La publication de la lettre que le cardinal chinois Joseph Zen a envoyée en septembre dernier à ses frères du Sacré Collège ouvre une fenêtre sur la crise dramatique pour l’Église chinoise qui s’est ouverte avec la signature des accords entre le Saint-Siège et la Chine. C’est la voix de celui qui crie dans le désert.
En septembre dernier, le cardinal Joseph Zen, archevêque émérite de Hong Kong, a écrit une lettre à tous les cardinaux. Un appel dramatique, et une manière d’essayer de les sensibiliser – et de les rendre conscients – de la situation de l’Église en Chine. La lettre a été rendue publique le 8 janvier 2020.
Le document se compose de la lettre d’appel, de l’ample citation des Orientations pastorales publiées par le Saint-Siège et des observations précises faites par le cardinal lui-même sur divers points des Orientations. L’incipit donne tout le drame du problème :
« Je m’excuse pour le dérangement que cette lettre va vous causer. C’est qu’en conscience, je crois que le problème que je présente concerne non seulement l’Église en Chine, mais l’Église tout entière, et nous, cardinaux, avons la grave responsabilité d’aider le Saint-Père à diriger l’Église « .
Ainsi commence le message du cardinal, une critique très sévère surtout des directives pastorales émises par le Vatican, et qui encourage, selon les mots du Cardinal, « les fidèles en Chine à entrer dans une Église schismatique indépendante du Pape et sous les ordres du Parti Communiste ».
La lettre a été écrite en septembre 2019. Dans ce document, le cardinal Zen déclare que lors de la rencontre de juillet 2019 avec le Pape Bergoglio, au cours de laquelle Zen lui avait remis ses observations écrites, le Souverain Pontife lui avait promis de s’intéresser à la question. Mais depuis, il n’en a plus entendu parler. « Il a promis de s’y intéresser, mais à ce jour je n’ai encore rien entendu ».
Une coïncidence peut-être pas accidentelle fait qu’en ces jours mêmes AsiaNews a donné des nouvelles de l’entrée en vigueur imminente des règlements pour les associations religieuses (cf. www.asianews.it). Dans la pratique, ce sont des règles qui décident de l’organisation, des fonctions, des charges, de la supervision, des plans de travail et de l’administration économique des communautés et des groupes au niveau national et local. Chaque aspect de la vie des communautés religieuses – des enseignements aux rassemblements, aux projets annuels et quotidiens – sera soumis à l’approbation du Département pour les affaires religieuses du gouvernement. Et le règlement exige du personnel religieux qu’il soutienne, encourage et mette en œuvre une soumission totale au Parti communiste chinois parmi tous les membres de leurs communautés.
En fait, il est stipulé que » les organisations religieuses doivent adhérer à la direction du Parti communiste chinois, respecter la constitution, les lois, les règlements, les ordres et les politiques, adhérer au principe de l’indépendance et de l’autonomie gouvernementale, respecter les directives sur les religions en Chine, mettre en œuvre les valeurs du socialisme […] ». Et encore: « Les organisations religieuses doivent diffuser les principes et les politiques du Parti communiste chinois, éduquer le personnel religieux et les citoyens religieux pour qu’ils soutiennent la direction du Parti communiste chinois, soutenant le système socialiste, adhérant et suivant le sentier du socialisme à caractéristiques chinoises… « .
Et il conclut en s’adressant à ses confrères: « Chère Éminence, pouvons-nous assister passivement à ce meurtre de l’Église en Chine par ceux qui devraient la protéger et la défendre des ennemis? Suppliant à genoux, votre frère, le cardinal Joseph Zen ».
Certes, à la lumière également des règlements qui vont entrer en vigueur, et des déclarations de certains évêques pro-parti, le Saint-Siège, en signant l’accord a bel et bien trahi les catholiques chinois.
D’après Marco Tosatti
La NBQ 9 janvier 2020
Traduction de l’italien