La miséricorde de Marie et la nôtre

Pour le Samedi saint, consacré à la Sainte Vierge, méditons sur sa royauté de miséricorde.

Marie est reine. Mais il faut savoir que sa souveraineté s’exerce principalement par sa miséri­corde : « Mère de miséricorde » est son nom propre. C’est ce que nous chantons avec l’Église : Salve Regina, mater misericordiae, Salut, Reine, Mère de miséricorde. Le propre de cette reine, c’est d’être en même temps une mère de miséri­corde.

En effet, la miséricorde de Dieu est la marque propre de toutes les œuvres de Dieu, bien plus, elle est la source de tout : c’est par miséricorde que Dieu crée, qu’il sanctifie, qu’il rachète. C’est par elle que le Christ-Roi règne. Puisque Marie est pleinement associée au chef-d’œuvre de miséri­corde qu’est la Rédemption, la miséricorde est donc la marque de tout ce qu’elle fait au service du Christ-Roi.

Marie est la Reine du Royaume dont le Roi est mort par pitié pour nous. Ce Roi est la Victime qu’elle a elle-même immolée sur le Calvaire pour faire éclater la miséricorde du Tout-Puissant. C’est aussi sa miséricorde qui nous obtient de son Fils toutes les grâces, c’est dans la miséricorde qu’elle est médiatrice de toute grâce.

Le récit des noces de Cana que nous montre, dans sa touchante réalité, la miséricorde toute maternelle de la Vierge Reine. « Le troisième jour, lisons-nous dans saint Jean, il se fit des noces à Cana en Galilée, et la Mère de Jésus y était. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples. Le vin étant venu à manquer, la Mère de Jésus lui dit : Ils n’ont point de vin. Jésus lui répondit : Femme, qu’est-ce que cela pour moi et pour vous ? Mon heure n’est pas encore venue. Sa Mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu’il vous dira » (s. Jean, 2, 1-5). On sait la suite.

Dans son commentaire sur ce passage de l’Écriture, saint Thomas d’Aquin nous fait obser­ver que la Mère du Christ y joue le rôle de Média­trice. Remarquez la pitié et la miséricorde de la Vierge : parce qu’elle est pleine de miséricorde, elle veut subvenir à la misère des autres et leur procurer ce qui leur manque. Et pourtant il s’agit en ce cas de biens dont l’importance est assez secondaire. Remarquez aussi la diligence de la Vierge : elle n’attend pas que ses protégés en soient rendus à l’extrême nécessité pour venir à leur secours. Si la Vierge de miséricorde n’était pas intervenue, non seulement les convives auraient manqué de vin, mais ils auraient été privés du meilleur des vins. Remarquons enfin que la Sainte Vierge intercède pour nous à temps et à contretemps : le Christ n’avait-il pas dit expressé­ment : « Mon heure n’est pas encore venue » ? Et pourtant il cède à l’appel miséricordieux de sa Mère. N’hésitons donc pas à reconnaître et à magnifier la grande miséricorde de celle qui est à la fois notre Mère et notre Reine.

Si nous sommes vraiment les serviteurs de Marie, les serviteurs du Christ-Roi par Marie, nous ne pouvons les servir autrement qu’en exer­çant la miséricorde. C’est d’ailleurs ce sur quoi nous serons jugés : « Venez à ma droite les bénis de mon Père, parce que j’ai eu soif, faim, j’étais nu, et vous m’avez secouru. Allez, maudits, au feu éternel, parce que vous ne m’avez pas secouru quand j’avais faim, soif… »

Nous exerçons la miséricorde premièrement par la prière pour les pécheurs, deuxièmement en nous associant avec la Très Sainte Vierge au sacri­fice de Jésus-Christ, en l’offrant avec elle pour le salut des pécheurs, troisièmement en exerçant les œuvres de miséricorde corporelle qui ouvrent les cœurs et les âmes, quatrièmement par les œuvres de miséricorde spirituelle qui soulagent les vraies misères, cinquièmement en organisant la société autour de la miséricorde. D’où l’importance des groupes de prières qui doivent devenir des groupes d’amis exerçant ensemble la miséricorde.

Prier la Sainte Vierge, ce n’est pas seulement lui demander la miséricorde en notre faveur, c’est lui demander surtout de nous donner d’exercer la miséricorde. D’ailleurs, nous n’aurons pas la pre­mière sans exercer la seconde : « Bienheureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde ».

Abbé François Pivert