9 mai
Saint Grégoire de Naziance

Saint Grégoire de Naziance
9 mai

Aux côtés d’Athanase, un second Docteur de l’Église se présente pour faire hommage de son génie et de son éloquence à Jésus ressuscité. C’est Grégoire de Naziance, l’ami et l’émule de Basile, l’orateur insigne, le poète qui, dans la plus étonnante fécondité, a su joindre l’énergie à l’élégance ; celui qui entre tous les Grégoire a mérité et obtenu le grand nom de Théologien par la sûreté de sa doctrine, l’élévation de s’a pensée, la, splendeur de son exposition. La sainte Église le voit avec bonheur étinceler en ces jours sur le Cycle ; car nul n’a parlé avec plus de magnificence que lui du mystère de la Pâque. On en peut juger par le début de son deuxième discours pour cette auguste solennité. Écoutons.

« Je me tiendrai en observation comme la sentinelle, nous dit l’admirable prophète Habacuc ; et moi aujourd’hui, à son exemple, éclairé par l’Esprit-Saint, je fais aussi le guet, j’observe le spectacle qui se découvre à moi, j’écoute les paroles qui vont retentir. Et tandis que debout je considère, je vois assis sur les nuées un personnage dont les traits sont ceux d’un Ange, et dont le vêtement est éblouissant comme l’éclair. Sa voix retentit comme la trompette, et les rangs pressés de l’armée céleste l’environnent ; et il dit : “Ce jour est le jour du salut pour le monde visible et pour le monde invisible. Le Christ se lève d’entre les morts, vous aussi levez-vous. Le Christ reprend possession de lui-même, imitez-le. Le Christ s’élance du sépulcre, arrachez-vous aux liens du péché. Les portes de l’enfer sont ouvertes, la mort est écrasée, le vieil Adam est anéanti, et un autre lui est substitué : vous qui faites partie de la création nouvelle dans le Christ, soyez renouvelés.”

« C’est ainsi qu’il parlait, et les autres Anges répétaient ce qu’ils chantèrent au jour où le Christ nous apparut dans sa naissance terrestre : Gloire à Dieu au plus haut des deux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! A moi maintenant de parler sur toutes ces merveilles : que n’ai-je la voix des Anges, une voix capable de retentir jusqu’aux confins de la terre !

« La Pâque du Seigneur ! La Pâque ! Encore la Pâque, en l’honneur de la Trinité ! C’est la fête des fêtes, la solennité des solennités, qui l’emporte sur toutes les autres autant que le soleil sur les étoiles. Dès hier combien fut auguste la journée, avec ses robes blanches et ses nombreux néophytes portant des flambeaux ! Nous avions double Fonction, publique et particulière ; toutes les classes d’hommes, des magistrats et des dignitaires en grand nombre, dans cette nuit illuminée de mille feux ; mais aujourd’hui combien ces allégresses et ces grandeurs sont dépassées ! Hier n’était que l’aurore de la grande lumière qui s’est levée aujourd’hui ; la joie que l’on ressentait n’était qu’un prélude de celle que l’on éprouve en ce moment ; car en ce jour c’est la résurrection elle-même que nous célébrons, non plus seulement espérée, mais accomplie, et s’étendant au monde entier. » (Oratio 2 in sctum Pascha)

Ainsi préludait à la harangue sacrée le sublime orateur, le poète divin qui ne fit que passer sur le siège de Constantinople. Homme de retraite et de contemplation, les agitations du siècle usèrent vite son courage ; la bassesse et la méchanceté des hommes froissèrent son noble cœur ; et laissant à un autre le dangereux honneur d’occuper un trône si disputé, il s’envola de nouveau vers sa chère solitude, où il aimait tant à goûter Dieu et les saintes lettres. Il avait pu, dans son rapide passage, malgré tant de traverses, raffermir pour longtemps la foi ébranlée dans la capitale de l’empire, et tracer un sillon de lumière qui n’était pas effacé, lorsque Jean Chrysostome vint s’asseoir sur cette chaire de Byzance où tant d’épreuves l’attendaient à son tour.

Liturgie grecque

L’Église grecque, dans ses Menées, consacre à la mémoire de saint Grégoire de Nazianze les plus magnifiques éloges. Nous en empruntons quelques traits. (25 janvier)

Célébrons par nos louanges le prince des pontifes, le grand docteur de l’Église du Christ, celui dont la voix est semblable au plus riche concert, à la harpe la plus mélodieuse, à la lyre la plus habile et la plus suave. Disons-lui : Salut, ô abîme de la grâce divine ! Salut, docteur aux pensées sublimes et célestes, Grégoire, Père des Pères ! Par quels hymnes et quels cantiques pourrons-nous te célébrer, nomme égal aux Anges, toi qui as vécu sur la terre au-dessus de l’humanité ? Tu fus le héraut de la divine parole, l’ami de la chaste Vierge, le compagnon des Apôtres sur leur trône, l’honneur des martyrs et des saints, l’adorateur de l’éternelle Trinité, ô pontife très saint.

Fidèles rassemblés pour sa fête, célébrons dans nos chants spirituels le prince des pontifes, la gloire des patriarches, l’interprète des plus profonds enseignements du Christ, l’intelligence la plus sublime. Disons-lui : Salut, source de la théologie, fleuve de la sagesse, initiateur aux connaissances divines ! Salut, astre lumineux qui éclaires le monde entier par ta doctrine ! Salut, ô puissant défenseur de la piété, adversaire généreux de l’impiété.

Tu as su éviter dans ta sagesse les périls et les embûches de la chair, ô Grégoire notre père ; sur un char conduit par les quatre vertus, tu es monté par le milieu du ciel, et tu t’es envolé vers l’ineffable beauté. Elle t’enivre maintenant de délices, et tu implores pour nos âmes la miséricorde et la paix.

Ouvrant ta bouche à la parole de Dieu, tu as attiré l’Esprit de sagesse, et rempli de la grâce, tu as fait retentir les dogmes divins, ô Grégoire trois fois heureux ! Placé aux rangs des Puissances angéliques, tu as prêché la triple et indivisible Lumière ; éclairés par ta divine doctrine, nous adorons la Trinité, nous confessons en elle une seule divinité, afin d’obtenir le salut de nos âmes !

O Grégoire inspiré de Dieu, ta langue enflammée a consumé les formules captieuses des hérétiques ennemis du Seigneur. Tu as paru comme une bouche divine, exposant dans l’Esprit-Saint les grandeurs de Dieu ; dans tes écrits tu nous as manifesté la puissance et la substance même de la Trinité mystérieuse et impénétrable. Comme un triple soleil tu as éclairé ce monde terrestre ; et maintenant tu intercèdes sans relâche pour nos âmes.

Salut, ô fleuve de Dieu, toujours rempli des eaux de la grâce ! Tu baignes la cité du Christ roi, et tu la réjouis par ta parole et tes enseignements divins : torrent de délices, mer sans fond, gardien fidèle et juste de la doctrine, défenseur courageux de la Trinité, organe de l’Esprit-Saint, génie attentif et vigilant, langue harmonieuse , interprète des mystères les plus profonds de l’Écriture, supplie maintenant le Christ de répandre sur nous s’a grande miséricorde.

Tu t’es élevé sur la montagne des vertus, ayant abdiqué les choses de la terre, étant devenu étranger aux œuvres de mort ; tu as reçu les tables écrites de la main de Dieu, et le dogme de ta très pure théologie, et tu nous enseignes les mystères célestes, ô Grégoire rempli ’de sagesse.

La Sagesse de Dieu a eu ton amour, tu as recherché la beauté de sa parole, et tu l’as estimée au-dessus de tout ce qui charme les hommes sur la terre ; c’est pourquoi le Seigneur a orné ta tête d’une couronne de grâces, ô Bienheureux, et t’ayant mis à part, il t’a choisi pour être le Théologien.

Afin que ton âme s’éclairât tout entière des rayons de l’auguste Trinité , tu l’as polie, ô Père, la rendant sans tache par ta noble profession de toutes les vertus, et semblable à un miroir nouveau et préparé avec le plus grand soin ; alors la réfraction du divin éclat t’a fait paraître semblable à un Dieu.

Tu as paru comme un nouveau Samuel donné de Dieu ; avant d’être conçu tu fus donné à Dieu, ô bienheureux ! La prudence et la continence ont été ta parure, et, orné de la robe sacrée des pontifes, tu as été établi, ô Père, comme le médiateur entre le Créateur et la créature.

Tu as approché tes lèvres vénérables de la coupe qui contient la sagesse, ô Grégoire notre père ! tu as aspiré les eaux divines de la théologie, et tu les as fait couler avec abondance sur les fidèles ; tu as arrêté le torrent pernicieux de l’hérésie, ce torrent qui roule le blasphème. L’Esprit-Saint a trouvé en toi un pasteur gouvernant avec sainteté, repoussant et soulevant contre lui les audacieuses fureurs des impies, semblables aux violents orages des vents sur la mer ; un pasteur prêchant la Trinité dans l’unité de substance.

Brebis de la sainte Église, célébrons dans nos divins cantiques la lyre de l’Esprit-Saint, la faux des hérésies, les délices des orthodoxes, un second disciple reposant sur la poitrine de Jésus, le contemplateur du Verbe, le patriarche rempli de sagesse. Disons-lui : Tu es un bon pasteur, ô Grégoire ! tu t’es livré pour nous, comme le Christ notre maître, et maintenant tu tressailles d’allégresse avec Paul, et tu intercèdes pour nos âmes.

Nous vous saluons, ô Grégoire, docteur immortel, vous à qui l’Orient et l’Occident ont décerné de concert le titre de Théologien par excellence ! Illuminé des rayons de la glorieuse Trinité, vous nous en avez manifesté les splendeurs, autant que notre œil mortel les peut entrevoir à travers le nuage de cette vie. En vous s’est accomplie cette parole : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu (S. Math 5, 8) ! » La pureté de votre âme l’avait préparée à recevoir la lumière divine, et votre plume inspirée a su rendre une partie de ce que votre âme avait goûté. Obtenez-nous, ô grand Docteur, le don de la foi, qui met la créature en rapport avec Dieu, et le don de l’intelligence, qui lui fait entendre ce qu’elle croit. Tous vos labeurs eurent pour but de prémunir les fidèles contre les séductions de l’hérésie, en faisant luire à leurs yeux les dogmes divins dans toute leur magnificence ; rendez-nous attentifs, afin que nous évitions les pièges de Terreur, et ouvrez notre œil à la lumière ineffable des mystères, à cette lumière qui, comme dit saint Pierre, est pour nous « semblable à une lampe « allumée dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le « jour commence à briller, et que l’étoile du ma- »tin se lève dans nos cœurs (2 P 1, 19 ».

En ces temps où l’Orient, si longtemps en proie à la triste immobilité de l’erreur séculaire et de la servitude, semble à la veille d’une crise qui doit modifier profondément ses destinées, tandis qu’une politique profane songe à exploiter au profit de l’ambition humaine les changements qui se préparent, souvenez-vous, ô Grégoire, de l’infortunée Byzance. Demain peut-être les puissances du monde se la disputeront comme une proie. O vous qui fûtes un moment son pasteur, vous dont le souvenir n’est pas encore effacé de sa mémoire, arrachez-la à l’esprit de schisme et d’erreur. Elle n’est tombée sous le joug de l’infidèle qu’en punition de sa révolte contre le vicaire du Christ. Bientôt ce joug sera brisé ; obtenez, ô Grégoire, qu’en même temps celui de l’erreur et du schisme, plus dangereux et plus humiliant encore, se rompe et soit anéanti pour jamais. Déjà un mouvement de retour se manifeste ; des provinces entières s’ébranlent et semblent vouloir jeter un regard d’espérance vers la mère commune des Églises, qui leur ouvre ses bras. O Grégoire ! Du haut du ciel, aidez à la réconciliation. L’Orient et l’Occident vous honorent comme l’un des plus sublimes organes de la vérité divine ; par vos prières, obtenez que l’Orient et l’Occident soient encore une fois réunis dans un même bercail, sous un même pasteur, avant que l’Agneau immolé et ressuscité d’entre les morts redescende du ciel pour séparer l’ivraie du bon grain, et pour emmener avec lui dans sa gloire l’Église son épouse et notre mère, hors du sein de laquelle il n’y a pas de salut.

Aidez-nous, en ces jours, à contempler les grandeurs de notre divin Ressuscité ; faites-nous tressaillir d’un saint enthousiasme dans cette Pâque qui vous inondait de ses joies, et vous inspirait les sublimes accents que nous venons d’entendre. Ce Christ, sorti triomphant du tombeau, vous l’avez aimé dès vos plus tendres années, et dans votre vieillesse son amour faisait encore battre votre cœur. Priez, afin que, nous aussi, nous lui demeurions fidèles, que ses divins mystères ravissent toujours nos âmes, que cette Pâque demeure toujours en nous, que le renouvellement qu’elle nous a apporté persévère dans notre vie, qu’à ses retours successifs elle nous retrouve attentifs et vigilants pour l’accueillir avec une ardeur toute nouvelle, jusqu’à ce que la Pâque éternelle nous accueille et nous ouvre ses allégresses sans fin.