Dom Guéranger ~ L’Année liturgique
6e dimanche après l’Épiphanie
À l’office des matines
Dom Guéranger ne donne aucun commentaire pour les dimanches après l’Épiphanie repoussés à la fin du cycle de la Pentecôte. Nous donnons donc la leçon du bréviaire sur l’évangile d’aujourd’hui, ainsi que le commentaire de Dom Pius Parsch. Nous rappelons que les parties chantées (introït, graduel, alleluia, offertoire et communion, sont celles du 23e dimanche après la Pentecôte.
Homélie de saint Jérôme
sur l’évangile du jour
Septième leçon. Le Royaume des Cieux, c’est la prédication de l’Évangile et la connaissance des Écritures qui conduit à la vie et dont le Seigneur dit aux Juifs : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé et il sera donné à une nation qui en produira les fruits. » Ce Royaume est donc comparable au grain de sénevé qu’un homme prend et sème dans son champ. » Cet homme qui ensemence son champ, beaucoup ont compris que c’était le Sauveur parce qu’il ensemence l’âme des croyants ; selon d’autres, c’est l’homme lui-même qui ensemence son champ, c’est-à-dire soi-même, et son cœur.
Huitième leçon. Qui donc ensemence, sinon notre intelligence et notre âme ? Elle accueille le grain de la prédication, prend soin de la semence, la fait germer par l’humidité de la foi, dans le champ de son cœur. La prédication de l’Évangile est le plus humble de tous les enseignements. C’est vrai, pour son premier exposé, la prédication de l’Homme-Dieu, du Christ mort, du scandale de la croix, elle n’a pas la vraisemblance de la vérité. Compare donc un tel enseignement aux principes des philosophes, à leurs livres, à la splendeur de leur éloquence et à l’ordonnance de leurs discours, et tu verras : la semence de l’Évangile est de loin la plus petite de toutes les semences.
Neuvième leçon. Mais lorsque celles-là ont grandi, elles ne présentent rien de pénétrant, rien de vigoureux, rien de vivace, mais tout est frêle, et flétri, et languissant et produit en abondance des herbes et des plantes qui bien vite, dessèchent et tombent. Quant à la prédication qui paraissait petite en son début, à peine semée, soit dans l’âme du croyant, soit dans le monde entier, elle ne se développe pas comme une herbe, mais grandit comme un arbre, si bien que les oiseaux du ciel, – en qui nous devons voir ou les âmes des croyants, ou les forces consacrées au service de Dieu – viennent habiter dans ses branches. Les branches de l’arbre évangélique qui s’est développé à partir du grain de sénevé sont, je pense, les différents dogmes dans lesquels se repose chacun des oiseaux mentionnés plus haut.
Commentaire de dom Pius Parsch
La fin approche de plus en plus : le royaume de Dieu parvient à la maturité parfaite. Extérieurement, il ressemble à l’arbre puissant, les peuples de la terre habitent dans ses branches. Intérieurement, il pénètre, comme le levain, l’homme tout entier. Nous apportons notre concours à ce double travail par le saint apostolat et notre sanctification personnelle. À l’approche de la fin de l’année liturgique, faisons un examen de conscience pour voir si nous méritons, nous aussi, la louange que notre mère, l’Église, nous adresse dans l’épître.
Pensées du Dimanche. — On éprouve une consolation sans pareille quand on suit, en qualité de chrétien, le développement et l’activité de l’Église à travers les siècles. Elle est sortie du cénacle comme un petit grain de sénevé, puis s’est propagée sans arrêt, d’abord à Jérusalem, ensuite en Palestine, pour être portée plus tard par saint Paul dans le monde païen. Au premier siècle, il n’y a déjà plus une ville de l’empire romain où elle n’ait posé le pied. 300 ans de persécutions n’ont pas pu arrêter sa marche pacifique ; le sang des martyrs fut la semence des chrétiens. La voici qui parvient chez les peuples germaniques ; toujours le même spectacle : peu de siècles après, ils étaient devenus chrétiens. Et ce n’était pas là une simple croissance extérieure, mais aussi une transformation intérieure. La face du monde s’est véritablement renouvelée. Pensons seulement à l’esclavage, à la condition de la femme, de l’enfant. Le christianisme a vraiment agi comme un levain dans le monde.
Pourtant, si édifiante que soit cette contemplation, pour nous, amis de la liturgie, elle est encore trop extérieure. Le grain de sénevé est le Christ mystique qui atteint la taille d’un arbre puissant. Chaque saint, qui lui a été incorporé par le baptême, forme un rameau et le demeure après sa mort. Le nombre des élus est déterminé par Dieu ; aussitôt que le dernier rameau sera fixé sur l’arbre du Christ mystique, la mission de l’Église sera terminée. Maintenant, à la fin de l’année liturgique, nous regardons l’arbre pour voir dans quelles proportions le sénevé s’est développé. — Le levain, c’est la vie divine en nous ; elle doit pénétrer tous les domaines. Les saints nous font mieux comprendre ce que cela signifie. Toute leur vie en a été pénétrée. Mais nous avons trouvé la voie pour réaliser, nous aussi, personnellement, cette double parabole. Il convient particulièrement à la fin de l’année liturgique de nous demander : Comment le Christ a-t-il grandi en nous ? Comment a-t-il agi en nous à la manière d’un levain ? Ici, nous pouvons nous faire l’application de l’Épître : avons-nous « une foi agissante, un amour prêt au sacrifice, une espérance ferme en Notre Seigneur Jésus Christ ? » — Encore une pensée : L’Eucharistie est aussi un grain de sénevé ; elle est le levain. Tous les dimanches, le Divin Semeur jette ce grain dans notre âme et, pendant la semaine, ce grain doit devenir un arbre qui porte feuilles, fleurs et fruits. Tous les dimanches, la « femme », l’Église, mêle à la farine de l’âme le levain de l’Eucharistie (le mot fermentum désignait, dans la primitive Église, l’Eucharistie envoyée par le Pape) ; maintenant notre âme a besoin d’un levain. C’est le rôle de l’Eucharistie : elle n’est pas un arbre, ni un pain levé, mais un petit grain et un levain ; elle est une force et une grâce qui ne deviennent efficaces qu’avec la collaboration de la volonté humaine.
La Messe (Dicit Dominus). — Nous sommes de nouveau sous l’impression des derniers jours ; à l’Introït, nous entendons le Juge parler avec douceur et cependant avec gravité : Mes pensées sont des pensées de paix, et non de châtiment… Une fois encore, nous voyons dans le cortège du clergé notre propre retour dans la maison du Père céleste. Après nous être ainsi remémoré le jour qui approche, nous revenons, à l’oraison, dans la vie réelle. Ah ! Combien nous voudrions ne dire, ne faire, ne méditer que ce qui est agréable à Dieu (Oraison). Si le Seigneur revenait maintenant, dans quel état trouverait-il le monde, l’Église et notre âme ? Saint Paul nous montre l’image d’une communauté de choix (et aussi d’un Apôtre idéal). Qu’en est-il de notre foi, de notre charité ? En nous aussi, l’Évangile apparaît-il dans toute sa force et sa riche plénitude ? Sommes-nous un exemple pour les autres croyants ? Et attendons-nous vraiment le Sauveur qui descendra du ciel ? À la pensée de cet idéal et de l’attente du Seigneur, nous chantons encore une fois le De profundis. L’évangile appartient tout entier à notre cercle de pensées. Le royaume de Dieu doit être réalisé sur terre ; cette réalisation présente deux aspects : du point de vue extérieur, tout ce qui est capable de rédemption doit être incorporé au corps mystique du Christ ; l’arbre de l’Église doit donc recevoir son complet couronnement. Toutefois, du point de vue intérieur, le levain de la vie divine doit pénétrer toute la masse. Quand ce moment sera venu, et il dépend des voies de Dieu, alors l’Église retournera dans sa patrie pour le festin éternel. Nous avons déjà montré plus haut l’application des deux paraboles à la messe : l’Eucharistie est un grain de sénevé et un levain qui ne deviennent efficaces qu’avec notre collaboration. Puisse donc la messe d’aujourd’hui, semblable au levain, agir en nous, « en nous purifiant, en nous renouvelant, en nous dirigeant, en nous protégeant » (Secr.).
Le fermentum. — Autrefois, à la messe du Pape, c’était l’usage que deux acolytes apportent, au début, sur l’autel, une parcelle de la Sainte Eucharistie provenant de la messe précédente ; cette parcelle (nommée sancta) était déposée, après le Pater noster, dans le calice. Cette cérémonie avait pour but d’exprimer l’unité et l’union qui existaient entre la messe précédente et la messe actuelle. Dans d’autres églises de Rome, on déposait à ce moment dans le calice le fermentum (c’est-à-dire le levain) ; c’était une parcelle consacrée que le Pape envoyait, le dimanche ou les jours de fête, aux autres églises de Rome, en signe de communion avec le Siège Apostolique. La veille du dimanche des Rameaux, le Pape envoyait aussi le fermentum aux évêques voisins pour la prochaine fête de Pâques. Le fermentum était donc un magnifique symbole de l’unité de l’Église et de l’unité du Sacrifice.
À la messe
Collecte
Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que, sans cesse occupés de pensées raisonnables, nous cherchions constamment à vous plaire dans nos paroles et dans nos actions. Par Jésus-Christ.
Épître
Lecture de l’épître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Thessaloniciens. Chap. 1
Mes Frères, nous rendons sans cesse grâces à Dieu pour vous tous, et nous faisons continuellement mémoire de vous dans nos prières. Nous nous souvenons devant notre Dieu et Père, des œuvres de votre foi, de vos travaux, de votre charité, et de la fermeté d’espérance que vous avez en notre Seigneur Jésus-Christ. Nous savons, frères chéris de Dieu, quelle a été votre élection ; car notre évangile au milieu de vous n’a pas été seulement en paroles, mais accompagné de prodiges, soutenu de l’Esprit-Saint, et favorisé d’une abondante plénitude. Vous savez aussi de quelle manière, étant parmi vous, nous avons été à votre égard. Et vous, vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du Seigneur, ayant reçu la parole parmi de grandes tribulations, avec la joie de l’Esprit‑Saint, en sorte que vous êtes devenus l’exemple de tous ceux qui ont embrassé la foi dans la Macédoine et dans l’Achaïe. Et non seulement vous êtes cause que la parole du Seigneur s’est répandue avec éclat dans la Macédoine et dans l’Achaïe ; mais la foi que vous avez en Dieu est devenue si célèbre, qu’il n’est pas même nécessaire que nous en parlions. Eux-mêmes racontent, en parlant de nous, le succès de notre arrivée parmi vous, et comment, ayant quitté les idoles, vous vous êtes convertis à Dieu, pour servir ce Dieu vivant et véritable, et pour attendre du ciel son Fils, qu’il a ressuscité d’entre les morts, et qui nous a délivrés de la colère à venir.
Évangile
La suite du saint évangile selon saint Matthieu. Chap. 13
En ce temps-là, Jésus dit à la foule cette parabole : Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme prend et sème dans son champ : c’est la plus petite de toutes les graines ; mais, quand elle a poussé, c’est le plus grand de tous les légumes, et cette plante devient un arbre, en sorte que les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses rameaux. Il leur dit encore cette autre parabole : Le royaume des cieux est semblable à un levain qu’une femme prend et qu’elle cache dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que la pâte soit toute levée. Jésus dit toutes ces choses au peuple en paraboles, et il ne leur parlait point sans paraboles, afin que cette parole du Prophète fût accomplie : J’ouvrirai ma bouche pour dire des paraboles ; je publierai des choses qui ont été cachées depuis la création du monde.
Secrète
Faites, s’il vous plaît, ô Dieu, que cette oblation nous purifie et nous renouvelle, qu’elle nous régisse et nous protège. Par Jésus-Christ.
Postcommunion
Vous nous avez nourris, Seigneur, de vos célestes délices ; faites, s’il vous plait, que nous aspirions sans cesse à cette nourriture par laquelle nous obtenons la véritable vie. Par Jésus-Christ.
À vêpres
Antienne de Magnificat
Le royaume des cieux est semblable à du levain qu’une femme prend et qu’elle cache dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que la pâte soit toute levée.