Semaine après les Cendres

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
La semaine après les Cendres

 

Bien que la loi du jeûne pèse sur nous depuis hier, nous ne sommes pas encore entrés dans le Carême proprement dit, dont la solennité ne s’ouvrira que samedi prochain, à vêpres. C’est afin de distinguer du reste de la sainte Quarantaine ces quatre jours surajoutés, que l’Église continue d’y chanter les vêpres à l’heure ordinaire, et permet à ses ministres de rompre le jeûne avant d’avoir satisfait à cet office. À partir de samedi, il en sera autrement. Chaque jour, à l’exception du dimanche, lequel n’admet pas le jeûne, les vêpres des fériés et des fêtes seront anticipées, en sorte qu’à l’heure où les fidèles prendront leur repas, l’office du soir sera déjà accompli. C’est un dernier souvenir des usages de l’Église primitive ; autrefois les fidèles ne rompaient pas le jeûne avant le coucher du soleil, auquel correspond l’office des vêpres.

La sainte Église a distingué ces trois jours qui suivent le mercredi des Cendres, en leur assignant à chacun une lecture de l’Ancien Testament, et une autre du saint évangile, pour être faites à la messe. Nous reproduirons ici ces lectures, en les accompagnant de quelques réflexions, et en les faisant précéder de la collecte de chaque jour.

La station à Rome est aujourd’hui dans l’église de Saint-Georges-au-Voile-d’Or.

Collecte

Ô Dieu, que le péché offense et que la pénitence apaise, écoutez dans votre clémence les prières et les supplications de votre peuple, et daignez détourner les fléaux de votre colère que nos péchés ont mérités. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Épître
Lecture du prophète Isaïe. Chap. 38.

En ces jours-là, Ézéchias fut malade jusqu’à la mort, et le prophète Isaïe, fils d’Amos, l’étant venu trouver, lui dit : Voici ce que dit le Seigneur : Donne ordre aux affaires de ta maison, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus. Et Ézéchias tourna son visage vers la muraille, et priant le Seigneur, il dit : Souvenez-vous, je vous prie, Seigneur, que j’ai marché devant vous dans la vérité et avec un cœur parfait, et que j’ai fait ce qui est bon à vos yeux. Et Ézéchias pleura avec abondance. Et le Seigneur parla à Isaïe et lui dit : Va, et dis à Ézéchias : Voici ce que dit le Seigneur Dieu de David ton père : J’ai entendu ta prière et j’ai vu tes larmes. Voici que j’ajouterai encore quinze années à tes jours, et j’arracherai de la main du roi des Assyriens toi et cette ville, et je la protégerai, dit le Seigneur tout-puissant.

Hier, l’Église nous remettait devant les yeux la certitude de la mort. Nous mourrons : la parole de Dieu y est engagée, et il ne saurait venir dans l’esprit à un homme raisonnable que sa personne puisse être l’objet d’une exception. Mais si le fait de notre mort est indubitable, le jour auquel il nous faudra mourir n’est pas moins déterminé. Dieu juge à propos de nous le cacher, dans les motifs de sa sagesse ; c’est à nous de vivre de manière à n’être pas surpris. Ce soir, peut-être, on viendra nous dire comme à Ézéchias : « Donne ordre aux affaires de ta maison ; car tu vas mourir ». Nous devons vivre dans cette attente ; et si Dieu nous accordait une prolongation de vie comme au saint roi de Juda, il faudrait toujours en venir tôt ou tard à cette heure suprême, passé laquelle il n’y a plus de temps, mais l’éternité. En nous faisant ainsi sonder la vanité de notre existence, l’Église veut nous fortifier contre les séductions du présent, afin que nous soyons tout entiers à cette œuvre de régénération, pour laquelle elle nous prépare depuis bientôt trois semaines. Combien de chrétiens ont reçu hier la cendre sur la tête, et qui ne verront pas ici-bas les joies pascales ! La cendre a été pour eux une prédiction de ce qui doit leur arriver, avant un mois peut-être. Ils n’ont cependant pas entendu la sentence en d’autres termes que ceux qu’on a prononcés sur nous-mêmes. Ne sommes-nous pas du nombre de ces victimes vouées à une mort si prochaine ? Qui de nous oserait affirmer le contraire ? Dans cette incertitude, acceptons avec reconnaissance la parole du Sauveur qui est descendu du ciel pour nous dire : Faites pénitence ; car le Royaume de Dieu est proche [1].

Évangile
La suite du saint évangile selon saint Matthieu. Chap. 8.

En ce temps-là, Jésus étant entré dans Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui, et lui fit cette prière, disant : Seigneur, mon serviteur est chez moi, malade au lit d’une paralysie, et il en souffre beaucoup. Et Jésus lui dit : J’irai et je le guérirai. Et le centurion lui répondant, dit : Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. Car quoique je sois un homme soumis à d’autres, ayant néanmoins des soldats sous moi, quand je dis à l’un : Va là, il y va ; et à l’autre : Viens ici, il y vient ; et à mon serviteur : Fais cela, il le fait. Or, Jésus, entendant ces paroles, fut dans l’admiration, et il dit à ceux qui le suivaient : En vérité, je vous le dis, je n’ai pas trouvé une si grande foi en Israël. Aussi je vous le déclare, beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident, et auront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux : tandis que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures, où il y aura pleur et grincement de dents. Et Jésus dit au centurion : Va, et comme tu as cru, qu’il te soit fait. Et le serviteur fut guéri à l’heure même.

Les saintes Écritures, les pères et les théologiens catholiques distinguent trois sortes d’œuvres de pénitence : la prière, le jeûne et l’aumône. Dans les lectures qu’elle nous propose, durant ces trois jours qui sont comme l’entrée du Carême, la sainte Église veut nous instruire sur la manière d’accomplir ces différentes œuvres ; aujourd’hui, c’est la prière qu’elle nous recommande. Voyez ce centurion qui vient implorer auprès du Seigneur la guérison de son serviteur. Sa prière est humble ; c’est du fond de son cœur qu’il se juge indigne de recevoir la visite de Jésus. Sa prière est pleine de foi ; il ne doute pas un instant que le Seigneur ne puisse lui accorder l’objet de sa demande. Avec quelle ardeur il la présente ! La foi de ce Gentil surpasse celle des enfants d’Israël, et mérite l’admiration du Fils de Dieu. Ainsi doit être notre prière, lorsque nous implorons la guérison de nos âmes. Reconnaissons que nous sommes indignes de parler à Dieu, et cependant insistons avec une foi inaltérable dans la puissance et dans la bonté de celui qui n’exige de notre part la prière qu’afin de la récompenser par l’effusion de ses miséricordes. Le temps où nous sommes est un temps de prière ; l’Église redouble ses supplications ; c’est pour nous qu’elle les offre ; ne la laissons pas prier seule. Déposons en ces jours cette tiédeur dans laquelle nous avons langui, et souvenons-nous que si nous péchons tous les jours, c’est la prière qui répare nos fautes, et qui nous préservera d’en commettre de nouvelles.

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Oraison

Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple, afin qu’après avoir été châtié comme il le méritait par vos fléaux, il respire enfin sous votre miséricorde Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Le vendredi après les Cendres

La station de ce jour est à l’église des saints martyrs Jean et Paul.

Collecte

Favorisez dans votre bonté, Seigneur, les jeûnes dont nous avons commencé le cours ; afin que, remplissant dans nos corps cette observance, nous puissions aussi l’exercer d’un cœur sincère. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Épître

Lecture du prophète Isaïe. Chap. 58.

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Crie, ne cesse de crier ; fais retentir ta voix comme la trompette, et annonce à mon peuple les crimes qu’il a commis, et à la maison de Jacob les péchés dont elle est coupable. Car ils me cherchent tous les jours, et ils témoignent vouloir connaître mes voies, comme un peuple qui eût agi selon la justice, et qui n’eût point abandonné la loi de son Dieu. Ils me demandent la règle de la justice, et ils veulent s’approcher de Dieu. Pourquoi avons-nous jeûné, disent-ils, et vous ne nous avez pas regardés ? Pourquoi avons-nous humilié nos âmes, et vous ne l’avez pas su ? — C’est que, au jour même de votre jeûne, votre mauvaise volonté persistait toujours, et que vous êtes encore sans pitié pour vos débiteurs. Vous ne jeûnez que pour plaider et pour disputer, et vous frappez du poing sans miséricorde. Ne jeûnez plus en la manière que vous l’avez fait jusqu’à ce jour, en faisant retentir vos clameurs jusqu’au ciel. Le jeûne que je demande consiste-t-il en ce qu’un homme afflige son âme pendant une journée, en ce qu’il penche la tête comme s’il formait un cercle, en ce qu’il prenne le sac et la cendre ? Est-ce là ce que vous appelez un jeûne et un jour agréable au Seigneur ? Le jeûne que j’approuve, n’est-ce pas plutôt celui-ci ? Déliez les nœuds de l’impiété ; déchargez-vous des fardeaux qui vous accablent ; renvoyez libres ceux qui sont opprimés ; brisez tout joug qui charge les autres. Rompez votre pain à celui qui a faim, et faites entrer dans votre maison les pauvres et ceux qui n’ont pas d’asile. Lorsque vous verrez un homme nu, couvrez-le, et ne méprisez point celui qui est votre propre chair. Alors votre lumière éclatera comme le point du jour, et vous recouvrerez bientôt votre santé, et votre justice marchera devant vous, et la gloire du Seigneur vous protégera. Alors vous invoquerez le Seigneur, et il vous exaucera ; vous crierez, et il dira : Me voici ; car je suis miséricordieux, moi le Seigneur votre Dieu.

Les dispositions dans lesquelles le jeûne doit être accompli, tel est l’objet de la lecture que nous venons de faire dans le prophète Isaïe. C’est le Seigneur lui-même qui parle, le Seigneur qui lui-même avait prescrit le jeûne à son peuple. Il déclare que le jeûne des aliments matériels n’est rien à ses yeux, si ceux qui s’y livrent n’arrêtent pas enfin le cours de leurs iniquités. Dieu exige le sacrifice du corps ; mais il ne peut l’accepter, si celui de l’âme n’est pas offert en même temps. Le Dieu vivant ne peut consentir à être traité comme les dieux de bois et de pierre qu’adoraient les Gentils. Des hommages purement extérieurs étaient tout ce qu’il leur fallait ; car ces dieux étaient aveugles et insensibles. Que l’hérétique cesse donc de reprocher à l’Église ses pratiques qu’il ose traiter de matérielles ; c’est lui-même qui, en voulant affranchir le corps de tout joug, s’est précipité dans la matière. Les enfants de l’Église jeûnent, parce que les saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament recommandent le jeûne à chaque page, parce que Jésus-Christ lui-même a jeûné quarante jours ; mais ils n’estiment cette pratique qui leur est imposée de si haut, qu’autant qu’elle est relevée et complétée par l’hommage d’un cœur qui a résolu de réformer ses penchants vicieux. Il ne serait pas juste, en effet, que le corps, qui n’est devenu coupable que par la perversité de l’âme, fût dans la souffrance, tandis que celle-ci continuerait le cours de ses mauvaises œuvres. De même aussi, ceux que la faiblesse de leur santé empêche de se soumettre, en ce saint temps, aux satisfactions qui pèsent sur le corps, ne sont point dégagés de l’obligation d’imposer à leur âme ce jeûne spirituel qui consiste dans l’amendement de la vie, dans la fuite de tout ce qui est mal, dans la recherche de toute sorte de bonnes œuvres.

Évangile

La suite du saint évangile selon saint Matthieu. Chap. 5.

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis : faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient : afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et descendre la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? Les publicains ne le font-ils pas ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous de plus que tous ? Les païens ne le font-ils pas ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. Prenez garde à ne pas faire vos bonnes œuvres devant les hommes, afin d’être vus d’eux ; autrement vous n’en recevrez point la récompense de votre Père qui est dans les cieux. Lors donc que vous faites l’aumône, ne sonnez pas de la trompette devant vous, comme font les hypocrites dans les synagogues et sur les places, afin d’être honorés des hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour vous, quand vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait la droite, afin que votre aumône se fasse dans le secret, et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra.

Sœur de la prière et du jeûne, l’aumône est la troisième des œuvres fondamentales qui constituent la pénitence chrétienne. C’est pour cette raison que l’Église aujourd’hui nous propose les enseignements du Sauveur sur la manière dont nous devons accomplir les œuvres de miséricorde. Jésus-Christ nous impose l’amour de nos semblables, sans distinction d’amis et d’ennemis. Il nous suffit que Dieu, qui les a tous créés, les aime lui-même, pour que nous soyons dans le devoir d’être miséricordieux envers tous. S’il daigne les supporter, lors même qu’ils sont dans le mal, et attendre leur retour jusqu’à la fin de leur vie, en sorte que pas un ne périt si ce n’est par sa propre faute, que ferons-nous, nous qui sommes pécheurs et qui sommes leurs frères, tirés comme eux du néant ? C’est donc un hommage dont le cœur de Dieu est flatté, que de le servir et de l’assister dans les hommes dont il daigne se regarder comme le père. La reine des vertus, la charité, renferme essentiellement l’amour du prochain, comme une application de l’amour même de Dieu ; et la charité, en même temps qu’elle est un devoir sacré pour les membres de la grande famille humaine, est aux yeux de Dieu, dans les actes qu’elle inspire, une œuvre de pénitence, à raison des privations que l’on s’impose et des répugnances que l’on peut avoir à vaincre dans son accomplissement. Remarquons aussi comment le Sauveur nous répète, à propos de l’aumône, le conseil qu’il nous a donné sur le jeûne : celui de fuir l’éclat et l’ostentation. La pénitence est humble et silencieuse, elle ne cherche point les regards des hommes ; l’œil de celui qui voit dans le secret lui suffit pour témoin.

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Oraison

Défendez votre peuple, Seigneur, et dans votre clémence purifiez-le de tous ses péchés ; car aucune adversité ne pourra l’atteindre, si aucune iniquité ne domine en lui. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Le samedi après les Cendres

La station de ce jour est, selon qu’il est marqué au missel, dans l’église de Saint-Tryphon, martyr ; mais cette église ayant été détruite, il y a plusieurs siècles, la station a lieu présentement dans celle de Saint-Augustin, bâtie tout près de l’emplacement où fut l’église de Saint-Tryphon.

Collecte

Écoutez favorablement, Seigneur, nos supplications, et donnez-nous de célébrer avec dévotion ce jeûne solennel qui a été institué si à propos pour la guérison de nos âmes et de nos corps. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Épître
Lecture du prophète Isaïe. Chap. 58.

Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Si vous ôtez du milieu de vous la chaîne dont vous chargez vos frères, si vous cessez d’étendre la main sur eux et de dire des paroles qui leur sont nuisibles ; si vous assistez le pauvre avec effusion de cœur, et si vous remplissez de consolation l’âme affligée ; votre lumière se lèvera dans les ténèbres, et vos ténèbres deviendront comme le midi. Et le Seigneur vous donnera un repos qui n’aura pas de fin, et il remplira votre âme de ses splendeurs, et il délivrera vos os de la corruption. Et vous serez comme un jardin toujours arrosé, et comme une fontaine dont les eaux ne tarissent pas. Ce qui en vous était désert depuis des siècles se couvrira d’édifices ; vous relèverez des fondements qui étaient abandonnés depuis plusieurs générations, et l’on dira de vous que vous réparez les brèches et que vous changez les sentiers en demeures paisibles. Si vous retenez votre pied pour lui empêcher de violer le sabbat, si vous cessez d’agir selon votre caprice au jour qui m’est consacré ; si vous le regardez comme un repos plein de délices, comme le jour saint et glorieux du Seigneur, auquel vous rendrez honneur, en ne suivant point vos voies, en ne recherchant point votre volonté, en ne disant point de paroles vaines : alors vous trouverez votre joie dans le Seigneur, et je vous élèverai au-dessus des hauteurs de la terre, et je vous donnerai pour vous nourrir l’héritage de Jacob votre père ; car la bouche du Seigneur a parlé.

Le samedi est un jour plein de mystères : c’est le jour du repos de Dieu ; c’est le symbole de la paix éternelle que nous goûterons au ciel après les labeurs de cette vie. L’Église aujourd’hui, en nous faisant lire ce passage d’Isaïe, veut nous apprendre à quelles conditions il nous sera donné de prendre part au sabbat de l’éternité. Nous sommes à peine entrés dans la carrière de la pénitence que cette mère tendre vient à nous, pleine de paroles consolatrices. Si nous remplissons de bonnes œuvres cette sainte Quarantaine durant laquelle sont suspendues les préoccupations du monde, la lumière de la grâce se lèvera du milieu même des ténèbres de notre âme. Cette âme trop longtemps obscurcie par le péché et par l’amour du monde et de nous-mêmes, deviendra éclatante comme les splendeurs du midi, la gloire du Christ ressuscité sera la nôtre ; et si nous sommes fidèles, la Pâque du temps nous introduira à la Pâque de l’éternité. Édifions donc ce qui en nous était désert, relevons les fondements, réparons les brèches ; retenons notre pied pour ne pas violer les saintes observances ; ne suivons plus nos voies, ne recherchons plus nos volontés, contrairement à celles du Seigneur ; et il nous donnera un repos qui n’aura pas de fin, et il remplira notre âme de ses propres splendeurs.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Marc. Chap. 6.

En ce temps-là, le soir étant venu, la barque était au milieu de la mer, et Jésus était seul à terre. Et voyant ses disciples qui se fatiguaient à ramer (car le vent leur était contraire), vers la quatrième veille de la nuit il vint à eux, marchant sur la mer, et il voulait les devancer. Mais eux, le voyant marcher sur la mer, crurent que c’était un fantôme, et jetèrent des cris ; car tous le virent, et ils furent troublés. Et aussitôt il leur parla et leur dit : Rassurez-vous, c’est moi, ne craignez point. Et il monta avec eux dans la barque, et le vent cessa. Et leur étonnement en devint plus grand encore ; car ils n’avaient pas fait assez de réflexion sur le miracle des pains, parce que leur cœur était aveuglé. Et quand ils eurent traversé l’eau, ils vinrent en la terre de Génésareth, et ils y abordèrent. Et quand ils furent sortis de la barque, les gens du pays reconnurent Jésus ; et, parcourant toute la contrée, ils commencèrent à lui apporter dans des lits les malades, partout où ils entendaient dire qu’il était. Et, en quelque lieu qu’il entrât, dans les hameaux, dans les villages ou dans les villes, ils mettaient les malades sur les places publiques, et le priaient de les laisser seulement toucher la frange de son vêtement. Et tous ceux qui le touchaient étaient guéris.

La barque de la sainte Église est lancée sur la mer ; la traversée durera quarante jours. Les disciples du Christ rament à l’encontre du vent, et déjà l’inquiétude s’empare d’eux ; ils craignent de ne pas arriver au port. Mais Jésus vient à eux sur les flots ; il monte avec eux dans la barque ; leur navigation sera désormais heureuse. Les anciens interprètes de la liturgie nous expliquent ainsi l’intention de l’Église dans le choix de ce passage du saint évangile pour aujourd’hui. Quarante jours de pénitence sont bien peu de chose pour toute une vie qui n’a pas appartenu à Dieu ; mais quarante jours de pénitence pèseraient à notre lâcheté, si le Sauveur lui-même ne venait les passer avec nous. Rassurons-nous : c’est lui-même. Durant cette période salutaire, il prie avec nous, il jeûne avec nous, il exerce avec nous les œuvres de la miséricorde. N’a-t-il pas inauguré lui-même la quarantaine des expiations ? Considérons-le, et prenons courage. Si nous sentons encore de la faiblesse, approchons de lui, comme ces malades dont il vient de nous être parlé. Le contact de ses vêtements suffisait à rendre la santé à ceux qui l’avaient perdue ; allons à lui dans son sacrement, et la vie divine dont le germe est déjà en nous se développera de plus en plus, et l’énergie qui commençait à faiblir en nos cœurs se relèvera toujours croissante.

Humiliez vos têtes devant Dieu.

Oraison

Que vos fidèles, Seigneur, soient affermis par le don céleste que vous leur faites goûter, afin qu’en le recevant ils le recherchent avec empressement, et qu’en le recherchant, ils méritent de le recevoir toujours. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Terminons cette journée du samedi par un hommage à Marie, avocate des pécheurs ; et pour exprimer notre confiance envers elle, présentons-lui cette prose naïve et touchante que l’on trouve dans des missels allemands du 14e siècle.

Séquence

À vous, ô Vierge sacrée, nous offrirons des prières, sur l’autel de notre cœur.

Nos vœux sont une victime indigne d’être offerte à votre Fils ; il l’agréera présentée par vous.

À celui qui fut immolé pour les péchés, daignez offrir en sacrifice la prière des pécheurs.

Par vous le coupable retourne à Dieu ; par vous Dieu s’est rapproché du coupable ; en vous ils se sont réunis.

Ne repoussez pas les pécheurs ; sans eux vous n’eussiez point connu l’honneur d’être la Mère d’un tel Fils.

S’il n’y eût pas eu de pécheurs à racheter, la Mère d’un Rédempteur n’eût point été nécessaire.

Votre séance n’eût pas été près du trône du Père céleste, si vous n’eussiez enfanté un Fils qui partage les honneurs d’un tel Père.

Ô Vierge, ô Vierge élevée si haut à cause de nous, prenez nos vœux et portez-les devant le souverain Seigneur.

Amen.

 

[1] – s. Matth. 4, 17.