qu’après avoir légitimement combattu. » S. Jacques dit à son tour : ([28]) « Bienheureux l’homme qui souffre la tentation, parce qu’après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui L’aiment. » Que si parfois la tentation de l’ennemi est trop pressante, nous penserons, pour soutenir notre courage, que ([29]) « nous avons pour nous aider un Pontife qui peut compatir à nos infirmités, ayant été Lui-même tenté et éprouvé en toutes choses. »

Que demandons-nous donc ici ? Nous demandons d’être toujours assistés par le secours divin, afin de ne pas consentir à la tentation en nous laissant séduire par elle, et de n’y point céder non plus par faiblesse. Et si nos forces venaient à nous manquer, nous demandons que la grâce de Dieu soit toujours avec nous pour les réparer et les ranimer immédiatement.

C’est pourquoi nous devons implorer le secours de Dieu d’une manière générale dans toutes les tentations, et quand l’une d’elles nous tourmente davantage, recourir contre elle à la prière, et d’une manière très expresse. C’est ce que pratiquait David dans presque toutes ses tentations. Ainsi contre le mensonge, il disait : ([30]) « N’ôtez point de ma bouche la parole de vérité » contre l’avarice : ([31]) « Inclinez mon cœur vers vos préceptes et non vers l’avarice. » Contre les futilités de la vie et l’attrait des passions ([32]) « Détournez mes yeux pour qu’ils ne voient point la vanité. » En somme nous demandons de ne pas obéir à nos passions, de ne pas nous lasser de résister aux tentations, de ne pas nous écarter de la voie du Seigneur, de conserver l’égalité d’âme et la constance dans les succès et dans les malheurs, de n’être jamais, en aucune manière, privés de la protection de Dieu.

Nous le prions enfin d’abattre Satan sous nos pieds.

§ VI. – Motifs et moyens de résister au démon

Le Pasteur n’a plus maintenant qu’à exhorter les fidèles aux pensées et aux considérations qui doivent principalement accompagner cette demande.

Dans cette ordre d’idées, rien de plus avantageux d’abord que de bien se pénétrer de la grande faiblesse de l’humanité, de nous défier de nos forces et de mettre en Dieu seul et en sa bonté l’espérance de notre salut. Si nous avons la sagesse de nous appuyer sur lui, nous ferons preuve, même au milieu des plus grands périls, d’un courage d’autant plus invincible que nous pourrons nous rappeler alors combien avant nous, avec le même courage et la même confiance que nous, ont été retirés par Dieu lui-même – il faut dire le mot – de la gueule béante de Satan. N’avons-nous pas vu Joseph en butte à la passion insensée d’une femme, arraché par Dieu à ce pressant péril, et élevé par lui au faîte de la gloire ? N’avons-nous pas vu Suzanne, victime innocente de véritables suppôts de l’enfer, sur le point de périr d’une mort infâme, ne l’avons-nous pas vue, rendue par lui à la vie et à l’honneur ? Sans doute, il devait en être ainsi, car son cœur était plein de confiance dans le Seigneur. C’est aussi la gloire immortelle du saint homme Job d’avoir triomphé du monde, de la chair et du démon. Il est encore une foule d’autres exemples de ce genre dont le Pasteur saura se servir pour inspirer aux fidèles cet espoir et cette confiance.

Il importe également de ne jamais perdre de vue le Chef que nous devons suivre dans ce combat acharné contre les tentations, c’est-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ qui nous a montré comment on remporte la victoire.

C’est qu’en effet il a vaincu le démon. Il est « cet homme plus fort qui survient, qui terrasse le fort armé et qui lui arrache ses armes et ses dépouilles » ([33]). Voici ce que dit S. Jean de la victoire qu’il a remportée sur le monde : ([34]) « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde. » Et dans l’Apocalypse, il est appelé le lion vainqueur qui est sorti victorieux pour vaincre encore ([35]), parce que dans sa victoire il a acquis à ses partisans le pouvoir de vaincre à leur tour.

L’Épître de S. Paul aux Hébreux est toute pleine des victoires des saints qui par la foi ont vaincu les royaumes, qui ont fermé la gueule des lions, etc. ([36]).

Ces victoires que nous raconte l’histoire, doivent nous faire penser à celles que les hommes remplis de foi, d’espérance et de charité, remportent tous les jours dans ces combats intérieurs et extérieurs que leur livre le démon. Victoires si nombreuses et si belles que si nous pouvions les contempler de nos yeux, nous ne pourrions rien voir en même temps de plus fréquent et de plus glorieux. C’est en parlant de ces sortes d’ennemis et de leur honteuse défaite que l’Apôtre S. Jean a dit : ([37]) « Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes très forts, parce que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu l’esprit malin. »

Or ce n’est ni par l’oisiveté, le sommeil, le vin, la bonne chère, les plaisirs que l’on triomphe de Satan, mais par la prière, le travail, les veilles, la tempérance et la vertu de pureté. ([38]) « Veillez et priez, est-il dit, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, afin de ne point entrer en tentation. »

Employons ces armes pour combattre, et nous mettrons nos ennemis en fuite. Car ([39]) « ceux qui résistent au démon, le verront fuir devant eux ».

Cependant, à la vue de ces magnifiques triomphes des saints, prenons garde de nous complaire en nous-mêmes. Que nul d’entre nous ne soit assez présomptueux pour s’imaginer qu’avec ses seules forces il sera en mesure de résister aux tentations et aux attaques de l’ennemi. Non, ces succès-là ne sont point le fait de notre nature ni de l’humaine faiblesse ; les forces avec lesquelles nous terrassons les satellites de Satan, c’est Dieu qui nous les donne, Dieu qui fait de nos bras comme autant d’arcs d’airain ; qui, dans sa Bonté, brise l’arc des forts, et revêt de force les faibles ; qui prend notre salut sous sa protection ; dont la droite nous soutient ; qui forme nos bras aux combats et nos mains à la guerre. ([40])

C’est donc à Dieu seul que nous devons rendre grâces pour nos victoires, car c’est par lui seul, et avec son secours, que nous pouvons vaincre. S. Paul n’y manque pas : ([41]) « grâces soient rendues à Dieu, dit-il, qui nous a donné la victoire par Jésus-Christ Notre-Seigneur ! » Après lui, la voix céleste de l’Apocalypse célèbre à son tour le triomphe de notre Dieu : ([42]) « Voici le temps du salut, de la Puissance et du Règne de notre Dieu, et de la Puissance de son Christ, parce que l’accusateur de nos frères a été précipité, et qu’ils l’ont vaincu par le Sang de l’Agneau. » Remarquons encore un passage du même Livre qui atteste la victoire que Jésus-Christ a remportée sur la chair et sur le monde : ([43]) « Ceux-ci combattront contre l’Agneau, mais l’Agneau les vaincra. »

Mais c’est assez sur les motifs et les moyens de vaincre le tentateur.

Après ces explications, les Pasteurs ne manqueront pas de montrer aux fidèles les couronnes que Dieu prépare aux vainqueurs et les récompenses infinies qu’il leur réserve dans l’éternité.

Ce même livre de l’Apocalypse leur en fournira les preuves. ([44]) « Celui qui sera victorieux, y est-il dit, ne sera point frappé de la seconde mort ; et ailleurs : Celui qui sera victorieux, sera ainsi vêtu de blanc, et Je n’effacerai point son nom du Livre de vie, et Je confesserai son nom devant mon Père et devant ses Anges. » Puis un peu après, Jésus-Christ notre Dieu, Notre-Seigneur lui-même, s’adresse en ces termes à S. Jean : ([45]) « Celui qui sera victorieux, J’en ferai une colonne dans le Temple de mon Dieu, et il n’en sortira plus » puis encore : ([46]) « Celui qui sera victorieux, Je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme j’ai vaincu moi-même et Me suis assis avec mon Père sur son trône.. » Enfin, après avoir fait le tableau de la gloire des saints et de l’immensité de ces biens éternels dont ils jouiront dans le ciel, il ajoute « Celui qui vaincra possédera ces choses. »


[1] – II Pet., 2, 21.
[2] – Jac., 1, 13.
[3] – Rom., 1, 26.
[4] – Hebr., 11.
[5] – Matt., 26, 41.
[6] – II Pet., 2, 21.
[7] – Joan., 13, 10,
[8] – Matth., 26, 41.
[9] – Matth., 26, 35.
[10] – Eph., 6, 1.2.
[11] – Is., 14, 13.
[12] – Luc., 22, 31.
[13] – I Pet., 5, 8.
[14] – Marc., 5, 9. Luc., 8, 30.
[15] – Matth., 12, 45.
[16] – Cor., 10, 13.
[17] – Heb., 4, 13.
[18] – Deut., 13, 3.
[19] – Tob., 12, 13.
[20] – Ps., 5, 7.
[21] – Jac., 1, 13.
[22] – Rom., 7, 10.
[23] – Ezech., 16, 14.
[24] – Exod., 7, 3.
[25] – Is., 6, 10.
[26] – Rom., 1, 26.
[27] – Tim., 2, 5.
[28] – Jac., 1, 12,
[29] – Heb., 4, 15.
[30] – Ps., 118, 43.
[31] – Ps., 118, 36.
[32] – Ps., 118, – 37.
[33] – Luc., 11, 22.
[34] – Joan., 16, 33,
[35] – Apoc., 5, 2.
[36] – Hebr., 11.
[37] – I Joan., 2, 14.
[38] – Matt., 26, 41.
[39] – Jac., 4, 7.
[40] – I Reg., 2, 4. Ps., 17, 35.
[41] – I Cor., 15, 57.
[42] – Apoc., 12, 10.
[43] – Apoc., 17, 14.
[44] – Apoc., 3, 5.
[45] – Apoc., 3, 12.
[46] – Apoc., 3, 21.