Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.
Voyant que les Juifs s’obstinaient à demander que Jésus fût crucifié, Pilate le condamna d’abord à être flagellé ; puis il le livra aux soldats, qui exécutèrent aussitôt cette première sentence.
Pourquoi Pilate condamna Jésus à être flagellé
- Examinons les raisons qui déterminèrent Pilate à porter ce sanglant arrêt : voici les deux principales :
L’intention du gouverneur était d’apaiser le peuple en lui donnant une satisfaction, et de sauver ainsi Jésus-Christ du dernier supplice : je le châtierai, se disait-il à lui-même, et je le renverrai. Aussi est-il probable qu’il donna ordre aux soldats de le flageller cruellement, afin que le spectacle d’un homme déchiré par les fouets excitât la commisération de tous ceux qui le verraient.
De plus, dans le cas où il serait contraint de condamner Jésus au supplice de la croix, le crucifiement devait être précédé de la flagellation. Ainsi l’ordonnait la loi des Romains, afin que le peuple fût plus ému à la vue des plaies du crucifié qu’offensé de sa nudité. C’est pour cela que quelques auteurs contemplatifs pensent que Jésus-Christ fut flagellé deux fois : l’une, pour la première raison que nous avons dite ; l’autre, pour la seconde, lorsqu’il eut été condamné à mourir sur la croix.
Quoi qu’il en soit, la sentence fut à la fois injuste, infamante et cruelle ; car le juge n’ignorait pas que ce captif était innocent, et néanmoins il le condamne à un châtiment ignominieux et douloureux, réservé aux voleurs et aux esclaves ; il répand le sang du Juste ; il confirme le choix d’un peuple passionné qui a préféré à son bienfaiteur un meurtrier ; il fait souffrir au Saint des saints la peine que Barabbas a méritée par ses vols et meurtres.
- Cette sentence qui nous révolte, Jésus l’accepte dans son cœur. Il n’en appelle point, Il n’entreprend pas de se justifier, Il ne se plaint pas, Il ne témoigne pas le moindre ressentiment de l’injustice criante dont Il est la victime. Loin de là, Il livre volontiers son corps aux coups des bourreaux en expiation de nos péchés, afin de guérir, dit le prophète Isaïe, les plaies de notre âme par celles de sa chair innocente, et de nous exciter par cette marque d’amour à le servir et à l’aimer.
Comment, en effet, considérer les entrailles de notre Sauveur, et refuser de Lui donner notre cœur avec toutes nos affections ? On peut croire que, dans ce moment, Jésus leva les yeux vers le ciel et dit à son Père éternel ces paroles de David : « Mon Père, puisque Vous l’avez ainsi ordonné, me voici prêt à être battu de verges. Mon corps devait être impassible et immortel ; le mal ne devait point venir jusqu’à lui, ni les fouets approcher du tabernacle où habite mon âme. Mais votre Providence a voulu me revêtir d’une chair accessible à la souffrance, et dès lors je me suis préparé à la peine que je vais subir maintenant. J’ai dit : Je paierai ce que je n’ai point dérobés, pour acquitter les dettes de ceux qui ont audacieusement tenté de vous ravir votre gloire. »
Je vous rends grâces, ô mon aimable Rédempteur, de ce que Vous avez daigné Vous soumettre à un châtiment si cruel, si honteux et si injuste. À votre exemple, me voici prêt à souffrir les fouets pour votre amour. J’accepte d’avance la sentence que Vous porterez à mon égard. Elle ne sera point injuste, puisque je l’ai méritée par mes péchés ; elle ne sera ni honteuse pour moi ni cruelle, puisque cette sentence sera celle d’un père qui châtie l’enfant qu’il aime pour l’aider à se corriger.