Mes bien chers Frères,
Nous fêtons aujourd’hui le Christ Roi. Il ne suffit pas de répéter de belles vérités sur le règne de Notre Seigneur, il faut le mettre concrètement en application. C’est pourquoi je vous donne un sermon sur l’autorité et le pouvoir des pères de famille. Cela éclaire grandement ce que doit être toute autorité et tout pouvoir.
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Notions fondamentales
Le père de famille détient l’autorité et le pouvoir. Les deux ne demandent pas la même soumission ; ils n’ont pas la même étendue ; l’autorité demeure à vie tandis que le pouvoir diminue en fonction de l’autonomie des enfants ; d’où l’importance de bien en comprendre la nature.
Commençons par le pouvoir qui est plus facile à comprendre. Le pouvoir en général est la capacité d’être cause, c’est-à-dire de faire venir quelque chose à l’existence. J’ai le pouvoir d’allumer la lumière, de marcher. Moralement, j’ai le pouvoir d’obtenir l’exécution d’un ordre que j’ai donné, sans que l’inférieur ait le droit de s’y opposer. Le pouvoir est légitime parce qu’il s’adresse à des inférieurs qui ne peuvent exercer leur liberté ou de façon très limitée. On lui répond par l’obéissance. Ainsi, un chef de guerre a un pouvoir sur les soldats, car ceux-ci n’ont pas la possibilité de juger de l’ensemble du champ de bataille et de l’ensemble des mouvements à opposer à l’ennemi. Mais il n’a aucun pouvoir sur leur famille.
L’autorité est essentiellement une sagesse qui s’adresse à des hommes raisonnables pour les guider vers leur perfection. Or, le propre d’un homme raisonnable est de suivre la sagesse. Lorsque l’autorité s’exerce, c’est que les inférieurs n’ont pas cette sagesse et doivent l’acquérir auprès de celui qui la possède. L’autorité s’adresse à des hommes libres, inférieurs, mais libres.
Pour s’exercer légitimement, le pouvoir doit être conforme à l’autorité. Et pour que l’autorité s’exerce légitimement, elle doit être conforme à la sagesse de Dieu. On a donc la sagesse de Dieu qui gouverne tout, en sa dépendance l’autorité exercée par ceux qui ont la charge de guider des hommes libres et, en dépendance de l’autorité, le pouvoir qui s’exerce sur des hommes ou des choses n’ayant pas ou ayant peu de liberté.
Deux remarques pour terminer. 1. Rien n’empêche que le même homme exerce les deux fonctions, autorité et pouvoir, cela apporte même une unité d’action, il n’empêche que les deux fonctions sont distinctes. Un père ne dirige pas de la même manière un jeune enfant et un grand adolescent. 2. Il faut surtout ne pas confondre l’autorité et l’homme chargé de l’exercer, ni le pouvoir et son titulaire. Le père détient l’autorité, mais il n’est pas l’autorité, comme le professeur détient la vérité, mais n’est pas la vérité, comme le pape n’est pas l’autorité suprême dans l’Église, il la détient et l’exerce. Cela est très important, c’est en raison de cette distinction que le titulaire peut se tromper, faiblir, abuser dans l’exercice de l’autorité. On recourt alors à l’autorité supérieure et, en définitive à la sagesse de Dieu, pour remettre les choses en ordre.
Applications concrètes aux rapports du père et de ses enfants
Avant l’âge de raison, c’est le père qui détient sur lui tout pouvoir, car c’est la raison du père qui tient lieu de raison à l’enfant. Voilà pourquoi l’Église ne permet le baptême des enfants avant l’âge de raison que si le père le demande et, si le père ne le demande pas, l’Église enseigne que serait injuste de passer outre pour baptiser l’enfant. Injuste, parce que cela créerait un désordre en priver le père de sa responsabilité. Les exceptions sont rares, par exemple le baptême d’un enfant en danger de mort.
À partir de l’âge de raison, il faut appliquer ce que nous avons enseigné sur les âges successifs de la majorité.
À l’âge de raison, l’enfant est capable de se diriger pour l’essentiel. Le Père Barrielle tout petit savait qu’il serait prêtre, de toutes jeunes petites filles vouèrent leur virginité au Seigneur, et tous ceux qui se confessent et font leur première communion dirigent leur vie vers le Bon Dieu. Le père en ce domaine le pouvoir du père est donc restreint, mais il le conserve là où l’enfant ne peut se diriger soi-même, et c’est un domaine fort vaste encore. Son pouvoir se restreint, car il ne peut s’opposer légitimement au baptême de son enfant, ni à sa première communion, ni à son désir de se confesser.
Mais il conserve autorité et pour guider la liberté de l’enfant : il lui enseigne le catéchisme, il l’aide à faire son examen de conscience, il lui suggère des résolutions, etc. En dehors du lien direct de l’enfant avec Dieu, il doit donner des ordres pour faire exercer la vertu. Il a par conséquent le pouvoir et pas seulement l’autorité d’exiger que l’enfant lui révèle ses fautes, exerce telle œuvre de miséricorde, pose telle action.
Quand l’enfant entre dans l’adolescence, le pouvoir du père diminue en même temps que la liberté du jeune se développe. Mais il ne diminue pas de façon uniforme, car la liberté ne se développe pas de façon uniforme. La liberté n’est pas un ballon qui se gonfle et qui passe de 10% à 25%, puis 50%, 70% et enfin 100%. La liberté est bien plus comme une chaleur, une lumière, qui atteint progressivement des zones demeurées jusqu’alors dans l’ombre. Par exemple, l’enfant prend librement des résolutions pour imiter un saint, mais il ne peut encore décider par quelle voie il y parviendra. Le père conserve donc le pouvoir sur les moyens concrets de les mettre en œuvre.
Lorsque Michel Magon, alors qu’il vient juste de rentrer dans la voie droite, déclare à saint Jean Bosco qu’il désire être prêtre, Don Bosco respecte ce choix, mais il lui dit comment il devra le mettre en œuvre. Il respecte ce choix et, donc, inscrit Michel dans des études qui lui ouvriront la voie au sacerdoce, mais c’est lui, Don Bosco, qui décide.
Concrètement cela se fait naturellement, il suffit d’aimer son enfant, de vouloir son bien, de lui porter attention. Mais il est important que je vous donne cet enseignement à cause des désordres de l’éducation athée, à cause de membres de la famille qui ne respectent pas le père et qui prêchent à l’enfant une liberté sans autorité. Qui, parce que le pouvoir du père se restreint, prétendent le nier là où il doit encore s’exercer et qui, ce qui est pire, ne veulent plus reconnaître même l’autorité du père. Une fois où nous avions eu un problème, je ne sais plus lequel ce n’était pas une bêtise, – je devais avoir quatorze ans, mais cela nous impliquait tous – un de nos oncles avait prétendu régler seul ce problème et, pire, nous avait demandé de ne pas en parler à notre père. Notre père le sut – il s’intéressait à nous, il ne lui était pas difficile de le deviner – et il nous fit une sévère leçon : ceux qui nous conseillent de cacher quelque chose à notre père, nous n’avons pas le droit de leur obéir, pas même de les écouter et nous devons nous en écarter. Ainsi fut fait et cet oncle perdit notre estime pour avoir osé chercher à diminuer l’autorité de notre père.
Je vous ai parlé dans le dernier sermon des rapports du grand adolescent avec son père. Le père conserve un certain pouvoir, pas seulement de l’autorité, mais encore un certain pouvoir, pour décider des études qui permettront à son fils de bien suivre la voie qui lui convient, pour interdire un mariage, etc. Il ne peut imposer un mariage, mais il peut interdire telle union. Il conserve surtout l’autorité et c’est elle qu’il doit exercer principalement envers son grand fils, c’est-à-dire qu’il demande à son fils de faire ce qu’il lui demande, non en vertu de l’obéissance, mais en vertu de la compréhension, de la confiance : il guide sa liberté.
Toute sa vie, le père conservera autorité sur sa famille en ce sens qu’il la guidera, il la protégera, il en écartera les mauvaises influences, il cultivera les bonnes. Il conserve aussi autorité sur ses enfants pour nourrir leur liberté, c’est-à-dire les mettre en garde s’ils déraillent, les approuver quand ils font bien, les conseiller quand c’est utile.
Lorsque mon père, alors que j’étais prêtre, me disait qu’un livre valait vraiment la peine d’être lu, je suivais sa recommandation. Non par obéissance, il y avait belle lurette que je n’étais plus soumis à l’obéissance paternelle, mais parce que mon père avait de l’avance sur moi dans l’expérience de la vie, dans l’expérience des épreuves de l’Église. Mais quand je lui faisais part d’un projet de lecture et qu’il me disait « ne perds pas ton temps à lire cela », je savais que le livre était pour ceux qui avaient un autre devoir d’état que le mien.
Et quand mon père se rendit compte que je risquais de me fourvoyer par une fausse obéissance à mes supérieurs, évêques de la Fraternité Saint Pie X, il me dit simplement « Tu ne t’es pas rendu compte qu’ils te mentent, qu’ils ne sont pas loyaux ? » et la route obscure et incertaine devint lumineuse.
Encore faut-il que le père mérite son autorité… car, s’il ne la mérite pas, ce n’est plus vertu, mais imprudence, voir lâcheté que de la suivre, hélas !
Pères, comment faire profiter vos enfants de l’autorité que Dieu vous a impartie ?
Pour que l’autorité soit reconnue, il faut la droiture et le mérite.
La droiture : ne trichez jamais avec la vérité de Dieu. Il n’est pas nécessaire que vous soyez savants, il suffit mais il faut que vous soyez guidés par l’esprit de foi, par l’amour de Dieu. Ne trichez jamais avec vous-même. Ne faites jamais autre chose que vous ce que vous enseignez.
Le mérite. Ce n’est pas le mérite aux yeux du monde qu’il faut, c’est le mérite de la vertu. Celui de la défense de l’Église. Celui des œuvres de miséricorde. Celui de ce que votre fils s’est toujours bien porté de vous obéir, de vous respecter de suivre ce que vous lui disiez.
Conclusion
Chers Amis, si je me suis attardé sur le pouvoir et l’autorité paternelle, c’est parce que cela éclaire le pouvoir et l’autorité du pape, des évêques, des chefs civils modernes. Ils exercent l’autorité comme si elle était un pouvoir, c’est-à-dire comme s’ils s’adressaient à des hommes sans jugement, sans intelligence, sans liberté. Ils s’en servent pour justifier leur tyrannie. Là où il n’y a pas pouvoir, il n’y a pas obéissance.
Ont-ils du moins l’autorité ? Non, leur tyrannie montre qu’ils se sont coupés de la sagesse de Dieu qui s’exprime par sa loi, ils perdent alors leur autorité. Non seulement il n’y a plus à leur obéir, mais ils ne sont plus des guides. Si l’on avait compris cela, il n’y aurait pas de crise dans l’Église, car les fidèles se seraient appuyés sur l’autorité de Dieu pour résister à la tyrannie des modernistes. Mgr Lefebvre n’a rien fait d’autre.