2e mystère joyeux
La Visitation suite

2e mystère joyeux
La Visitation suite

De ce qui se passa dans la visite de la Bienheureuse Vierge à sainte Élisabeth

Méditations sur les mystères de notre sainte foi
par le Vénérable Père Louis du Pont

I. — Effets de cette visite dans la personne de Jean-Baptiste

Considérons, en premier lieu, l’entrée de Notre-Dame dans la maison d’Élisabeth et les heureux effets dont elle fut la cause. Comme elle était la plus humble, elle prévint sa cousine et la salua la première, et, au même instant, le Verbe incarné se servit, comme d’instrument, des paroles de sa Mère pour opérer des œuvres merveilleuses dans la personne de Jean. Il le purifia du péché originel ; Il le sanctifia par sa grâce ; Il le remplit du Saint-Esprit ; Il lui avança l’usage de la raison ; Il le fit son prophète ; Il lui manifesta clairement le mystère de l’Incarnation ; Il lui communiqua enfin une si grande joie, qu’il en tressaillit dans le sein de sa mère, témoignant, comme il le pouvait, le bonheur qu’il ressentait de la venue et de la visite de son Maître. Tous ces effets se produisirent en un moment : ils nous fournissent deux réflexions qui seront pour nous d’une grande consolation.

1. Remarquons la toute-puissance et la libéralité du Sauveur qui accomplit, en un seul instant, des œuvres si pleines de grandeur, et cela par pure grâce, sans aucun mérite de la part de celui qui en est l’objet. Ainsi vérifie-t-il cette parole du Sage : « Le Roi assis sur son trône, dissipe tout mal par son seul regard. » Le Roi des rois, assis comme sur un trône dans le sein virginal de sa Mère, jette un regard de compassion sur son Précurseur, et ce regard suffit pour le purifier de la tache originelle dont il était souillé. Cet exemple doit m’inspirer une grande confiance qu’Il usera envers moi de la même miséricorde. N’est-il pas écrit au livre de l’Ecclésiastique : « Ayez confiance, mon fils ; car il est facile à Dieu d’enrichir le pauvre en un moment » ?

Ô Roi tout-puissant, montrez à mon égard votre puissance sans bornes ; délivrez-moi de mes maux et comblez-moi de vos biens ; on reconnaîtra la grandeur de vos miséricordes, quand on les verra se répandre sur celui qui s’en est rendu si indigne. Accordez-moi, comme à votre Précurseur, le pardon de mes péchés ; faites-moi comprendre le mystère de votre Incarnation, et remplissez mon âme de joie spirituelle dans votre service. Ainsi soit-il.

2. Remarquons ensuite l’efficacité de la parole de la Vierge en sa qualité de Mère de Dieu, et tout ce qu’elle peut obtenir en un moment de son divin Fils. Par son entremise, en effet, tous les biens descendirent à la fois dans l’âme de Jean, qui fut les prémices de la Rédemption. En considération de sa Mère, le Sauveur voulut hâter la maturité de ce premier fruit afin de nous faire espérer que, par l’intercession de Marie, nous serons prévenus et assistés de la divine miséricorde. Nous devons donc supplier instamment cette Reine charitable d’employer son crédit en notre faveur, et de nous obtenir quelques-unes des grâces précieuses que sa visite procura à l’heureux Précurseur de Jésus-Christ.

II. — Effets de la visite de la Mère de Dieu dans la personne d’Élisabeth

Considérons, en second lieu, comment sainte Élisabeth, entendant la voix de la Vierge, fut aussitôt remplie de l’Esprit-Saint et reçut une connaissance très parfaite du mystère de l’Incarnation, accompagnée du don de prophétie. Ces faveurs singulières produisirent en elle quatre effets, dans lesquels on peut reconnaître les principales propriétés des visites de Notre-Seigneur et de la présence de l’Esprit sanctificateur dans les âmes qu’il enrichit de ses dons.

1. Élisabeth, transportée par un mouvement soudain du Saint-Esprit, publie à haute voix les louanges du Seigneur et celles de la Mère du Seigneur, s’écriant du fond de son âme : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. » Comme si elle disait : « L’Ange vous a dit que vous êtes bénie entre les femmes, et cela est vrai ; mais j’ajoute : Et le fruit que vous portez dans votre sein est béni. Et c’est parce qu’il est béni, que vous êtes bénie vous-même ; car c’est de lui que procèdent, comme de leur source, toutes les bénédictions célestes. » — On voit par là qu’une des propriétés du Saint-Esprit est de nous exciter à louer avec une grande ferveur d’esprit Jésus-Christ et sa très sainte Mère ; et, par conséquent, combien de semblables louanges lui sont agréables.

2. Élisabeth, éclairée par une lumière surnaturelle qui lui fait comprendre sa propre bassesse et la grandeur de celle qui l’honore de sa visite, s’humilie profondément, et dit : « D’où me vient que la Mère de mon Seigneur daigne me visiter ? »

3. Puis, animée d’un vif sentiment de reconnaissance, elle exalte les merveilles de la toute-puissance divine et elle les raconte à la Mère du Sauveur, sachant bien qu’elle ne manquera pas d’en louer et d’en glorifier le Seigneur : « Votre voix, lui dit-elle, n’a pas plus tôt frappé mes oreilles que l’enfant a tressailli de joie dans mon sein. »

Ce sont donc encore deux propriétés de l’Esprit-Saint : de nous inspirer des sentiments d’humilité, et de nous porter à la reconnaissance, lorsqu’il nous comble de ses faveurs. Il agit ainsi afin que, nous jugeant indignes de les recevoir, nous en rendions grâces à Celui qui en est l’auteur, et que par-là ses dons soient en assurance et utiles au bien de nos âmes. Ainsi, toutes les fois que Dieu notre Seigneur nous visite intérieurement ou que nous nous approchons de lui dans le sacrement de son amour, nous devons, à l’exemple de la sainte mère du Précurseur, nous appliquer à considérer d’un côté notre propre bassesse et de l’autre la grandeur de Celui que nous recevons, et après avoir bien compris que la bonté de ce même Seigneur est la cause unique d’un si grand bienfait, lui dire avec étonnement :

D’où me vient que mon Seigneur daigne me visiter, moi, le dernier de ses serviteurs ; moi, ingrat et misérable pécheur ? Quoi ! Celui qui est mon Seigneur, le Dieu d’une grandeur et d’une majesté infinies, vient à moi ! Il entre dans moi et il ne dédaigne pas de loger dans une si pauvre demeure ! Qui l’oblige à m’accorder cette faveur ? M’en suis-je rendu digne par mes services, par mes mérites ? En suis-je redevable à quelque don naturel ou à mes propres efforts ? Ô immense charité de mon Dieu, soyez bénie de vouloir bien visiter la plus abjecte de vos créatures, par un effet de votre miséricorde !

4. Sainte Élisabeth confirme la Vierge dans les sentiments de foi dont elle la voit animée, en lui disant : « Vous êtes heureuse, vous qui avez cru ; parce que les choses qui vous ont été annoncées de la part du Seigneur s’accompliront en vous. » Elle montre par ces paroles qu’elle a reçu un don très relevé de prophétie et une connaissance très claire de tout ce qui concerne l’auguste Marie. Elle connaît le passé, c’est-à-dire l’apparition et le discours de l’Ange, le présent, c’est-à-dire la maternité divine, le futur, c’est-à-dire l’accomplissement certain des promesses de l’envoyé céleste. Par où nous voyons qu’une quatrième propriété de l’Esprit-Saint est de porter les justes qu’il remplit de ses dons, à les rendre utiles au bien de leurs frères, en les confirmant dans la foi et dans l’amour qu’ils doivent à Dieu. Tâchons d’imiter sainte Élisabeth dans ces quatre admirables sentiments, et supplions-la de nous les obtenir de Notre-Seigneur.

5. Rappelons-nous enfin que c’est en ce jour que fut hautement publié le plus glorieux titre de Marie, celui de Mère de Dieu. Elle l’entendit avec une grande humilité et une grande joie. Saluons-la donc de ce beau nom ; félicitons-la d’en être honorée, et louons Celui de qui elle tient cet honneur.