Saints Marius, Marthe, Audiface et Abacus, martyrs
19 janvier
par saint Jean Bosco

Saints Marius, Marthe, Audiface et Abacus, martyrs
19 janvier
par saint Jean Bosco

Les parents des saints Audiface et Abacus
Éducation donnée à leurs enfants
Leur venue à Rome

Les chefs de cette famille de martyrs appartenaient à la maison de l’empereur de Perse qui est un vaste royaume situé dans les parties orientales de l’Asie. Le père s’appelait Marius et était le fils de l’empereur Maromenus. La mère s’appelait Marthe et était la fille du vice-roi Cusinite. En plus de leur dignité, les bons parents avaient de grandes richesses dont ils faisaient usage comme Dieu le commande dans l’Évangile, c’est-à-dire qu’ils utilisaient au profit des pauvres ce qui dépassait leurs propres besoins. Dieu bénit ce mariage et leur accorda deux fils. Ils nommèrent le premier Audiface, le second Abacus.

Marius et Marthe étaient intimement persuadés que la première richesse de la descendance est la sainte crainte de Dieu, et que sans elle toutes les grandeurs de la terre ne sont rien. C’est pourquoi, tout en faisant un saint usage des biens que la divine providence leur avait accordés, ils prirent le plus grand soin d’enseigner les vérités de la religion à leurs enfants, afin qu’ils grandissent en vertu en même temps qu’ils grandissent en âge. Les deux jeunes gens correspondirent aux soins de leurs parents : la science des lettres, l’accomplissement de leurs devoirs envers leurs parents, l’obéissance, la piété furent les vertus qui rendirent les deux jeunes gens chers à Dieu et aux hommes. Pour exciter dans leur cœur des pensées de piété, leurs parents les conduisaient de temps en temps dans les lieux les plus célèbres à cette époque par la dévotion et les miracles.

Dès les premiers temps de l’Église, il y eut toujours un grand concours de fidèles pour vénérer les lieux célèbres par la magnificence du culte ou par les signes de la puissance divine qui s’y manifestaient. Sous l’ancienne loi, le temple de Salomon construit à Jérusalem était tenu en grande vénération. Après la venue du Sauveur, ce fut le tombeau des saints apôtres. De pays lointains, on entreprenait de pénibles voyages pour se rendre à Rome, communément appelée la ville éternelle, parce qu’elle avait été choisie par Dieu pour être le centre du catholicisme et le siège du Vicaire de Jésus-Christ, dont la religion doit être adorée pour toujours. Parmi les tombeaux vénérés à Rome, le plus célèbre était celui de saint Pierre, au pied de la colline du Vatican. Tout le monde était convaincu que la visite de ce merveilleux sépulcre apportait l’indulgence plénière, c’est-à-dire la rémission de toutes les peines que l’on devait faire pour les péchés commis dans sa vie passée.

De tels sanctuaires et pèlerinages sont recommandés par saint Paul lorsqu’il dit que l’homme s’élève des choses sensibles de la terre pour connaître et goûter les choses spirituelles et invisibles du Ciel. Marius et Marthe, avec leurs fils Audiface et Abacus, résolurent de faire un de ces pèlerinages de la Perse à Rome. Ayant tout préparé, pourvus de l’argent nécessaire tant pour leurs dépenses familiales que pour prodiguer des œuvres de charité selon leur condition, ils entreprirent ce long voyage. Ils arrivèrent à Rome alors que saint Denis gouvernait le Saint-Siège et que l’empereur Claude II, persécuteur des chrétiens, était au pouvoir.

Marius avec sa famille va vénérer les corps des saints, secourir les prisonniers, enterrer les corps des martyrs

L’objet principal du voyage de nos saints était d’aller prier sur le tombeau de saint Pierre. Ce prince des Apôtres avait été crucifié sur le mont Janicule, mais après son martyre son corps fut emmené pour être enterré au pied du mont Vatican, près des murs des jardins de Néron. Saint Anaclet fit construire une petite église sur ce tombeau, qui devint avec le temps la célèbre basilique Saint-Pierre du Vatican, le sanctuaire le plus majestueux du monde.

Ayant satisfait leur dévotion, Marius et sa famille se mirent à la recherche de ceux qui souffraient dans les prisons ou qui enterraient les corps de ceux qui étaient morts pour la foi. Alors qu’ils effectuaient ces recherches avec diligence, ils passèrent au-delà du Tibre, dans une prison connue sous le nom de Castel Vecchio. Là, ils apprirent que parmi les détenus se trouvait un vénérable vieillard nommé Cyrinus, qui avait été dépouillé de tous ses biens, jeté en prison et soumis à de nombreux coups à cause de sa constance dans la foi. Dès qu’ils purent l’atteindre, ils se prosternèrent à ses pieds et, avec les plus grandes marques de vénération, le supplièrent de prier Dieu pour eux. Cette sainte famille éprouva une telle consolation à vivre avec ce confesseur de la foi, qu’avec la permission du geôlier, ils restèrent huit jours dans la même prison. Pendant ce temps, ils pourvoyaient au nécessaire pour Cyrinus et ceux qui étaient emprisonnés avec lui, leur rendant tous les services les plus humbles. Pendant ce temps, la persécution faisait de plus en plus rage contre les chrétiens : {10[66]} quiconque était reconnu comme tel était rapidement puni de mort. Afin de semer la terreur dans le cœur des disciples de Jésus-Christ, les sentences étaient exécutées tantôt dans les rues, tantôt dans les prisons ou ailleurs, sans même entendre les raisons de l’accusé. Une fois l’édit publié, 260 chrétiens sont immédiatement saisis et conduits hors de Rome par la Via Salaria. Là, ils furent condamnés à creuser la terre, à porter du sable pour former des pots. Quand ils se virent endurer joyeusement tous les labeurs, mais toujours constants dans la foi, ils furent d’abord soumis à de nombreux châtiments, puis transportés à l’Amphithéâtre romain et tous furent tués avec violence.

Lorsque Marius, Marthe et leurs enfants apprirent l’horrible massacre de ces serviteurs de Dieu, ils furent grandement attristés.

Leur tristesse, cependant, se transforma rapidement en consolation à la pensée qu’ils avaient laissé leurs corps en lambeaux sur la terre, mais que leurs âmes s’étaient envolées glorieuses vers le ciel. Avec un saint prêtre nommé Jean, ils arrivèrent à l’endroit où ils avaient été martyrisés. Ils y trouvèrent les corps des martyrs placés sur un tas de bois auquel on avait déjà mis le feu. Ils retirèrent du feu les restes des corps de ces serviteurs de Dieu, les enveloppèrent dans des draps et, avec un grand respect, les emmenèrent pour les enterrer dans la crypte ou église souterraine, sur la Via Salaria, sur la pente d’une colline appelée Cucumero. Avec ces saints martyrs fut également enterré un tribun du nom de Blasto, mort lui aussi pour la Foi. Lorsque les corps furent enterrés, on fit beaucoup de prières, de jeûnes, d’aumônes et d’autres exercices pieux, certainement pour soulager les âmes de ceux qui étaient enterrés là, si c’était encore nécessaire.

Mais les ennemis de Dieu étaient partout prêts à empêcher les bonnes œuvres ; ils rapportèrent bientôt à l’empereur que Marius et Marthe faisaient chaque jour des œuvres de charité pour les pauvres chrétiens. Le tyran ordonna que cette famille fût immédiatement amenée en sa présence. Mais personne ne put les découvrir, car sachant qu’ils étaient poursuivis à mort, ils s’étudiaient à exercer secrètement leur charité.

Marius avec sa famille donne une sépulture à saint Cyrinus, après quoi il est reçu dans une assemblée de chrétiens

Un jour, Marius, Marthe et leurs enfants traversèrent à nouveau le Tibre pour rendre visite à saint Cyrinus qu’ils croyaient toujours emprisonné, mais ils ne le trouvèrent plus. Il n’y avait qu’un prêtre, nommé Pastor, qui leur raconta ce qui lui était arrivé. La nuit, leur dit-il, les bourreaux sont venus ici, l’ont pris, lui ont coupé la tête et l’ont jeté dans le Tibre, mais, par bonheur, son corps est resté dans l’île de Lycaonie, connue maintenant sous le nom d’île du Tibre ou île Saint-Barthélemy. En entendant ces paroles, ils se rendirent la nuit avec saint Pastor en ce lieu, recueillirent le corps de saint Cyrinus et l’enterrèrent dans le cimetière de saint Calixte, dans la crypte ou salle de saint Pontien, ainsi appelée du nom de ce Pontife qui y fut enterré.

Après cela, Marius et sa famille, poursuivant leurs visites de dévotion au-delà du Tibre, arrivèrent à un endroit où ils entendirent une multitude de chrétiens chantant les louanges du Seigneur. Ils s’approchèrent avec joie de cette maison et, la trouvant fermée, se mirent à frapper à sa porte. Ceux qui étaient à l’intérieur, les prenant pour des persécuteurs, furent effrayés et personne n’osa ouvrir. Mais un évêque du nom de Calixte, qui avait lui aussi fui à Rome pour éviter la persécution, réconforta les fidèles en disant : « N’ayez pas peur, c’est Jésus-Christ qui frappe à la porte. Chantons et consolons-nous mutuellement en louant le Seigneur, car c’est lui qui nous appelle. » Ayant dit cela, il courut ouvrir la porte. Marius, Marte, Audiface et Abacus, voyant le vénérable prélat, se jetèrent à ses pieds. Par cet acte de dévotion, les fidèles assemblés surent que leurs nouveaux hôtes étaient des chrétiens, aussi se donnèrent-ils le baiser de paix.

À ce moment-là, saint Caliste, transporté de joie, leva les yeux et les mains au ciel et prononça la prière suivante : « Ô Dieu, Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui rassemble ce qui est dispersé et garde ce qui est rassemblé, augmentez la foi et la confiance dans le cœur de vos serviteurs par Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit avec Dieu le Père tout-puissant et le Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Tous les fidèles réunis répondent : Amen, ainsi soit-il. Cet endroit étant un peu à l’écart du centre de la ville semblait inconnu des persécuteurs, aussi Marius et sa famille y restèrent-ils cachés pendant deux mois.

Saint Valentin confesse la foi de Jésus Christ et rend la vue à une jeune aveugle

L’empereur Claude, ne trouvant pas Marius avec sa famille, fit rechercher d’autres chrétiens et parvint à mettre la main sur un saint prêtre nommé Valentin. Il le fit lier avec des chaînes et conduire devant lui au palais près de l’amphithéâtre. Dès qu’il fut devant lui, l’empereur l’interrogea : « Pourquoi ne te soucies-tu pas de notre amitié et refuses-tu de vivre comme les autres sujets de notre empire ? On m’a dit que les chrétiens possèdent une grande sagesse, et si tu es sage, pourquoi te laisses-tu égarer par une vaine superstition comme les autres ? ».

Valentin répondit : « Ô prince, si vous saviez combien sont précieux les dons du Seigneur, vous et tous vos sujets éprouveriez la même consolation, vous rejetteriez le culte des démons, et les idoles faites de la main des hommes, vous confesseriez un seul Dieu le Père tout-puissant, et Jésus-Christ son Fils, qui a créé le ciel et la terre, la mer et toutes les choses qui s’y trouvent. À ces mots, l’empereur parut étonné, et pendant qu’il réfléchissait à ce qu’il avait entendu, un juriste ou avocat prit la parole à la place de l’empereur et dit à haute voix à saint Valentin : « Que dites-vous du dieu Jupiter et du dieu Mercure ? ».

Valentin répondit : « Je n’en dis pas autre chose que je les regarde comme des hommes misérables qui, dans leur vie mortelle, ont vécu dans la souillure ; que si vous connaissiez la série de leurs actes, vous verriez combien leur manière de vivre était abominable. »

L’accusateur s’écria à haute voix : « Cet homme a blasphémé contre nos dieux et contre les protecteurs de l’empire ! »

L’empereur, cependant, écouta calmement les paroles de saint Valentin, et se tournant vers lui, il dit : « Si votre Jésus-Christ est Dieu, pourquoi ne me révélez-vous pas rapidement la vérité ? » Valentin répondit : « Je t’exposerai volontiers la vérité, pourvu que tu m’écoute. Si tu veux, ô prince, suivre la vérité que je te propose, tu augmenteras ton empire, tes ennemis seront anéantis, tu seras vainqueur en toutes choses, et tu jouiras d’un règne glorieux dans la vie présente et dans l’avenir. Mais pour y parvenir, tu dois te repentir du sang versé par les serviteurs du Seigneur, croire en Jésus-Christ, puis en recevant le baptême, tu sauveras ton âme pour toujours. »

Claudius s’adressa aux spectateurs et dit : « Écoutez, ô citoyens romains et magistrats de la République, écoutez et admirez combien la doctrine de cet homme est saine ! ».

Le préfet, dont le nom était Calpurnius, homme de mauvaise réputation, pour empêcher le fruit des paroles de Valentin, éleva aussi la voix et dit : « Attention, ô prince, tu te laisses tromper par cet homme ; penses-tu qu’il soit juste d’abandonner ces dieux que nous avons honorés et adorés depuis notre enfance ? ».

L’empereur alors, par respect humain, eut honte de se laisser vaincre par l’évidence, et se borna à livrer Valentin au préfet Calpurnius, en lui disant : « Écoute-le patiemment, et s’il propose une doctrine peu solide, tu lui appliqueras les lois établies contre les sacrilèges : que si sa doctrine est bonne, tu le laisseras libre. »

Calpurnius prit donc Valentin et le remit à un prince nommé Astérion avec ces paroles : « Je te recommande cet homme. Si, par de bonnes paroles, tu parviens à lui faire changer sa façon de penser, je ferai un rapport à l’empereur dans le sens le plus favorable ; tu deviendras ainsi son ami et tu multiplieras tes richesses ». Astérion conduisit Valentin dans sa maison, prêt à exécuter les ordres donnés.

La grâce offerte à l’empereur et à ses conseillers avait été refusée, et, par un jugement redoutable et toujours adorable, Dieu la retira aux méchants pour la donner à d’autres mieux disposés à la recevoir. Dès que Valentin fut entré dans la maison, il se mit à genoux et pria : « Dieu, Maître de toutes les choses visibles et invisibles. Créateur du genre humain, qui avez envoyé votre fils Jésus-Christ notre Seigneur pour nous délivrer des ténèbres du monde et nous conduire à la lumière de la vérité, ce Jésus-Christ qui a dit : « Vous tous qui êtes opprimés par le travail et la fatigue, venez à moi et je vous fortifierai », convertissez, Seigneur, cette maison et donnez-lui la lumière de la vérité, afin qu’elle connaisse comme vrai Dieu Jésus-Christ notre Seigneur qui vit et règne dans l’unité du Saint-Esprit. Ainsi soit-il ».

Le prince Astérion entendant cette prière dit à Valentin : « J’admire votre sagesse et je suis heureux d’entendre que votre Jésus-Christ est la vraie lumière ».

Valentin répondit d’une voix claire : « Il en est vraiment ainsi : notre Seigneur Jésus-Christ, qui est né de la Vierge Marie par le Saint-Esprit, est la vraie lumière qui éclaire tout homme qui vient en ce monde.

Astérion interrompit son discours en disant : « Si Jésus-Christ est le Dieu qui éclaire tout homme, je vais en faire l’épreuve et, si je suis satisfait, je croirai ce que vous me direz ; sinon, je rejetterai votre sophisme. Sachez donc que j’ai une fille à laquelle je porte toute mon affection. Cette malheureuse fille est aveugle depuis deux ans. Je vais vous l’amener ici et, si vous la guérissez, je croirai et ferai tout ce que vous me direz. »

Valentin s’empressa de répondre : « Allez, et au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, amenez votre fille ici. » Astérion courut et, avec une grande anxiété, conduisit la jeune fille à saint Valentin.

Le fidèle martyr de Jésus-Christ leva les mains vers le ciel, les yeux pleins de larmes, et dit cette prière : « Dieu tout-puissant, Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, Père des miséricordes, qui avez envoyé sur terre Votre Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, pour nous faire passer des ténèbres du péché à la vraie lumière de la grâce, moi, pécheur indigne, j’invoque Votre puissance. Vous voulez que toute âme soit sauvée et qu’aucune ne périsse, c’est pourquoi j’implore et je supplie votre miséricorde afin que tous sachent que vous êtes Dieu le Père et le Créateur de tous. Et puisque vous avez ouvert les yeux de l’aveugle-né, et ramené à la vie nouvelle Lazare, qui sentait déjà mauvais dans le tombeau, je vous invoque, vous qui êtes la vraie lumière et le Seigneur de tous les princes et de toutes les puissances. Que ma volonté ne soit pas faite, mais faites ce que vous voulez concernant votre servante. Ainsi, si c’est pour votre plus grande gloire, daignez l’éclairer de la lumière de votre intelligence. » Ayant achevé sa prière saint Valentin mit la main sur les yeux de la jeune fille en disant : « Seigneur Jésus-Christ, éclairez votre servante, car vous êtes la vraie lumière «. Ces mots n’avaient pas encore été prononcés que ses yeux s’ouvrirent et qu’elle recouvra parfaitement la vue.

Conversion et martyre de saint Astérion et de sa famille

Dès qu’Astérion vit sa fille guérie de la cécité, il se prosterna avec sa femme devant le pieux saint Valentin, en disant : « Pour l’amour de Jésus-Christ, par qui nous connaissons la lumière, nous vous supplions de faire ce que vous savez pour sauver nos âmes ».

Saint Valentin ajouta : « Si vous voulez sauver vos âmes, croyez de tout votre cœur en notre divin Sauveur, brisez toutes les idoles, jeûnez, repentez-vous de vos péchés, et en faisant une humble confession recevez le baptême et ainsi vous serez sauvés. »

Valentin ordonna alors un jeûne de trois jours. Pendant ce temps, Astérion qui avait de nombreux chrétiens à son service, leur donna à tous la liberté. Lorsque ces trois jours furent terminés, comme c’était un dimanche, jour consacré au Seigneur, Valentin baptisa Astérion avec toute sa famille. Pour achever l’œuvre du Seigneur, saint Valentin appela saint Calixte à prendre part aux actes de miséricorde du Seigneur envers cette maison. Celui-ci vint donc et administra le sacrement de la confirmation à Astérion et à toute sa maison, au nombre de quarante-six.

Marius et sa famille s’étaient tenus cachés pendant quelque temps. Mais lorsqu’ils apprirent que saint Valentin avait rendu la vue à une aveugle et que, par ce miracle, toute la maison d’Astérion avait cru en Jésus-Christ, ils vinrent avec une grande joie à la maison d’Astérion pour remercier le Seigneur de la miséricorde dont il avait usé et restèrent dans cette maison pendant trente-deux jours.

Peu après, l’empereur Claude ayant cherché Astérion, on lui annonça comment sa fille avait miraculeusement recouvré la vue et que, par ce miracle, lui et toute sa famille avaient reçu le baptême au nom de Jésus-Christ. Furieusement indigné, il s’empressa d’envoyer chercher ces nouveaux chrétiens avec ordre de les amener tous en sa présence. Il jeta un regard sévère sur Marius, Marthe, Audiface et Abacus et, les jugeant comme des personnages illustres, les sépara des autres. Il ordonna ensuite qu’Astérion soit conduit avec sa famille à Ostie, ville située à 15 milles de Rome, pour l’y soumettre à un examen rigoureux. L’empereur avait en effet expulsé de Rome les fidèles, estimant que l’éloignement de leurs parents et amis, la privation de leurs dignités et de leurs richesses, les pousseraient à apostasier. Ils furent donc remis à un juge nommé Gélase qui les fit tous enfermer en prison. Après vingt jours d’emprisonnement et de souffrances, ce juge leur fit subir l’interrogatoire suivant :

« Savez-vous ce que sont les ordres des maîtres de l’Empire ? »

Ils répondirent d’une seule voix : « Nous ne le savons pas. « 

Gélase poursuivit : « Voici les commandements impériaux : quiconque sacrifiera aux dieux vivra heureux, aura la pleine liberté et sera comblé de richesses. Celui qui refusera de s’humilier devant la majesté de nos dieux sera mis à mort avec toute sorte de châtiments. »

Astérion répondit : « Qu’ils sacrifient aux dieux et qu’avec eux périssent ceux qui leur ressemblent, moi je dis seulement que nous nous offrons tous en sacrifice au Dieu tout-puissant et à notre Seigneur Jésus-Christ, son Fils. »

Gélase, irrité par cette réponse, ordonna qu’Astérion soit placé sur le chevalet de torture et soumis aux supplices ; tous les autres furent ensuite battus à coups de verges. Ces braves chrétiens, loin de se laisser intimider, prièrent : « Ô notre Seigneur Jésus-Christ, qui avez éteint les flammes qui entouraient les trois enfants dans la fournaise, faites que les menaces de ce tyran restent sans effet, afin qu’il ne puisse pas se vanter d’avoir vaincu vos serviteurs, et faites qu’aucun de nous ne soit séparé de notre maître Astérion. »

Alors Gélase ordonna qu’ils soient descendus des chevalets et enfermés de nouveau en prison, en disant : « Il faut préparer pour ceux-là des tourments plus affreux. » Pendant ce temps, il invita tout le peuple à se rassembler de bon matin pour assister au spectacle et, pour cela, ordonna qu’un pavillon soit préparé dans l’amphithéâtre et qu’Astérion soit amené devant son tribunal avec tous ses compagnons.

Lorsqu’ils furent tous rassemblés à l’endroit désigné, le juge adressa ce discours à Astérion : « Ô Astérion, abandonne pour une fois ta folle doctrine et promets-moi de faire un sacrifice aux dieux, de peur que tu ne finisses ta vie dans les tourments, et qu’avec toi tous ceux qui sont ici ne périssent misérablement ».

Saint Astérion répondit : « Périr dans les tourments, nous le désirons tous de tout cœur. Comme notre Sauveur Jésus-Christ a souffert pour nos péchés, il est juste que nous aussi, pour promouvoir son honneur et sa gloire, nous endurions ces tourments et, ainsi purifiés des souillures de ce monde, nous méritions d’arriver sains et saufs au royaume des cieux tant désiré. »

À cette réponse, Gélase se mit encore plus en colère et ordonna qu’on les jette aussitôt aux bêtes. Les bourreaux s’empressèrent de les saisir et de les conduire à un endroit appelé Orsario, près d’un temple d’or où se trouvait une ménagerie de bêtes féroces. Lorsque les saints confesseurs entrèrent dans la ménagerie, les bêtes furent immédiatement libérées pour qu’elles se jettent sur eux et les mettent en pièces. Mais saint Astérion trouva le moyen de vaincre la férocité de ces animaux. Après avoir fait le signe de la croix, il se mit à prier d’une voix claire et forte afin que ses compagnons l’entendent : « Seigneur Dieu tout-puissant, qui avez eu pitié du prophète Daniel, enfermé dans une ménagerie de lions, et qui l’avez consolé par votre serviteur Habacuc, visitez aussi vos serviteurs par quelques-uns de vos saints Anges. » Alors, par la volonté de Dieu, ces bêtes qui se montraient affamées déposèrent leur férocité et se mirent à vénérer saint Astérion et les autres confesseurs. Gelase, voyant ce miracle, dit furieusement au peuple : « Avez-vous vu comment ils savent utiliser l’art de la magie pour rendre dociles ces bêtes ? »

Beaucoup, cependant, disaient que le Dieu de ces chrétiens les avait délivrés. Gélase ordonna alors de les sortir de la ménagerie et de les brûler vifs. Alors saint Astérion encouragea ses compagnons en disant : « Courage, mes amis, et ne craignez rien, car ce même Ange qui était présent pour délivrer du feu les trois jeunes juifs de Babylone, ce même Ange est avec nous ». À cet instant, les flammes s’écartèrent tellement que toutes les parties de leurs corps restèrent indemnes. Gélase, voyant toutes les épreuves inutiles, ordonna qu’ils soient emmenés hors des murs de la ville d’Ostie, et qu’ils y subissent la peine de mort, les autres étant ensuite lapidés. C’est ainsi qu’Astérion et toute sa famille furent glorieusement martyrisés.

Martyre de Saint Valentin Marius avec sa famille devant l’empereur

Le saint prêtre Valentin, qui avait tant œuvré pour encourager les chrétiens à rester fermes dans la foi, ce pour quoi il avait déjà lui-même subi de graves tourments, fut finalement condamné à mort et eut la tête coupée le 14 février. Son corps fut enterré avec vénération sur le lieu même de son martyre. Autour de ses reliques, selon les actes de son martyre, de nombreux miracles se produisirent pour la plus grande gloire de Dieu et à la louange de son saint nom.

Marius, Marthe, Audiface et Abacus apprirent la mort de leurs compagnons et, tandis qu’ils cherchaient à leur apporter un secours spirituel, ils se préparaient déjà au martyre par la prière et les œuvres de charité. L’empereur avait voulu que cette famille soit séparée de tous les fidèles, à la fois pour être terrifiée par les tortures et les tourments des autres, et aussi pour les juger lui-même avec une grande solennité. Il commença à les interroger ainsi : « D’où venez-vous ? » Audiface, leur fils aîné, répondit simplement : « Nous sommes des Perses. »

L’empereur Claude répliqua : « De quelle lignée êtes-vous, et quel rapport avez-vous entre vous ? » Audiface continua son discours et désignant ses parents répondit à l’empereur : « Moi et Abacus sommes leurs fils par le corps ».

Claudius : « Pour quelle raison avez-vous entrepris un si long voyage et êtes venus à Rome ? »

Audiface : « Nous sommes venus dans la capitale de l’Empire romain poussés par le désir d’aller prier sur le tombeau des saints Apôtres. »

Claudius : « Où avez-vous trouvé l’argent nécessaire pour faire des dépenses aussi importantes que celles que l’on doit faire au cours d’un si long voyage ? Et quels sont vos lieux de naissance ? » Audiface n’étant peut-être pas en mesure de donner à l’empereur une réponse exacte, son père Marius prit la parole et dit : « Dieu tout-puissant sait que nous appartenons à une noble famille. Et pour que tu puisses connaître notre naissance, nous te dirons que moi, Marius, je suis le fils de l’empereur Maromenus, et elle, ma femme, est la fille du vice-roi Cusinite. »

À ces mots, Claude s’étonne, mais leur dit d’un air respectueux : « Si vous appartenez à une si haute noblesse, pourquoi ne professez-vous pas la religion de votre pays ? Pourquoi abandonnez-vous les dieux que vos parents ont toujours adorés, et cela pour aller chercher des morts à enterrer et, qui plus est, adorez-vous un mort que vous dites ressuscité à la vie nouvelle ? ».

Marius répondit : « Il n’est pas nécessaire que je te réponde ici pourquoi nous n’adorons pas les dieux : je te dirai seulement que nous sommes des serviteurs de Jésus-Christ et que nous sommes venus à Rome pour prier aux pieds des Apôtres, ses serviteurs, afin qu’ils intercèdent pour nous auprès du Seigneur Dieu. »

Claude n’aimait pas beaucoup les disputes religieuses ; il avait à cœur de savoir si cette sainte famille avait des richesses sur elle ou non. Il se tourna donc vers Marius et lui demanda : « Avez-vous vos trésors avec vous ? »

Marius répondit : « Nos trésors ont déjà été remis à Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous les avait confiés pour un court laps de temps dans le seul but de promouvoir son honneur et sa gloire. » Claudius sut par ce discours qu’il était déçu dans son attente, et c’est donc d’un air méprisant qu’il les remit à Muscianus son vicaire, en disant : « Prends ces hommes, emmène-les loin d’ici ; s’ils ne veulent pas sacrifier aux dieux et abandonner leur superstition, tu leur feras subir toutes sortes de tourments. »

Marius, Marthe, Audiface et Abacus méprisant les menaces et les promesses de Muscianus, ils furent battus de verges et placés sur le chevalet de torture

Muscianus, lorsqu’il eut cette famille chrétienne entre les mains, éprouva du plaisir dans son cœur, considérant que c’était une occasion favorable de s’attirer la bienveillance de l’empereur en améliorant son salaire et sa charge. Aussi, le jour même, il se mit à exécuter fidèlement les ordres de son souverain. Il ordonna qu’un haut tribunal lui soit aménagé dans un temple dédié à la déesse Fellure. Pour que ses paroles fassent une plus grande impression sur ces confesseurs de la foi, il voulut que tous les instruments et machines servant à terrifier ou à tourmenter les chrétiens soient tenus prêts à son tribunal. Puis, ayant fait venir auprès de lui Marius et sa famille, il leur dit d’une voix lugubre : « Savez-vous ce que nos princes, les maîtres de l’empire, vous ont ordonné de faire ? »

Audiface, d’une voix calme, répondit : « Non, nous ne le savons pas. »

Muscianus : « Voulez-vous donc savoir quel est le décret impérial ? »

Marius et Marthe répondirent : « Nous désirons savoir de vous ce qui vous a été ordonné à notre sujet. »

À ce moment-là, Muscianus fit entrer les bourreaux avec les instruments dont il se servait pour tourmenter les chrétiens et, se tournant vers les martyrs i leur dit : « Maintenant, je vais vous dire quels sont les ordres de l’empereur vous concernant : regardez toutes ces sortes de tourments qui seront tous utilisés contre vous si vous n’exécutez pas les ordres impériaux ». Alors il se calma un peu et, feignant de s’y intéresser, il ajouta : « Que si tu exécutes les ordres de nos princes, tu auras de la chance, la noblesse de ta naissance sera conservée, de hautes charges et des honneurs te rendront plus illustre dans notre empire, mais pour être leurs amis il faut faire un sacrifice aux dieux. »

Audiface répondit : « Vous nous avez fait une proposition insensée, et nous ne pouvons en aucun cas l’admettre. »

Muscianus feignit de ne pas avoir entendu et, considérant cette réponse comme hors de propos, il se tourna vers Marius, Marthe et Abacus pour leur demander s’ils étaient du même avis : « Que dites-vous de ce que je vous ai proposé ? » Ils répondirent tous : « Ce qu’a dit Audiface est aussi notre pensée et c’est la même chose que si nous avions tous parlé d’une seule bouche. »

Lorsque Muscianus se rendit compte que les paroles ne servaient à rien, il pensa à agir et ordonna qu’on les dépouille de leurs vêtements, qu’on les batte avec des bâtons et, dans un excès de cruauté, il voulut que Marthe assiste à la flagellation de son mari et de ses enfants. Le tyran croyait que Marthe, émue à la vue des tourments auxquels étaient exposés son mari et ses enfants, les persuaderait peut-être de renoncer à la foi ou, du moins qu’elle montrerait elle-même des signes d’abandon de la foi. Pendant que ceux-ci étaient farouchement battus, quelques assesseurs allaient de temps en temps leur dire : « Ne méprisez pas les ordres de nos princes ».

Marthe regardait sans trembler son mari et ses enfants sous la flagellation et, loin d’être déconcertée, elle sentait son cœur plein de joie et disait : « Mes enfants, prenez courage, soyez constants dans votre foi ».

Marius, quant à lui, remercia Dieu et le glorifia par ces mots : « Gloire à vous, ô mon Seigneur Jésus-Christ. »

Muscianus, confus de l’indifférence avec laquelle ils supportaient ces tourments répétés, en vint à une autre épreuve en les faisant retirer de ces fléaux et placer sur le chevalet. Le chevalet est un moyen de tourmenter les martyrs avec une douleur est très vive. C’est une sorte de tréteau formé de deux chevrons aux extrémités desquels sont fixés deux pivots ou poulies auxquels sont attachées des cordes liées aux pieds et aux mains du martyr. Lorsqu’on tourne les pivots, les bras et le reste du corps des martyrs sont étirés à tel point que les articulations se détachent presque et que du sang coule parfois des parties les plus faibles du corps, comme les yeux, les oreilles et la bouche. À un certain moment, les deux chevrons sont détachés, et les martyrs restent suspendus par les pieds et les mains. Pendant qu’ils étaient ainsi tourmentés, Audiface s’exclama à haute voix : « Gloire à vous, Notre Seigneur Jésus-Christ, qui avez daigné nous compter parmi vos serviteurs. »

Marius, Marthe, Audiface et Abacus soumis au feu, les mains coupées ~ Paroles de sainte Marthe et de saint Abacus

Il semble que la vue de tant de tourments atroces endurés par ces saints martyrs aurait dû produire des sentiments de compassion, ou mieux encore, faire pénétrer la vérité dans le cœur de Musciaco, mais il n’en fut rien. Au lieu de reconnaître la puissance de la grâce de Dieu dans le courage des martyrs, il attribua tout à la magie. Quand il vit leurs corps meurtris par les coups et les tortures des chevalets, il les fit déshabiller et ordonna qu’on allume un feu ardent autour de leurs flancs. Puis il détendit les cordes des chevalets de sorte qu’ils restèrent suspendus par les pieds et les mains. Puis ce furent de nouveaux tourments. Les bourreaux prirent des verges et les frappèrent, ajoutant blessures aux blessures. Ensuite, avec des crochets de fer, ils déchiraient leur chair en morceaux, de sorte que leurs corps étaient couverts d’ecchymoses, lacérés, dégoulinants de sang.

Sous ces tourments répétés, ils ne se lamentaient pas, ils ne soupiraient pas, mais, réconfortés par la grâce du Seigneur et satisfaits de souffrir pour l’amour de Dieu, ils se réjouissaient en disant : « Gratias tibi agimus, Domine. Nous vous rendons grâces, Seigneur, de ce que vous nous avez rendus dignes de souffrir quelque chose pour la gloire de votre saint nom. »

Muscianus, ne comprenant pas la raison d’une telle constance, voulut attaquer de nouveau leur fermeté, alliant la cruauté à la barbarie. Il ordonna qu’ils fussent tous déliés et déposés du chevalet puis, suivant l’exemple du cruel Antiochus dans le massacre des sept Maccabées, il fit disposer Marius, Audiface et Abacus devant Marthe avec l’ordre de leur couper les mains en sa présence.

Pendant que se déroulait cet horrible spectacle, Marthe redoublait de courage, et, élevant ses pensées vers Dieu et se rappelant la constance de la mère des jeunes Maccabées, elle dut certainement encourager saint Abacus par ces paroles :

« Courage, mon fils, courage. C’est un moment où tu dois souffrir, mais éternel est celui dont tu dois jouir. Vois les cieux et la terre et tout ce qu’ils contiennent. Toutes les choses ont été créées par le Seigneur. Les hommes aussi ont tous été créés par lui, alors ne crains ni les tourments, ni les bourreaux, ni les tyrans. Imite la fermeté de ton père et de ton frère. Crains Dieu seul. Tu souffriras de bon cœur pour lui. Tu donneras pour lui la vie mortelle présente, mais il te récompensera par un bonheur qui n’aura pas de fin. Courage, Abacus, Dieu est avec nous, et en mourant pour lui dans quelques instants, nous serons reçus par lui dans la bienheureuse Éternité. »

Abacus l’interrompit en disant : « Ne craignez rien, ô mère, je suivrai résolument l’exemple de mon père et de mon frère ; les coups, les crochets, le fer, le feu, la mort même ne me causeront aucune crainte, je ne m’écarterai jamais de la loi du Seigneur. Non, je ne me laisserai jamais aller à obéir à la loi injuste du tyran, mais je resterai toujours ferme dans la loi du Seigneur. » Non obedio prœcepto regis, sed prœcepto legis quae data est nobis. Macch. 2, 7.

Pendant ce temps, les ordres du tyran avaient été exécutés : Marius, Audiface et le petit Abacus ayant eu les mains barbarement coupées, le sang jaillissait abondamment de leurs bras mutilés. À cette vue, Marthe fut horrifiée et faillit s’évanouir ; mais bientôt, pensant que ce sang avait été versé pour l’amour de Jésus-Christ, elle fut réconfortée par la grâce divine et, surmontant les sollicitations de la nature, elle recueillit le sang qui coulait des mains de son mari et de ses enfants et s’oignit joyeusement la tête. Elle voulait indiquer par là qu’elle était résolue non seulement à se laisser mutiler les mains pour la foi, mais encore à se faire couper la tête. C’est ce qu’on lit dans les actes de leur martyre.

Marius, Marthe, Audiface et Abacus conduits enchaînés à travers Rome – À la fin, ils furent tous couronnés par le martyre

Muscianus, voyant que ses inventions barbares ne suffisaient pas à faire céder les intrépides serviteurs de Jésus Christ, voulut au moins que ce supplice frappât de terreur le cœur des autres chrétiens et de ceux qui voulaient embrasser la foi. Il fit prendre les mains tronquées qui étaient tombées à terre et ordonna qu’elles soient attachées avec des cordes autour du cou de chacun. Puis il les fit conduire dans les rues de la ville. Pendant qu’ils marchaient, un crieur passait devant eux en criant : « Ne blasphémez pas les dieux. »

Marius confondit le crieur et encouragea ses fils par ces mots : « Non, ce ne sont pas des dieux, mais des démons, qui vous mèneront à la perdition, vous et vos propres princes. »

Muscianus se rendit compte que toute épreuve et tout retard étaient inutiles, d’une part parce que les martyrs se montraient constamment intrépides au milieu des tourments, et d’autre part parce que le peuple comprenait de plus en plus la vanité des dieux, et que beaucoup parvenaient à la foi, aussi donna-t-il l’ordre de les conduire au lieu de supplice et de leur couper la tête.

Les raisons invoquées pour cette condamnation à mort étaient doubles : la première, parce qu’ils pratiquaient la magie, car les païens appelaient les miracles accomplis quotidiennement par les chrétiens des œuvres de magie. La seconde parce qu’ils étaient ennemis des dieux de l’Empire. Cela est tout à fait vrai, car la religion chrétienne qui est la seule vraie religion, n’admettant qu’un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils contiennent, ne peut que refuser de sacrifier aux dieux païens qui sont de misérables créatures, représentées pour la plupart par des statues faites de main d’homme.

Comme un cerf désire ardemment atteindre la source d’eau vive, ainsi les glorieux héros de la foi, satisfaits de souffrir pour la foi et de donner honneur et gloire au divin Maître Jésus, étaient impatients d’atteindre le lieu qui devait mettre fin à leurs souffrances et les unir éternellement à Jésus-Christ. Ils furent conduits le long de la Via Cornelia, à treize miles de la ville, jusqu’à un tronçon de route alors connu sous le nom de Ninfe de Catabasso, et que l’on pense être le lieu même connu aujourd’hui sous le nom de sainte Nymphe.

Tout au long du chemin, ils adressaient de chaleureuses prières à Dieu, afin qu’avec son aide puissante il les affermisse dans la foi. En même temps, ils s’exhortaient mutuellement à donner intrépidement leur vie pour aller tous ensemble jouir avec Jésus-Christ dans le ciel.

Lorsqu’ils arrivèrent au lieu désigné pour le supplice, Marius, Audiface et Abacus furent décapités. Marthe, après avoir aidé et encouragé son mari et ses fils au martyre, fut conduite un peu à l’écart et accomplit son martyre en étant jetée dans un puits. Muscianus voulut être cruel envers les saints martyrs même après leur mort et ordonna que leurs corps soient brûlés et restent ainsi sans sépulture. Cependant, une riche matrone romaine du nom de Félicité, qui employait sa fortune et sa vie à des œuvres de charité, trouva le moyen d’enlever aux flammes ces vénérables reliques qui étaient déjà à moitié brûlées, et les emmena pour les enterrer dans l’un de ses domaines. Félicité partit elle-même à la recherche du corps de Marthe, le sortit du puits dans lequel il avait été jeté et le porta au même endroit où se trouvaient les corps de Marius, Audiface et Abacus. Ces choses se firent le 19 janvier de l’année 270.

Près du lieu où nos saints furent martyrisés, on peut encore voir les restes d’une ancienne église sous laquelle se ramifient plusieurs souterrains en forme de catacombes.

Les actes des martyrs, dont nous avons tiré les renseignements sur cette célèbre famille, se terminent par des paroles qui montrent combien est ancien le culte des reliques des martyrs dans l’Église catholique, et comment Dieu a de tout temps accordé des faveurs particulières à ceux qui se sont rendus sur les tombeaux de ses serviteurs pour interposer leur médiation auprès de son trône divin. Les paroles sont les suivantes : « Là, où les corps de Marius, Marthe, Audiface et Abacus ont été enterrés, une grande assemblée de fidèles a commencé à se rassembler, et notre Seigneur Dieu a accordé et accorde encore de grandes faveurs, tandis que règne notre Seigneur Jésus-Christ qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen. »

Exercice de dévotion pour la neuvaine et la fête de saint Abacus et de ses compagnons

Deus, in adiutorium meum intende.
Domine, ad adiuvandum me festina.
Gloria Patri etc. Sicut erat etc.

1º Ô glorieux martyrs de Jésus-Christ, et surtout vous, ô saint Abacus qui dès vos premières années avez consacré tout votre cœur au Seigneur ; daignez accepter nos supplications et obtenez-nous de Dieu la grâce de pouvoir consacrer nos cœurs au service divin, et de passer au moins le reste de notre vie dans l’observance de la sainte loi du Seigneur.

 Pater, Ave, Gloria etc.

2° Glorieux Martyrs de Jésus-Christ, vous qui avez renoncé aux honneurs, aux plaisirs et aux vanités du monde pour mériter une récompense éternelle, daignez, nous vous en supplions, écouter nos humbles supplications et nous communiquer de la part de Dieu force et courage, afin que nous puissions, nous aussi, tenir en échec toute vanité terrestre, et être prêts à donner tout le bien du monde plutôt que de faire ou de dire quelque chose de contraire à l’amour que nous devons à notre Sauveur Jésus-Christ.

 Pater, Ave, Gloria etc.

3° Glorieux protecteurs, vous qui, guidés par l’esprit de religion, avez affronté les dangers d’un long et pénible voyage pour visiter le tombeau et les reliques des saints Apôtres, daignez nous obtenir la grâce de venir nous aussi fidèlement à vos pieds pour implorer votre céleste patronage et pour suivre votre exemple par la fuite du péché et la pratique de la vertu.

 Pater, Ave, Gloria etc.

4° Glorieux modèles de sainteté, vous qui, outre la visite des malades et des prisonniers, employiez vos ressources à secourir les indigents, à soutenir ceux qui souffraient pour la foi, daigne nous obtenir les lumières nécessaires pour faire bon usage des ressources que Dieu nous a données, afin que nous employions toutes nos ressources et toutes nos forces à secourir les pauvres et à soutenir ceux qui travaillent dans le ministère sacré pour conduire les âmes au Ciel.

 Pater, Ave, Gloria etc.

5° Glorieux saints martyrs, qui au milieu de tourments impitoyables n’avez jamais cessé de confesser la sainte foi de Jésus-Christ, daignez entendre nos prières, et obtenez-nous la grâce d’être constants dans la pratique de notre sainte religion catholique jusqu’à la mort.

 Pater, Ave, Gloria etc. {89 [145]}

6° Glorieux confesseurs de la foi, qui, dans l’espoir du bienfait céleste, avez enduré des tourments prolongés, une flagellation sanglante et une crucifixion affreuse, nous vous en supplions, aidez-nous du ciel, afin que nous puissions, nous aussi, supporter avec résignation la perte de tous les biens temporels et toutes les tribulations qu’il plaira à Dieu de nous envoyer au cours de notre vie mortelle.

 Pater, Ave, Gloria etc.

7° Ô fidèles et forts confesseurs de la foi qui, terminant la vie au milieu des tourments et chantant des hymnes de joie, vous envolèrent glorieusement pour jouir de l’incompréhensible bonheur du ciel ; daignez, nous vous en supplions humblement, nous obtenir le secours divin afin que nous puissions, nous aussi, surmonter les dangers de la vie présente et expirer enfin nos âmes en prononçant les doux noms de Jésus, Joseph et Marie.

 Pater, Ave, Gloria etc.

8° Ô glorieux et heureux habitants du ciel, vous qui, par la sainteté de votre vie, par les souffrances, avez mérité pour vous-mêmes un bonheur dont vous jouissez depuis plusieurs siècles et dont vous jouirez dans l’éternité, daignez nous aider afin que nous puissions vous imiter dans vos vertus et avoir un jour part à la même gloire dans le ciel.

 Pater, Ave, Gloria, etc.

9° Glorieux saints martyrs qui nous avez été donnés par le Seigneur pour nous protéger dans nos besoins spirituels et temporels, daignez nous obtenir de Dieu la grâce de pouvoir correspondre aux bienfaits reçus, et ainsi par votre puissant patronage nous pourrons à l’avenir mener une bonne vie chrétienne, mourir saintement et atteindre un jour l’immense bonheur du ciel pour vous remercier des bienfaits que vous nous avez faits et en même temps bénir et louer Dieu avec vous pour toujours.

 Pater, Ave, Gloria etc.

Sources d’où nous tirons les souvenirs de ces saints

S’il est précieux pour moi d’exposer la vie des hommes qui ont vécu vertueusement sur la terre, il doit l’être encore plus pour tout chrétien fidèle de connaître les actions glorieuses de ces vaillants héros du christianisme qui, après avoir procuré mille bienfaits à la misérable humanité, nous protègent maintenant du Ciel et invoquent sur nous grâces et bénédictions. C’est dans cet esprit que j’ai résolu d’écrire la vie d’une sainte famille de martyrs dont les noms sont Marius, Marthe, Audiface et Abacus. Les nombreux miracles accomplis par ces saints et l’extension de leur culte, un sanctuaire qui leur est dédié à l’ouest de Turin, m’ont incité à entreprendre ce travail. Pour que vous puissiez lire avec plus de confiance ce que je vais écrire, je crois bon de mentionner les sources, ou plutôt les documents, d’où proviennent ces informations. Je suis d’autant plus obligé de le faire que quelques auteurs, très estimés à d’autres titres, ont mis en doute les actes qui contiennent les faits se rapportant à cette glorieuse famille. Je crois que ces écrivains n’ont pas fait les recherches nécessaires pour s’assurer de la vérité des faits qu’ils ont entrepris d’exposer. Nous citerons donc les principaux auteurs qui peuvent être consultés par ceux qui désirent s’instruire sur ce sujet.

Le Martyrologe et le Bréviaire romain rapportent leurs belles actions à la date du 19 janvier.

Molanus, Belinus, Maurilius, et Bède l’écrivain du huitième siècle, et d’autres parlent de ces saints, fixant leur fête au 20 janvier.

Usuard, Raban Maur, Vot-Kero, le Martyrologe d’Adonis, écrivain du Xe siècle ; le Martyrologe de saint Jérôme, jugé du Ve siècle, et de nombreux manuscrits la célèbrent le 15 du même mois.

Lorenzo Surio rapporte les actes du martyre de cette sainte famille au 14 février, tandis qu’il parle de saint Valentin.

Le cardinal Baronius rapporte aussi divers traits des actes de nos saints dans le tome 2 de l’année 270.

Les Bollandistes, au 19 janvier, traitent copieusement du culte de saint Abaque et de ses compagnons martyrs. Après avoir soigneusement examiné les actes du martyre et les documents qui en donnent la mémoire, ils concluent : Quae hic damus, fide dignissima ducimus, les choses que nous allons rapporter, nous les jugeons les plus dignes de la foi.

En outre, avant de commencer le récit, il est bon que je note quelques autres choses.

Les auteurs qui parlent de ces martyrs rapportent leur fête à des époques différentes, et cela vient de ce que les uns rendent solennelle leur fête le jour de leur mort, d’autres le jour de leur sépulture, d’autres enfin le jour où leurs reliques ont été transportées ailleurs du lieu de leur sépulture primitive.

Il convient également de noter que saint Abacus est appelé par ces auteurs sous des noms quelque peu variés. Il est appelé Abaco, Ambaco, Abacum et Abacuc ; et cela vient de ce que ce nom persan a été diversement prononcé par les auteurs qui l’ont écrit dans d’autres langues. Mais le nom adopté par l’Église catholique est celui d’Abacus ; comme il ressort de la cérémonie du 19 janvier fixée pour la commémoration de cette glorieuse famille.

Enfin, saint Abacus fut martyrisé à un très jeune âge, et ses actes sont de même nature que ceux de ses parents et de son frère, qui furent simultanément couronnés du martyre.

Que la religion chrétienne qui dans les temps les plus calamiteux a eu tant de héros qui ont consacré leur esprit, leurs biens et leur vie pour la foi, ait parmi nous des fidèles qui, s’ils n’ont pas l’occasion de donner leur vie pour la foi, soient au moins des disciples fidèles de ce même Évangile qui, dans les temps primitifs, a été soutenu par le sang de ces glorieux héros, que nous invoquons maintenant et qui nous protègent du ciel.