Mes bien chers Frères,
L’Eucharistie est un sacrement qui nous fait monter des réalités les plus simples — le pain et le vin — jusqu’à l’union intime avec Dieu et jusqu’au Ciel. Il importe de bien comprendre les étapes — ou les niveaux — de cette ascension, sous peine de tout confondre et de ne profiter de rien. Au contraire, si tout est clair et en ordre, l’ascension se fait en toute simplicité et sans risque.
Que le Fils de la Vierge Marie vous bénisse !
Résumé du sermon
Commentateur de saint Thomas
Résumé du sermon
Les trois éléments constitutifs de l’Eucharistie
Nous avons vu que tout sacrement est constitué, en allant du plus visible vers le plus intérieur, d’un signe qui n’est que signe, pur signe, (sacramentum tantum), de ce qui est à la fois signe et réalité (res et sacramentum), enfin de la réalité pure (res tantum).
Dans l’Eucharistie, ces trois éléments sont particulièrement faciles à déterminer :
► pur signe : les espèces eucharistiques — désignent le corps et le sang du Christ séparés
►chose et signe : l’humanité de Jésus, offerte sur la Croix — le sang, la croix, la mort du Christ volontaire, sont autant de réalités qui sont aussi signes et qui désignent l’offrande du Christ, la réparation du péché, l’amour du Christ pour Dieu et les hommes,
►réalité pure : l’union à Dieu. —> la grâce, la charité dans l’Église entre les chrétiens, la gloire, la contemplation, toutes choses que nous verrons plus en détail dans une autre sermon.
Les prières de la messe
Quant au rite, les prières de la messe, elles ne sont pas le sacrement. Seule la consécration réalise le sacrement. De même que les prières du baptême ne sont pas le baptême, seule l’ablution est le sacrement, le reste n’est que préparation ou explication. La fonction des prières est, dans la première partie de la messe, dite messe des catéchumènes, de préparer nos âmes à nous unir au Christ en fonction de la grâce précise qu’a consécration.
Ce rappel est nécessaire pour ne pas tout mélanger. Un commentateur de saint Thomas dit que cette division tripartie du sacrement est essentielle pour comprendre l’Eucharistie et d’une grande importance pour écarter d’innombrables équivoques. Dans toute la théologie, dit-il, il n’y a guère de distinctionil veut nous communiquer selon le temps liturgique, dans la deuxième partie de la messe, d’exprimer la réalité sacrée qui va se réaliser en un instant au moment de l théologique qui soit plus éclairante et qui paraisse plus proche de la réalité, malgré son apparente subtilité.
C’est sur cette distinction que repose celle tout aussi importante de communion sacramentelle et communion spirituelle.
L’Eucharistie nourriture
Il faut enfin ajouter que ce sacrement est reçu sous forme de nourriture, ce qui ajoute à la richesse de la signification. Les espèces – sacramentum tantum – sont une nourriture. Mais le corps de Jésus-Christ – res et sacramentum – est aussi une nourriture « prenez et mangez, ceci est mon corps » et bien avant : « Celui qui mange mon corps… ». Enfin la grâce – res tantum – est également une nourriture, ici-bas par la contemplation, au ciel par le banquet céleste. D’où de nécessaires développements sur cette triple nourriture et ses effets.
Cette apparente complexité est en réalité ce qui permet de saisir et d’entrer sans difficulté dans cette grande richesse, parce que, justement, le Christ a choisi des signes simples et riches à la fois.
Les chrétiens qui ont une foi simple se mettent tout simplement au pied de Jésus en croix et ils s’en nourrissent sans réfléchir à ce qu’est une nourriture. Ils communient et ils s’unissent avec une telle intimité à Jésus – et Jésus crucifié – qu’ils reçoivent toutes les richesses que Jésus a gagnées pour eux durant sa vie, plus particulièrement durant sa Passion, tandis que ressuscité il continue à présenter ses plaies sacrées à Dieu le Père, semper ad interpellandum pro nobis, interpellant toujours pour nous.
Toutes ces réalités que le catéchisme développe à juste titre et qui rendent le traité de l’Eucharistie si long, ils les reçoivent pourvu qu’ils croient que, par l’Eucharistie, ils sont mis au pied de la Croix puisque l’Eucharistie est le sacrifice de la Croix, ils sont unis à Jésus puisque l’Eucharistie est une nourriture.
Commentateur de saint Thomas
Saint Thomas recourt à une division tripartie du sacrement qui joue un rôle essentiel dans tout notre traité et dont on ne saurait exagérer l’importance pour dirimer d’innombrables équivoques nées de la signification analogique du terme de sacrement. Dans toute la théologie, il n’y a guère de distinction qui soit plus éclairante et qui paraisse plus proche de la réalité que celle-ci, malgré son apparente subtilité.
Lorsque nous employons le mot de sacrement, dans le langage courant, nous pouvons entendre trois choses différentes, mais étroitement dépendantes :
1° le sacramentum tantum, « ce qui est signe seulement », c’est l’objet sacré qui se présente immédiatement à nos sens pour signifier et produire des réalités invisibles. Entre celles-ci il faut encore distinguer une double profondeur et un double mode d’efficacité.
2° la res et sacramentum, « ce qui est réalité et signe ». Le signe seul produit une réalité cachée, mais immédiatement connaissable parce que cette réalité est toujours liée au signe seul (c’est en cette dépendance nécessaire que consiste en grande partie l’efficacité « ex opere operato »). Cette réalité cachée n’est pas la raison dernière du sacrement ; elle a à son tour, valeur de signe à l’égard d’une réalité ultime qui est.
3° la res tantum, « réalité seulement », c’est-à-dire réalité signifiée mais nullement signifiante, qui est le but final du sacrement. Cette dernière réalité n’est pas nécessairement liée à la « res et sacramentum ». Pour que celle-ci, réalité intermédiaire et signifiante, produise la « res tantum », réalité ultime, il faut que le sujet du sacrement soit en bonnes dispositions. C’est ainsi que l’efficacité immanquable de l’ « ex opere operato », c’est-à-dire du sacrement qui produit toujours son effet, ne fait aucun tort à la moralité des sacrements ni à la liberté humaine.
Cette division s’applique à tous les sacrements, mais d’une manière analogique. Dans tous, cependant, le sacramentum tantum correspond à ce qu’il y a de plus extérieur et d’immédiatement visible, à savoir la matière et la forme ; la res et sacramentum est toujours produite nécessairement par le sacramentum tantum ; c’est toujours un élément permanent du sacrement ; dans les trois sacrements à caractère, cette réalité intermédiaire est le caractère lui-même ; dans l’extrême-onction et le mariage, c’est la res et sacramentum qui empêche de renouveler le sacrement tant que dure la même union ou la même maladie.
Dans l’Eucharistie, la res et sacramentum consiste dans le corps et le sang du Christ, qui demeurent dans le sacrement aussi longtemps que demeurent les espèces consacrées. Enfin, dans tous les sacrements, la res tantum n’est autre chose que la grâce propre au sacrement, qui rend raison de son existence et de son institution.
(Commentaire dit De la Revue des Jeunes, L’Eucharistie, tome 1, note 3)