Mgr Viganò : « Comment la révolution de Vatican II sert le nouvel ordre mondial »

par Mgr Carlo Maria Viganò,
Nonce Apostolique

Catholic Identity Conference
24 octobre 2020

« Suivez-moi, et laissez les morts enterrer leurs propres morts. »
Mt 8, 22

Plan

1. Nous vivons des temps extraordinaires
2. L’éclipse de la véritable Église
3. L’abandon de la dimension surnaturelle
4. Le sentiment d’infériorité et d’inadéquation
5. Communauté de sentiments entre la Révolution et le Concile
6. Le rôle instrumental des catholiques modérés dans la Révolution
7. « Société Ouverte » et« Religion Ouverte ».
8. Les fondements idéologiques de la « Fraternité »
9. La subversion de la relation individuelle et sociale avec Dieu
10. Cause et effet
11. Conclusion

Source
Traduit par nous.

1. Nous vivons des temps extraordinaires

Comme chacun d’entre nous l’a probablement compris, nous nous trouvons à un moment historique dans le temps ; les événements du passé, qui semblaient autrefois déconnectés, se révèlent aujourd’hui sans équivoque liés, tant dans les principes qui les inspirent que dans la fin qu’ils cherchent à accomplir. Un regard juste et objectif sur la situation actuelle ne peut s’empêcher de saisir la parfaite cohérence entre l’évolution du cadre politique mondial et le rôle que l’Église catholique a assumé dans l’établissement du Nouvel Ordre Mondial. Pour être plus précis, il convient de parler du rôle de cette majorité apparente dans l’Église, qui est en fait peu nombreuse mais extrêmement puissante, et que, par souci de concision, je résumerai comme l’Église profonde.

Il est évident qu’il n’y a pas deux Églises, ce qui serait impossible, blasphématoire et hérétique. La seule véritable Église du Christ aujourd’hui n’a pas non plus échoué dans sa mission, en se pervertissant en une secte. L’Église du Christ n’a rien à voir avec ceux qui, depuis soixante ans, ont exécuté un plan pour l’occuper. Le chevauchement entre la Hiérarchie catholique et les membres de l’Église profonde n’est pas un fait théologique, mais plutôt une réalité historique qui défie les catégories habituelles et, en tant que telle, doit être analysée.

Nous savons que le projet du Nouvel Ordre Mondial consiste en l’établissement de la tyrannie par la Franc-maçonnerie : un projet qui remonte à la Révolution française, au Siècle des Lumières, à la fin des Monarchies Catholiques, et à la déclaration de guerre à l’Église. Nous pouvons dire que le Nouvel Ordre Mondial est l’antithèse de la société chrétienne, il serait la réalisation de la diabolique Cité du Diable opposée à la Cité de Dieu (S. Augustin) dans la lutte éternelle entre la Lumière et les Ténèbres, le Bien et le Mal, Dieu et Satan.

Dans cette lutte, la Providence a placé l’Église du Christ, et en particulier le Souverain Pontife, comme kathèkon, obstacle, – c’est-à-dire celui qui s’oppose à la manifestation du mystère de l’iniquité (2 Thess 2, 6-7). Et l’Écriture Sainte nous avertit qu’à la manifestation de l’Antéchrist, cet obstacle – le kathèkon – aura cessé d’exister. Il me semble tout à fait évident que la fin des temps approche maintenant sous nos yeux, puisque le mystère de l’iniquité s’est étendu à travers le monde avec la disparition de la courageuse opposition du kathèkon.

En ce qui concerne l’incompatibilité entre la Cité de Dieu et la Cité de Satan, le conseiller jésuite de François, Antonio Spadaro, met de côté l’Écriture Sainte et la Tradition, faisant sien le Bergoglien ‘embrassons-nous’. Selon le directeur de La Civiltà Cattolica, l’encyclique Fratelli Tutti

« reste également un message à forte valeur politique, car – pourrait-on dire – il bouleverse la logique de l’apocalypse qui prévaut aujourd’hui. C’est la logique fondamentaliste qui lutte contre le monde parce qu’elle croit qu’il est le contraire de Dieu, c’est-à-dire une idole qu’il faut détruire au plus vite pour accélérer la fin des temps. L’abîme de l’apocalypse, en fait, devant lequel il n’y a plus de frères : seulement des apostats ou des martyrs courant « contre » le temps. … Nous ne sommes pas des militants ou des apostats, mais tous des frères. »[1]

Cette stratégie de discrédit de l’interlocuteur par l’injure « intégriste » vise évidemment à faciliter l’action de l’ennemi au sein de l’Église, en cherchant à désarmer l’opposition et à décourager la dissidence. On la retrouve également dans la sphère civile, où les démocrates et l’État profond s’arrogent le droit de décider à qui accorder une légitimité politique et qui condamner sans appel à l’ostracisme des médias. La méthode est toujours la même, car celui qui inspire est le même. Tout comme la falsification de l’histoire et des sources, est toujours la même : si le passé désavoue le récit révolutionnaire, les partisans de la Révolution censurent le passé et remplacent le fait historique par un mythe. Même saint François est victime de cette falsification qui voudrait qu’il soit le porte-drapeau de la pauvreté et du pacifisme, aussi étrangers à l’esprit de l’orthodoxie catholique qu’ils sont instrumentalisés par l’idéologie dominante. La preuve en est le dernier recours frauduleux au Poverello d’Assise dans Fratelli Tutti pour justifier le dialogue, l’œcuménisme et la fraternité universelle de la Contre-Église bergolienne.

Ne commettons pas l’erreur de présenter les événements actuels comme « normaux », en jugeant ce qui se passe avec les paramètres juridiques, canoniques et sociologiques qu’une telle normalité supposerait. En des temps extraordinaires – et la crise actuelle de l’Église est effectivement extraordinaire – les événements dépassent l’ordinaire connu par nos pères. Dans les temps extraordinaires, nous pouvons entendre un pape tromper les fidèles ; voir des princes de l’Église accusés de crimes qui, en d’autres temps, auraient suscité l’horreur et auraient été sévèrement punis ; témoigner dans nos églises de rites liturgiques qui semblent avoir été inventés par l’esprit pervers de Cranmer ; voir des prélats faire entrer l’idole impure de la pachamama dans la basilique Saint-Pierre ; et entendre le Vicaire du Christ s’excuser auprès des adorateurs de ce simulacre lorsqu’un catholique ose le jeter dans le Tibre. En ces temps extraordinaires, nous entendons un conspirateur – le cardinal Godfried Danneels – nous dire que, depuis la mort de Jean-Paul II, la mafia de Saint-Gall complotait pour élire l’un des leurs à la chaire de Pierre, qui s’est avéré plus tard être Jorge Mario Bergoglio. Face à cette révélation déconcertante, on peut s’étonner que ni les cardinaux ni les évêques n’aient exprimé leur indignation ou demandé que la vérité soit mise en lumière.

La coexistence du bien et du mal, des saints et des damnés, dans le corps ecclésial, a toujours accompagné les événements terrestres de l’Église, à commencer par la trahison de Judas Iscariote. Et il est en effet significatif que la Contre-Église tente de réhabiliter Judas – et avec lui les pires hérésiarques – en tant que modèles exemplaires, « anti-saints » et « anti-martyrs » ; ils se légitiment ainsi dans leurs propres hérésies, immoralités et vices. La coexistence – je disais – du bien et du mal, dont l’Évangile parle dans la parabole du bon grain et de l’ivraie, semble avoir évolué vers la prédominance du second sur le premier. La différence est que le vice et les déviations autrefois méprisés sont aujourd’hui non seulement davantage pratiqués et tolérés, mais même encouragés et loués, tandis que la vertu et la fidélité à l’enseignement du Christ sont méprisées, bafouées et même condamnées.

2. L’éclipse de la véritable Église

Depuis soixante ans, nous avons assisté à l’éclipse de la véritable Église par une Contre-Église qui s’est progressivement approprié son nom, a occupé la Curie romaine et ses dicastères, diocèses et paroisses, séminaires et universités, couvents et monastères. La Contre-Église a usurpé son autorité, et ses ministres portent ses vêtements sacrés ; elle utilise son prestige et son pouvoir pour s’approprier ses trésors, ses biens et ses finances.

Comme dans la nature, cette éclipse n’a pas lieu d’un seul coup, elle passe de la lumière à l’obscurité lorsqu’un corps céleste s’insère entre le soleil et nous. Il s’agit d’un processus relativement lent mais inexorable, dans lequel la lune de la Contre-Église suit son orbite jusqu’à ce qu’elle se superpose au soleil, générant un cône d’ombre qui se projette sur la terre. Nous nous trouvons maintenant dans ce cône d’ombre doctrinal, moral, liturgique et disciplinaire. Ce n’est pas encore l’éclipse totale que nous verrons à la fin des temps, sous le règne de l’Antéchrist. Mais c’est une éclipse partielle, qui nous laisse voir la couronne lumineuse du soleil encerclant le disque noir de la lune.

Le processus qui a conduit à l’éclipse actuelle de l’Église a sans aucun doute commencé avec le modernisme. La Contre-Église a suivi son orbite malgré les condamnations solennelles du Magistère qui, dans cette phase, brillait de la splendeur de la Vérité. Mais avec le Concile Vatican II, l’obscurité de cette entité fallacieuse s’est abattue sur l’Église. Au début, elle n’en obscurcissait qu’une petite partie, mais l’obscurité s’est progressivement accrue. Quiconque pointait alors vers le soleil, en déduisant que la lune l’obscurcissait certainement, était accusé d’être un « prophète de malheur », avec ces formes de fanatisme et d’intempérance qui découlent de l’ignorance et des préjugés. Le cas de Mgr Marcel Lefebvre et de quelques autres prélats confirme, d’une part, la clairvoyance de ces bergers et, d’autre part, la réaction désordonnée de leurs adversaires qui, par crainte de perdre le pouvoir, ont utilisé toute leur autorité pour nier les preuves et ont gardé cachées leurs propres véritables intentions.

Pour poursuivre l’analogie, on peut dire que, dans le ciel de la Foi, une éclipse est un phénomène rare et extraordinaire. Mais nier que, pendant l’éclipse, l’obscurité se répand – simplement parce que cela ne se produit pas dans des conditions ordinaires – n’est pas un signe de foi dans l’indéfectibilité de l’Église, mais plutôt une négation obstinée de l’évidence, ou de la mauvaise foi. La Sainte Église, selon les promesses du Christ, ne sera jamais dominée par les portes de l’enfer, mais cela ne signifie pas qu’elle ne sera pas – ou n’est pas déjà – éclipsée par sa contrefaçon infernale, cette lune que, non par hasard, nous voyons sous les pieds de la Femme de l’Apocalypse : « Un grand signe apparut dans le ciel : une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles » (Ap 12, 1).

La lune se trouve sous les pieds de la Femme qui est au-dessus de toute mutabilité, au-dessus de toute corruption terrestre, au-dessus de la loi du destin et du royaume de l’esprit de ce monde. Et cela parce que cette Femme, qui est à la fois l’image de la Très Sainte Vierge Marie et de l’Église, est amicta sole, revêtue du Soleil de Justice qu’est le Christ, « exempte de tout pouvoir démoniaque, car elle participe au mystère de l’immuabilité du Christ » (Saint Ambroise). Elle reste intacte, sinon dans son royaume militant, du moins dans celui qui souffre au Purgatoire et dans celui qui triomphe au Paradis. Saint Jérôme, commentant les paroles de l’Écriture, nous rappelle que « les portes de l’enfer sont des péchés et des vices, en particulier les enseignements des hérétiques ». Nous savons donc que même la « synthèse de toutes les hérésies » représentée par le modernisme et sa version conciliaire actualisée, ne peut jamais obscurcir définitivement la splendeur de l’Épouse du Christ, mais seulement pour la brève période de l’éclipse que la Providence, dans son infinie sagesse, a permis, pour en tirer un plus grand bien.

3. L’abandon de la dimension surnaturelle

Dans cet exposé, je souhaite en particulier aborder la relation entre la révolution de Vatican II et l’établissement du Nouvel Ordre Mondial. L’élément central de cette analyse consiste à mettre en évidence l’abandon par la Hiérarchie ecclésiastique, même au sommet, de la dimension surnaturelle de l’Église et de son rôle eschatologique (pour la fin des temps). Avec le Concile, les innovateurs ont effacé l’origine divine de l’Église de leur horizon théologique, créant une entité d’origine humaine semblable à une organisation philanthropique. La première conséquence de cette subversion ontologique a été la nécessaire négation du fait que l’Épouse du Christ n’est pas, et ne peut pas être, sujette au changement par ceux qui exercent l’autorité par procuration au nom du Seigneur. Elle n’est pas la propriété du Pape, des évêques ou des théologiens et, en tant que telle, toute tentative d’« Aggiornamento », de mise à jour ou au goût du jour, la ravale au niveau d’une société qui, pour engranger des bénéfices, renouvelle sa propre offre commerciale, vend ses restes de stock et suit la mode du moment. L’Église, en revanche, est une réalité surnaturelle et divine : elle adapte sa façon de prêcher l’Évangile aux nations, mais elle ne peut jamais changer le contenu d’un seul iota (Mt 5, 18), ni nier son élan transcendant en s’abaissant à un simple service social. À l’opposé, la Contre-Église revendique fièrement le droit de procéder à un changement de paradigme (de modèle), non seulement en changeant la façon dont la doctrine est exposée, mais la doctrine elle-même. Ceci est confirmé par les mots de Massimo Fagggioli commentant la nouvelle Encyclique Fratelli Tutti :

« Le pontificat du pape François est comme un étendard élevé devant les intégristes catholiques et ceux qui mettent sur le même plan la continuité matérielle et la tradition : La doctrine catholique ne se contente pas de se développer. Parfois, elle change vraiment : par exemple sur la peine de mort, la guerre. »[2]

Il est inutile d’insister sur ce que le Magistère enseigne. La revendication effrontée des innovateurs d’avoir le droit de changer la Foi suit obstinément l’approche moderniste.

La première erreur du Concile consiste principalement dans l’absence d’une perspective transcendante – résultat d’une crise spirituelle déjà latente – et dans la tentative d’établir le paradis sur terre, avec un horizon humain stérile. Dans la ligne de cette approche, Fratelli tutti voit l’accomplissement d’une utopie terrestre et la rédemption sociale dans la fraternité humaine, la paix œcuménique entre les religions et l’accueil des migrants.

4. Le sentiment d’infériorité et d’inadéquation

Comme je l’ai écrit en d’autres occasions, les revendications révolutionnaires de la Nouvelle Théologie ont trouvé un terrain fertile chez les Pères du Concile en raison d’un grave complexe d’infériorité vis-à-vis du monde. Il fut un temps, dans l’après-guerre, où la révolution menée par la franc-maçonnerie dans les domaines civil, politique et culturel, a brisé l’élite catholique, la persuadant de son inadéquation face à un défi d’époque, désormais incontournable. Au lieu de s’interroger sur elle-même et sur sa foi, cette élite – évêques, théologiens, intellectuels – a imputé de manière irréfléchie la responsabilité de l’échec imminent de l’Église, à sa structure hiérarchique solide comme le roc, et à son enseignement doctrinal et moral monolithique. En regardant la défaite de la civilisation européenne, cette civilisation que l’Église avait contribué à former, l’élite pensait que le désaccord avec le monde était dû à l’intransigeance de la papauté et à la rigidité morale des prêtres qui ne voulaient ni s’accommoder de l’esprit du temps, ni « s’ouvrir ». Cette approche idéologique découle de la fausse hypothèse selon laquelle, entre l’Église et le monde contemporain, il peut y avoir une alliance, une consonance d’intention, une amitié. Rien n’est plus faux, car il ne peut y avoir de répit dans la lutte entre Dieu et Satan, entre la Lumière et les Ténèbres. « Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, et entre ta descendance et sa descendance ; elle t’écrasera la tête, et tu lui écraseras le talon » (Gn 3, 15). C’est une inimitié voulue par Dieu lui-même, qui place Marie très sainte – et l’Église – comme ennemis éternels de l’ancien serpent. Le monde a son propre prince (Jn 12, 31), qui est « l’ennemi » (Mt 13, 28), un « meurtrier dès le commencement » (Jn 8, 44) et un « menteur » (Jn 8, 44). Courtiser un pacte de non-belligérance avec le monde, c’est s’accommoder de Satan. Cela bouleverse et pervertit l’essence même de l’Église, dont la mission est de convertir le plus grand nombre d’âmes au Christ pour la plus grande gloire de Dieu, sans jamais déposer les armes contre ceux qui veulent les attirer à eux et à la damnation.

Le sentiment d’infériorité et d’échec de l’Église devant le monde a créé la « tempête parfaite » pour que la révolution prenne racine chez les Pères du Concile et par extension dans le peuple chrétien, dans lequel on avait cultivé l’obéissance à la Hiérarchie peut-être plus que la fidélité au dépôt de la foi. Permettez-moi d’être clair : l’obéissance aux Pasteurs sacrés est certainement louable si les commandements sont légitimes. Mais l’obéissance cesse d’être une vertu et, en fait, devient une servilité si elle est une fin en soi et si elle est en contradiction avec le but pour lequel elle est ordonnée, à savoir la Foi et la Morale. Il faut ajouter que ce sentiment d’infériorité a été introduit dans le corps ecclésial par des manifestations de grand théâtre, telles que la suppression de la tiare par Paul VI, le retour des étendards ottomans conquiss à Lépante, les embrassades œcuméniques affichées avec le schismatique Athénagore, les demandes de pardon pour les Croisades, l’abolition de l’Index, l’accent mis par le clergé sur les pauvres en place du prétendu triomphalisme de Pie XII. Le coup de grâce de cette attitude a été codifié dans la liturgie réformée, qui manifeste son embarras du dogme catholique en le réduisant au silence – et donc en le niant indirectement. Le changement rituel a engendré un changement doctrinal, qui a conduit les fidèles à croire que la Messe est un simple banquet fraternel et que la Très Sainte Eucharistie n’est qu’un symbole de la présence du Christ parmi nous.

5. Communauté de sentiments entre la Révolution et le Concile

Le sentiment d’inadéquation des Pères du Concile n’a été que renforcé par le travail des innovateurs, dont les idées hérétiques coïncidaient avec les exigences du monde. Une analyse comparative de la pensée moderne confirme l’idem sentire, la communauté de sentiment des conspirateurs avec chaque élément de l’idéologie révolutionnaire :

– l’acceptation du principe démocratique comme source de légitimation du pouvoir, en lieu et place du droit divin de la monarchie catholique (y compris la papauté) ;

– la création et l’accumulation d’organes de pouvoir, à la place de la responsabilité personnelle et de la hiérarchie institutionnelle ;

– l’effacement du passé historique, évalué avec les paramètres d’aujourd’hui, qui ne défendent pas la tradition et l’héritage culturel ;

– l’accent mis sur la liberté des individus et l’affaiblissement du concept de responsabilité et de devoir ;

– l’évolution continue de la morale et de l’éthique, ainsi privées de leur nature immuable et de toute référence transcendante ;

– la sécularisation présumée de l’État, en lieu et place de la soumission légitime de l’ordre civil à la royauté de Jésus-Christ et la supériorité ontologique de la mission de l’Église sur celle de la sphère temporelle ;

– l’égalité des religions non seulement devant l’État, mais même en tant que concept général auquel l’Église doit se conformer, contre la défense objective et nécessaire de la Vérité et la condamnation de l’erreur ;

– le concept faux et blasphématoire de la dignité de l’homme comme connaturel pour lui, basé sur la négation du péché originel et de la nécessité de la Rédemption comme prémisse pour plaire à Dieu, mériter Sa Grâce et atteindre la béatitude éternelle ;

– l’affaiblissement du rôle de la femme, le mépris et le mépris du privilège de la maternité ;

– la primauté de la matière sur l’esprit ;

– la relation fidéiste avec la science[3], face à une critique impitoyable de la religion sur des bases scientifiques fausses.

Tous ces principes, propagés par les idéologues de la franc-maçonnerie et les partisans du Nouvel Ordre Mondial, coïncident avec les idées révolutionnaires du Concile :

– la démocratisation de l’Église a commencé avec Lumen Gentium et se réalise aujourd’hui dans la voie synodale bergoglienne ;

– la création et l’accumulation d’organes de pouvoir a été réalisée en déléguant les rôles décisionnels aux Conférences épiscopales, aux Synodes des évêques, aux Commissions, aux Conseils pastoraux, etc. ;

– le passé et les traditions glorieuses de l’Église sont jugés selon la mentalité moderne et condamnés afin de s’attirer les faveurs du monde moderne ;

– la « liberté des enfants de Dieu » théorisée par Vatican II a été établie indépendamment des devoirs moraux des individus qui, selon les contes de fées conciliaires, sont tous sauvés indépendamment de leurs dispositions intérieures et de l’état de leur âme ;

– l’obscurcissement des références morales pérennes a conduit à la révision de la doctrine sur la peine capitale ; et, avec Amoris Laetitia, l’admission des adultères publics aux Sacrements, fissurant l’édifice sacramentel ;

– l’adoption du concept de sécularisation a conduit à l’abolition d’une religion d’État dans les nations catholiques. Encouragé par le Saint-Siège et l’épiscopat, cela a conduit à une perte de l’identité religieuse et à la reconnaissance des ‘droits’ des sectes, ainsi qu’à l’approbation de normes qui violent la loi naturelle et divine ;

– la liberté religieuse théorisée dans Dignitatis Humanae est aujourd’hui portée à ses conséquences logiques et extrêmes avec la Déclaration d’Abou Dhabi et la dernière Encyclique Fratelli Tutti, rendant obsolète la mission salvatrice de l’Église et l’Incarnation elle-même ;

– les théories sur la dignité humaine dans la sphère catholique ont conduit à une confusion sur le rôle des laïcs par rapport au rôle ministériel du clergé et à un affaiblissement de la structure hiérarchique de l’Église. Alors que l’adhésion à l’idéologie féministe est un prélude à l’admission des femmes dans les Ordres sacrés ;

– une préoccupation démesurée pour les besoins temporels des pauvres, si typique de la gauche, a transformé l’Église en une sorte d’association de bienfaisance, limitant son activité à la seule sphère matérielle, presque au point d’abandonner le spirituel ;

– L’asservissement à la science moderne et au progrès technologique a conduit l’Église à désavouer la « Reine de la Science » la Foi, à « démythifier » les miracles, à nier l’inerrance de la Sainte Écriture, à considérer les Mystères les plus sacrés de notre Sainte Religion comme des « mythes » ou des « métaphores », à insinuer de manière sacrilège que la Transsubstantiation et la Résurrection elle-même sont « magiques » et qu’il ne faut pas les prendre à la lettre, mais plutôt symboliquement, et déclarer que les sublimes dogmes mariaux sont des « tonterias », des non-sens.

Il y a un aspect presque grotesque à ce nivellement et à ce avilissement de la Hiérarchie pour se conformer à la pensée dominante. Le désir de la Hiérarchie de plaire à ses persécuteurs et de servir ses ennemis arrive toujours trop tard et est désynchronisé, donnant l’impression que les évêques sont irrémédiablement dépassés, voire pas du tout en phase avec leur époque. Ceux qui les voient s’attacher avec tant d’enthousiasme à leur propre extinction sont ainsi amenés à croire qu’une telle démonstration de soumission courtisane au politiquement correct ne vient pas tant d’une véritable conviction idéologique, que de la peur d’être balayé, de perdre le pouvoir, et de ne plus avoir ce prestige que le monde leur accorde pourtant encore. Ils ne se rendent pas compte – ou ne veulent pas admettre – que le prestige et l’autorité dont ils sont les gardiens proviennent de l’autorité et du prestige de l’Église du Christ, et non de la misérable et pitoyable contrefaçon de celle-ci qu’ils ont façonnée.

Lorsque cette Contre-Église sera pleinement établie dans l’éclipse totale de l’Église catholique, l’autorité de ses dirigeants dépendra du degré d’assujettissement au Nouvel Ordre Mondial qui ne tolérera aucune divergence de son propre credo et appliquera impitoyablement ce dogmatisme, ce fanatisme et ce fondamentalisme que de nombreux prélats et intellectuels autoproclamés critiquent chez ceux qui restent fidèles au Magistère aujourd’hui. Ainsi, l’Église profonde pourra continuer à porter la marque « Église catholique », mais elle sera l’esclave de la pensée du Nouvel Ordre, rappelant les Juifs qui, après avoir renié la royauté du Christ devant Pilate, furent asservis à l’autorité civile de leur temps : « Nous n’avons pas d’autre roi que César » (Jn 19, 15). Aujourd’hui, César nous ordonne de fermer les églises, de porter un masque et de suspendre les célébrations sous le prétexte d’une pseudo-pandémie. Le régime communiste persécute les catholiques chinois, et le monde n’entend que le silence de Rome. Demain, un nouveau Titus mettra à sac le temple du Concile, transportant ses restes dans un musée, et la vengeance divine aux mains des païens aura été une fois de plus accomplie.

6. Le rôle instrumental des catholiques modérés dans la révolution

Certains pourraient dire que les Pères du Concile et les Papes qui présidèrent cette assemblée n’ont pas eu conscience des implications que leur approbation des documents de Vatican II aurait pour l’avenir de l’Église. Si tel était le cas – c’est-à-dire s’il y avait eu des regrets ultérieurs dans leur approbation hâtive de textes hérétiques ou proches de l’hérésie – il est difficile de comprendre pourquoi ils n’ont pas pu mettre fin immédiatement aux abus, corriger les erreurs, clarifier les malentendus et les omissions. Et surtout, il est incompréhensible que l’Autorité ecclésiastique ait été si impitoyable envers ceux qui défendaient la Vérité catholique et, en même temps, si terriblement accommodante envers les rebelles et les hérétiques. En tout cas, la responsabilité de la crise conciliaire doit être imputée à l’Autorité qui, même au milieu de mille appels à la collégialité et au pastoralisme, a jalousement gardé ses prérogatives, en les exerçant seulement dans une direction, c’est-à-dire contre le pusillus grex, le petit troupeau, et jamais contre les ennemis de Dieu et de l’Église. Les très rares exceptions, lorsqu’un théologien hérétique ou un religieux révolutionnaire a été censuré par le Saint-Office, n’offrent que la confirmation tragique d’une règle appliquée depuis des décennies ; sans compter que beaucoup d’entre eux, ces derniers temps, ont été réhabilités sans aucune abjuration de leurs erreurs et même promus à des postes institutionnels dans la Curie romaine ou les Athénées pontificaux.

Telle est la réalité, telle qu’elle ressort de mon analyse. Cependant, nous savons qu’en plus de l’aile progressiste du Concile et de l’aile catholique traditionnelle, il y a une partie de l’épiscopat, du clergé et du peuple qui tente de garder une distance égale entre à ce qu’elle considère comme deux extrêmes. Je parle des soi-disant « conservateurs », c’est-à-dire une partie centriste du corps ecclésial qui finit par « porter de l’eau » pour les révolutionnaires parce que, tout en rejetant leurs excès, elle partage les mêmes principes. L’erreur des « conservateurs » consiste à donner une connotation négative au traditionalisme et à le placer du côté opposé du progressisme. Leur médiocrité dorée (grâce aux médias) consiste à se placer arbitrairement non pas entre deux vices, mais entre la vertu et le vice. Ce sont eux qui critiquent les excès de la pachamama ou des déclarations les plus extrêmes de Bergoglio, mais qui ne tolèrent pas que le Concile soit remis en question, sans parler du lien intrinsèque entre le cancer conciliaire et les métastases actuelles. La corrélation entre le conservatisme politique et le conservatisme religieux consiste à adopter le « centre », synthèse entre la thèse « droite » et l’antithèse « gauche », selon l’approche hégélienne si chère aux partisans modérés du Concile.

Dans la sphère civile, l’État profond a géré la dissidence politique et sociale en utilisant des organisations et des mouvements qui ne sont qu’une opposition apparente, mais qui sont en fait des instruments de maintien du pouvoir. De même, dans la sphère ecclésiale, l’Église profonde utilise les « conservateurs » modérés pour donner l’apparence d’offrir la liberté aux fidèles. Le Motu Proprio Summorum Pontificum lui-même, par exemple, tout en accordant la célébration sous la forme extraordinaire, exige au moins implicitement que nous acceptions le Concile et reconnaissions la légalité de la liturgie réformée. Ce stratagème empêche ceux qui bénéficient du Motu Proprio de soulever une quelconque objection, sous peine de voir les communautés Ecclesia Dei se dissoudre. Et il inculque au peuple chrétien l’idée dangereuse qu’une bonne chose, pour avoir une légitimité dans l’Église et la société, doit nécessairement être accompagnée d’une mauvaise chose ou du moins d’une chose moins bonne. Cependant, seul un esprit malavisé chercherait à accorder des droits égaux au bien et au mal. Il importe peu que l’on soit personnellement en faveur du bien, lorsqu’on reconnaît la légitimité de ceux qui sont en faveur du mal. En ce sens, la « liberté de choisir » l’avortement, théorisée par les politiciens démocratiques, trouve son contrepoids dans la non moins aberrante « liberté religieuse » théorisée par le Concile, qui est aujourd’hui obstinément défendue par la Contre-Église. S’il n’est pas permis à un catholique de soutenir un homme politique qui défend le droit à l’avortement, il est encore moins permis d’approuver un prélat qui défend la « liberté » d’un individu de mettre en danger son âme immortelle en « choisissant » de rester dans le péché mortel. Ce n’est pas de la miséricorde, c’est un manquement flagrant au devoir spirituel devant Dieu afin de s’attirer les faveurs et l’approbation de l’homme.

7. « Société Ouverte » et« Religion Ouverte ».

Cette analyse ne serait guère complète sans un mot sur la néo-langue si populaire dans la sphère ecclésiastique. Le vocabulaire catholique traditionnel a été délibérément modifié, afin de changer le contenu qu’il exprime. Il en a été de même dans la liturgie et la prédication, où la clarté de l’exposé catholique a été remplacée par l’ambiguïté ou la négation implicite de la vérité dogmatique. Les exemples sont innombrables. Ce phénomène remonte également à Vatican II, qui a cherché à développer des versions « catholiques » des slogans du monde. Néanmoins, je voudrais souligner que toutes ces expressions qui sont empruntées aux lexiques laïques font également partie du néo-langage. Considérons l’insistance de Bergoglio sur l’« Église sortante », sur l’ouverture comme une valeur positive. De même, je cite maintenant Fratelli tutti :

« Un peuple vivant et dynamique, un peuple qui a un avenir, est un peuple constamment ouvert à une nouvelle synthèse par sa capacité à accueillir les différences » (Fratelli Tutti, 160).

« L’Église est une maison aux portes ouvertes » (ibid. 276).

« Nous voulons être une Église qui sert, qui quitte sa maison et sort de ses lieux de culte, qui sort de ses sacristies, pour accompagner la vie, pour soutenir l’espérance, pour être le signe de l’unité… pour construire des ponts, pour abattre des murs, pour semer des graines de réconciliation » (ibid.).

La similitude avec l’Open Society [Société Ouverte] recherchée par l’idéologie mondialiste de Soros est si frappante qu’elle constitue presque un contrepoint à l’Open Religion [Religion Ouverte].

Et cette Religion Ouverte est parfaitement en harmonie avec les intentions du mondialisme. Depuis les réunions politiques « pour un Nouvel Humanisme » bénies par les dirigeants de l’Église, jusqu’à la participation de l’intelligentsia progressiste à la propagande verte, tout cela poursuit la pensée dominante, dans la triste et grotesque tentative de plaire au monde. Le contraste avec les paroles de l’Apôtre est évident : « Est-ce que je cherche maintenant à gagner l’approbation des êtres humains, ou de Dieu ? Ou est-ce que j’essaie de plaire aux gens ? Si j’essayais encore de plaire aux gens, je ne serais pas un serviteur du Christ. » (Gal. 1 :10).

L’Église catholique vit sous le regard de Dieu ; elle existe pour sa gloire et pour le salut des âmes. La Contre-Église vit sous le regard du monde, se livrant à l’apothéose blasphématoire de l’homme et à la damnation des âmes. Lors de la dernière session du Concile œcuménique Vatican II, devant tous les Pères synodaux, ces paroles étonnantes de Paul VI ont résonné dans la Basilique du Vatican :

« La religion du Dieu qui s’est fait homme a rencontré la religion – car tel est le cas – de l’homme qui se fait Dieu. Et que s’est-il passé ? Y a-t-il eu un affrontement, une bataille, une condamnation ? Il aurait pu y en avoir une, mais il n’y en a pas eu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Un sentiment de sympathie sans limite a imprégné l’ensemble. L’attention de notre Concile a été absorbée par la découverte des besoins humains (et ces besoins augmentent proportionnellement à la grandeur que le fils de la terre grandit). Mais nous appelons ceux qui se disent humanistes modernes, et qui ont renoncé à la valeur transcendante des réalités les plus élevées, à accorder au moins une qualité au Concile et à reconnaître notre propre nouveau type d’humanisme : nous aussi, en fait, plus que tout autre, nous révérons l’humanité »[4].

Cette sympathie – au sens étymologique de συμπάϑεια, c’est-à-dire la participation au sentiment de l’autre – est la figure du Concile et de la nouvelle religion (pour telle qu’elle est) de la Contre-Église. Une Contre-Église née de l’union impure entre l’Église et le monde, entre la Jérusalem céleste et la Babylone infernale. Notez bien : la première fois qu’un Pontife a mentionné le « nouvel humanisme », c’était lors de la dernière session de Vatican II, et aujourd’hui nous le retrouvons répété comme un mantra par ceux qui le considèrent comme une expression parfaite et cohérente de l’esprit révolutionnaire du Concile.[5]

Toujours en vue de cette communion d’intention entre le Nouvel Ordre Mondial et la Contre-Église, il faut rappeler le Global Compact on Education (Alliance mondiale pour l’éducation), un projet conçu par Bergoglio « pour générer un changement à l’échelle planétaire, afin que l’éducation soit créatrice de fraternité, de paix et de justice. Ce processus de formation à la relation et à la culture de la rencontre, promu en collaboration avec les Nations Unies,[6] trouve également un espace et une valeur dans la « maison commune » avec toutes les créatures, puisque les hommes, tout comme ils sont formés à la logique de la communion et de la solidarité, travaillent déjà « à retrouver une harmonie sereine avec la création » et à configurer le monde comme « un espace de vraie fraternité » (Gaudium et Spes, 37).[7] « Comme on peut le constater, la référence idéologique est toujours et uniquement à Vatican II, car ce n’est qu’à partir de ce moment que la Contre-Église a mis l’homme à la place de Dieu, la créature à la place du Créateur.

Le « nouvel humanisme » a évidemment un cadre environnemental et écologique dans lequel se greffent à la fois l’encyclique Laudato Sì et la Théologie verte – « l’Église à visage amazonien » du Synode des évêques de 2019, avec son culte idolâtre de la pachamama (terre mère) en présence du Sanhédrin romain. L’attitude de l’Église pendant la Covid-19 a démontré, d’une part, la soumission de la hiérarchie aux diktats de l’État, en violation de la Libertas Ecclesiae, liberté de l’Église, que le pape aurait dû défendre fermement. D’autre part, elle a mis en évidence la négation de toute signification surnaturelle de la pandémie, en remplaçant la juste colère de Dieu, offensé par les innombrables péchés de l’humanité et des nations, par une fureur plus inquiétante et destructrice de la Nature, offensée par le manque de respect de l’environnement. Je voudrais souligner que l’attribution d’une identité personnelle à la Nature, presque dotée d’intellect et de volonté, est un prélude à sa divinisation. Nous avons déjà vu un prélude sacrilège à cela, sous le dôme même de la basilique Saint-Pierre.

L’essentiel est le suivant : la conformité de la Contre-Église à l’idéologie dominante du monde moderne établit une véritable coopération avec les puissants représentants de l’État profond, à commencer par ceux qui œuvrent pour une « économie durable » impliquant Jorge Mario Bergoglio, Bill Gates, Jeffrey Sachs, John Elkann, Gunter Pauli.[8]

Il sera utile de rappeler que l’économie durable a également des implications pour l’agriculture et le monde du travail en général. L’État profond a besoin d’assurer une main-d’œuvre à bas prix par l’immigration, qui contribue en même temps à l’annulation de l’identité religieuse, culturelle et linguistique des nations concernées. L’Église profonde donne une base idéologique et pseudo-théologique à ce plan d’invasion et garantit en même temps une part du commerce lucratif de l’hospitalité. Nous pouvons comprendre l’insistance de Bergoglio sur le thème des migrants, également réitéré dans Fratelli Tutti : « Une mentalité xénophobe de fermeture et de retenue se répand » (ibid. 39. « Les migrations constitueront un élément fondateur de l’avenir du monde » (ibid. 40). Bergoglio a utilisé l’expression « élément fondateur », déclarant qu’il n’est pas possible d’émettre l’hypothèse d’un avenir sans migrations.

Permettez-moi de dire un bref mot sur la situation politique aux États-Unis à la veille de l’élection présidentielle. Fratelli Tutti semble être une forme de soutien du Vatican au candidat démocrate, en nette opposition à Donald Trump, et survient quelques jours après le refus de François d’accorder une audience au secrétaire d’État Mike Pompeo à Rome. Cela confirme de quel côté se trouvent les enfants de la lumière et qui sont les enfants des ténèbres.

8. Les fondements idéologiques de la « Fraternité »

Le thème de la fraternité, une obsession pour Bergoglio, trouve sa première formulation dans les documents conciliaires Nostra Ætate et Dignitatis Humanae. La dernière encyclique, Fratelli Tutti, est le manifeste de cette vision maçonnique, dans laquelle le cri « Liberté, Égalité, Fraternité » a remplacé l’Évangile, au nom d’une unité entre les hommes qui exclut Dieu. Notez que le Document sur la Fraternité humaine pour la paix mondiale et le vivre ensemble, signé à Abu Dhabi le 4 février 2019, a été fièrement défendu par Bergoglio avec ces mots :

« Du point de vue catholique, le document n’a pas dépassé d’un millimètre le Concile Vatican II ».

Le cardinal Miguel Ayuso Guixot, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, commente dans La Civiltà Cattolica :

« Avec le Concile, la digue s’est peu à peu fissurée puis s’est rompue : Le fleuve du dialogue s’est étendu avec les déclarations conciliaires Nostra Ætate sur les relations entre l’Église et les croyants d’autres religions et Dignitatis Humanae sur la liberté religieuse, thèmes et documents qui sont étroitement liés les uns aux autres. Ils ont permis à Saint Jean-Paul II de donner vie à des rencontres telles que la Journée mondiale de prière pour la paix à Assise le 27 octobre 1986, et à Benoît XVI, vingt-cinq ans plus tard, de nous faire vivre dans la ville de Saint-François la « Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde – Pèlerins de la vérité, Pèlerins de la paix ». Par conséquent, l’engagement de l’Église catholique en faveur du dialogue interreligieux, qui ouvre la voie à la paix et à la fraternité, fait partie de sa mission originelle et trouve ses racines dans l’événement du Concile »[9].

Une fois de plus, le cancer de Vatican II confirme qu’il est à l’origine des métastases bergogliennes. Le fil rouge qui unit le Concile au culte de la pachamama passe aussi par Assise, comme l’a souligné à juste titre mon frère dans l’épiscopat Athanase Schneider dans son récent discours.[10]

Et en parlant de la Contre-Église, l’évêque Fulton Sheen décrit l’Antéchrist : « Puisque sa religion sera la fraternité sans la paternité de Dieu, il trompera même les élus ».[11] Il semble que nous voyons la prophétie du vénérable archevêque américain se réaliser sous nos yeux.

Il n’est donc pas surprenant que la tristement célèbre Grande Loge d’Espagne, après avoir chaleureusement félicité son paladin élevé sur le trône, rende une nouvelle fois hommage à Bergoglio par ces mots :

« Le grand principe de cette école initiatique n’a pas changé en trois siècles : la construction d’une fraternité universelle où les êtres humains se disent frères les uns des autres au-delà de leurs croyances spécifiques, de leurs idéologies, de la couleur de leur peau, de leur extraction sociale, de leur langue, de leur culture ou de leur nationalité. Ce rêve fraternel s’est heurté au fondamentalisme religieux qui, dans le cas de l’Église catholique, a donné lieu à des textes sévères condamnant la tolérance de la franc-maçonnerie au XIXe siècle. La dernière encyclique du pape François montre à quel point l’Église catholique actuelle est éloignée de ses positions antérieures. Dans « Fratelli Tutti », le pape a embrassé la Fraternité Universelle, le grand principe de la Franc-maçonnerie moderne ».[12]

La réaction du Grand Orient d’Italie n’est pas différente :

« Ce sont les principes que la Franc-maçonnerie a toujours poursuivis et gardés pour l’élévation de l’Humanité »[13].

Austen Ivereigh, l’hagiographe de Bergoglio, confirme avec satisfaction cette interprétation qu’un catholique considérerait à juste titre comme au moins dérangeante.[14]

Je me souviens que dans les documents maçonniques de la Haute Vente, dès le XIXe siècle, une infiltration de la franc-maçonnerie dans l’Église était prévue :

« Vous aussi, vous pêcherez quelques amis et les mènerez aux pieds du Siège Apostolique. Vous aurez prêché la révolution en tiare et en chape, vous aurez accompli sous la croix et la bannière, une révolution qui n’aura besoin que d’un peu d’aide pour mettre le feu aux quartiers du monde. »[15]

9. La subversion de la relation individuelle et sociale avec Dieu

Permettez-moi de conclure cet examen des liens entre le Concile et la crise actuelle en soulignant un retournement que je considère comme extrêmement important et significatif. Je veux parler de la relation du laïc individuel et de la communauté des fidèles avec Dieu. Alors que dans l’Église du Christ, la relation de l’âme avec le Seigneur est éminemment personnelle, même lorsqu’elle est transmise par le ministre sacré dans l’action liturgique, dans l’Église conciliaire, c’est la relation de communauté et de groupe qui prévaut. Pensez à leur insistance à vouloir faire du Baptême d’un enfant, ou du mariage d’un couple marié, « un acte de la communauté » ; ou à l’impossibilité de recevoir la sainte Communion individuellement en dehors de la Messe, et à la pratique courante d’approcher la Communion pendant la Messe même sans les conditions nécessaires. Tout cela est sanctionné [sanctionner = considéré comme sacré] sur la base d’un concept protestant de participation au banquet eucharistique, dont aucun invité n’est exclu. Selon cette conception de la communauté, la personne perd son individualité, se perdant dans la communauté anonyme de la célébration. De même, la relation du corps social avec Dieu disparaît dans un personnalisme qui élimine le rôle de médiation de l’Église et de l’État. L’individualisation dans le domaine moral entre également en jeu, où les droits et les préférences de l’individu deviennent des motifs d’éradication de la morale sociale. Cela se fait au nom d’une « inclusivité » qui légitime chaque vice et aberration morale. La société – comprise comme l’union de plusieurs individus visant la poursuite d’un but commun – est divisée en une multiplicité d’individus, chacun ayant son propre but. C’est le résultat d’un bouleversement idéologique qui mérite d’être analysé en profondeur, en raison de ses implications tant dans le domaine ecclésial que civil. Il est cependant évident que la première étape de cette révolution se trouve dans les mens conciliaires, à commencer par l’endoctrinement du peuple chrétien constitué par la liturgie réformée, dans laquelle l’individu se fond dans l’assemblée en se dépersonnalisant, et la communauté se déverse dans un ensemble d’individus en perdant son identité.

10. Cause et effet

La philosophie nous enseigne qu’à une cause correspond toujours un certain effet. Nous avons vu que les actions menées pendant Vatican II ont eu l’effet souhaité, concrétisant ce tournant anthropologique qui a conduit aujourd’hui à l’apostasie de la Contre-Église et à l’éclipse de la véritable Église du Christ. Nous devons donc comprendre que, si nous voulons défaire les effets néfastes que nous voyons devant nous, il est nécessaire et indispensable de supprimer les facteurs qui les ont causés. Si tel est notre objectif, il est clair qu’accepter – ou même accepter partiellement – ces principes révolutionnaires rendrait nos efforts inutiles et contre-productifs. Nous devons donc être clairs sur les objectifs à atteindre, en ordonnant notre action en fonction de ces objectifs. Mais nous devons tous être conscients que, dans ce travail de restauration, aucune exception aux principes n’est possible, précisément parce que si nous ne les partagions pas, nous n’aurions aucune chance de succès.

Mettons donc de côté, une fois pour toutes, les vaines distinctions concernant la bonté présumée du Concile, la trahison de la volonté des Pères synodaux, la lettre et l’esprit de Vatican II, le poids magistériel (ou l’absence de poids) de ses actes, et l’herméneutique de la continuité par rapport à celle de la rupture. La Contre-Église a utilisé l’étiquette « Concile œcuménique » pour donner autorité et force juridique à son programme révolutionnaire, tout comme Bergoglio appelle son manifeste politique d’allégeance au Nouvel Ordre Mondial une « lettre encyclique ». La ruse de l’ennemi a isolé la partie saine de l’Église, tiraillée entre devoir reconnaître la nature subversive des documents de Concile – et donc les exclure du corpus magistériel –, et devoir nier la réalité en les déclarant apodictiquement orthodoxes afin de sauvegarder l’infaillibilité du Magistère. Les Dubia représentaient une humiliation pour ces princes de l’Église qui les rédigèrent, mais sans dénouer les nœuds doctrinaux portés à l’attention du Pontife Romain. Bergoglio ne répond pas, précisément parce qu’il ne veut pas nier ou confirmer les erreurs implicites, s’exposant ainsi au risque d’être déclaré hérétique et de perdre la papauté. C’est la même méthode que celle utilisée avec la Concile, où l’ambiguïté et l’utilisation d’une terminologie imprécise empêchent la condamnation de l’erreur qui a été sous-entendue. Mais le juriste sait très bien que, outre la violation flagrante de la loi, on peut aussi commettre un crime en la contournant, en l’utilisant à des fins malveillantes : contra legem fit, quod in fraudem legis fit. Toute fraude à la loi est contre la loi.

11. Conclusion

La seule façon de gagner cette bataille est de revenir à faire ce que l’Église a toujours fait, et de cesser de faire ce que la Contre-Église nous demande aujourd’hui – ce que la vraie Église a toujours condamné. Remettons Notre Seigneur Jésus-Christ, Roi et Grand Prêtre, au centre de la vie de l’Église ; et avant cela, au centre de la vie de nos communautés, de nos familles, de nous-mêmes. Rendons la couronne à Notre-Dame Marie très Sainte, Reine et Mère de l’Église.

Revenons à célébrer dignement la Sainte Liturgie traditionnelle, et à prier avec les paroles des Saints, et non avec les divagations des modernistes et des hérétiques. Recommençons à savourer les écrits des Pères de l’Église et des Mystiques, et à jeter au feu les œuvres imprégnées de modernisme et de sentimentalisme immanent. Soutenons, par la prière et l’aide matérielle, les nombreux bons prêtres qui restent fidèles à la vraie Foi, et retirons tout soutien à ceux qui ont accepté le monde et ses mensonges.

Et surtout – je vous le demande au nom de Dieu ! – abandonnons ce sentiment d’infériorité que nos adversaires nous ont habitués à accepter : dans la guerre du Seigneur, ils ne nous humilient pas (nous méritons certainement toute humiliation pour nos péchés). Non, ils humilient la Majesté de Dieu et l’Épouse de l’Agneau Immaculé. La Vérité que nous embrassons ne vient pas de nous, mais de Dieu ! Que la Vérité soit niée, accepter qu’elle doive se justifier devant les hérésies et les erreurs de la Contre-Église, n’est pas un acte d’humilité, mais de lâcheté et de pusillanimité. Inspirons-nous de l’exemple des Saints Maccabées Martyrs, devant un nouvel Antiochus qui nous demande de sacrifier aux idoles et d’abandonner le vrai Dieu. Répondons par leurs paroles, en priant le Seigneur : « Maintenant donc, ô Souverain des cieux, envoie un bon ange pour répandre devant nous la terreur et le tremblement. Par la puissance de ton bras, que ces blasphémateurs qui viennent contre ton saint peuple soient frappés » (2 Mac 15, 23).

Permettez-moi de conclure mon intervention d’aujourd’hui par un souvenir personnel. Lorsque j’étais nonce apostolique au Nigeria, j’ai appris l’existence d’une magnifique tradition populaire issue de la terrible guerre du Biafra, et qui se perpétue encore aujourd’hui. J’y ai personnellement pris part lors d’une visite pastorale dans l’archidiocèse d’Onitsha, et j’en ai été très impressionné. Cette tradition – appelée « Block Rosary Children » – consiste à rassembler des milliers d’enfants (même très jeunes) dans chaque village ou quartier pour la récitation du Saint Rosaire pour implorer la paix – chaque enfant tenant un petit morceau de bois, comme un mini autel, avec une image de la Vierge et une petite bougie dessus.

Dans les jours qui précèdent le 3 novembre, j’invite tout le monde à se joindre à une croisade du Rosaire : une sorte de siège de Jéricho, non pas avec sept trompettes en cornes de bélier sonnées par les prêtres, mais avec l’Ave Maria des petits et des innocents pour faire tomber les murs de l’État profond et de l’Église profonde.

Joignons-nous aux petits dans un chapelet d’enfants, implorant la Femme vêtue de Soleil, afin que le Règne de Notre-Dame et Mère soit restauré et que l’éclipse qui nous afflige soit raccourcie.

Et que Dieu bénisse ces saintes intentions.


[1] Padre Antonio Spadaro sj, Fratelli Tutti, la risposta di Francesco alla crisi del nostro tempo, in Formiche, 4 Ottobre 2020.

[2] https://twitter.com/Johnthemadmonk/status/1313616541385134080/photo/1

[3] « Nous devrions éviter de tomber dans ces quatre attitudes perverses qui, certainement, n’aident pas la recherche honnête et le dialogue sincère et productif quant à la construction de l’avenir de notre planète : la négation, l’indifférence, la résignation et la confiance dans des solution inadéquates. »  cfr. https://www.avvenire.it/papa/pagine/papa-su-clima-basta-negazionismi-su-riscaldamento-globale

[4] Paul VI, Allocution pour la dernière session du Concile œcuménique Vatican II, 7 décembre 1965, cfr. http://www.vatican.va/content/paul-vi/it/speeches/1965/documents/hf_p-vi_spe_19651207_epilogo-concilio.html

[5] https://twitter.com/i/status/1312837860442210304

[6] Cfr. www.educationglobalcompact.org

[7] Congregazione per l’Educazione Cattolica, Lettera Circolare alle scuole, università e istituzioni educative, 10 Settembre 2020, cfr. http://www.educatio.va/content/dam/cec/Documenti/2020-09/IT-CONGREGATIO-LETTERA-COVID.pdf

[8] https://www.lastampa.it/cronaca/2020/10/03/news/green-blue-la-nuova-voce-dell-economia-sostenibile-via-con-il-papa-e-bill-gates-1.39375988

https://remnantnewspaper.com/web/index.php/articles/item/2990-the-vatican-un-alliance-architects-of-death-and-doom

[9] Card.. Miguel Ángel Ayuso Guixot, Il documento sulla Fraternità umana nel solco del Concilio Vaticano II, 3 février 2020. Cfr. https://www.laciviltacattolica.it/news/il-documento-sulla-fratellanza-umana-nel-solco-del-concilio-vaticano-ii/

[10] https://www.cfnews.org.uk/bishop-schneider-pachamama-worship-in-rome-was-prepared-by-assisi-meetings/

[11] Mons. Fulton Sheen, discorso radiofonico del 26 Gennaio 1947. Cfr. https://www.tempi.it/fulton-sheen-e-linganno-del-grande-umanitario/

[12] https://www.infocatolica.com/ ?t=noticia&cod=38792

[13] https://twitter.com/grandeorienteit/status/1312991358886514688

[14] https://youtu.be/s8v-O_VH1xw

[15] « Vous amènerez des amis autour de la Chaire apostolique. Vous aurez prêché une révolution en tiare et en chape, marchant avec la croix et la bannière, une révolution qui n’aura besoin que d’être un tout petit peu aiguillonnée pour mettre le feu aux quatre coins du monde. » Cfr. Jacques Cretineau-Joly, L’Église romaine en face de la Révolution, Parigi, Henri Plon, 1859 (Lire ici le texte complet de L’Église romaine en face de la Révolution).