Salariés suspendus pour avoir refusé d’être vaccinés contre le COVID19 : deux Conseils de Prud’hommes ordonnent leur réintégration

Extraits :

« le Conseil comprend la volonté de Madame X. de ne prendre aucun risque en refusant l’obligation vaccinale » Conseil de Prud’hommes d’Alençon

« le Conseil relève (…) les récents propos avouant que le but n’était que d’importuner les non-vaccinés » Conseil de Prud’hommes de Colmar

Remarques par M. l’abbé Pivert, maître en droit. Il ne s’agit ici que d’ordonnances de référé, c’est-à-dire qui ne règlent que l’urgence et ne préjugent pas au fond. En outre, deux hirondelles ne font pas le printemps, et deux conseils de prud’hommes ne font pas le poids face aux faucons mondialistes.

Source : Eric ROCHEBLAVE – Avocat Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale PORTRAIT D’UN SPECIALISTE

Ordonnance de Référé du Conseil de Prud’hommes d’Alençon du 1er mars 2022 RG R 21/00010

Madame X. était employée en qualité d’infirmière d’état dans un EPHAD.

La loi du 5 août 2021 a instauré l’obligation vaccinale contre le COVID-19 pour les salariés des établissements sanitaires et hospitaliers, avec comme conséquence, s’ils ne s’y soumettaient pas, la suspension du contrat de travail. Autre conséquence résultant de la première, le salaire n’était plus versé.

Le 7 septembre 2021, l’employeur de Madame X. lui a remis en main propre une lettre lui rappelant les obligations concernant la vaccination.

Le 20 septembre 2021, l’employeur a remis une lettre en main propre informant Madame X. de la suspension de son contrat de travail.

Le 4 octobre 2021, l’employeur a confirmé sa suspension à Madame X.

L’article L1331-1 du Code du Travail dispose :                                                            

« Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

L’article L1331-2 du Code du Travail dispose :

« Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ».

Pour le Conseil de Prud’hommes d’Alençon, « Madame X. À été suspendue sans salaire à compter du 16 septembre 2021, l’article· L1331-1 du Code du Travail définit cette suspension comme une sanction puisque cette mesure affecte la présence et la rémunération de la salariée alors qu’aucune faute lui est reprochée. En effet à aucun moment il n’est fait mention de sanction dans la correspondance de courriers recommandés, notamment pas en objet des dits courriers. L’article L1331-2 du Code du Travail interdit toute sanction pécuniaire, c’est pourtant ce que doit subir Madame X. par la décision de son employeur. Il sera de plus noté qu’à aucun moment le délai de suspension n’a été précisé, comme si l’employeur lui imposait un Contrat à Durée Indéterminé de suspension.

Au regard de ces textes il apparaît que l’employeur en suspendant Madame X. n’obéit pas à la législation en appliquant une sanction pécuniaire sans que la salariée ait commis de faute. La suspension du contrat de travail et de la rémunération sont irrégulières et portent atteinte aux droits des travailleurs énoncés par les Conventions Internationales signées par la France. De même si le contrat de travail soumet la salariée à une obligation de travailler, de son côté l’employeur a l’obligation de donner du travail à la salariée, ce qui lui ouvre un droit à rémunération. Principe régulièrement confirmé par la jurisprudence et que rappelle les pièces versées au dossier (10 à 14 du demandeur). La salariée restée à la disposition de l’employeur a droit à son salaire peu importe que ce dernier ne lui fournisse pas de travail.

Il en résulte clairement que la suspension de Madame X. s’est transformée en une sanction illicite sans terme. Le Conseil déclare que l’employeur est tenu de verser les salaires à Madame X. depuis la suspension de son contrat, le 16 septembre 2021.

En outre, sur le refus de Madame X. de se soumettre à une injection en phase d’essai clinique par l’’Agence Européenne du médicament n’a délivré qu’une Autorisation de Mise sur le Marché conditionnelle répondant en cela aux dispositions du règlement 536/2014 du parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014. Cela rend nécessaire que des études complémentaires soient menées en cours d’utilisation et de commercialisation du traitement sur son efficacité et son innocuité. Le refus de Madame X. s’appuie autant sur le droit résultant de l’Union Européenne que sur la Convention d’Oviedo (article 26 al. 2) lesquels imposent un consentement libre et éclairé des personnes pour l’administration de tout médicament à usage humain en phase d’essai clinique. La législation européenne autorise Madame X. à refuser la prise d’un traitement dans la mesure où, à ce stade, ils doivent être considérés comme des médicaments expérimentaux. Lors de l’audience, à l’écoute de l’histoire personnelle de Madame X. face à l’épreuve de santé qu’elle a dû traverser, constatant qu’elle constitue le seul soutien familial pour sa fille, le Conseil comprend la volonté de Madame X. de ne prendre aucun risque en refusant l’obligation vaccinale d’autant que la législation relative aux droits fondamentaux des travailleurs reconnus par les conventions internationales lui permet de justifier cette décision. De plus, lors de l’audience, Madame X. fera remarquer qu’avec le recul, (4 mois et demi après la mise en place de l’obligation vaccinale) les faits démontrent que la « vaccination » n’empêche ni la contamination c’est à dire la transmission du virus, ni le développement de la maladie des personnes « vaccinées ».

Lors de l’audience, l’employeur a mis en avant le fait que la Cour de Cassation ait refusé de transmettre deux QPC au Conseil Constitutionnel sur l’obligation vaccinale. La Cour de cassation produit 2 arguments : d’une part, la question ne précise pas à quels droits et libertés garantis par la Constitution la disposition législative critiquée porte atteinte. D’autre part, le grief tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative avec les engagements internationaux de la France ne constitue pas un grief d’inconstitutionnalité. Le Conseil des référés d’Alençon ne peut retenir que l’absence de précisions dans l’énoncé de la question relative à la décision en date du 26 janvier 2022 puisse s’opposer à la conviction que s’est forgé ce conseil. Le deuxième argument relatif au défaut de compatibilité d’une disposition législative avec les engagements internationaux de la France ne constitue pas un grief d’inconstitutionnalité, certes, mais il n’interdit pas au Conseil de prendre des décisions en s’appuyant sur les conventions internationales. C’est ce que décide le Conseil en la présente.

Le Conseil décide de mettre fin au trouble manifestement illicite et au dommage en découlant, ordonne la réintégration de Madame X. et le règlement des salaires afférents à la période de suspension et la reprise du versement des salaires à suivre.

Le Conseil condamne l’employeur à verser à Madame X. le montant de 13 412,48 € pour mémoire à titre de provision correspondant aux salaires non versés depuis sa suspension le 16 septembre 2021 à la date du jugement. »

Ordonnance de Référé du Conseil de Prud’hommes de Colmar du 16 février 2022 RG R 22/00001

Madame Y. était employée en qualité de comptable dans un EPHAD.

Dans le cadre de la crise sanitaire, la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 a instauré notamment une obligation vaccinale, cette obligation étant assortie d’une période transitoire jusqu’au 15 octobre 2021.

N’envisageant pas de se faire vacciner, Madame Y. sollicitait une rupture conventionnelle qui lui a été refusée.

Le 10 novembre 2021, son employeur lui notifiait sa suspension le temps de se mettre en conformité avec les prescriptions sanitaires.

Madame Y. a exposé les raisons pour lesquelles elle ne souhaite pas se faire administrer un vaccin encore en phase expérimentale. Elle a indiqué avoir été prête à financer régulièrement des tests PCR à la place et rappelle que son poste de comptable pouvait s’exercer sans contact avec la clientèle (son bureau étant à part et disposant d’un accès propre) voire pouvait faire l’objet de télétravail. Elle contestait donc l’application de cette loi du 5 août 2021 en rappelant certaines réserves émises par le Conseil Constitutionnel ainsi que certains textes européens ou de {‘OIT.

Elle sollicitait donc l’annulation de sa suspension, la reprise du paiement de ses salaires, la régularisation de ses salaires de novembre et décembre 2021 ainsi que le paiement ( demande non chiffrée) de sa prime de décentralisation.

L’employeur pour sa part expliquait s’être simplement conformée à la loi précitée qui l’oblige, sous peine de sanctions lourdes, de contrôler le statut vaccinal de ses salariés.

La loi du 5 août 2021 est entrée régulièrement en vigueur, que le Conseil Constitutionnel (sur la même ligne que le Conseil d’État) l’a validée en soulignant que les atteintes aux libertés fondamentales se justifiaient par l’existence d’une proportionnalité avec les finalités recherchées.

Le Conseil de Prud’hommes de Colmar a jugé « qu’il n’appartient pas au Conseil de Prud’hommes d’apprécier si le Conseil Constitutionnel a ou non été dupé par le gouvernement qui a finalement avoué ultérieurement ses buts réellement recherchés (à savoir contraindre la population à se vacciner et non simplement lutter contre la propagation de l’épidémie de la COVID 19).

Cependant le gouvernement n’a pas abrogé les dispositions législatives contraires à cette nouvelle politique ainsi que le prévoit l’article 3 de la convention OIT n° 111, ainsi que d’autres lois que celle du 5 août 2021 et d’au moins égale importance demeurent en vigueur et que le Conseil de Prud’hommes doit également en tenir compte,

En appliquant les dispositions de la loi du 5 aout 2021 et de son décret d’application l’employeur a méconnu les dispositions des article L1121-1 et L1132-1 du Code du travail, de l’article 9 du Règlement UE 2016/679 du Parlement Européen (RGPD) (qui interdit à un employeur de collecter des données sur l’état de santé de ses salariés) et du secret médical prévu par les dispositions du Code de la Santé publique (pour d’autres vaccins rendus valablement obligatoires, le contrôle ne s’opère pas par l’employeur mais par la médecine du travail).

Le Conseil relève que bien que le vaccin soit incontestablement efficace pour limiter les formes graves de la maladie, il s’avère moins utile (mais non inutile, juste une efficacité moindre) contre la propagation de l’épidémie ainsi que l’actualité nous l’a malheureusement démontré ces deux derniers mois, or l’obligation vaccinale prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021 n’avait pour seule finalité selon le gouvernement que de lutter contre cette propagation, nonobstant les récents propos avouant que le but n’était que d’importuner les non-vaccinés.

Dès lors que les conditions permettant aux dispositions de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme ne semblent pas réunies faute de proportionnalité recherchée, étant précisé que la jurisprudence des juridictions Européennes n’a pour l’heure statué que sur des questions procédurales et non de fonds en ce qui concerne l’obligation vaccinale de travailleurs dans le cadre de l’épidémie de la COVID19, l’arrêt 11°47621/13 de la CESDH du 8 avril 2021 concernant un cas d’espèce sur la vaccination obligatoire d’enfants pour des maladies mieux connues que la COVID19 et pour lesquelles la société dispose d’un consensus scientifique sans les mêmes polémiques que pour la COVID19. Cet arrêt n’est donc pas transposable au cas d’espèce.

En effet que le Conseil ne retient pas la proportionnalité de la mesure de suspension avec les conditions du cas d’espèce.

Pour prendre cette décision le Conseil relève que Madame X. occupe un emploi administratif dans un bureau disposant d’un accès propre, que la défenderesse pouvait prendre toute mesure destinée à éviter que la salariée ne croise plus des résidents dans les couloirs et surtout n’a pas étudié ou voulu mettre en place le télétravail pour cette salariée ce qui à l’évidence aurait satisfait aux prescriptions de la loi du 5 août 2021 tout en respectant les convictions personnelles de Madame X quant à la vaccination, nonobstant le non-respect du délai 5 jours entre la suspension et l’entretien prévu.

Le Conseil relève l’imperfection de la loi du 5 août 2021 qui requiert la suspension de son contrat de travail tout en lui permettant d’exercer son mandat de représentante du personnel bien qu’elle n’ait pas décidé d’user de cette faculté. Ainsi, le Conseil ne comprend pas en quoi travailler seule dans son bureau aurait été plus dangereux sur le plan sanitaire que de se rendre dans une réunion du CSE côtoyant d’autres collègues et pouvant les croiser dans les couloirs.

Enfin Il est utile de rappeler l’ordonnance n°2 107952 du 22 octobre 2021 rendue par le Tribunal administratif de Lyon faisant droit aux demandes de salariés suspendus par les effets de la loi du 5 août 2021 et qui bien qu’exerçant au CHU de Saint-Etienne étaient affectés en cuisine, d’où une similitude avec le cas d’espèce.

Le Conseil retient donc l’existence d’un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin. »