Le mercredi des Cendres

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
Mercredi des Cendres

 

Hier le monde s’agitait dans ses plaisirs, les enfants de la promesse eux-mêmes se livraient à des joies innocentes ; dès ce matin, la trompette sacrée dont parle le prophète a retenti [1]. Elle annonce l’ouverture solennelle du jeûne quadragésimal, le temps des expiations, l’approche toujours plus imminente des grands anniversaires de notre salut. Levons-nous donc, chrétiens, et préparons-nous à combattre les combats du Seigneur.

Mais, dans cette lutte de l’esprit contre la chair, il nous faut être armés, et voici que la sainte Église nous convoque dans ses temples, pour nous dresser aux exercices de la milice spirituelle. Déjà saint Paul nous a fait connaître en détail toutes les parties de notre défense : « Que la vérité, nous a-t-il dit, soit votre ceinture, la justice votre cuirasse, la docilité à l’évangile votre chaussure, la foi votre bouclier, l’espérance du salut le casque qui protégera votre tête [2] ». Le prince des apôtres vient lui-même, qui nous dit : « Le Christ a souffert dans sa chair ; armez-vous de cette pensée [3] ». Ces enseignements apostoliques, l’Église aujourd’hui nous les rappelle ; mais elle en ajoute un autre non moins éloquent, en nous forçant à remonter jusqu’au jour de la prévarication, qui a rendu nécessaires les combats auxquels nous allons nous livrer, les expiations par lesquelles il nous faut passer.

Deux sortes d’ennemis sont déchaînés contre nous : les passions dans notre cœur, les démons au dehors ; l’orgueil a fait tout ce désordre. L’homme a refusé d’obéir à Dieu ; toutefois, Dieu l’a épargné, mais à la dure condition de subir la mort. Il a dit : « Homme, tu n’es que poussière, et tu rentreras dans la poussière [4] ». Oh ! pourquoi avons-nous oublié cet avertissement ? à lui seul il eût suffi pour nous prémunir contre nous-mêmes ; pénétrés de notre néant, nous n’eussions jamais osé enfreindre la loi de Dieu. Si maintenant nous voulons persévérer dans le bien, où la grâce du Seigneur nous a rétablis, humilions-nous ; acceptons la sentence, et ne considérons plus la vie que comme un chemin plus ou moins court qui aboutit au tombeau. À ce point de vue, tout se renouvelle, tout s’éclaire. L’immense bonté de Dieu qui a daigné attacher son amour à des êtres dévoués à la mort, nous apparaît plus admirable encore ; notre insolence et notre ingratitude envers celui que nous avons bravé, durant ces quelques instants de notre existence, nous semble de plus en plus digne de regrets, et la réparation qu’il nous est possible de faire, et que Dieu daigne accepter, plus légitime et plus salutaire.

Tel est le motif qui porta la sainte Église, lorsqu’elle jugea à propos, il y a plus de mille ans, d’anticiper de quatre jours le jeûne quadragésimal, à ouvrir cette sainte carrière en marquant avec la cendre le front coupable de ses enfants, et en redisant à chacun les terribles paroles du Seigneur qui nous dévouent à la mort. Mais l’usage de la cendre, comme symbole d’humiliation et de pénitence, est bien antérieur à cette institution, et nous le trouvons déjà pratiqué dans l’ancienne alliance. Job lui-même, au sein de la gentilité, couvrait de cendres sa chair frappée par la main de Dieu, et implorait ainsi miséricorde, il y a quatre mille ans [5]. Plus tard, le roi-prophète, dans l’ardente contrition de son cœur, mêlait la cendre au pain amer qu’il mangeait [6] ; les exemples analogues abondent dans les livres historiques et dans les prophètes de l’Ancien Testament. C’est que l’on sentait dès lors le rapport qui existe entre cette poussière d’un être matériel que la flamme a visité, et l’homme pécheur dont le corps doit être réduit en poussière sous le feu de la justice divine. Pour sauver du moins l’âme des traits brûlants de la vengeance céleste, le pécheur courait à la cendre, et reconnaissant sa triste fraternité avec elle, il se sentait plus à couvert de la colère de celui qui résiste aux superbes et veut bien pardonner aux humbles.

Dans l’origine, l’usage liturgique de la cendre, au mercredi de la Quinquagésime, ne paraît pas avoir été appliqué à tous les fidèles, mais seulement à ceux qui avaient commis quelqu’un de ces crimes pour lesquels l’Église infligeait la pénitence publique. Avant la messe de ce jour, les coupables se présentaient à l’église où tout le peuple était rassemblé. Les prêtres recevaient l’aveu de leurs péchés, puis ils les couvraient de cilices et répandaient la cendre sur leurs têtes. Après cette cérémonie, le clergé et le peuple se prosternaient contre terre, et on récitait à haute voix les sept psaumes pénitentiaux. La procession avait lieu ensuite, à laquelle les pénitents marchaient nu-pieds. Au retour, ils étaient solennellement chassés de l’église par l’évêque, qui leur disait : « Voici que nous vous chassons de l’enceinte de l’Église, à cause de vos péchés et de vos crimes, comme Adam, le premier homme, fut chassé du Paradis, à cause de sa transgression ». Le clergé chantait ensuite plusieurs répons tirés de la Genèse, dans lesquels étaient rappelées les paroles du Seigneur condamnant l’homme aux sueurs et au travail, sur cette terre désormais maudite. On fermait ensuite les portes de l’église, et les pénitents n’en devaient plus franchir le seuil que pour venir recevoir solennellement l’absolution, le Jeudi-Saint.

Après le 11e siècle, la pénitence publique commença à tomber en désuétude ; mais l’usage d’imposer les cendres à tous les fidèles, en ce jour, devint de plus en plus général, et il a pris place parmi les cérémonies essentielles de la liturgie romaine. Autrefois, on s’approchait nu-pieds pour recevoir cet avertissement solennel du néant de l’homme, et, encore au 12e siècle, le pape lui-même, se rendant de l’Église de Sainte-Anastasie à celle de Sainte-Sabine où est la station, faisait tout ce trajet sans chaussure, ainsi que les cardinaux qui l’accompagnaient. L’Église s’est relâchée de cette rigueur extérieure ; mais elle n’en compte pas moins sur les sentiments qu’un rite aussi imposant doit produire en nous.

Ainsi que nous venons de le dire, la station, à Rome, est aujourd’hui à Sainte-Sabine, sur le Mont-Aventin. C’est sous les auspices de cette sainte martyre que s’ouvre la pénitence quadragésimale.

Cérémonie des Cendres

La fonction sacrée commence par la bénédiction des cendres que l’Église va imposer sur nos fronts. Ces cendres sont faites des rameaux qui ont été bénis l’année précédente, au dimanche qui précède la Pâque. La bénédiction qu’elles reçoivent dans ce nouvel état a pour but de les rendre plus dignes du mystère de contrition et d’humilité qu’elles sont appelées à signifier.

Le chœur chante d’abord cette antienne, qui implore la divine miséri­corde.

Antienne

Exaucez-nous, Seigneur, car votre miséricorde est compatissante ; selon la multitude de vos miséricordes, jetez un regard sur nous, Seigneur. Ps. Sauvez-moi, ô Dieu, car les eaux ont pénétré jusqu’à mon âme. Gloire au Père. Exaucez-nous.

Le prêtre, à l’autel, ayant près de lui les cendres mystérieuses, prononce les oraisons suivantes, par lesquelles il demande à Dieu d’en faire pour nous un moyen de sanctification.

Oraison

Dieu tout-puissant et éternel, pardonnez au repentir, soyez propice aux supplications, et daignez envoyer du ciel votre saint ange pour bénir et sanctifier ces cendres, afin qu’elles deviennent un remède salutaire à ceux qui implorent humblement votre saint nom, qui, reconnaissant leurs péchés, s’accusent eux-mêmes, déplorent leurs méfaits sous les regards de votre divine clémence, et implorent avec ardeur par leurs supplications votre très douce miséricorde. Daignez faire que par l’invocation de votre très saint nom, tous ceux sur lesquels ces cendres seront répandues, pour le rachat de leurs péchés, reçoivent la santé du corps et la protection de l’âme. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison

Ô Dieu, qui ne voulez pas notre mort, mais notre pénitence, considérez avec bonté la fragilité de la condition humaine, et daignez bénir dans votre miséricorde ces cendres que nous voulons recevoir sur nos têtes, en signe d’humilité, et pour mériter le pardon ; afin que, reconnaissant que nous ne sommes que cendre, et que nous devons retourner en poussière, pour la punition de notre malice, nous méritions d’obtenir de votre miséricorde le pardon de tous nos péchés, et les récompenses promises aux pénitents. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison

Mon Dieu, qui vous laissez fléchir par l’humilité et apaiser par la satisfaction, inclinez à nos prières l’oreille de votre miséricorde, et daignez répandre la grâce de votre bénédiction sur les têtes de vos serviteurs, lorsqu’elles auront été marquées de ces cendres ; remplissez vos fidèles de l’esprit de componction, accordez-leur pleinement les demandes justes qu’ils vous présenteront ; affermissez et conservez en eux les faveurs que vous leur aurez accordées. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison

Dieu tout-puissant et éternel, de qui les Ninivites qui firent pénitence sous la cendre et le cilice reçurent le remède et le pardon, daignez accorder à nous qui les imitons dans l’extérieur, d’être comme eux l’objet de votre miséricorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Après ces oraisons, le prêtre asperge les cendres avec l’eau bénite, puis il les parfume avec l’encens. Ces rites étant accomplis, il reçoit lui-même de ces cendres sur la tête par la main du prêtre le plus qualifié dans le clergé qui dessert l’église. Celui-ci les reçoit à son tour du célébrant qui, après les avoir imposées aux ministres de l’autel et au reste du clergé, les distribue au peuple.

Lorsque le prêtre s’approchera pour vous marquer du sceau de la pénitence, acceptez avec soumission l’arrêt de mort que Dieu lui-même prononcera sur vous : « Homme, souviens-toi que tu es poussière, et que tu rentreras dans la poussière ». Humiliez-vous, et rappelez-vous que c’est pour avoir voulu être comme des dieux, préférant notre volonté à celle du souverain Maître, que nous avons été condamnés à mourir. Songeons à cette longue suite de péchés que nous avons ajoutés à celui d’Adam, et admirons la clémence de Dieu qui se contentera d’une seule mort pour tant de révoltes.

Pendant la distribution des cendres, le chœur chante les deux antiennes et le répons ci-après.

Antienne

Changeons nos vêtements, couvrons-nous de la cendre et du cilice, jeûnons et pleurons devant le Seigneur ; car notre Dieu est tout miséricordieux, et il nous remettra nos péchés.

Antienne

Entre le vestibule et l’autel, les prêtres ministres du Seigneur pleureront et diront : Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple, et ne fermez pas la bouche de ceux qui chantent vos louanges, Seigneur.

Répons

Réparons les péchés que notre aveuglement nous a fait commettre, de peur que, surpris tout à coup par le jour de la mort, nous ne cherchions le temps de la pénitence, sans pouvoir le trouver. * Regardez-nous, Seigneur, et ayez pitié de nous ; car nous avons péché contre vous.

Ps. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et, pour l’honneur de votre nom, Seigneur, délivrez-nous. * Regardez-nous. Gloire au Père. * Regardez-nous.

La distribution des cendres étant terminée, le prêtre chante l’oraison suivante :

Oraison

Accordez-nous, Seigneur, de commencer dignement par ce saint jeûne la carrière de la milice chrétienne, afin que, devant combattre les esprits de malice, nous ayons pour défense contre leurs efforts le secours de l’abstinence. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

À la messe

Rassurée par l’acte d’humilité qu’elle vient d’accomplir, l’âme chrétienne se laisse aller à la confiance envers le Dieu de miséricorde. Elle ose lui rappeler son amour pour les hommes qu’il a créés, et la longanimité avec laquelle il a daigné attendre leur retour à lui. Ces sentiments sont le sujet de l’introït, dont les paroles sont empruntées au livre de la Sagesse.

Introït

Vous avez pitié de tous, Seigneur, et vous ne haïssez aucun de ceux que vous avez faits : vous dissimulez les péchés des hommes pour leur laisser le temps de la pénitence, et vous leur pardonnez ; car vous êtes le Seigneur notre Dieu. Ps. Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi ; car mon âme se confie en vous. Gloire au Père. Vous avez pitié de tous.

Dans la collecte, l’Église demande pour ses enfants que la salutaire pratique du jeûne soit par eux accueillie avec empressement, et qu’ils y persévèrent pour le bien de leurs âmes.

Collecte

Accordez, Seigneur, à vos fidèles d’accepter avec une piété sincère la solennité vénérable de ces jeûnes, et d’en fournir la carrière avec une dévotion que rien ne puisse troubler. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Deuxième collecte [7]

Préservez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, de tous les périls de l’âme et du corps ; et vous laissant fléchir par l’intercession de la bienheureuse et glorieuse Mère de Dieu, Marie toujours Vierge, du bienheureux Joseph,de vos bienheureux apôtres Pierre et Paul, du bienheureux N. (on nomme ici le patron de l’Église) et de tous les saints, accordez-nous dans votre bonté le salut et la paix, afin que toutes les erreurs et les adversités étant écartées, votre Église vous serve dans une liberté tranquille.

Troisième collecte

Dieu tout-puissant et éternel, qui régnez sur les vivants et sur les morts, et qui répandez votre miséricorde sur tous ceux que vous savez devoir se donner à vous par la foi et par les œuvres : nous vous supplions d’accorder dans votre bonté et votre clémence et par l’intercession de tous vos saints, le pardon des péchés à ceux pour qui nous allons répandre devant vous nos prières, soit que le siècle présent les retienne encore dans la chair, soit que, ayant déposé leurs corps, ils soient déjà entrés dans le siècle futur. Par Jésus-Chrit notre Seigneur. Amen.

Épître
Lecture du prophète Joël. Chap. 2.

Voici ce que dit le Seigneur : Convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, dans les larmes et dans les gémissements. Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements, et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu ; car il est bon et compatissant, patient et riche en miséricorde, et sa bonté surpasse notre malice. Qui sait s’il ne se retournera pas vers vous, s’il ne vous pardonnera pas, et s’il ne laissera pas après lui la bénédiction, afin que vous présentiez au Seigneur votre Dieu des sacrifices et des offrandes ? Sonnez de la trompette dans Sion, publiez la sainteté du jeûne, convoquez l’assemblée, réunissez le peuple, avertissez-le qu’il se purifie ; faites venir les vieillards ; amenez les enfants, même ceux qui sont encore à la mamelle. Que l’époux sorte de sa couche, et l’épouse de son lit nuptial. Que les prêtres et les ministres du Seigneur pleurent entre le vestibule et l’autel, qu’ils disent : « Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple ; et ne livrez pas votre héritage à l’opprobre, en laissant dominer sur lui les nations. Laisserez-vous dire par les peuples : « Où est leur Dieu ? » Le Seigneur a été ému de compassion pour sa terre, et il a pardonné à son peuple. Et le Seigneur a répondu à son peuple : « Voici que je vais vous envoyer du froment, du vin et de l’huile, et vous en serez rassasiés, et je ne vous abandonnerai plus aux insultes des nations », dit le Seigneur tout-puissant.

Ce magnifique passage du prophète nous révèle l’importance que le Seigneur attache à l’expiation par le jeûne. Quand l’homme contrit de ses péchés afflige sa chair, Dieu se laisse fléchir. L’exemple de Ninive l’a prouvé ; et si le Seigneur pardonna à une ville infidèle, par cela seul que ses habitants imploraient sa pitié sous les livrées de la pénitence, que ne fera-t-il pas en faveur de son peuple, qui sait joindre à l’immolation du corps le sacrifice du cœur ? Entrons donc avec courage dans la voie de la pénitence ; et si l’affaiblissement des sentiments de la foi et de la crainte de Dieu semble faire tomber autour de nous des pratiques qui sont aussi anciennes que le christianisme, et sur lesquelles il est pour ainsi dire fondé, gardons-nous d’abonder dans le sens d’un relâchement qui a porté un terrible préjudice à l’ensemble des mœurs chrétiennes. Songeons surtout à nos engagements personnels avec la justice divine qui ne nous remettra nos fautes et les peines qu’elles méritent, qu’autant que nous nous montrerons empressés à lui offrir la satisfaction à laquelle elle a droit. Nous venons de l’entendre : notre corps que nous flatterions n’est que cendre et poussière, et notre âme, que nous serions si souvent portés à lui sacrifier, a des droits à réclamer contre lui.

L’Église, dans le graduel, continue d’épancher les sentiments de sa confiance envers le Dieu de toute bonté ; elle se flatte que ses enfants seront fidèles aux moyens qu’elle leur propose pour le désarmer.

Le trait est cette belle prière de David, que l’Église répète trois fois par semaine, dans le cours du Carême, et qu’elle emploie pour désarmer la colère de Dieu dans les temps de calamités.

Graduel

Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, ayez pitié de moi ; car mon âme se confie en vous. V/. Le Seigneur m’a envoyé du ciel un secours, et il m’a délivré ; il a couvert de confusion ceux qui me foulaient aux pieds.

Trait

V/. Seigneur, ne nous traitez pas selon les péchés que nous avons commis, et ne nous rendez pas selon nos iniquités. V/. Seigneur, ne vous souvenez plus de nos iniquités passées ; que vos miséricordes se hâtent de nous prévenir ; car nous sommes réduits à une extrême misère. V/. Secourez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et, pour la gloire de votre nom, délivrez-nous, Seigneur, et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom.

Évangile
La suite du saint évangile selon saint Matthieu. Chap. 6.

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Lorsque vous jeûnez, ne soyez point tristes comme les hypocrites ; car ils se font un visage pâle et défait, afin que les hommes s’aperçoivent qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité : Ils ont reçu leur récompense. Mais vous, lorsque vous jeûnez, parfumez-vous la tête et lavez votre visage, afin qu’il ne paraisse pas aux hommes que vous jeûnez, mais seulement à votre Père qui est présent dans le secret, et votre Père qui voit dans le secret, vous le rendra. Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la rouille et les vers les consument, et où les voleurs fouillent et les dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où il n’y a ni rouille ni vers qui les consument, et où les voleurs ne fouillent ni ne dérobent. Car, où est votre trésor, là est aussi votre cœur.

Notre Seigneur ne veut pas que nous recevions l’annonce du jeûne expiatoire comme une nouvelle triste et affligeante. Le chrétien qui comprend combien il est dangereux pour lui d’être en retard avec la justice de Dieu, voit arriver le temps du Carême avec joie et consolation. Il sait à l’avance que s’il est fidèle aux prescriptions de l’Église, il allégera le fardeau qui pèse sur lui. Ces satisfactions, si adoucies aujourd’hui par l’indulgence de l’Église, étant offertes à Dieu avec celles du Rédempteur lui-même, et fécondées par cette communauté qui réunit en un faisceau de propitiation les saintes œuvres de tous les membres de l’Église militante, purifieront nos âmes et les rendront dignes de participer aux joies si pures de la Pâque. Ne soyons donc pas tristes de ce que nous jeûnons ; soyons-le seulement d’avoir, par le péché, rendu notre jeûne nécessaire. Le Sauveur nous donne un second conseil que l’Église nous répétera souvent dans tout le cours de la sainte Quarantaine : celui de joindre l’aumône aux privations du corps. Il nous engage à thésauriser, mais pour le ciel. Nous avons besoin d’intercesseurs : cherchons-les parmi les pauvres.

Dans l’offertoire, l’Église chante notre délivrance. Elle se réjouit de voir déjà guéries les plaies de nos âmes ; car elle compte sur notre persévérance.

Offertoire

Je vous glorifierai, Seigneur ; car vous m’avez relevé, et vous n’avez pas réjoui mes ennemis de ma ruine. Seigneur, j’ai crié vers vous, et vous m’avez guéri.

Secrète

Daignez, Seigneur, nous rendre dignes de vous offrir, comme nous le devons, ces dons sacrés, par l’oblation desquels nous célébrons l’ouverture solennelle de ce temps plein de mystères. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Deuxième secrète

Exaucez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et, par la vertu de ce sacrement, défendez-nous de tous les ennemis de l’âme et du corps, nous accordant votre grâce en cette vie, et votre gloire en l’autre.

Troisième secrète

Ô Dieu, qui seul connaissez le nombre des élus à qui vous devez donner place dans la céleste béatitude ; accordez, par l’intercession de tous vos saints, que les noms de tous ceux que nous avons résolu de vous recommander dans notre prière, ainsi que les noms de tous les fidèles, demeurent écrits dans le livre de la bienheureuse prédestination. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

L’Église commence aujourd’hui l’usage de la préface quadragésimale.

Préface

Oui, c’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui par le jeûne auquel vous assujettissez nos corps, comprimez la source de nos vices, élevez nos âmes, donnez la force et assurez la récompense : par Jésus-Christ notre Seigneur. C’est par lui que les anges louent votre Majesté, que les Dominations l’adorent, que les Puissances la révèrent en tremblant, que les Cieux et les Vertus des cieux la célèbrent avec transport. Daignez permettre à nos voix de s’unir à leurs voix, afin que nous puissions dire dans une humble confession : Saint ! Saint ! Saint ! etc.

Les paroles que l’Église fait entendre dans l’antienne de la communion sont un conseil important qu’elle nous donne. Durant cette longue carrière, nous aurons besoin de soutenir notre courage ; méditons la loi du Seigneur et ses mystères. Si nous goûtons la parole de Dieu que l’Église nous proposera chaque jour, la lumière et l’amour iront toujours croissant en nos cœurs, et lorsque le Sauveur sortira des ombres du sépulcre, ses clartés se réfléchiront sur nous.

Communion

Celui qui méditera jour et nuit la loi du Seigneur, portera son fruit en son temps.

Postcommunion

Que les sacrements auxquels nous avons participé nous donnent, Seigneur, le secours qui est nécessaire, afin que nos jeûnes vous soient agréables et servent à notre guérison. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Seconde postcommunion

Que l’oblation du divin sacrifice nous purifie et nous protège, Seigneur, nous vous en supplions ; et, par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu, du bienheureux Joseph, de vos bienheureux apôtres Pierre et Paul, du bienheureux N. (On nomme ici le saint titulaire de l’Église) et de tous les saints, qu’elle soit pour nous l’expiation de tous nos péchés, et la délivrance de toute adversité.

Troisième postcommunion

Purifiez-nous, ô Dieu tout-puissant et miséricordieux, par les sacrements que nous avons reçus, et faites, par l’intercession de tous vos saints, que votre sacrement ne soit pas en nous un crime digne de châtiment, mais une intercession puissante pour le pardon ; qu’il efface nos péchés, qu’il soit notre force dans notre fragilité, et notre défense contre tous les dangers du monde ; qu’il opère dans les fidèles vivants et défunts la rémission de toutes leurs fautes. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Tous les jours du Carême, excepté les dimanches, avant de congédier l’assemblée des fidèles, le prêtre prononce sur eux une oraison particulière, qui est toujours précédée de cet avertissement solennel :

Humiliate capita vestra Deo. | Humiliez vos têtes devant Dieu.

Oraison

Regardez, Seigneur, d’un œil favorable ceux qui se prosternent devant votre Majesté ; afin que, rassasiés de votre don divin, ils se sentent toujours nourris par ce secours céleste. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

[1] – Voir ci-après l’épître de la messe.

[2] – Éph. 6, 16.

[3] – 1 Petr. 4, 1.

[4] – Gen. 3, 19.

[5] – Job. 16, 16.

[6] – Psalm. 101, 10.

[7] La deuxième et la troisième collecte ne se disent plus. De même pour les secrètes et postcommunion.