Le patronage de saint Joseph

Dom Guéranger ~ l’Année liturgique
Le patronage de saint Joseph

Nous donnons ici le commentaire de Dom Guéranger sur la solennité de saint Joseph, laquelle n’est plus fêtée de nos jours. Ce commentaire remplacera utilement celui que Dom Guéranger n’a pu rédiger sur la fête de saint Joseph artisan. Note de l’éditeur.

La série des mystères du Temps pascal est suspendue aujourd’hui ; un autre objet attire pour un moment nos contemplations. La sainte Église nous propose de donner la journée au culte de l’Époux de Marie, du Père nourricier du Fils de Dieu, Patron de l’Église universelle. Au 19 mars cependant nous lui avons rendu notre hommage annuel : aussi n’est-ce pas proprement sa fête que nous allons célébrer en ce jour. Il s’agit d’ériger par la piété du peuple chrétien un monument de reconnaissance au puissant Protecteur, à Joseph, le recours et l’appui de tous ceux qui l’invoquent avec confiance. Assez de bienfaits lui ont mérité cet hommage ; la sainte Église se propose aujourd’hui, dans l’intérêt de ses enfants, de diriger leur confiance vers un secours si puissant et si opportun.

La dévotion à saint Joseph avait été réservée pour ces derniers temps. Le culte de cet admirable personnage, culte fondé sur l’Évangile même, ne devait pas se développer dans les premiers siècles de l’Église ; non pas que les fidèles, considérant le rôle sublime de saint Joseph dans l’économie du mystère de l’Incarnation, fussent entravés en quelque chose dans les honneurs qu’ils auraient voulu lui rendre ; mais la divine Providence avait ses raisons mystérieuses pour retarder le moment où la Liturgie devait prescrire chaque année les hommages publics à offrir à l’Epoux de Marie. L’Orient précéda l’Occident, ainsi qu’il est arrivé d’autres fois, dans le culte spécial de saint Joseph ; mais au XV° siècle l’Église latine l’avait adopté tout entière ; et depuis lors il n’a cessé de faire les plus heureux progrès dans les âmes catholiques. Les grandeurs de saint Joseph ont été exposées au 19 mars ; le but de la présente fête n’est pas de revenir sur cet inépuisable sujet. Elle a son motif spécial d’institution qu’il est nécessaire de faire connaître.

La bonté de Dieu et la fidélité de notre Rédempteur à ses promesses s’unissent toujours plus étroitement de siècle en siècle, pour protéger en ce monde l’étincelle de vie surnaturelle qu’il doit conserver jusqu’au dernier jour. Dans ce but miséricordieux, une succession non interrompue de secours vient réchauffer, pour ainsi dire, chaque génération, et lui apporter un nouveau motif de confiance dans la divine Rédemption. À partir du XIIIe siècle, où le refroidissement du monde commença à se faire sentir, ainsi que l’Église elle-même nous en rend témoignage[1], chaque époque a vu s’ouvrir une nouvelle source de grâces. Ce fut d’abord la fête du très saint Sacrement, dont les développements ont produit successivement la Procession solennelle, les Expositions, les Saluts, les Quarante Heures. Ce fut ensuite la dévotion au saint Nom de Jésus, dont saint Bernardin de Sienne fut le principal apôtre, et celle du Via crucis ou Chemin de la Croix, qui produit tant de fruits de componction dans les âmes. Le XVI° siècle vit renaître la fréquente communion, par l’influence principale de saint Ignace de Loyola et de sa Compagnie. Au XVII° fut promulgué le culte du sacré Cœur de Jésus, qui s’établit dans le siècle suivant. Au XIX°, la dévotion à la très sainte Vierge a pris des accroissements et une importance qui sont un des caractères surnaturels de notre temps. Le saint Rosaire, le saint Scapulaire, que nous avaient légués les âges précédents, ont été remis en honneur ; les pèlerinages aux sanctuaires de la Mère de Dieu, suspendus parles préjugés jansénistes et rationalistes, ont repris leur cours ; l’Archiconfrérie du Saint-Cœur de Marie a étendu ses affiliations dans le monde entier ; des prodiges nombreux sont venus récompenser la foi rajeunie ; enfin notre temps a vu le triomphe de l’Immaculée Conception, préparé et attendu dans des siècles moins favorisés.

Mais la dévotion envers Marie ne pouvait se développer ainsi sans amener avec elle le culte fervent de saint Joseph. Marie et Joseph ont une part trop intime dans le divin mystère de l’Incarnation, l’une comme Mère du Fils de Dieu, l’autre comme gardien de l’honneur de la Vierge et Père nourricier de l’Enfant-Dieu, pour que l’on puisse les isoler l’un de l’autre. Une vénération particulière envers saint Joseph a donc été la suite du développement de la piété envers la très sainte Vierge. Mais la dévotion à l’égard de l’Époux de Marie n’est pas seulement un juste tribut que nous rendons à ses admirables prérogatives ;

elle est encore pour nous la source d’un secours nouveau aussi étendu qu’il est puissant, ayant été déposé entre les mains de saint Joseph par le Fils de Dieu lui-même. Écoutez le langage inspiré de l’Église dans la sainte Liturgie : « O Joseph, l’honneur des habitants du ciel, l’espoir de notre vie ici-bas, le soutien de ce monde ! (Hymne des Laudes) » Quel pouvoir dans un homme ! Mais aussi cherchez un homme qui ait eu avec le Fils de Dieu sur la terre des rapports aussi intimes que Joseph. Jésus daigna être soumis à Joseph ici-bas ; au ciel, il tient à glorifier celui dont il voulut dépendre, et à qui il confia son enfance avec l’honneur de sa Mère. Il n’est donc pas de limites au pouvoir de saint Joseph ; et la sainte Église nous invite aujourd’hui à recourir avec une confiance absolue à ce tout-puissant Protecteur. Au milieu des agitations terribles auxquelles le monde est en proie, que les fidèles l’invoquent avec foi, et ils seront protégés. En tous les besoins de l’âme et du corps, en toutes les épreuves et toutes les crises que le chrétien peut avoir à traverser, dans l’ordre temporel comme dans l’ordre spirituel, qu’il ait recours à saint Joseph, et sa confiance ne sera pas trompée. Le roi de l’Égypte disait à ses peuples affamés : « Allez à Joseph (Gen. 41, 55) » ; le Roi du ciel nous fait la même invitation ; et le fidèle gardien de Marie a plus de crédit auprès de lui que le fils de Jacob, intendant des greniers de Memphis, n’en eut auprès de Pharaon.

La révélation de ce nouveau refuge préparé pour les derniers temps a été d’abord communiquée, selon l’usage que Dieu garde pour l’ordinaire, à des unies privilégiées auxquelles elle était confiée comme un germe précieux ; ainsi en fut-il pour l’institution de la fête du Saint-Sacrement, pour celle du sacré Cœur de Jésus, et pour d’autres encore. Au XVI° siècle, sainte Thérèse, dont les écrits étaient appelés à se répandre dans le monde entier, reçut dans un degré supérieur les communications divines à ce sujet, et elle consigna ses sentiments et ses désirs dans sa Vie écrite par elle-même. On ne s’étonnera pas que Dieu ait choisi la réformatrice du Carmel pour la propagation du culte de saint Joseph, quand on se rappellera que ce fut par l’influence de l’Ordre des Carmes, introduit en Occident au XIII° siècle, que ce culte s’établit d’abord dans nos contrées. Voués depuis tant de siècles à la religion envers Marie, les solitaires du Mont-Carmel avaient découvert avant d’autres le lien qui rattache les honneurs auxquels a droit la Mère de Dieu à ceux qui sont dus à son virginal Époux. Sur cette terre où s’est accompli le divin mystère de l’Incarnation, l’œil du fidèle plonge plus avant dans ses augustes profondeurs. Entouré de tant de souvenirs ineffables, le chrétien arrive plus promptement à comprendre que le Fils de Dieu prenant la nature humaine, s’il lui fallait une Mère, il fallait à cette Mère un protecteur ; en un mot que Jésus, Marie et Joseph forment à des degrés divers l’ensemble de relations et d’harmonies sous lesquelles l’ineffable mystère devait se produire sur la terre.

Voici donc comment s’exprime la séraphique Thérèse : « Je pris pour avocat et pour protecteur le glorieux saint Joseph, et je me recommandai très instamment à lui. Son secours éclata de la manière la plus visible. Ce tendre père de a mon âme, ce bien-aimé protecteur se hâta de me tirer de l’état où languissait mon corps, comme il m’a arrachée à des périls plus grands d’un autre genre, qui menaçaient mon honneur et mon salut éternel. Pour comble de bonheur, il m’a toujours exaucée au delà de mes prières a et de mes espérances. Je ne me souviens pas de lui avoir jamais rien demandé jusqu’à ce jour, qu’il ne l’ait accordé. Quel tableau je mettrais sous les yeux, s’il m’était donné de retracer les grâces insignes dont Dieu m’a comblée, et les dangers, tant de l’âme que du corps, dont il m’a délivrée par la médiation de ce bienheureux saint ! Le Très-Haut donne seulement grâce aux autres saints pour nous secourir dans tel ou tel besoin ; mais le glorieux saint Joseph, je le sais par expérience, étend son pouvoir à tous. Notre-Seigneur veut nous faire entendre par là que, de même qu’il lui fut soumis sur cette terre d’exil, reconnaissant en lui l’autorité d’un père nourricier et d’un gouverneur, de même il se plaît encore à faire sa volonté dans le ciel, en exauçant toutes ses demandes. C’est ce qu’ont vu comme moi, par expérience, d’autres personnes auxquelles j’avais conseillé de se recommander à cet incomparable Protecteur ; aussi le nombre des âmes qui l’honorent commence-t-il à être grand, et les heureux effets de sa médiation confirment de jour en jour la vérité de mes paroles. » (Vie de sainte Thérèse. Traduction de Bouix, page 64.)

Ces paroles, accompagnées de plusieurs autres témoignages de la même précision et de la même énergie, trouvèrent un écho dans les âmes. Elles avaient été semées en leur temps ; leur germination fut lente, mais elle fut sûre. Dès la première moitié du XVII ° siècle, le pressentiment qu’un jour l’Église dans sa Liturgie convierait les fidèles à recourir à leur puissant Protecteur, se manifestait chez les dévots clients de saint Joseph. Nous lisons ces paroles, que l’on dirait inspirées, dans un livre pieux public à Dijon en 1645 : « Beau soleil, père des jours, hâte ta course, fais vitement naître cette heure fortunée, en laquelle doivent être accomplis les oracles des saints, qui nous promettent que, sur le déclin du monde, on fera magnifiquement paraître toutes les grandeurs de saint Joseph ; qui nous assurent que Dieu même a tirera le rideau, et déchirera le voile qui nous a empêchés jusqu’à maintenant de voir à découvert les merveilles du sanctuaire de l’âme de Joseph ; qui prédisent que le Saint-Esprit agira incessamment dans le cœur des fidèles, pour les émouvoir à exalter la gloire de ce divin personnage, lui consacrant des maisons religieuses, lui bâtissant des temples et dressant des autels ; qui publient que, par tout l’empire de l’Église militante, on reconnaîtra pour Protecteur particulier ce saint qui l’a été de Jésus-Christ, fondateur du même empire ; qui nous font espérer que les Souverains Pontifes ordonneront, par un secret mouvement du ciel, que la fête de ce grand Patriarche soit solennellement célébrée par toute l’étendue du domaine spirituel de saint Pierre ; qui annoncent que les plus savants hommes de l’univers s’emploieront à la recherche des dons de Dieu cachés dans saint Joseph, et qu’ils y rencontreront des trésors de grâces incomparablement plus précieux et plus abondants, que n’en posséda la meilleure partie des prédestinés de l’Ancien Testament par l’espace de quarante siècles. »[2]

De si ardents désirs ont été comblés. Déjà depuis plus d’un siècle un Office en l’honneur du Patronage de saint Joseph avait été présenté à l’approbation du Siège Apostolique par l’Ordre des Carmes, et il avait été accepté. Un grand nombre d’Églises en avaient successivement sollicité et obtenu l’extension. Un dimanche avait été choisi pour la célébration de cette pieuse solennité, afin d’y intéresser le peuple fidèle, qui n’est pas appelé par le devoir à l’église au jour de la propre fête de saint Joseph. Cette fête principale tombant toujours en Carême, on choisit pour la seconde le troisième dimanche après Pâques, afin d’unir aux joies pascales les consolations et les espérances que cette solennité apporte avec elle. La nouvelle fête allait s’étendant peu à peu par des concessions locales, lorsque tout à coup un Décret apostolique du 10 septembre 1847 vint l’établir dans toute la chrétienté. À la veille des grandes tribulations de l’Église, Pie IX, par un instinct surnaturel, appelait Joseph au secours du troupeau confié au successeur de Pierre. Nous avons vu comment le titre et les honneurs de Patron de l’Église universelle sont venus, au temps marqué, donner satisfaction entière à la piété des fidèles, et confirmer leur confiance envers le puissant Protecteur qui jamais n’eut tant de maux à combattre, ni tant de fléaux a détourner.

Mettons donc notre confiance dans le pouvoir de l’auguste Père du peuple chrétien, Joseph, sur qui tant de grandeurs n’ont été accumulées qu’afin qu’il répandit sur nous, dans une mesure plus abondante que les autres saints, les influences du divin mystère de l’Incarnation dont il a été, après Marie, le principal ministre sur la terre.

Le troisième Dimanche après Pâques porte, dans L’Église grecque, le nom de Dimanche du Paralytique, parce qu’on y célèbre d’une manière particulière la commémoration du miracle que notre Seigneur opéra à la Piscine Probatique.

L’Église Romaine commence aujourd’hui, à l’Office des Matines, la lecture de l’Apocalypse de saint Jean.

À la messe

En cette fête dédiée à saint Joseph comme Protecteur des fidèles, la sainte Église, dans l’Introït, nous met à la bouche les paroles dans lesquelles David exprime la confiance qu’il a placée dans la Protection du Seigneur. Saint Joseph est le ministre de cette protection divine, et Dieu nous la promet, si nous nous adressons à son incomparable serviteur.

INTROÏT

Le Seigneur est notre secours et notre protecteur ; en lui notre cœur se réjouira, et nous avons espéré en son saint Nom, alleluia, alleluia. Ps. O vous qui régissez Israël, jetez un regard sur nous : c est vous qui avez conduit Joseph comme votre brebis fidèle. Gloire au Père. Le Seigneur.

Dans la Collecte, l’Église relève le choix que Dieu a daigné faire de saint Joseph pour Époux de Marie, et elle nous apprend que ce choix a eu pour effet de nous assurer en lui un Protecteur, qui répondra toujours à nos hommages par son intercession toute-puissante.

COLLECTE

O Dieu, qui, par une providence ineffable, avez daigne choisir le bienheureux Joseph pour être l’Époux de votre très sainte Mère : faites, s’il vous plaît, que nous qui le vénérons comme notre Protecteur sur la terre, nous méritions de l’avoir pour intercesseur dans les cieux ; vous qui vivez, et régnez dans les siècles des siècles. Amen.

ÉPÎTRE

Lecture du livre de la Genèse. Chap. 49

Mon fils Joseph a été élevé en gloire ; sa puissance va toujours croissant ; il est beau et plein de charmes ; les jeunes filles ont couru sur les galeries pour le voir. Mais avant ses grandeurs, ses frères l’avaient poursuivi avec malice, et lui avaient suscité des rixes ; dans leur envie, ils lui lançaient des traits. Mais son arc tendu est demeuré dans sa force ; les chaînes qui liaient ses bras et ses mains ont été déliées par la main du tout-puissant Dieu de Jacob ; et il est sorti de là pour être le pasteur d’un peuple et la force d’Israël. O mon fils, le Dieu de ton père sera ton protecteur, le Tout-Puissant te comblera de ses bénédictions du haut du ciel ; le sol que tu habiteras sera arrosé par les sources qui procèdent de l’abîme des eaux, pour être aussi une bénédiction ; et tu seras béni également dans la fécondité des mères. Les bénédictions que répand sur toi ton père surpassent celles qu’il a reçues de ses aïeux ; et elles seront sur toi, jusqu’à ce que s’accomplisse le désir des collines éternelles. Que ces bénédictions se répandent sur la tête de Joseph, sur la tète de celui qui est comme le Nazaréen au milieu de ses frères.

Cette magnifique prophétie de Jacob mourant, et révélant à son fils Joseph le sort glorieux qui l’attend dans sa personne et dans ses enfants, vient à propos en ce jour pour nous rappeler les touchantes relations que saint Bernard a si éloquemment relevées entre les deux Joseph. Nous les avons signalées au dix-neuf mars, et le pieux lecteur a pu se convaincre que le premier Joseph fut le type du second. Le vieux Patriarche, après avoir prophétisé la destinée de ses dix premiers enfants, s’arrête avec complaisance sur le fils de Rachel. Après avoir loué sa beauté, il rappelle les persécutions auxquelles il fut en butte de la part de ses frères, et les voies merveilleuses par lesquelles Dieu le délivra de leurs mains, et le conduisit à la puissance. De là Jacob montre ce fils de sa tendresse élevé en gloire, et devenu le type du second Joseph. Qui a mérité plus que l’Époux de Marie, le Protecteur des fidèles, d’être appelé « le Pasteur d’un peuple et la force d’Israël » ? Nous sommes tous sa famille : il veille sur nous avec amour ; et dans nos tribulations, nous pouvons appuyer sur lui notre confiance, comme sur un roc inébranlable. L’héritage de saint Joseph est l’Église, que les eaux du Baptême arrosent sans cesse et rendent féconde ; c’est là qu’il exerce son pouvoir bienfaisant sur ceux qui se confient en lui. Jacob promet au premier Joseph d’immenses bénédictions, dont l’effet durera jusqu’au jour où le Sauveur promis a descendra des « collines de l’éternité ». Alors commencera le ministère du second Joseph, ministère de secours et de protection, qui durera jusqu’au second avènement du Fils de Dieu. Enfin, si le premier Joseph est présenté dans la prophétie comme Nazaréen,

c’est-à-dire consacre à Dieu et saint au milieu de ses frères, le second remplira l’oracle plus littéralement encore ; car non seulement sa sainteté dépassera celle du fils de Jacob, mais sa demeure sera Nazareth. C’est dans cette ville qu’il habitera avec Marie, dans cette ville qu’il reviendra au retour de l’Egypte, dans cette ville qu’il achèvera sa sainte carrière ; enfin pour avoir habité cette ville avec lui, son fils adoptif, Jésus, Verbe éternel, « sera appelé Nazaréen (1) ».

Dans le premier Verset alleluiatique on entend la voix de saint Joseph. Il invite les fidèles à recourir à lui, et leur promet un prompt secours. Dans le second, l’Église demande pour ses enfants qu’ils soient empressés à imiter la pureté de l’Epoux de Marie, en même temps qu’elle implore pour eux son Patronage.

Alleluia, alleluia. V/. De quelque tribulation qu’ils crient vers moi, je les exaucerai, et je serai leur protecteur à jamais. Alleluia. V/. Faites-nous, ô Joseph, couler une vie pure : qu’elle soit toujours en sûreté sous votre patronage. Alleluia.

ÉVANGILE

La suite du saint Évangile selon saint Luc. Chap. III.

En ce temps-là, il advint que dans les jours où tout le peuple venait recevoir le baptême de Jean, Jésus lui-même, ayant été baptise et priant, le ciel s’ouvrit ; et l’Esprit-Saint descendit sur lui sous la forme visible d’une colombe ; et une voix du ciel parla ainsi : « Vous êtes mon Fils bien-aimé : en vous j’ai mis mes complaisances. » Et Jésus avait alors environ trente ans, et il était regardé comme le fils de Joseph.

« Jésus était regardé comme le fils de Joseph ! » Ainsi l’amour filial de Jésus pour sa Mère, les égards dus à l’honneur de la plus pure des vierges, allèrent jusqu’à faire accepter au Fils de Dieu, durant trente années, le nom et l’extérieur de fils de Joseph. Joseph s’est entendu appeler père par le Verbe incréé dont le Père est éternel ; il a reçu d’un homme mortel les soins de l’enfance et les aliments dans ses premières années. Joseph a été le chef de la sainte famille de Nazareth, et Jésus a reconnu son autorité. L’économie de la divine incarnation exigeait ces étonnantes relations entre le créateur et la créature. Mais si le Fils de Dieu assis à la droite de son Père a retenu la nature humaine indissolublement unie à sa personne divine, il n’a pas non plus dépouillé les sentiments qu’il professa ici-bas envers les deux autres membres de la famille de Nazareth. Envers Marie, qui sera éternellement sa Mère dans l’ordre de l’humanité, sa tendresse filiale et ses égards n’ont fait que s’accroître ; mais nous ne pouvons douter que l’affection et la déférence qu’il eut pour son père d’adoption ne soient aussi représentées éternellement dans le cœur de l’Homme-Dieu. Nul mortel n’a eu avec Jésus des rapports aussi intimes et aussi familiers. Joseph, par ses soins paternels envers le fils de Marie, a fait ressentir la reconnaissance au Fils de l’Eternel ; il est juste de penser que des honneurs particuliers et un crédit supérieur dans le ciel ont acquitté cette reconnaissance. Telle est la croyance de l’Église, telle est la confiance des âmes pieuses, tel est le motif de l’institution de la solennité d’aujourd’hui.

Dans l’Offertoire formé des paroles du Psaume CXLVII, Jérusalem, c’est-à-dire l’Église, est félicitée du soin que Dieu a pris d’elle, en l’assurant contre ses ennemis par de forts remparts. La protection de saint Joseph est l’un des plus invincibles.

OFFERTOIRE

Jérusalem, loue le Seigneur ; car c’est lui qui a fortifié les serrures de toutes tes portes, qui a béni tes fils dans tes murs, alleluia, alleluia.

Dans la Secrète, l’Église implore pour ses enfants la grâce d’imiter le détachement du charpentier de Nazareth.

SECRÈTE

Soutenus par le patronage de l’Epoux de votre très sainte Mère, nous implorons, Seigneur, votre clémence, afin que nos cœurs, aidés de votre grâce, arrivent à dédaigner toutes les choses terrestres, et vous aiment d’une parfaite charité, vous qui êtes le vrai Dieu, qui vivez et régnez dans les siècles des siècles. Amen.

L’Antienne de la Communion est le passage de saint Matthieu dans lequel l’Evangéliste inscrit le titre glorieux de notre grand Protecteur : « Joseph, époux de Marie », et le titre plus glorieux encore de Marie, « de laquelle est né Jésus ».

COMMUNION

Jacob fut père de Joseph, Époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé le Christ, alleluia, alleluia..

La sainte Église demande dans la Postcommunion que saint Joseph, notre Protecteur durant la vie présente, veuille bien aussi intervenir dans l’intérêt de notre bonheur éternel.

POSTCOMMUNION

Ayant réparé nos forces à la source même du don divin, nous vous demandons. Seigneur notre Dieu, qui nous faites jouir du patronage du bienheureux Joseph, de nous rendre participants de la gloire céleste. par ses mérites et son intercession. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Père et protecteur des fidèles, glorieux Joseph, nous bénissons notre mère la sainte Église qui, dans ce déclin du monde, nous a appris à espérer en vous. De longs siècles se sont écoulés sans que vos grandeurs fussent encore manifestées ; mais vous n’en étiez pas moins au ciel l’un des plus puissants intercesseurs du genre humain. Chef de la sainte famille dont un Dieu est membre, vous poursuiviez votre ministère paternel à notre égard. Votre action cachée se faisait sentir pour le salut des peuples et des particuliers ; mais la terre éprouvait vos bienfaits, sans avoir encore institué, pour les reconnaître, les hommages qu’elle vous offre aujourd’hui. Une connaissance plus étendue de vos grandeurs et de votre pouvoir, la proclamation de votre auguste Patronage, de votre Protectorat sur tous nos besoins, étaient réservées à ces temps malheureux où l’état du monde aux abois appelle des secours qui ne furent pas révélés aux âges précédents. Nous venons donc à vos pieds, ô Joseph ! afin de rendre hommage en vous à une puissance d’intercession qui ne connaît pas de limites, à une bonté qui embrasse tous les frères de Jésus dans une même adoption.

Nous savons, ô Marie, qu’il vous est agréable de voir honorer l’Epoux que vous avez aimé d’une incomparable tendresse. Vous accueillez avec une faveur particulière nos demandes, lorsqu’elles vous sont présentées par ses mains. Les liens formés par le ciel à Nazareth subsisteront éternellement entre vous et Joseph ; et l’amour sans bornes que vous portez à votre Fils divin resserre encore l’affection que votre cœur si aimant conserve pour jamais à celui qui fut en même temps le nourricier de Jésus et le gardien de votre virginité. O Joseph, nous sommes aussi les fils de votre épouse Marie ; prenez dans vos bras tous ces nouveaux enfants, souriez à cette nombreuse famille, et daignez accepter nos instances que la sainte Église encourage, et qui montent vers vous plus pressantes que jamais.

Vous êtes « le soutien du monde, columen mundi », l’un des appuis sur lesquels il repose ; car le Seigneur, en vue de vos mérites et par déférence à votre prière, le souffre et le conserve malgré les iniquités qui le souillent. Votre effort est grand, ô Joseph, en ces temps « où les saints manquent, où les vérités sont diminuées (Ps 11, 1) » ; il vous faut peser de tout le poids de vos mérites, pour que le fléau de la divine balance n’incline pas du côté de la justice. Daignez, ô Protecteur universel, ne pas vous lasser dans ce labeur ; l’Église de votre Fils adoptif vous en supplie aujourd’hui. Le sol miné par la liberté effrénée de l’erreur et du mal est, à chaque instant, sur le point de fondre sous ses pieds ; ne vous reposez pas un instant, et par votre intervention paternelle, hâtez-vous de lui préparer une situation plus calme.

Aucune de nos nécessités n’est étrangère à votre connaissance ni à votre pouvoir ; les moindres enfants de l’Église ont droit de recourir à vous jour et nuit, assurés de rencontrer près de vous l’accueil d’un père tendre et compatissant. Nous ne l’oublierons pas, ô Joseph ! Dans tous les besoins de nos âmes, nous nous adresserons à vous. Nous vous demanderons de nous aider dans l’acquisition des vertus dont Dieu veut que notre âme soit ornée, dans les combats que nous avons à soutenir contre notre ennemi, dans les sacrifices que nous sommes si souvent appelés à faire. Rendez-nous dignes d’être appelés vos fils, ô vous le Père des fidèles ! Mais votre souverain pouvoir ne s’exerce pas seulement dans les intérêts de la vie future ; l’expérience de tous les jours montre combien votre crédit est puissant pour nous obtenir la protection céleste dans les choses même du temps, lorsque nos désirs ne sont pas contraires aux desseins de Dieu. Nous osons donc déposer entre vos mains tous nos intérêts de ce monde, nos espérances, nos vœux et nos craintes. Le soin de la maison de Nazareth vous fut confié ; veuillez être le conseil et le secours de tous ceux qui remettent entre vos mains leurs affaires temporelles.

Auguste chef de la sainte Famille, la famille chrétienne est placée sous votre garde spéciale ; veillez sur elle en nos temps malheureux. Répondez favorablement à ceux et à celles qui s’adressent à vous, dans ces moments solennels où il s’agit pour eux de choisir l’aide avec lequel ils doivent traverser cette vie et préparer le passage à une meilleure. Maintenez entre les époux la dignité et le respect mutuel qui sont la sauvegarde de l’honneur conjugal ; obtenez-leur la fécondité, gage des bénédictions célestes. Que vos clients, ô Joseph, aient çn horreur ces infâmes calculs qui souillent ce qu’il y a de plus saint, attirent la malédiction divine sur les races, et menacent la société d’une ruine à la fois morale et matérielle. Dissipez des préjugés aus^i honteux que coupables, remettez en honneur cette sainte continence dont les époux chrétiens doivent toujours conserver l’estime, et à laquelle ils sont tenus de rendre souvent hommage, sous peine de ressembler à ces païens dont parle l’Apôtre, « qui ne suivent que leurs appétits, parce qu’ils ignorent Dieu (1 Thess. 4, 5). »

Une dernière prière encore, ô glorieux Joseph ! Il est dans notre vie un moment suprême, moment qui ne se présente qu’une fois, moment qui décide de tout pour l’éternité : c’est le moment de notre mort. Nous nous sentons cependant portés à l’envisager avec moins d’inquiétude, lorsque nous nous souvenons que la divine bonté en a fait l’un des principaux objets de votre souverain pouvoir. Vous avez été investi du soin miséricordieux de faciliter au chrétien qui recourt à vous, le passage du temps à l’éternité. C’est à vous, ô Joseph, que nous devons nous adresser pour obtenir une bonne mort. Cette prérogative vous était due, à vous dont l’heureuse mort, entre les bras de Jésus et de Marie, a fait l’admiration du ciel, et l’un des plus sublimes spectacles qu’ait offert la terre. Soyez donc notre recours, ô Joseph, à ce solennel et dernier instant de notre vie terrestre. Nous espérons en Marie, que nous supplions chaque jour de nous être propice à l’heure de notre trépas ; mais nous savons que Marie se réjouit de la confiance que nous avons en vous, et que là où vous êtes, elle daigne être aussi. Fortifiés par l’espérance en votre paternelle bonté, ô Joseph, nous attendrons avec calme cette heure décisive ; car nous savons que si nous sommes fidèles à vous la recommander, votre secours nous est assuré.

Hymne des vêpres

Que les chœurs célestes chantent ta gloire, ô Joseph ! Que l’assemblée des chrétiens fasse résonner tes louanges ; tout rayonnant de mérites, une chaste alliance t’unit à l’auguste Vierge.

Ton Épouse porte les traces d’une prochaine maternité ; l’étonnement et l’inquiétude ont saisi ton âme incertaine ; un Ange vient t’apprendre que le fruit qu’elle porte est l’œuvre de l’Esprit divin.

Le Seigneur est né ; tu l’enlèves, et tu l’accompagnes dans sa fuite jusqu’aux lointaines plages de l’Egypte ; dans Jérusalem, tu le perds et le retrouves ; ainsi tes joies sont mêlées d’alarmes.

Une mort sainte fixe le sort des autres hommes, et la palme glorieuse vient couronner leurs mérites ; plus heureux, tu vis encore, et tu jouis d’un Dieu, égal dans ton bonheur aux bienheureux.

Trinité souveraine, exaucez nos prières, donnez-nous le pardon : que les mérites de Joseph nous aident à monter dans les cieux, et qu’il nous soit donné de chanter à jamais le cantique de la félicité.

Amen.

Autre liturgie

L’allégresse que porte avec elle la fête d’aujourd’hui s’est unie aux joies pascales ; mais il est juste que celles-ci aient aussi leur expression particulière. Nous terminerons donc cette journée en offrant à notre divin ressuscité cette Préface empruntée à l’ancien Missel gothique publié par dom Mabillon.

CONTESTATIO
(In die Sabbato, octava Paschœ.)

Il est digne et juste, nécessaire et salutaire, que le genre humain vous rende ses plus ardents hommages, comme à son Seigneur et à son Dieu, ô vous, Christ, Roi admirable ! C’est celui qui, ayant été condamné, a affranchi des liens de l’enfer la foule des croyants, et l’a rangée sous les étendards de la liberté. Il a paru dans le monde, le Lion de la tribu de Juda ; et toute la terre célèbre par ses acclamations la destruction de cet autre lion qui dévorait les âmes. Il permit que ses membres fussent fixés par des clous sur le bois de la croix, pour faire éclater davantage ce pouvoir qui devait épouvanter l’esprit impie. À sa voix, quand il rendit l’esprit, la terre trembla, le ciel fut effrayé, le jour s’enfuit, le soleil s’obscurcit, les astres voilant leurs rayons disparurent tous à la fois. Il descendit dans les régions inférieures, il en brisa les portes, et plongea l’enfer dans le deuil. Maintenant, il ressuscite ; les Anges sont dans la joie, et la terre tressaille avec ses habitants. Dans ce triomphe s’accomplit l’oracle du prophète : « O mort ! o enfer ! je serai ta mort. » Où est donc, ô mort ! ta victoire ? Mais la mort ne pouvait être ainsi dévorée que par la vie. Étant descendu près de ceux qui étaient les captifs de la mort, en ressuscitant, il les a rendus à la lumière ; afin que le témoignage des vivants et des morts s’unit pour proclamer sa résurrection.

[1] Frigescente mundo. Oraison de la fête des Stigmates de saint François.

[2] La gloire de saint Joseph, par le P. Jean Jacquinot, de la Compagnie de Jésus.