Mes bien chers Frères,
« Celui qui veut venir à ma suite, qu’il porte sa croix chaque jour et qu’il me suive. » Être baptisé, c’est d’abord porter la croix. Quelle croix ? Comment ?
Notes pour le sermon et résumé
Deux genres de croix : celles de Notre Seigneur que nous devons porter avec lui, c’est le martyre et, plus communément, l’amour des opprobres. Celles qui nous purifient pour nous rendre semblables à lui, c’est la désolation, la nuit des sens, la lutte contre les passions, la nuit de l’esprit.
Porter la croix de Jésus-Christ
Le martyre (sermon précédent)
La spiritualité du martyre. Elle donne un sens à la vie. Les premiers chrétiens.
- Application pratique : ne pas craindre la mort, ni les souffrances, ni les persécutions
- La fausse spiritualité du martyre : accepter le martyre, mais pas l’amour des opprobres, ni la fuite du monde, ni la nuit.
La vraie spiritualité du martyre se trouve dans la vertu de force.
Formation des enfants et des jeunes à la vertu de force : parler des martyrs anciens et modernes, les faire admirer, former la force pour la foi.
L’amour des opprobres (sermon d’aujourd’hui)
La dernière fois nous avons vu que le baptême nous destine au martyre. Mais le martyre de la plupart des chrétiens, c’est d’aimer les opprobres. Prêcher le martyre sans prêcher l’amour des opprobres, la nuit des sens, la lutte contre les passions, c’est tromper les fidèles.
Ce qui est opprobre pour un chrétien, c’est le péché, cause de honte.[1]
Ce qui est opprobre pour le monde, c’est le Christ crucifié; scandale pour les Juifs et folie pour les païens. Concrètement : coincé, intégriste, intolérant, démodé, et contre les jeunes : cas social, puceau, etc.
Aimer les opprobres dont le monde nous accuse. En être fier.
Toute l’adolescence est la formation à l’amour des opprobres, être dans le monde sans être comme lui, être fier de ne pas être comme lui.
« Vous n’êtes pas du monde comme je ne suis pas du monde. » Et, cependant, « Je ne vous demande pas, Père, de les retirer du monde, mais de les préserver du mal. » (St Jean 17, 14 et 15) « La sagesse de ce monde est une folie devant Dieu. » (1 Co 3, 19) « Nous, nous prêchons le Christ crucifié; scandale pour les Juifs et folie pour les païens, » 1 Co 1, 23
L’amour des opprobres chez saint Ignace
Saint Ignace, méditation des deux étendards : Il faut considérer « le discours que Satan adresse à ses complices, comme il leur ordonne avec menaces de jeter des filets et des chaînes. Ils doivent tenter les hommes, en leur inspirant d’abord le désir des richesses afin de les conduire plus facilement à l’amour du vain honneur du monde, et de là à un orgueil sans bornes. De sorte que le premier degré de la tentation, ce sont les richesses ; le second, les honneurs ; le troisième, l’orgueil ; et de ces trois degrés il porte les hommes à tous les autres vices.
« À l’opposé, je considérerai comment le Seigneur du monde entier choisit un si grand nombre de personnes, les Apôtres, les disciples et tant d’autres, et comment il les envoie dans tout l’univers répandre sa doctrine sacrée parmi les hommes de tous les âges et de toutes les conditions. « J’écouterai le discours que Jésus-Christ, notre Seigneur, adresse à tous ses serviteurs et à tous ses amis qu’il envoie à cette expédition. Il leur recommande d’aider tous les hommes, en les attirant premièrement à une entière pauvreté spirituelle, et non moins à la pauvreté réelle ; secondement, au désir des opprobres et des mépris, parce que de ces deux choses naît l’humilité. De sorte qu’il y a trois degrés : le premier, la pauvreté opposée aux richesses ; le second, les opprobres et les mépris opposés à l’honneur du monde : le troisième, l’humilité opposée à l’orgueil ; et de ces trois degrés ils porteront les hommes à toutes les autres vertus. » Fin de citation de saint Ignace.
Porter les croix qui nous purifient
Les désolations et la nuit des sens
Les désolations, c’est-à-dire la privation des consolations, sont un châtiment, une leçon ou une épreuve.
L’adolescence : 1ère désolation et première nuit des sens. Au niveau naturel : purifier l’entendement encombré par le sensible. Se conduire sur ce qu’on connaît par la raison bien qu’on ne le voie pas. Par exemple obéir à son père, alors que l’adolescent commence à devenir autonome.
Au niveau surnaturel. Par exemple, l’adolescent qui exerce les œuvres de miséricorde, contre sa sensibilité, sans chercher une récompense précise, tout en sachant que cela portera du fruit.[2]
Nécessité d’insister sur la nuit des sens même naturelle, car le monde moderne « est une conspiration universelle contre toute forme de vie intérieure. » (Bernanos)
La vraie nuit des sens : 1. Absence de joie en Dieu et dans les choses créées. La partie sensible est abattue et languissante par manque de goût à agir, mais l’esprit est vigoureux.
2. Sentiment de reculer, inquiétude à ce sujet.
3. Incapacité de méditer à l’aide de l’imagination, avec cependant un désir de servir Dieu.
4. Attrait pour la solitude et le calme.
« Ce sont les sécheresses qui font avancer l’âme dans la voie du pur amour de Dieu. Elle ne se porte plus désormais à agir sous l’influence du goût et de la saveur qu’elle trouvait dans ses actions ; elle ne se meut que pour plaire à Dieu. Elle n’a plus de présomption ni de satisfaction personnelle, comme elle en avait peut-être l’habitude au temps de la prospérité ; elle est devenue craintive et défiante d’elle-même ; elle ne cherche plus de satisfaction en elle-même ; aussi vit-elle dans cette crainte salutaire qui conserve et augmente les vertus. » Saint Jean de la Croix, Nuit obscure des sens, chapitre 13.
La nuit des sens donne la lumière
Dieu éclaire l’âme, elle connaît sa misère et sa bassesse, elle découvre la grandeur et l’excellence de son Dieu. L’entendement (l’intelligence) acquiert une pureté nécessaire pour comprendre la vérité. La nuit des sens ôte les obstacles et Dieu communique peu à peu par un moyen surnaturel les lumières de sa Sagesse.
L’âme reçoit de Dieu l’humilité et l’esprit de promptitude dans l’accomplissement de l’obéissance par pur amour pour Dieu, sans consolation. Assouplie et humiliée par ces aridités et ces difficultés, elle devient douce à l’égard de Dieu, d’elle-même et du prochain.
La lutte contre les passions
La nuit des sens se réalise par la réforme des passions et auxquelles on impose un frein.
Également en cherchant à comprendre les choses selon la raison et non selon le sentiment.
Il s’agit d’une lutte à cause de la blessure du péché originel. Sans lui, cela se ferait naturellement.
La nuit de l’esprit
Se laisser conduire par la foi.
Par exemple, apparente désobéissance à l’Église conciliaire, par obéissance à la foi. Esprit de foi.
[1] Opprobre vient du latin opprobrium, de ob, et probrum, action honteuse, qui est pour prohibrum (comparez manubrium pour manuhibrium), de prohibere, prohiber : chose qu’on prohibe et qu’on reproche. (Littré)
[2] Comme ni le sens ni la force naturelle ne peuvent s’assimiler ce qui est purement spirituel, ils restent sans aliment et par là secs et vides. La partie sensitive n’est en aucune façon organisée pour recevoir ce qui est de pur esprit… Comme l’esprit reçoit tout l’aliment, il est plus vigilant et plus soucieux qu’auparavant dans son désir de ne manquer en rien à Dieu, et s’il n’éprouve pas tout d’abord la saveur et la délectation spirituelle, mais plutôt l’aridité et l’ennui, cela tient à la nouveauté de ce changement… Le palais spirituel n’est encore ni disposé, ni accoutumé au goût nouveau…