Vente de livres pour Noël

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Lettre encyclique Ubi primum
Condamnation de l’indifférentisme en matière de religion

Lettre encyclique Ubi primum
Condamnation de l’indifférentisme en matière de religion

Aux Vénérables Frères Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques
Léon XII
Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique.

Dès que nous avons été élevés à la haute dignité du pontificat, nous nous sommes immédiatement mis à nous exclamer avec saint Léon le Grand : « Seigneur, j’ai entendu votre voix et j’ai eu peur ; j’ai regardé votre œuvre et j’ai été rempli de crainte. Car quoi de plus extraordinaire et de plus effrayant que le travail pour les faibles, l’élévation pour les humbles, la dignité pour les non méritants ? Cependant, ne désespérons pas et ne nous décourageons pas, car nous ne comptons pas sur nous-mêmes, mais sur Celui qui agit en nous ». C’est ainsi que, par modestie, ce Pontife jamais assez loué a parlé ; Nous, en hommage à la vérité, nous le disons et le confirmons.

Nous aussi, Vénérables Frères, nous étions impatients de vous parler dès que possible, et de vous ouvrir notre cœur, vous qui êtes notre couronne et notre joie ; tout comme nous avons confiance que vous trouverez votre joie et votre couronne dans le troupeau qui vous est confié. Mais en partie d’autres travaux importants de Notre mission apostolique, et en partie surtout les douleurs d’une longue maladie, Nous ont empêché jusqu’à présent, à Notre peine et à Notre regret, de réaliser Nos désirs. Mais Dieu, qui est généreux en miséricorde et abondamment généreux envers les suppliants et ceux qui prient avec confiance, Dieu, qui nous a inspiré cette intention, nous accorde aujourd’hui de la réaliser. Cependant, le silence que nous avons gardé de force jusqu’à présent n’a pas été entièrement sans réconfort. Celui qui console les humbles nous a consolés par l’affection religieuse de votre dévouement et de votre zèle pour Nous : dans de tels sentiments nous reconnaissons bien la piété de l’unité chrétienne, si bien que nous nous sommes réjouis et avons remercié Dieu de plus en plus. Ainsi, en témoignage de Notre affection, Nous vous envoyons cette lettre pour vous inciter à poursuivre sur la voie des commandements divins et à mener avec plus de vigueur les combats du Seigneur. De cette façon, la victoire du troupeau du Seigneur glorifiera le zèle du berger.

Vous n’ignorez pas, Vénérables Frères, ce que l’Apôtre Pierre a enseigné aux évêques en ces termes : « Faites paître en vous le troupeau de Dieu, non pas par la force, mais de bon gré, selon la volonté de Dieu ; non pas dans l’espoir d’un gain honteux, mais de bon gré ; non en dominant sur ceux qui sont votre partage, mais devenant les modèles du troupeau, du fond du cœur. » [I P, 5, 2–3].

De ces paroles, vous comprenez clairement quelle conduite vous est proposée, de quelles vertus vous devez de plus en plus enrichir votre cœur, de quelles abondantes connaissances vous devez orner votre esprit, et quels fruits de piété et d’affection vous devez non seulement produire, mais partager avec votre troupeau. C’est ainsi que vous atteindrez le but de votre ministère, car, étant devenu dans vos âmes la forme de votre troupeau, et donnant du lait aux uns, et une nourriture plus solide aux autres, vous ne vous contenterez pas d’informer ce même troupeau de la doctrine, mais vous le conduirez par vos travaux et vos exemples à une vie tranquille en Jésus-Christ et à l’obtention de la félicité éternelle avec vous, comme l’exprime le chef des Apôtres lui-même : « Et quand le prince des bergers paraîtra, vous obtiendrez une couronne de gloire impérissable » [1 P, 5, 4].

Nous voudrions vraiment vous rappeler tant de considérations, mais nous n’en aborderons que quelques-unes, car nous devrons nous étendre plus longuement sur des sujets de plus grande importance, comme l’exige la nécessité de ces temps malheureux.

C’est ainsi que l’Apôtre, en écrivant à Timothée, nous a enseigné quelles sages précautions et quel sérieux examen sont nécessaires pour conférer les ordres mineurs, et surtout les ordres sacrés : « Ne te hâte pas d’imposer les mains à quelqu’un trop tôt » [1 Tm, 5, 22].

Quant au choix des pasteurs qui, dans vos diocèses, doivent être chargés du soin des âmes, et en ce qui concerne les séminaires, le Concile de Trente a donné des règles précises, précisées ensuite par Nos Prédécesseurs : tout cela vous est si bien connu qu’il n’est pas nécessaire de s’y attarder davantage.

Vous savez, Vénérables Frères, combien il est important que vous résidiez constamment et personnellement dans vos diocèses ; c’est une obligation que vous avez contractée en acceptant votre ministère, comme le déclarent plusieurs décrets des Conciles et les Constitutions Apostoliques, confirmées en ces termes par le saint Concile de Trente : « Car, par un précepte divin, il a été ordonné à tous ceux à qui est confié le soin des âmes de connaître leurs brebis, d’offrir pour elles le saint Sacrifice, de les nourrir par la prédication de la parole divine, par l’administration des Sacrements et par l’exemple de toute bonne œuvre, d’avoir une sollicitude paternelle pour les pauvres et pour toutes les autres personnes qui sont dans l’affliction », et pour pourvoir à tous les autres devoirs pastoraux, qui ne peuvent certainement pas être assurés et remplis par ceux qui ne veillent pas sur leur troupeau, ni ne l’assistent, mais l’abandonnent comme des mercenaires, le saint Synode les exhorte et les exhorte afin que, attentifs aux préceptes divins, et s’étant vraiment fait les modèles de leur troupeau, ils le nourrissent et le guident dans la justice et la vérité ». Nous aussi, impressionnés par l’obligation d’un devoir si grand et si grave, pleins de zèle pour la gloire de Dieu, nous louons de tout cœur ceux qui observent scrupuleusement ce précepte. Si certains n’obéissent pas pleinement à cette obligation (dans un si grand nombre de bergers, il peut y en avoir : cela ne doit pas surprendre, si pénible que cela puisse être), par les entrailles de la miséricorde de Jésus-Christ, nous les avertissons, les exhortons et les supplions de penser sérieusement que le juge suprême cherchera dans leurs mains le sang de ses brebis et prononcera un jugement très sévère contre ceux qui en ont la charge.

Cette terrible sentence, comme vous le savez sans doute, touchera non seulement ceux qui négligent personnellement leur résidence, ou tentent de s’y soustraire sous quelque vain prétexte, mais aussi ceux qui refusent sans raison valable de prendre sur eux la tâche de la visite pastorale et de l’accomplir selon les prescriptions canoniques. Ils ne seront jamais obéissants au décret tridentin s’ils ne prennent pas soin de s’approcher personnellement des brebis et, comme le fait le bon berger, de nourrir les bonnes, de rechercher les dispersées et, enfin, en les rappelant et en agissant tantôt avec douceur, tantôt avec force, de les ramener au bercail.

En vérité, les évêques qui n’obéissent pas avec la sollicitude voulue aux obligations de résidence et de visite pastorale n’échapperont pas au jugement redoutable du Pasteur suprême notre sauveur, en prétendant comme justification qu’ils ont rempli ces devoirs par l’intermédiaire de ministres spéciaux.

Car c’est à eux, et non aux ministres, qu’est confié le soin du troupeau ; c’est à eux qu’ont été promis les charismes. Il s’ensuit que les brebis sont beaucoup plus disposées à entendre la voix de leur berger que celle d’un substitut, et qu’elles prennent avec plus de confiance et reçoivent d’un cœur plus joyeux la nourriture salutaire de la main du premier plutôt que du second, comme de la main de Dieu, dont elles reconnaissent l’image dans leur évêque. Tout cela, en plus de ce qui a été dit jusqu’à présent, est abondamment confirmé par l’expérience elle-même, qui est la maîtresse des choses.

Il suffirait d’avoir écrit ce qui précède, Vénérables Frères : à vous, dis-je, qui n’êtes pas ingrats en taisant les dons, ni orgueilleux en présumant des mérites. Tels doivent être, sans doute, ceux qui veulent passer de vertu en vertu [Ps 83, 8], progresser avec un esprit ardent, et imitant les exemples des saints évêques anciens et récents, se glorifient d’avoir vaincu les ennemis de l’Église et d’avoir réformé en Dieu les coutumes corrompues. Que la phrase d’or de saint Léon le Grand soit toujours présente à votre esprit : « Dans cette bataille, on n’obtient jamais une victoire si heureuse que, après le triomphe, le besoin ne se fasse pas sentir de soutenir de nouvelles batailles ».

Combien de batailles, en vérité, et combien cruelles ont été allumées à notre époque, et se manifestent presque chaque jour contre la Religion Catholique ! Qui, en se les remémorant et en les méditant, peut retenir ses larmes ?

Prenez garde, Vénérables Frères, « Ce n’est pas la petite étincelle » dont parle saint Jérôme ; ce n’est pas – dis-je – la petite étincelle que l’on voit à peine quand on regarde, mais une flamme qui cherche à dévorer la terre entière, à détruire les murs, les villes, les plus vastes forêts et toute la terre ; c’est un levain qui, joint à la farine, cherche à corrompre toute la pâte. Dans cette situation alarmante, le service de notre apostolat serait totalement inadéquat si Celui qui veille sur Israël et qui dit à ses disciples : « Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » [Mt, 28, 20], ne daignait pas être non seulement le gardien des brebis, mais aussi le berger des bergers eux-mêmes.

Mais, qu’est-ce que tout cela signifie ? Il y a une secte, connue de vous, qui, s’appelant à tort philosophique, a exhumé des cendres les phalanges éparses de presque toutes les erreurs. Cette secte, se présentant sous les apparences caressantes de la piété et de la libéralité, professe le tolérantisme (comme elle l’appelle), ou l’indifférentisme, et l’étend non seulement aux affaires civiles, dont nous ne parlons pas, mais encore aux affaires religieuses, enseignant que Dieu a donné à tous les hommes une large liberté, afin que chacun puisse sans danger embrasser et professer la secte et l’opinion qu’il préfère, selon son propre jugement. L’apôtre Paul nous met en garde contre de telles illusions impies : « Je vous exhorte, frères, à contrôler ceux qui suscitent des divisions et des scandales contre la doctrine que vous avez apprise, et à vous en détourner. Ainsi, ils ne servent pas notre Seigneur Jésus-Christ, mais leur propre ventre, et par des paroles douces et des bénédictions, ils séduisent les âmes simples » [Rm 16, 17–18].

Il est vrai que cette erreur n’est pas nouvelle, mais à notre époque, elle fait rage contre la stabilité et l’intégrité de la foi catholique. En effet, Eusèbe, citant Rodon, rapporte que cette folie avait déjà été propagée par Apelles, un hérétique du IIe siècle, qui affirmait qu’il n’était pas nécessaire d’approfondir la foi, mais que chacun devait s’accrocher à l’opinion qu’il s’était forgée. Apelles soutenait que ceux qui plaçaient leur espoir dans le Crucifié seraient sauvés, à condition que la mort les atteigne au cours des bonnes œuvres. Rhétorius aussi, comme l’atteste Augustin, babillait que tous les hérétiques marchaient dans le droit chemin et prêchaient des vérités. « Mais c’est tellement absurde, observe le Saint-Père, que cela me semble incroyable ». Par la suite, cet indifférentisme s’est tellement répandu et accru que ses adeptes non seulement reconnaissent toutes les sectes qui, en dehors de l’Église catholique, admettent oralement la révélation comme base et fondement, mais encore affirment sans vergogne que les sociétés qui, rejetant la révélation divine, professent le simple déisme et même le simple naturalisme sont également dans la bonne voie. L’indifférentisme de Rhétorius a été jugé par Saint Augustin comme absurde en droit et en mérite, même s’il était circonscrit dans certaines limites. Mais une tolérance s’étendant au déisme et au naturalisme – théories qui étaient rejetées même par les anciens hérétiques – pourrait-elle jamais être admise par une personne utilisant la raison ? Cependant (Oh temps ! Oh philosophie mensongère !) une pareille pseudo-philosophie est approuvée, défendue et soutenue.

En effet, il n’a pas manqué d’écrivains qualifiés qui, professant la vraie philosophie, ont attaqué ce monstre et démoli certaines œuvres avec des arguments invincibles. Mais il est évidemment impossible que Dieu, qui est suprêmement vrai, et lui-même la Vérité suprême, la Providence la plus excellente et la plus sage, et le rémunérateur des bonnes œuvres, puisse approuver toutes les sectes qui prêchent des principes faux, souvent contradictoires, et qu’il puisse assurer la récompense éternelle à ceux qui les professent ; et il est de même superflu de faire d’autres considérations sur ce sujet. Car nous avons des prophéties bien plus certaines, et en vous écrivant, nous parlons de sagesse entre savants, non de la sagesse de ce monde, mais de la sagesse du mystère divin, dans lequel nous sommes instruits ; par la foi divine, nous croyons qu’il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, et qu’aucun autre nom n’a été donné aux hommes sur la terre pour opérer leur salut que celui de Jésus-Christ de Nazareth : nous déclarons donc qu’en dehors de l’Église il n’y a pas de salut.

Pour la vérité, oh, richesses sans limites de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Oh, incompréhensible pensée de Lui ! Dieu, qui anéantit la sagesse des sages (cf. 1 Co 1, 18), semble avoir consigné les ennemis de son Église et les détracteurs de la Révélation surnaturelle à ce sens réprouvé [Rm 1, 28] et à ce mystère d’iniquité qui était inscrit sur le front de la femme impudente dont parle Jean [Ap 1, 5]. Car quelle plus grande iniquité que celle de ces orgueilleux, qui non seulement se détachent de la vraie religion, mais encore veulent tromper les simples par toutes sortes d’arguties, par des paroles et des écrits pleins de sophismes ? Que Dieu se lève et empêche, vainque et annihile cette licence débridée de parler, d’écrire et de diffuser de tels écrits.

Que dire de plus maintenant ? L’iniquité de nos ennemis augmente tellement que, outre la collusion de livres pernicieux et contraires à la foi, ils vont jusqu’à détourner au détriment de la Religion les écrits sacrés qui nous ont été accordés d’en haut pour l’édification de la Religion elle-même.

Vous savez bien, Vénérables Frères, qu’une société vulgairement appelée Biblique se répand aujourd’hui hardiment sur toute la terre, et que, au mépris des traditions des Saints Pères et contre le décret bien connu du Concile de Trente, elle entreprend de toutes ses forces et avec tous les moyens dont elle dispose de traduire, ou plutôt de corrompre la Sainte Bible, en la transformant en la langue vernaculaire de toutes les nations. De là découle une raison fondée de craindre que, comme dans certaines traductions déjà connues, pour d’autres il faille dire, comme conséquence d’une interprétation pervertie, qu’au lieu de l’Évangile du Christ nous trouvons l’Évangile de l’homme ou, pire encore, l’Évangile du diable.

Pour conjurer ce fléau, plusieurs de nos prédécesseurs ont publié des Constitutions, et dans ces derniers temps, Pie VII, de sainte mémoire, a envoyé deux projets de loi, l’un à Ignace, archevêque de Gnesna, et l’autre à Stanislas, archevêque de Mohilow. Nous y trouvons de nombreux témoignages, soigneusement et sagement tirés des écritures divines et de la tradition : ils nous montrent combien cette subtile invention peut nuire à la foi et aux mœurs.

Nous aussi, Vénérables Frères, en vertu de Notre engagement, nous vous exhortons à tenir votre troupeau soigneusement éloigné de ces pâturages mortels. Faites-le savoir, priez, insistez sur le sujet et sur le tort, avec patience et doctrine, afin que vos fidèles, se référant scrupuleusement aux règles de notre Congrégation de l’Index, soient persuadés que « si l’on permet que la Bible soit traduite en langue vulgaire sans permission, il en résultera, à cause de l’imprudence des hommes, plus de mal que de bien ».

L’expérience prouve la véracité de cette hypothèse. Saint Augustin, ainsi que d’autres Pères, le confirme par ces mots : « Les hérésies et certains dogmes pervers qui empêchent les âmes et les plongent dans l’abîme naissent chez ceux qui ne comprennent pas bien les écritures sacrées : les ayant mal comprises, ils soutiennent l’erreur avec témérité et arrogance ».

Voilà, ô Vénérables Frères, où va cette société qui ne néglige rien pour parvenir à l’affirmation de son but impie. Car elle se plaît non seulement à imprimer ses propres versions, mais aussi à les diffuser dans toutes les villes parmi le peuple. De plus, afin de séduire les âmes des simples, elle prend soin tantôt de les vendre, tantôt, avec une perfide libéralité, de les distribuer gratuitement.

Si quelqu’un veut chercher la véritable origine de tous les maux que nous avons déplorés jusqu’ici, et d’autres que, par souci de brièveté, nous avons omis, il sera sans doute convaincu que c’est aux origines mêmes de l’Église, comme aujourd’hui, qu’il faut la chercher dans le mépris obstiné de l’autorité de l’Église : de cette Église qui, comme l’enseigne saint Léon le Grand, « par la volonté de la Providence reconnaît Pierre dans le Siège Apostolique, et dans la personne du Pontife Romain voit et honore son successeur : celui en qui résident le soin de tous les pasteurs et la protection des brebis qui leur sont confiées, et dont la dignité n’est pas diminuée même si c’est un héritier indigne ».

« En Pierre, donc (comme l’affirme à ce propos le saint docteur susmentionné), la force de tous est consolidée, et l’aide de la grâce divine est dirigée afin que la fermeté accordée à Pierre au nom du Christ, par Pierre soit transmise aux Apôtres ».

Il est donc évident que ce mépris de l’autorité de l’Église s’oppose au commandement du Christ aux Apôtres, et en leur personne aux ministres de l’Église qui leur succèdent : « Celui qui vous écoute m’écoute ; celui qui vous méprise me méprise ». [Lc 10, 16]. Ce mépris s’oppose aux paroles de l’apôtre Paul : « L’Église est la colonne et le fondement de la vérité » [1 Tm 3, 15]. Augustin, méditant sur ces indications, dit : « Si quelqu’un se trouve en dehors de l’Église, il sera exclu du nombre de ses enfants ; il n’aura pas Dieu pour père s’il n’aura pas l’Église pour mère ».

C’est pourquoi, Vénérables Frères, gardez en mémoire avec Augustin et méditez fréquemment les paroles du Christ et de l’Apôtre Paul, afin d’apprendre aux personnes qui vous sont confiées à respecter l’autorité de l’Église voulue directement par Dieu lui-même. Mais vous, Vénérables Frères, ne perdez pas courage. De toutes parts, déclarons-nous encore avec saint Augustin, les eaux du déluge (c’est-à-dire la multiplicité des doctrines différentes) murmurent autour de nous. Nous ne sommes pas immergés dans le déluge, mais nous sommes entourés par lui : ses eaux nous pressent, mais ne nous touchent pas ; elles nous poursuivent, mais ne nous submergent pas.

Par conséquent, nous vous invitons une fois de plus à ne pas perdre courage. Vous aurez pour vous – et nous avons certainement confiance dans le Seigneur – l’aide des princes terrestres, qui, comme le prouvent la raison et l’histoire, en défendant leur propre cause défendent l’autorité de l’Église. Car il ne sera jamais possible de rendre à César ce qui appartient à César, si nous ne rendons pas à Dieu ce qui appartient à Dieu. De plus, pour reprendre les mots de saint Léon, les bons offices de Notre ministère seront pour vous tous. Dans les adversités, dans les doutes, dans tous vos besoins, ayez recours à ce Siège Apostolique. « Dieu, comme le dit saint Augustin, a placé la doctrine de la vérité sur la chaire de l’unité ».

Enfin, nous vous implorons par la miséricorde du Seigneur. Aidez-nous par vos vœux et vos prières adressés à Dieu, afin que l’Esprit de grâce demeure en nous et que vos jugements ne soient pas incertains : que Celui qui vous a inspiré le plaisir de l’unanimité sollicite le don de la paix en commun avec nous, afin que dans tous les jours de Notre vie passée au service du Dieu tout-puissant, prêts à vous prêter notre appui, nous puissions élever avec confiance cette prière au Seigneur : « Père saint, gardez en Votre nom ceux que Vous m’avez confiés ». En gage de Notre confiance et de Notre amour, Nous vous accordons de tout cœur la Bénédiction apostolique, à vous et à votre troupeau.

Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le 5 mai 1824, la première année de Notre Pontificat.

Le 13 avril saint Herménégilde, roi martyr

Bréviaire du jour
et Dom Guéranger, Année liturgique
Le 13 avril saint Herménégilde, roi martyr

Lectures des matines
Livre des Dialogues de saint Grégoire, pape

Livre 3, chapitre 31

Fils de Léovigilde, roi des Visigoths, le roi Herménégilde, fut converti de l’hérésie arienne à la foi catholique par les prédications du vénérable Léandre, Évêque de Séville, avec lequel je suis lié depuis longtemps d’une étroite amitié. Son père, demeuré arien, s’efforça, et de le gagner par des promesses, et de l’effrayer par des menaces, pour le ramener à l’hérésie. Comme Herménégilde répondait avec une constance inébranlable qu’il ne pourrait jamais quitter la vraie foi après l’avoir connue, son père irrité le priva de ses droits au trône et le dépouilla de tous ses biens. Un traitement si dur n’ayant pu abattre son courage,- Léovigilde le fit jeter dans une étroite prison et charger de fers au cou et aux mains. Le jeune roi commença alors à mépriser les royaumes de la terre, et à rechercher par les plus ardents désirs le royaume du ciel. Couvert d’un ciliée, et gisant à terre accablé par ses liens, il adressait des prières au Dieu tout-puissant, pour qu’il le fortifiât ; et plus il reconnaissait par sa captivité même le néant des biens qui avaient pu lui être ravis, plus il regardait avec dédain la gloire de ce monde qui passe.

La fête de Pâques étant survenue, son perfide père lui envoya durant le silence d’une nuit profonde un Évêque arien, afin qu’il reçût la communion eucharistique de cette main sacrilège, et qu’il rentrât par ce moyen en grâce auprès de son père. Mais Herménégilde, tout dévoué à Dieu, adressa à l’Évêque arien, quand il l’aborda, les reproches qu’il était de son devoir de lui faire, et repoussa avec une juste indignation ses propositions insidieuses ; car, s’il gisait corporellement sous le poids de ses chaînes, intérieurement il se tenait dans une sécurité profonde et conservait toute l’élévation de son âme. Mais quand l’Évêque revint auprès de Léovigilde, ce prince arien frémit de rage et envoya aussitôt ses appariteurs pour tuer dans sa prison le très courageux confesseur de la foi ; ces ordres s’exécutèrent. Dès que les satellites furent entrés, ils lui fendirent la tête d’un coup de hache, mais en lui ôtant ainsi la vie du corps, ils ne purent lui enlever que ce que l’héroïque victime avait constamment méprisé en sa personne. Les miracles ne manquèrent pas pour manifester la véritable gloire dont il jouissait ; dans le silence de la nuit on entendit tout à coup le chant des Psaumes qui retentissait près du corps de ce roi martyr, d’autant plus véritablement roi qu’il avait obtenu la couronne du martyre.

Quelques-uns rapportent aussi que des flambeaux allumés parurent la nuit autour de son corps, ce qui porta tous les fidèles à le révérer comme celui d’un Martyr, ainsi qu’ils le devaient. Le père, plein de perfidie et souillé du sang de son fils, se sentit enfin touché de repentir ; il déplora ce qu’il avait fait, mais ce regret n’alla pas jusqu’à lui obtenir le salut. Tout en reconnaissant la vérité de la foi catholique, il fut retenu par la crainte que lui inspirait son peuple, et n’eut pas le courage de se convertir. Une maladie l’ayant réduit à l’extrémité, il recommanda à l’Évêque Léandre, qu’il avait auparavant persécuté avec tant de rigueur, le roi Récarède. son fils, qu’il laissait plongé dans l’hérésie, afin que les exhortations du saint Prélat opérassent en lui l’heureux changement qu’elles avaient produit en son frère. Après avoir fait cette recommandation, Léovigilde mourut. Le roi Récarède, suivant alors, non les traces de son coupable père, mais l’exemple de son frère le Martyr, renonça aux erreurs de l’hérésie arienne, amena à la vraie foi toute la nation des Visigoths, et refusa de recevoir sous ses étendards, dans tout son royaume, ceux qui ne craindraient pas de se constituer les ennemis de Dieu en restant infectés d’hérésie. Il ne faut pas s’étonner que le frère d’un Martyr soit devenu le prédicateur de la vraie foi : les mérites du second aident le premier à ramener un grand nombre d’âmes au sein [de l’Église] du Dieu tout-puissant.

Hymne des matines

Sur le trône royal de la vaillante Ibérie,
Ô Herménégilde, lumière et gloire des martyrs,
Que l’amour du Christ introduit
Aux saintes assemblées du ciel,

Tu demeures inébranlable dans la souffrance
Pour garder à Dieu le service juré ;
Rien à tes yeux ne surpasse cet honneur
Et sagement, tu écartes les plaisirs dangereux.

Comme tu contiens ces passions
Qui servent de nourriture au vice naissant,
Tu marches sans hésiter
Sur le chemin où la vérité te guide.

Honneur continuel au Père, Seigneur du monde
Et que nos prières célèbrent le Fils,
Qu’elles exaltent le divin Flamine
par des louanges souveraines.
Amen.

Hymne des laudes

Par aucune flatterie, ton père ne t’entraîne,
Tu n’es pris ni par le repos d’une vie opulente
Ni par l’éclat des diamants
Ni par l’ambition de régner.

De ses cruelles menaces, le tranchant du glaive
Ne t’effraie pas plus que l’homicide fureur
Du bourreau car, comparant le durable au périssable,
Tu préfères les joies du ciel.

Et maintenant, protège-nous du séjour d’en-haut
Dans ta clémence et, tandis que nous chantons
La palme que ta mort a conquise,
D’une oreille favorable reçois nos prières.

Honneur continuel au Père, Seigneur du monde
Et que nos prières célèbrent le Fils,
Qu’elles exaltent le divin Flamine
par des louanges souveraines.
Amen.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Le mystère de la Pâque nous apparaît aujourd’hui à travers les palmes d’un Martyr. Herménégilde , jeune prince visigoth, est immolé par l’ordre d’un père que l’hérésie aveugle ; et la cause de son trépas est la constance avec laquelle il a repoussé la communion pascale qu’un évêque arien voulait le contraindre à recevoir de ses mains. Le martyr savait que la divine Eucharistie est le signe auguste de l’unité catholique, et qu’il n’est pas permis de participer à la chair de notre Agneau pascal avec ceux qui ne sont pas dans la véritable Église. Une consécration sacrilège peut mettre les hérétiques en possession du divin Mystère, si le caractère sacerdotal existe en celui qui a osé franchir la barrière de l’autel du Dieu qu’il blasphème ; mais le catholique qui sait qu’il ne lui est pas même permis de prier avec les hérétiques, tremble à la vue du Mystère profané, et s’éloigne pour ne pas faire outrage au Rédempteur jusque dans le Mystère qu’il n’a établi que pour s’unir à ses fidèles.

Le sang du martyr fut fécond. L’Espagne asservie à l’erreur secoua ses chaînes ; un concile tenu à Tolède consomma la réconciliation que la sainte victime avait commencée. Ce fut un spectacle sublime et rare dans les siècles de voir une nation entière se lever pour abjurer l’hérésie ; mais cette nation a été bénie du ciel. Soumise bientôt à la terrible épreuve de l’invasion sarrasine, elle sut en triompher par ses armes, et sa foi toujours pure depuis lui a mérité le plus beau des titres pour un peuple, celui de Catholique.

Le Pape Urbain VIII a composé les deux Hymnes pour l’Office du saint Martyr.

Courageux témoin de la vérité du Symbole de la foi, Herménégilde, nous vous offrons aujourd’hui nos hommages et nos actions de grâces.

Votre mort courageuse a montré l’amour que vous aviez pour le Christ, et votre mépris des honneurs de la terre nous apprend à les mépriser. Né pour le trône, un cachot est devenu votre séjour ici-bas ; et c’est de là que vous êtes parti pour le ciel, le front ceint des palmes du martyre, couronne mille fois plus éclatante que celle qui vous était offerte pour prix d’une honteuse apostasie. Priez maintenant pour nous ; l’Église, en inscrivant votre nom sur le Cycle sacré, vous y convie en ces jours. La Pâque fut le jour de votre triomphe ; obtenez qu’elle soit pour nous une véritable Pâque, une complète résurrection qui nous conduise sur vos traces jusqu’à l’heureux séjour où vos yeux contemplent Jésus ressuscité. Rendez-nous fermes dans la foi, dociles à l’enseignement de la sainte Église, opposés à toute erreur et à toute nouveauté. Veillez sur l’Espagne votre patrie, qui doit à votre sang versé en témoignage de la vraie foi tant de siècles de pure orthodoxie ; préservez-la de toute défection, afin qu’elle ne cesse jamais de mériter le beau titre qui fait sa gloire.

Encouragements de Mélanie Calvat pour la persécution

« Cette crise ne fait que commencer. Bientôt, les privilèges de l’Église catholique lui seront enlevés et transférés à la Franc-Maçonnerie qui deviendra comme religion d’État. La persécution violente succédera logiquement à la persécution tranquille qui désorganise le gouvernement de l’Église depuis 1880. Mis au pied du mur Continuer la lecture de « Encouragements de Mélanie Calvat pour la persécution »

La dernière lettre de nouvel an de l’abbé Robert à ses paroissiens

Cette lettre fut écrite par un prêtre insermenté, c’est-à-dire ayant refusé le schisme révolutionnaire de 1790, prêtre du Doubs qui poursuivit son ministère de façon héroïque auprès de ses paroissiens et de bien d’autres catholiques. Deux-cent trente ans plus tard on peut la reprendre sans avoir quasiment rien à y changer. On peut surtout la mettre en application, c’est pourquoi je vous la publie. Je ne saurais mieux dire et je la prends à mon compte pour vous souhaiter une bonne et sainte année.

Abbé François Pivert


30 décembre 1793

Mes chers et bien chers Paroissiens

Je ne puis m’empêcher en finissant cette malheureuse année et sur le point d’en commencer une nouvelle de vous faire les souhaits ordinaires. Autrefois, je vous les faisais tranquillement au pied de nos autels, où tous assemblés nous faisions quelques réflexions sur l’année qui venait de finir et sur celle que nous avions commencée.

Continuer la lecture de « La dernière lettre de nouvel an de l’abbé Robert à ses paroissiens »

Saint Ignace, martyr
« être broyé sous la dent des bêtes comme froment de Dieu, pour devenir le pain de Jésus-Christ. »

Saint Ignace fut un grand évêque, un homme d’une rare sainteté ; mais sa gloire est surtout son martyre. Conduit devant l’empereur Trajan, il subit un long interrogatoire :

« — C’est donc toi, vilain démon, qui insulte nos dieux ?
« — Nul autre que vous n’a jamais appelé Théophore un mauvais démon.
« — Qu’entends-tu par ce mot Théophore ?
« — Celui qui porte Jésus-Christ dans son cœur.
« — Crois-tu donc que nous ne portons pas nos dieux dans notre cœur ?
« — Vos dieux ! ce ne sont que des démons ; il n’y a qu’un Dieu Créateur, un Jésus-Christ, Fils de Dieu, dont le règne est éternel.
« — Sacrifie aux dieux, je te ferai pontife de Jupiter et père du Sénat.
« — Tes honneurs ne sont rien pour un Prêtre du Christ ».

Trajan, irrité, le fait conduire en prison. « Quel honneur pour moi, Seigneur, s’écrie le Martyr, d’être mis dans les fers pour l’amour de Vous ! » et il présente ses mains aux chaînes en les baisant à genoux.

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Un apostat qui s’est bien racheté par le martyre

Un apostat qui s’est bien racheté par le martyre

Extrait de : Le Père Six, curé de Phat-Diem, vice-roi en Annam, par Mgr Armand Olichon, 1941

À l’époque des faits, l’abbé Triêm est grand séminariste.

Le 16 janvier 1858, le petit Séminaire de Ke-Bang, où se sont réfugiés les élèves de Vinh-Tri, est assiégé par le préfet de Nam-Dinh, escorté de 700 soldats. Le blocus et les fouilles durèrent seize heures. Le feu fut mis au presbytère, à l’école cléricale, à l’église, au couvent des reli­gieu­ses indigènes, les Amantes de la Croix.

Les habitants du village avaient pris la fuite. Quatorze chrétiens et quatre élèves de l’école furent arrêtés. Parmi ces derniers se trouvait Jean Phap, le petit frère de l’abbé Triêm. Chargés d’une lourde cangue, tous furent conduits à Nam-Dinh et jetés en prison.

Alors se déroula une scène de toute beauté, dont le récit dut arracher des larmes de fierté au frère du petit martyr.

Un jour, l’abbé Triêm, lui-même en fuite, apprit qu’un jeune homme demandait à le voir. C’était un élève du Petit Sémi­naire, l’un des compagnons de Jean Phap dans ses combats, mais non, hélas ! dans sa victoire.

En apercevant l’abbé Triêm, il éclata en sanglots :

— Je demande à voir le Seigneur-Maître (c’est ainsi que les chrétiens désignent l’évêque). Je suis perdu j’ai foulé aux pieds la croix !

Pierre Triêm eut grand’peine à obtenir un récit cohérent des événements du 16 janvier. Il connaissait le visiteur : Paul Bot, âgé de dix-sept ans, élève de septième au Petit Séminaire. Peu à peu, cependant, en phrases hachées, il obtint un récit du drame.

Les séminaristes avaient été séparés des autres chrétiens pour être jugés à part.

— Traduits devant le tribunal du mandarin nous fûmes sommés de fouler aux pieds la croix placée à terre, au milieu du prétoire… Grâce à Dieu, personne de nous ne faiblit… Alors, on nous attache à quatre piquets, la face contre terre, et le mandarin nous fait frapper de quarante coups de rotin. Au bout de quelques jours, nous fûmes amenés une deuxième fois devant le tribunal. Même sommation. Même refus. Une seconde fois, nous fûmes battus de verges…

— Mais alors, petit frère, pourquoi pleurer ? Tu n’as rien à te reprocher I…

— C’est que la troisième fois, le juge, voyant qu’il n’obtenait rien de nous par la crainte, changea de méthode : « Par pitié pour votre jeunesse, dit-il, je ne veux plus vous obliger à marcher sur la croix. Laissez-vous seulement transporter sans rien dire par-dessus le signe dessiné à terre.

Pierre Triêm avait compris.

— Et alors ? demanda-t-il, la gorge serrée.

— Alors, trois d’entre nous se lais­sèrent soulever par les extrémités de leur cangue, et les soldats nous transportèrent de l’autre côté du signe de la croix… Je fus l’un de ceux-là. J’ai renié mon Dieu. !…

Pierre Triêm n’osait interroger davantage.

— Et Jean ? murmura-t-il enfin.

— Jean Phap fut le seul à protester ! Lorsque les satellites du mandarin voulurent saisir sa cangue, il se débattit de toutes ses forces… C’était pourtant le plus jeune de nous quatre, il n’avait que quatorze ans… Alors, en riant, les soldats le soulevèrent. Il se débattait de son mieux, repliant ses petites jambes et criant de toutes ses forces « Non, je ne marche pas sur la croix ! Non, je ne renie pas mon Dieu ! »

L’abbé Triêm pleurait silencieusement.

— Qu’ont-ils fait de lui ? demanda-t-il à voix basse.

Les sanglots du coupable redoublèrent :

— Ils ne l’ont pas tué tout à fait, mais, avant de l’envoyer en exil, ils lui ont fait subir d’affreux supplices. Le mandarin le fit s’agenouiller sur la planche hérissée de clous. Ce fut en vain. Il dit qu’il aimait mieux mourir que de renier Jésus-Christ…

— Ce fut tout ?…

— Non. Le mandarin, l’ayant fait reconduire en prison et battre de verges, l’appela une dernière fois au prétoire. Cette fois, le bourreau tenait à la main des tenailles rougies au feu. « Si tu ne veux pas marcher sur le signe de la croix, dit le juge, je te fais arracher la peau… »

Le petit Jean marcha vers le bourreau et tendit ses bras… On le ramena en prison sanglant, évanoui, mais pur de tout péché. Aujourd’hui, il est avec les bannis de Lang-son…

L’abbé Triêm, à genoux, priait et souriait dans ses larmes.

Quand il se releva, il prit doucement le front du pauvre apostat prostré à ses pieds :

Mais toi-même, malheureux enfant, qu’es-tu devenu depuis lors ?

— Je me suis enfui du côté de mon village natal. Ma mère, veuve, y habite seule…

Ici, un hoquet coupa sa voix.

Pierre Triêm releva la tête du coupable et le força de continuer.

— Ma mère m’a maudit !… « Jamais, dit-elle, je ne permettrai à un renégat, fût-il mon enfant, d’habiter sous ce toit. Si tu étais mort, mon fils, je te pleurerais comme un martyr. Aujourd’hui, je pleure de honte d’avoir enfanté un apostat. »

Le pauvre Paul Bot suppliait l’abbé Triêm de le conduire à l’évêque pour qu’il pût obtenir son pardon et racheter sa faute. Avec sa prudence ordinaire, Pierre Triêm démontra à son jeune camarade que l’abso­lution de l’évêque n’était pas indispensable, qu’il pouvait obtenir son pardon du premier prêtre qu’il rencontrerait, et qu’il ne lui resterait qu’à accomplir sa pénitence. Cette pénitence fut héroïque.

Quelques semaines après, l’abbé Triêm recevait de Paul Bot une lettre où il racontait qu’il s’était confessé et qu’il était réconcilié avec l’Église, mais qu’il désirait faire encore quelque chose de plus. Il demandait s’il lui serait permis, pour réparer davantage son crime, de retourner devant le mandarin de Nam-Dinh pour confesser la foi.

Le destinataire de la lettre répondit aussitôt à Paul qu’ayant accompli tout ce que lui avait ordonné son confesseur, il pouvait demeurer en paix ; que si, cepen­dant, confiant en Dieu, il allait confesser la foi devant le tribunal de Nam-Dinh, cet acte glorifierait certainement l’Église d’une façon héroïque.

Au reçu de cette réponse, le jeune séminariste se revêtit de ses plus beaux habits et prit le chemin de Son-Mieng, où habitait sa mère.

— Salut, ô ma mère. lui dit-il. Il y a quelques semaines, à Nam-Dinh, j’ai commis un acte de lâcheté, je me suis laissé transporter par-dessus le signe de la croix ; mon acte vous a fait beaucoup de peine. Je vous en demande pardon, comme j’en ai demandé pardon à Dieu ; j’ai fait toute ma pénitence, mais aujourd’hui je veux retour­ner à la ville, devant le grand mandarin, et lui rendre l’acte qu’il m’a fait accomplir par surprise. Je viens, ô ma mère, vous saluer et vous demander la permission de partir.

Ensuite, par quatre fois, le jeune homme s’inclina en se prosternant jusqu’à terre ; c’est ainsi qu’on salue les supérieurs, en Annam, dans les grandes circonstances.

— Tu peux aller et faire ce que tu dis, mon fils, lui répond cette mère héroïque ; je t’ai offert au bon Dieu depuis longtemps pour être son prêtre, c’est à lui que tu appartiens. Qu’il te soutienne !

Le lendemain, le juge de Nam-Dinh venait de s’asseoir à son tribunal, lorsqu’on vit un jeune homme entrer précipitamment et se placer en face de lui.

— Salut, grand mandarin ! s’écria-t-il. Je suis le séminariste Bot. Il y a quelques semaines, vous m’aviez fait apostasier en me trompant. Vos soldats m’ont transporté par-dessus la croix, mais, cet acte, je le réprouve ; je ne veux pas le garder pour moi, je vous le rapporte et je vous le rends.

Le juge, interloqué, fit chasser l’inso­lent du prétoire. Mais le courageux jeune homme y rentra et jeta à nouveau son défi à la face du mandarin. Celui-ci le fit alors flageller durement, tandis que la courageuse victime répétait sans cesse :

— Cet acte n’est pas à moi, il est au grand mandarin ; je le lui rends.

Enfin, furieux de ne pouvoir le faire taire, le grand mandarin ordonna de le ligoter et de le jeter aux éléphants.

Quand le noble martyr fut étendu, pieds et mains liés, sur le sol du parc à éléphants, les énormes bêtes s’approchèrent lentement. D’ordinaire, ces monstres écrasent immé­dia­tement leurs victimes. Pour Paul, il n’en fut pas ainsi ; ils semblaient le respecter. Deux heures durant, ils considérèrent cet innocent couché à terre, qu’on entendait murmurer des invocations pieuses ou redire :

— Cet acte n’est pas à moi je le rends au grand mandarin.

Enfin, le cornac, impatienté, se mit à exciter ses bêtes. L’une d’elles, s’appro­chant du martyr leva sur sa poitrine sa patte monstrueuse. Une dernière prière, un cri, le bruit d’os qui s’écrasent, du sang, une pauvre loque humaine : l’Église d’Annam comptait un bienheureux de plus.

En attendant la sentence de l’Église, le corps du petit séminariste Paul Bot, pénitent et martyr, repose aujourd’hui dans la chapelle du Petit-Séminaire de la Mission de Phat-Diem…

Le livre de Tobie

Note sur le livre de Tobie

Vous ne trouverez le livre de Tobie que dans les bibles catholiques, car les protestants ne le comptent pas parmi les livres de la Bible, tandis que Dieu nous a révélé, et l’Église nous l’affirme par la voix du concile de Trente, voix infaillible donc, que ce livre est bien inspiré et fait partie de la révélation divine. Mais comme les protestants rejettent l’enseignement de la Tradition révélée, il leur est facile de conserver ce qui leur convient et de rejeter le reste. Les modernistes font tout pour affirmer que ce livre n’est pas historique et qu’il est trop beau pour être vrai. Voilà pourquoi je vous donne le texte intégral de ce livre.

Ce livre forme un tout parfaitement coordonné et disposé avec un art admirable. Il est partagé en six sections formant autant de tableaux : Vertus et épreuves de Tobie ; vertus et épreuves de Sara ; voyage du jeune Tobie en Médie ; son mariage avec Sara ; son retour à Ninive et la guérison de son père ; conclusion : manifestation de l’ange Raphaël, dernières années de Tobie. Certains textes écrivent Tobit au lieu de Tobie.

L’histoire de Tobie nous offre un parfait modèle de la vie domestique et renferme les exemples les plus instructifs et les plus touchants de toutes sortes de vertus, surtout celles de la vie de famille et du mariage.

Mais il nous instruit aussi sur l’importance des anges pour protéger, former et guider les hommes.

Chapitre 1

Tobie, de la tribu et d’une ville de Nephthali, qui est dans la haute Galilée au-dessus de Naasson, derrière le chemin qui conduit à l’occident, ayant à sa gauche la ville de Séphet, fut emmené captif au temps de Salmanasar, roi des Assyriens ; et, même dans sa captivité, il n’abandonna pas la voie de la vérité ; en sorte qu’il distribuait tous les jours ce qu’il pouvait avoir à ses frères, à ceux de sa nation qui étaient captifs avec lui.

Et quoiqu’il fût le plus jeune de tous dans la tribu de Nephthali, il ne fit rien paraître de puéril dans ses actes.

Car lorsque tous allaient aux veaux d’or que Jéroboam, roi d’Israël, avait faits, il fuyait seul la compagnie de tous.

Et il allait à Jérusalem au temple du Seigneur, et il y adorait le Seigneur, le Dieu d’Israël, offrant fidèlement les prémices et les dîmes de tous ses biens, et, la troisième année, il distribuait toute sa dîme aux prosélytes et aux étrangers. Il observait ces choses et d’autres semblables conformément à la loi de Dieu, n’étant encore qu’un enfant.

Mais, lorsqu’il fut devenu homme, il épousa une femme de sa tribu, nommée Anne, et en eut un fils auquel il donna son nom. Et il lui apprit dès son enfance à craindre Dieu, et à s’abstenir de tout péché.

Lors donc qu’ayant été emmené captif avec sa femme, son fils et toute sa tribu, il fut arrivé dans la ville de Ninive, quoique tous mangeassent des mets des gentils, il garda néanmoins son âme, et il ne se souilla jamais de leurs mets.

Et parce qu’il se souvint de Dieu de tout son cœur, Dieu lui fit trouver grâce devant le roi Salmanasar, qui lui donna pouvoir d’aller partout où il voudrait, et la liberté de faire ce qu’il lui plairait.

Il allait donc trouver tous ceux qui étaient captifs, et leur donnait des avis salutaires.

Or il vint à Ragès, ville des Mèdes, ayant dix talents d’argent qui provenaient des dons qu’il avait reçus du roi.

Et parmi le grand nombre de ceux de sa race, voyant que Gabélus, qui était de sa tribu, était dans le besoin, il lui donna sous son seing cette somme d’argent.

Mais, longtemps après, le roi Salmanasar étant mort, et Sennachérib, son fils, qui régna après lui, ayant une grande haine contre les fils d’Israël, Tobie allait visiter presque tous les jours tous ceux de sa parenté, les consolait, et distribuait de son bien à chacun d’eux selon son pouvoir.

Il nourrissait ceux qui avaient faim, il donnait des vêtements à ceux qui étaient nus, et ensevelissait soigneusement ceux qui étaient morts ou qui avaient été tués.

Car le roi Sennachérib étant revenu de la Judée, fuyant la plaie dont Dieu l’avait frappé pour ses blasphèmes, il faisait tuer dans sa colère beaucoup des fils d’Israël, et Tobie ensevelissait leurs corps.

Mais, lorsque le roi l’apprit, il ordonna de le tuer, et il lui ôta tout son bien.

Alors Tobie s’enfuit avec son fils et sa femme, et, dépouillé de tout, il put se cacher, parce qu’un grand nombre l’aimaient.

Quarante-cinq jours après, le roi fut tué par ses fils ; et Tobie revint dans sa maison, et on lui rendit tout son bien.

Chapitre 2

Or, après cela, comme c’était un jour de fête du Seigneur, un grand repas fut préparé dans la maison de Tobie ; et il dit à son fils : Allez, et amenez quelques-uns de notre tribu qui craignent Dieu, afin qu’ils mangent avec nous.

Son fils partit, et revint lui annoncer qu’un des fils d’Israël gisait égorgé dans la rue. Tobie se leva aussitôt de table, et laissant là le repas, arriva à jeun auprès du cadavre. Il l’enleva et l’emporta secrètement dans sa maison, afin de l’ensevelir avec précaution lorsque le soleil serait couché.

Et après avoir caché le corps, il se mit à manger avec larmes et tremblement, se souvenant de cette parole que le Seigneur avait dite par le prophète Amos : Vos jours de fête se changeront en lamentation et en deuil. Et lorsque le soleil fut couché, il alla l’ensevelir.

Or tous ses proches le blâmaient, en disant : Déjà, pour ce sujet, on a ordonné de vous faire mourir, et vous n’avez échappé qu’avec peine à l’arrêt de mort, et de nouveau vous ensevelissez les morts ?

Mais Tobie, craignant plus Dieu que le roi, emportait les corps de ceux qui avaient été tués, les cachait dans sa maison, et les ensevelissait au milieu de la nuit.

Or il arriva un jour que, s’étant fatigué à ensevelir les morts, il revint dans sa maison, se coucha près d’une muraille et s’endormit ; et pendant qu’il dormait, il tomba d’un nid d’hirondelle de la fiente chaude sur ses yeux ; ce qui le rendit aveugle.

Dieu permit que cette épreuve lui arrivât, pour que sa patience servît d’exemple à la postérité, comme celle du saint homme Job.

Car, ayant toujours craint Dieu dès son enfance, et ayant gardé ses commandements, il ne s’attrista pas contre Dieu de ce qu’Il l’avait affligé par cette cécité ; mais il demeura immobile dans la crainte du Seigneur, rendant grâces à Dieu tous les jours de sa vie.

Et de même que des rois insultaient au bienheureux Job, ainsi ses parents et ses proches se raillaient de sa conduite, en disant :

Où est votre espérance pour laquelle vous faisiez tant d’aumônes et de sépultures ?

Mais Tobie, les reprenant, leur disait : Ne parlez pas ainsi ; car nous sommes enfants des Saints, et nous attendons cette vie que Dieu doit donner à ceux qui ne changent jamais leur foi envers lui.

Mais Anne, sa femme, allait tous les jours faire de la toile, et apportait du travail de ses mains ce qu’elle pouvait gagner pour vivre.

Il arriva donc qu’ayant reçu un jour un chevreau, elle l’apporta à la maison. Et son mari, l’ayant entendu bêler, dit : Prenez garde qu’il n’ait été dérobé ; rendez-le à ses maîtres, car il ne nous est pas permis de manger ou de toucher ce qui a été dérobé.

Alors sa femme lui répondit avec colère : Il est évident que votre espérance était vaine, et voilà le résultat de vos aumônes.

C’est ainsi, et par d’autres paroles semblables, qu’elle lui insultait.

Chapitre 3

Alors Tobie gémit et commença à prier avec larmes, en disant : Seigneur, vous êtes juste ; tous vos jugements sont équitables, et toutes vos voies sont miséricorde, et vérité, et justice.

Et maintenant, Seigneur, souvenez-vous de moi, ne prenez point vengeance de mes péchés, et ne vous souvenez pas de mes fautes, ni de celles de mes pères.

Nous n’avons point obéi à vos préceptes ; c’est pourquoi nous avons été livrés au pillage, à la captivité et à la mort, et nous sommes devenus la risée de toutes les nations parmi lesquelles vous nous avez dispersés.

Et maintenant, Seigneur, vos jugements sont grands, parce que nous n’avons pas agi selon vos préceptes, et que nous n’avons pas marché sincèrement devant vous.

Et maintenant, Seigneur, traitez-moi selon votre volonté, et commandez que mon âme soit reçue en paix ; car il vaut mieux pour moi mourir que vivre.

En ce même jour, il arriva que Sara, fille de Raguël, à Ragés, ville des Mèdes, entendit, elle aussi, les injures d’une des servantes de son père.

Car elle avait été donnée en mariage à sept maris, et un démon, nommé Asmodée, les avait tués aussitôt qu’ils s’étaient approchés d’elle.

Comme donc elle reprenait cette servante pour quelque faute, celle-ci lui répondit : Que jamais nous ne voyons de toi ni fils ni fille sur la terre, ô meurtrière de tes maris !

Ne veux-tu point me tuer aussi, comme tu as déjà tué sept maris ? À cette parole, Sara monta dans une chambre haute de la maison, où elle demeura trois jours et trois nuits sans boire ni manger.

Mais, persévérant dans la prière, elle demandait à Dieu avec larmes qu’Il la délivrât de cet opprobre.

Or il arriva que, le troisième jour, achevant sa prière, et bénissant le Seigneur, elle dit : que votre nom soit béni, Dieu de nos pères, qui faites miséricorde après vous être irrité, et qui au temps de l’affliction pardonnez les péchés à ceux qui vous invoquent.

Vers vous, Seigneur, je tourne mon visage, vers vous je dirige mes yeux.

Je vous demande, Seigneur, de me délivrer du lien de cet opprobre, ou de me retirer de dessus la terre.

Vous savez, Seigneur, que je n’ai jamais désiré un mari, et que j’ai conservé mon âme pure de toute concupiscence.

Je ne me suis jamais mêlée avec ceux qui aiment à se divertir, et je n’ai jamais eu aucun commerce avec ceux qui se conduisent avec légèreté.

Si j’ai consenti à recevoir un mari, c’est dans votre crainte, et non par passion.

Et, ou j’ai été indigne d’eux, ou peut-être n’étaient-ils pas dignes de moi, parce que vous m’avez peut-être réservée pour un autre époux.

Car votre conseil n’est pas au pouvoir de l’homme.

Mais quiconque vous honore est sûr que, si vous l’éprouvez pendant sa vie, il sera couronné ; si vous l’affligez, il sera délivré ; et si vous le châtiez, il aura accès auprès de votre miséricorde.

Car vous ne prenez pas plaisir à notre perte ; mais, après la tempête, vous ramenez le calme ; et après les larmes et les pleurs, vous nous comblez de joie.

Que votre nom, ô Dieu d’Israël, soit béni dans tous les siècles.

Ces prières de tous deux furent exaucées en même temps devant la gloire du Dieu suprême ; et le saint Ange du Seigneur, Raphaël, fut envoyé pour les guérir tous deux, eux dont les prières avaient été présentées au Seigneur en même temps.

Chapitre 4

Tobie, croyant donc que Dieu exaucerait la prière qu’il lui avait faite de pouvoir mourir, appela à lui son fils Tobie, et lui dit : Mon fils, écoutez les paroles de ma bouche, et posez-les dans votre cœur comme un fondement.

Lorsque Dieu aura reçu mon âme, ensevelissez mon corps, et honorez votre mère tous les jours de sa vie ; car vous devez vous souvenir des nombreux et grands périls qu’elle a soufferts lorsqu’elle vous portait dans son sein.

Et quand elle-même aussi aura achevé le temps de sa vie, ensevelissez-la auprès de moi.

Ayez Dieu dans l’esprit tous les jours de votre vie, et gardez-vous de consentir jamais au péché, et de violer les préceptes du Seigneur notre Dieu.

Faites l’aumône de votre bien, et ne détournez votre visage d’aucun pauvre ; car ainsi il arrivera que le visage du Seigneur ne se détournera pas de vous.

Soyez charitable de la manière que vous le pourrez.

Si vous avez beaucoup, donnez abondamment ; si vous avez peu, ayez soin de donner de bon cœur de ce peu. Car vous vous amasserez une grande récompense pour le jour de la nécessité.

Car l’aumône délivre de tout péché et de la mort, et elle ne laissera pas tomber l’âme dans les ténèbres. L’aumône sera le sujet d’une grande confiance devant le Dieu suprême, pour tous ceux qui l’auront faite.

Gardez-vous, mon fils, de toute fornication ; et hors votre épouse, ne vous permettez pas de commettre le crime.

Ne souffrez jamais que l’orgueil domine dans vos pensées ou dans vos paroles, car c’est par lui que tous les maux ont commencé.

Lorsque quelqu’un aura travaillé pour vous, payez-lui aussitôt son salaire, et que la récompense du mercenaire ne demeure jamais chez vous.

Ce que vous seriez fâché qu’on vous fît, prenez garde de jamais le faire à autrui.

Mangez votre pain avec les pauvres et avec ceux qui ont faim, et couvrez de vos vêtements ceux qui sont nus.

Employez votre pain et votre vin à la sépulture du juste, et gardez-vous d’en manger et d’en boire avec les pécheurs.

Demandez toujours conseil à un homme sage.

Bénissez Dieu en tout temps, et demandez-Lui qu’Il dirige vos voies, et que tous vos desseins demeurent fermes en Lui.

Je vous avertis aussi, mon fils, que lorsque vous n’étiez qu’un petit enfant, j’ai donné dix talents d’argent à Gabélus, de Ragès, ville des Mèdes, et que j’ai sa promesse entre les mains.

C’est pourquoi cherchez de quelle manière vous parviendrez jusqu’à lui, pour retirer de lui cette somme d’argent et lui rendre son obligation.

Ne craignez point, mon fils : il est vrai que nous menons une vie pauvre ; mais nous aurons beaucoup de biens si nous craignons Dieu, et si nous nous écartons de tout péché, et si nous faisons de bonnes œuvres.

Chapitre 5

Alors Tobie répondit à son père, et lui dit : Mon père, je ferai tout ce que vous m’avez ordonné.

Mais je ne sais comment je retirerai cet argent. Cet homme ne me connaît pas, et je ne le connais pas non plus ; quelle preuve lui donnerai-je ? Je n’ai même jamais connu le chemin par où l’on va là-bas.

Alors son père lui répondit, et lui dit : J’ai son obligation entre les mains, et aussitôt que vous la lui aurez montrée, il vous rendra l’argent.

Mais allez maintenant, et cherchez quelque homme fidèle qui aille avec vous moyennant un salaire, afin que vous receviez cet argent pendant que je vis encore.

Alors Tobie, étant sorti, trouva un beau jeune homme debout, ceint et comme prêt à marcher.

Et ignorant que c’était un Ange de Dieu, il le salua, et dit : D’où venez-vous, bon jeune homme ?

Il répondit : D’avec les fils d’Israël. Tobie lui dit : Connaissez-vous le chemin qui conduit au pays des Mèdes ?

Et il lui répondit : Je le connais ; j’ai souvent parcouru tous ces chemins, et j’ai demeuré chez Gabélus notre frère, qui demeure à Ragès, ville des Mèdes, qui est situé dans la montagne d’Ecbatane.

Tobie lui dit : Attendez-moi, je vous prie, jusqu’à ce que j’aie annoncé ces choses à mon père.

Alors Tobie, étant rentré, raconta tout cela à son père ; sur quoi le père, saisi d’admiration, demanda que ce jeune homme entrât auprès de lui.

Étant donc entré, il salua Tobie, et dit : Que la joie soit toujours avec vous.

Tobie répondit : Quelle joie puis-je avoir, moi qui suis dans les ténèbres, et qui ne vois point la lumière du ciel ?

Le jeune homme lui dit : Ayez bon courage, le temps approche où Dieu doit vous guérir.

Alors Tobie lui dit : Pourrez-vous conduire mon fils chez Gabélus à Ragès, ville des Mèdes ? Et quand vous serez de retour, je vous donnerai ce qui vous sera dû.

L’Ange lui dit : Je le conduirai, et le ramènerai auprès de vous.

Tobie lui répondit : Indiquez-moi, je vous prie, de quelle famille vous êtes, ou de quelle tribu.

L’Ange Raphaël lui dit : Cherchez-vous la famille du mercenaire qui doit conduire votre fils, ou le mercenaire lui-même ?

Mais, de peur que je ne vous donne de l’inquiétude, je suis Azarias, fils du grand Ananias.

Et Tobie répondit : vous êtes d’une race illustre. Mais je vous prie de ne pas vous fâcher, si j’ai désiré connaître votre race.

L’Ange lui dit : Je conduirai votre fils en bonne santé, et le ramènerai de même.

Tobie lui répondit : Faites bon voyage ; que Dieu soit dans votre chemin, et que Son Ange vous accompagne.

Alors, ayant préparé tout ce qu’ils devaient porter dans le voyage, Tobie dit adieu à son père et à sa mère, et ils se mirent en chemin tous deux ensemble.

Et lorsqu’ils furent partis, sa mère commença à pleurer et à dire : vous nous avez ôté le bâton de notre vieillesse, et vous l’avez éloigné de nous. Plût à Dieu que cet argent, pour lequel vous l’avez envoyé, n’eût jamais existé ! Car notre pauvreté nous suffisait, et nous pouvions regarder comme une grande richesse de voir notre fils.

Et Tobie lui dit : Ne pleurez point ; notre fils arrivera sain et sauf, et il reviendra sain et sauf, et vos yeux le verront.

Car je crois que le bon Ange de Dieu l’accompagne, et qu’il dispose bien tout ce qui le concerne, et qu’ainsi il reviendra vers nous avec joie.

À cette parole, sa mère cessa de pleurer, et elle se tut.

Chapitre 6

Tobie partit donc, et le chien le suivit ; et il demeura la première nuit près du fleuve du Tigre.

Et il sortit pour se laver les pieds, et voici qu’un énorme poisson s’avança pour le dévorer. Tobie, plein d’effroi, jeta un grand cri, en disant : Seigneur, il va se jeter sur moi.

Et l’Ange lui dit : Prenez-le par les ouïes, et tirez-le à vous. Ce qu’ayant fait, il le tira à terre, et le poisson commença à se débattre à ses pieds.

Alors l’Ange lui dit : Videz ce poisson, et prenez-en le cœur, le fiel et le foie, car ils vous seront nécessaires pour des remèdes très utiles.

Ce qu’ayant fait, il fit rôtir une partie de la chair, qu’ils emportèrent avec eux en chemin ; ils salèrent le reste, qui leur devait suffire jusqu’à ce qu’ils arrivassent à Ragès, ville des Mèdes.

Alors Tobie interrogea l’Ange, et lui dit : Mon frère Azarias, je vous supplie de me dire quel remède l’on peut tirer de ce que vous m’avez ordonné de garder du poisson.

Et l’Ange, lui répondant, lui dit : Si vous mettez sur des charbons une partie de son cœur, sa fumée chasse toute sorte de démons, soit d’un homme, soit d’une femme, en sorte qu’ils ne s’en approchent plus.

Et le fiel est bon pour oindre les yeux où il y a quelque taie, et il les guérit.

Et Tobie lui dit : Où voulez-vous que nous logions ?

L’Ange lui répondit : Il y a ici un homme du nom de Raguël, votre parent et de votre tribu. Il a une fille nommée Sara ; mais il n’a pas de fils, ni d’autre fille que celle-là.

Tout son bien vous sera dû, et il faut que vous la preniez pour épouse.

Demandez-la donc à son père, et il vous la donnera en mariage.

Alors Tobie répondit et dit : J’ai entendu dire qu’elle avait déjà épousé sept maris, et qu’ils sont morts ; et j’ai entendu dire aussi qu’un démon les avait tués.

Je crains donc que la même chose ne m’arrive à moi-même, et que, comme je suis fils unique de mes parents, je ne précipite de chagrin leur vieillesse au tombeau.

Alors l’Ange Raphaël lui dit : Écoutez-moi, et je vous apprendrai quels sont ceux sur qui le démon a du pouvoir.

Ce sont ceux qui s’engagent dans le mariage de manière à bannir Dieu de leur cœur et de leur esprit, et qui ne pensent qu’à leur passion, comme le cheval et le mulet qui sont sans raison ; le démon a du pouvoir sur ceux-là.

Mais pour vous, lorsque vous l’aurez épousée, étant entré dans la chambre, vivez avec elle dans la continence pendant trois jours, et ne pensez à autre chose qu’à prier avec elle.

Cette même nuit, mettez dans le feu le foie du poisson, et le démon s’enfuira.

La seconde nuit, vous serez admis dans la société des saints patriarches.

La troisième nuit, vous recevrez la bénédiction de Dieu, afin qu’il naisse de vous des enfants en parfaite santé.

La troisième nuit passée, vous prendrez cette jeune fille dans la crainte du Seigneur, et guidé par le désir d’avoir des enfants plutôt que par la passion, afin que vous obteniez la bénédiction de Dieu, en ayant des enfants de la race d’Abraham.

Chapitre 7

Or ils entrèrent chez Raguël, qui les reçut avec joie.

Et Raguël, regardant Tobie, dit à Anne sa femme : Que ce jeune homme ressemble à mon cousin !

Après cela il leur dit : D’où êtes-vous, jeunes gens nos frères ? Ils lui dirent : Nous sommes de la tribu de Nephthali, du nombre des captifs de Ninive.

Et Raguël leur dit : Connaissez-vous mon frère Tobie ? Ils lui dirent : Nous le connaissons.

Et comme Raguël en disait beaucoup de bien, l’Ange lui dit : Tobie, dont vous nous demandez des nouvelles, est le père de ce jeune homme.

Et Raguël, s’avançant aussitôt, le baisa avec larmes, et pleurant sur son cou,

il dit : Soyez béni, mon fils ; car vous êtes le fils d’un homme de bien, du meilleur des hommes.

Et Anne sa femme et Sara leur fille se mirent à pleurer.

Et, après cet entretien, Raguël ordonna qu’on tuât un bélier et qu’on préparât le festin. Et comme il les priait de se mettre à table,

Tobie dit : Je ne mangerai et ne boirai point ici aujourd’hui, que vous ne m’ayez accordé ma demande, et que vous ne me promettiez de me donner Sara, votre fille.

À ces mots, Raguël fut saisi de frayeur, sachant ce qui était arrivé aux sept maris qui s’étaient approchés d’elle, et il commença à craindre que la même chose n’arrivât aussi à celui-ci. Et comme il hésitait, et ne répondait rien à la demande de Tobie, l’Ange lui dit : Ne craignez pas de la donner à ce jeune homme, car il craint Dieu, et c’est à lui que votre fille est due comme épouse ; c’est pourquoi nul autre n’a pu la posséder.

Alors Raguël dit : Je ne doute pas que Dieu n’ait admis mes prières et mes larmes en sa présence.

Et je crois qu’Il vous a fait venir afin que cette fille épousât quelqu’un de sa parenté selon la loi de Moïse ; et ainsi ne doutez pas que je ne vous donne ma fille comme vous le désirez.

Et prenant la main droite de sa fille, il la mit dans la main droite de Tobie, et dit : Que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob soit avec vous ; que Lui-même vous unisse, et qu’Il accomplisse sa bénédiction en vous.

Et ayant pris du papier, ils écrivirent l’acte de mariage.

Et après cela, ils mangèrent en bénissant Dieu.

Et Raguël appela Anne, sa femme, et lui ordonna de préparer une autre chambre.

Et elle y conduisit Sara, sa fille, qui se mit à pleurer.

Et elle lui dit : Aie bon courage, ma fille. Que le Seigneur du ciel compense en joie le chagrin que tu as éprouvé.

Chapitre 8

Après qu’ils eurent soupé, ils firent entrer le jeune homme auprès d’elle.

Alors Tobie, se souvenant des paroles de l’Ange, tira de son sac une partie du foie du poisson, et la mit sur des charbons ardents.

Alors l’Ange Raphaël saisit le démon, et le lia dans le désert de la haute Égypte.

Et Tobie exhorta la jeune fille et lui dit : Sara, levez-vous et prions Dieu aujourd’hui, et demain, et après-demain, car durant ces trois nuits nous nous unirons à Dieu ; et après la troisième nuit, nous vivrons dans notre mariage.

Car nous sommes les enfants des Saints, et nous ne pouvons pas nous unir comme des païens, qui ne connaissent pas Dieu.

S’étant donc levés tous deux, ils prièrent Dieu ensemble avec instance, afin qu’Il les conservât sains et saufs.

Et Tobie dit : Seigneur, Dieu de nos pères, que les cieux et la terre, la mer, les fontaines et les fleuves, avec toutes vos créatures qu’ils renferment, vous bénissent.

Vous avez fait Adam du limon de la terre, et vous lui avez donné Ève pour auxiliaire.

Et maintenant, Seigneur, vous savez que ce n’est point pour satisfaire ma passion que je prends ma sœur pour épouse, mais dans le seul désir d’une postérité par laquelle votre nom soit béni dans tous les siècles.

Sara dit aussi : Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous, et faites que nous vieillissions tous deux ensemble dans une parfaite santé.

Or, vers le chant du coq, Raguël ordonna qu’on fît venir ses serviteurs, et ils s’en allèrent avec lui pour creuser une fosse.

Car il disait : Il lui sera peut-être arrivé la même chose qu’à ces sept hommes qui sont entrés auprès d’elle.

Et lorsqu’ils eurent préparé la fosse, Raguël, étant revenu près de sa femme, lui dit :

Envoyez une de vos servantes pour voir s’il est mort, afin que je l’ensevelisse avant qu’il fasse jour.

Et Anne envoya une de ses servantes, qui, étant entrée dans la chambre, les trouva sains et saufs, dormant ensemble.

Et elle revint et annonça cette bonne nouvelle. Alors Raguël et Anne, sa femme, bénirent le Seigneur, et dirent : Nous vous bénissons, Seigneur, Dieu d’Israël, parce que ce que nous avions pensé ne nous est point arrivé ; car vous nous avez fait miséricorde, et vous avez chassé loin de nous l’ennemi qui nous persécutait, et vous avez eu pitié de ces deux enfants uniques. Faites, Seigneur, qu’ils vous bénissent encore davantage, et qu’ils vous offrent un sacrifice de louange pour leur préservation, afin que toutes les nations connaissent que vous seul êtes Dieu sur toute la terre.

Et aussitôt Raguël ordonna à ses serviteurs de remplir avant le jour la fosse qu’ils avaient faite.

Il dit aussi à sa femme de préparer un festin, et tous les vivres nécessaires à ceux qui entreprennent un voyage.

Et il fit tuer deux vaches grasses et quatre moutons, pour préparer un festin à tous ses voisins et à tous ses amis.

Raguël conjura ensuite Tobie de demeurer avec lui pendant deux semaines.

Il lui donna la moitié de tout ce qu’il possédait, et déclara par un écrit que l’autre moitié qui restait reviendrait à Tobie après sa mort.

Chapitre 9

Alors Tobie appela auprès de lui l’Ange, qu’il croyait un homme, et il lui dit : Mon frère Azarias, je vous prie d’écouter mes paroles.

Quand je me donnerais à vous comme esclave, je ne pourrais pas reconnaître dignement tous vos soins.

Néanmoins je vous conjure de prendre avec vous des serviteurs et des montures, et d’aller trouver Gabélus à Ragès, ville des Mèdes, pour lui rendre son obligation et recevoir de lui l’argent, et pour le prier de venir à mes noces.

Car vous savez que mon père compte les jours, et si je tarde un jour de plus, son âme sera accablée d’ennui.

Vous voyez aussi de quelle manière Raguël m’a conjuré, et que je ne puis résister à ses instances.

Raphaël prit donc quatre serviteurs de Raguël et deux chameaux, et s’en alla à Ragès, ville des Mèdes, et ayant trouvé Gabélus, il lui rendit son obligation et reçut de lui tout l’argent.

Il lui raconta aussi tout ce qui était arrivé au jeune Tobie, et il le fit venir avec lui aux noces.

Et lorsque Gabélus fut entré dans la maison de Raguël, il trouva Tobie à table ; celui-ci se leva, et ils s’embrassèrent l’un l’autre, et Gabélus pleura et bénit Dieu, en disant : Que le Dieu d’Israël vous bénisse, car vous êtes le fils d’un homme très vertueux et juste, qui craint Dieu et fait beaucoup d’aumônes.

Que la bénédiction se répande aussi sur votre femme et sur vos parents.

Puissiez-vous voir vos fils, et les fils de vos fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération, et que votre race soit bénie du Dieu d’Israël, qui règne dans les siècles des siècles.

Et tous ayant répondu : Amen, ils se mirent à table ; mais dans le festin même des noces ils se conduisirent avec la crainte du Seigneur.

Chapitre 10

Pendant que Tobie différait son départ à cause de ses noces, son père s’inquiétait et disait : D’où peut venir ce retard de mon fils, et qui peut le retenir là-bas ?

Ne serait-ce pas que Gabélus est mort, et qu’il ne se trouve personne pour lui rendre l’argent ?

Il commença donc à s’attrister vivement, et Anne, sa femme, avec lui ; et ils se mirent ensemble à pleurer de ce que leur fils n’était pas revenu auprès d’eux au jour marqué.

Mais sa mère surtout versait des larmes inconsolables, et elle disait : Hélas ! hélas ! mon fils, pourquoi vous avons-nous envoyé si loin, vous la lumière de nos yeux, le bâton de notre vieillesse, la consolation de notre vie et l’espérance de notre postérité ?

Nous ne devions pas vous éloigner de nous, puisque vous seul nous teniez lieu de toutes choses.

Tobie lui disait : Taisez-vous, et ne vous troublez pas ; notre fils se porte bien ; cet homme avec qui nous l’avons envoyé est très fidèle.

Mais rien ne pouvait la consoler ; et, sortant tous les jours de sa maison, elle regardait de tous côtés, et allait dans tous les chemins par lesquels elle espérait qu’il pourrait revenir pour tâcher de le découvrir de loin quand il reviendrait.

Cependant Raguël disait à son gendre : Demeurez ici, et j’enverrai à Tobie votre père des nouvelles de votre santé.

Tobie lui répondit : Je sais que mon père et ma mère comptent maintenant les jours, et qu’ils sont accablés de chagrin.

Et comme Raguël priait Tobie avec de grandes instances, et que celui-ci refusait de consentir, il lui remit Sara et la moitié de tout ce qu’il possédait en serviteurs, en servantes, en troupeaux, en chameaux, en vaches, et une grande quantité d’argent, et il le laissa partir plein de santé et de joie, en lui disant : Que le saint Ange du Seigneur soit en votre chemin ; qu’il vous conduise sains et saufs, et puissiez-vous trouver votre père et votre mère en bon état, et que mes yeux voient vos enfants avant que je meure.

Et les parents, prenant leur fille, la baisèrent et la laissèrent aller, l’avertissant d’honorer son beau-père et sa belle-mère, d’aimer son mari, de régler sa famille, de gouverner sa maison, de se conserver elle-même irrépréhensible.

Chapitre 11

Et comme ils s’en retournaient, ils arrivèrent le onzième jour à Charan, qui est à moitié chemin dans la direction de Ninive.

Et l’Ange dit : Mon frère Tobie, vous savez en quel état vous avez laissé votre père.

Si donc cela vous plaît, allons en avant, et que vos serviteurs suivent lentement avec votre femme et vos troupeaux.

Et comme il lui plut d’aller ainsi, Raphaël dit à Tobie : Prenez avec vous du fiel du poisson, car vous en aurez besoin. Tobie prit donc de ce fiel, et ils partirent.

Anne cependant allait tous les jours s’asseoir près du chemin, sur le haut d’une montagne, d’où elle pouvait découvrir de loin.

Et comme elle regardait de ce lieu si son fils arrivait, elle l’aperçut de loin, et elle le reconnut aussitôt, et elle courut l’annoncer à son mari, et lui dit : Voilà que votre fils revient.

Et Raphaël dit à Tobie : Dès que vous serez entré dans votre maison, adorez aussitôt le Seigneur votre Dieu ; et Lui rendant grâces, approchez-vous de votre père, et baisez-le.

Et aussitôt frottez-lui les yeux avec ce fiel de poisson que vous portez sur vous. Car sachez que bientôt ses yeux s’ouvriront, et que votre père verra la lumière du ciel, et se réjouira en vous voyant.

Alors le chien, qui les avait suivis durant le voyage, courut devant eux ; et arrivant comme un messager, il témoignait sa joie par le mouvement de sa queue et ses caresses.

Et le père aveugle se leva et se mit à courir, trébuchant à chaque pas ; et donnant la main à un serviteur, il s’avança au-devant de son fils.

Et le rencontrant, il l’embrassa, et sa mère ensuite ; et ils commencèrent tous deux à pleurer de joie.

Puis, lorsqu’ils eurent adoré Dieu et Lui eurent rendu grâces, ils s’assirent.

Alors Tobie, prenant du fiel du poisson, en frotta les yeux de son père. Et il attendit environ une demi-heure, et une petite peau blanche, semblable à la membrane d’un œuf, commença à sortir de ses yeux.

Et Tobie, la prenant, la tira des yeux de son père, qui recouvra aussitôt la vue.

Et ils rendirent gloire à Dieu, lui et sa femme, et tous ceux qui le connaissaient.

Et Tobie disait : Je vous bénis, Seigneur, Dieu d’Israël, de ce que vous m’avez châtié et guéri ; et voici que je vois Tobie, mon fils.

Sept jours plus tard, Sara, la femme de son fils, arriva aussi avec toute sa famille en parfaite santé, et aussi les troupeaux et les chameaux, et tout l’argent de la femme, et aussi l’argent que Gabélus avait rendu.

Et il raconta à ses parents tous les bienfaits dont Dieu l’avait comblé par cet homme qui l’avait conduit.

Et Achior et Nabath, cousins de Tobie, vinrent pleins de joie auprès de lui, et le félicitèrent de tous les biens que Dieu lui avait faits.

Et tous firent festin durant sept jours, et ils se réjouirent d’une grande joie.

Chapitre 12

Alors Tobie appela son fils auprès de lui, et lui dit : Que pouvons-nous donner à ce saint homme qui est venu avec vous ?

Tobie répondant à son père, lui dit : Mon père, quelle récompense lui donnerons-nous ? ou que peut-il y avoir de proportionné à ses bienfaits ?

Il m’a mené et ramené sain et sauf ; il a lui-même reçu l’argent de Gabélus ; il m’a fait avoir une épouse ; il a éloigné d’elle le démon ; il a rempli de joie ses parents ; il m’a délivré du poison qui allait me dévorer ; il vous a fait voir à vous-même la lumière du ciel ; et c’est par lui que nous avons été remplis de tous les biens. Que lui donnerons-nous qui égale ce qu’il a fait pour nous ?

Mais je vous prie, mon père, de lui demander s’il daignerait accepter la moitié de tout le bien que nous avons apporté.

Alors Tobie le père et son fils l’appelèrent, et l’ayant pris à part, ils le conjurèrent de vouloir bien recevoir la moitié de tout ce qu’ils avaient apporté.

Alors l’Ange leur dit en secret : Bénissez le Dieu du ciel, et glorifiez-Le devant tous les hommes, parce qu’il a fait éclater sur vous sa miséricorde.

Car il est bon de cacher le secret du roi, mais il est honorable de révéler et de publier les œuvres de Dieu.

La prière accompagnée du jeûne est bonne, et l’aumône vaut mieux que d’amasser des monceaux d’or.

Car l’aumône délivre de la mort, et c’est elle qui efface les péchés, et qui fait trouver la miséricorde et la vie éternelle.

Mais ceux qui commettent le péché et l’iniquité sont les ennemis de leur âme.

Je vais donc vous découvrir la vérité, et je ne vous cacherai point une chose qui est secrète.

Lorsque vous priiez avec larmes, et que vous ensevelissiez les morts, que vous quittiez votre repas, et que vous cachiez les morts dans votre maison durant le jour pour les ensevelir pendant la nuit, j’ai présenté votre prière au Seigneur.

Et parce que vous étiez agréable à Dieu, il a été nécessaire que la tentation vous éprouvât.

Et maintenant le Seigneur m’a envoyé pour vous guérir, et pour délivrer du démon Sara, la femme de votre fils.

Car je suis l’Ange Raphaël, l’un des sept qui nous tenons en la présence du Seigneur.

Lorsqu’ils eurent entendu ces paroles, ils furent troublés, et, saisis de frayeur, ils tombèrent le visage contre terre.

Et l’Ange leur dit : La paix soit avec vous, ne craignez point.

Car, lorsque j’étais avec vous, j’y étais par la volonté de Dieu ; bénissez-Le et chantez-Le.

Il vous a paru que je mangeais et que je buvais avec vous ; mais je me nourris d’un mets invisible, et d’un breuvage qui ne peut être vu des hommes.

Il est donc temps que je retourne vers Celui qui m’a envoyé ; pour vous, bénissez Dieu et publiez toutes ses merveilles.

Et lorsqu’il eut ainsi parlé, il disparut de devant eux, et ils ne purent plus le voir.

Alors, s’étant prosternés le visage contre terre pendant trois heures, ils bénirent Dieu, et s’étant levés, ils racontèrent toutes ses merveilles.

Chapitre 13

Alors Tobie l’ancien, ouvrant la bouche, bénit le Seigneur, et il dit : Vous êtes grand, Seigneur, dans l’éternité ; et votre règne s’étend à tous les siècles.

Car vous châtiez et vous sauvez, vous conduisez jusqu’au tombeau, et vous en ramenez, et nul ne peut se soustraire à votre main.

Rendez grâces au Seigneur, fils d’Israël, et louez-le devant les nations ;

car Il vous a dispersés parmi les peuples qui L’ignorent, afin que vous publiiez ses merveilles, et que vous leur appreniez qu’il n’y a pas d’autre Dieu tout-puissant, si ce n’est Lui.

C’est Lui qui nous a châtiés à cause de nos iniquités ; et c’est Lui qui nous sauvera à cause de sa miséricorde.

Considérez donc la manière dont Il nous a traités, et bénissez-Le avec crainte et tremblement, et exaltez par vos œuvres le Roi des siècles.

Pour moi je Le bénirai sur cette terre où je suis captif, parce qu’Il a fait éclater sa majesté sur une nation criminelle.

Convertissez-vous donc, pécheurs, et pratiquez la justice devant Dieu, et croyez qu’Il vous fera miséricorde.

Mais moi et mon âme, nous nous réjouirons en Lui.

Bénissez le Seigneur, vous tous ses élus ; célébrez des jours de joie, et rendez-Lui des actions de grâces.

Jérusalem, cité de Dieu, le Seigneur t’a châtiée à cause des œuvres de tes mains.

Rends grâces au Seigneur pour les biens qu’Il t’a faits, et bénis le Dieu des siècles, afin qu’Il rétablisse en toi Son tabernacle, et qu’Il rappelle à toi tous les captifs, et que tu te réjouisses dans tous les siècles des siècles.

Tu brilleras d’une lumière éclatante, et toutes les extrémités de la terre t’adoreront.

Les nations viendront à toi des pays lointains, et, t’apportant des présents, elles adoreront en toi le Seigneur, et considéreront ta terre comme un sanctuaire.

Car elles invoqueront le grand Nom au milieu de toi.

Ceux qui te mépriseront seront maudits ; ceux qui te blasphémeront seront condamnés, et ceux qui t’édifieront seront bénis.

Mais toi, tu te réjouiras dans tes enfants, parce qu’ils seront tous bénis, et réunis près du Seigneur.

Heureux tous ceux qui t’aiment, et qui se réjouissent de ta paix.

Mon âme, bénis le Seigneur, parce qu’Il a délivré Jérusalem, sa cité, de toutes ses tribulations, Lui le Seigneur notre Dieu.

Je serai heureux s’il reste quelqu’un de ma race pour voir la splendeur de Jérusalem.

Les portes de Jérusalem seront bâties de saphirs et d’émeraudes, et toute l’enceinte de ses murailles de pierres précieuses.

Toutes ses places publiques seront pavées de pierres blanches et pures ; et l’on chantera dans ses rues Alléluia.

Béni soit le Seigneur qui l’a exaltée, et qu’Il règne sur elle dans les siècles des siècles. Amen.

Chapitre 14

Ainsi finirent les paroles de Tobie. Et après qu’il eut recouvré la vue, il vécut quarante-deux ans, et il vit les enfants de ses petits-enfants.

Et après avoir vécu cent deux ans, il fut enseveli honorablement à Ninive.

Car il avait cinquante-six ans lorsqu’il perdit la vue, et il la recouvra à soixante.

Le reste de sa vie se passa dans la joie ; et ayant beaucoup avancé dans la crainte de Dieu, il mourut en paix.

À l’heure de sa mort, il appela Tobie son fils, et sept jeunes enfants qu’il avait, ses petits-fils, et il leur dit :

La ruine de Ninive est proche, car la parole de Dieu ne demeure pas sans effet ; et nos frères, qui auront été dispersés hors de la terre d’Israël, y retourneront.

Tout le pays désert y sera repeuplé et la maison de Dieu, qui a été brûlée, sera rebâtie de nouveau, et tous ceux qui craignent Dieu y reviendront.

Et les nations abandonneront leurs idoles, et elles viendront à Jérusalem, et elles y habiteront ; et tous les rois de la terre s’y réjouiront en adorant le roi d’Israël.

Mes enfants, écoutez donc votre père : servez le Seigneur dans la vérité, et cherchez à faire ce qui Lui est agréable.

Recommandez à vos enfants de faire des œuvres de justice et des aumônes, de se souvenir de Dieu, et de Le bénir en tout temps dans la vérité, et de toutes leurs forces.

Écoutez-moi donc maintenant, mes enfants, et ne demeurez point ici. Mais le jour même où vous aurez enseveli votre mère auprès de moi dans un même sépulcre, tournez vos pas afin de sortir d’ici.

Car je vois que l’iniquité de cette ville la fera périr.

Or il arriva qu’après la mort de sa mère Tobie sortit de Ninive avec sa femme, ses enfants et les enfants de ses enfants, et il retourna chez son beau-père et sa belle-mère.

Et il les trouva bien portants, dans une heureuse vieillesse, et il eut soin d’eux, et leur ferma les yeux ; il recueillit toute la succession de la maison de Raguël, et il vit les enfants de ses enfants jusqu’à la cinquième génération.

Et après qu’il eut vécu quatre-vingt-dix-neuf ans dans la crainte du Seigneur, ses enfants l’ensevelirent avec joie.

Et toute sa parenté et toute sa famille persévérèrent dans une bonne vie et dans une conduite sainte, de sorte qu’ils furent aimés de Dieu et des hommes, et de tous les habitants du pays.

Prière pour « l’Église du Silence » composée par Pie XII

Ô Seigneur Jésus, Roi des martyrs, réconfort des affligés, appui et soutien de tous ceux qui souffrent pour votre amour et pour leur fidélité à votre Épouse, notre sainte Mère l’Eglise, écoutez avec bienveillance nos ferventes prières pour nos frères de l’« Église du Silence » : que non seulement ils ne défaillent jamais dans la lutte, ni ne vacillent dans la foi, mais qu’ils puissent même expérimenter la douceur et la consolation réservées aux âmes que vous voulez bien appeler à demeurer avec vous au plus fort de la croix.

Pour ceux qui doivent supporter tourments et violence, faim et fatigues, soyez une force inébranlable, qui les affermisse dans les luttes et leur donne la certitude des récompenses promises à qui persévérera jusqu’au bout.

Pour ceux qui sont soumis à des contraintes morales, souvent d’autant plus dangereuses qu’elles sont plus insidieuses, soyez la lumière qui illumine leur intelligence, afin qu’ils voient clairement le droit chemin de la vérité, soyez la force qui soutienne leur volonté pour surmonter toute crise, toute défaillance et toute lassitude.

Pour ceux qui sont dans l’impossibilité de mener régulièrement une vie chrétienne, de recevoir fréquemment les sacrements, de s’entretenir filialement avec leurs guides spirituels, soyez vous-même l’autel secret, le temple invisible, la grâce surabondante et la voix paternelle, qui les aide, les anime, guérisse les âmes souffrantes et leur donne joie et paix.

Puisse notre fervente prière leur être secourable et notre solidarité fraternelle leur faire sentir qu’ils ne sont pas seuls ! Que leur exemple soit une source d’édification pour toute l’Eglise et spécialement pour nous qui les évoquons avec tant d’affection !

Accordez, ô Seigneur, que les jours de l’épreuve soient abrégés et que très bientôt tous puissent — avec leurs oppresseurs convertis — vous servir librement et vous adorer, vous qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vivez et régnez dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il

Indulgence de trois ans concédée par Pie XII