3e dimanche après la Pentecôte

Année liturgique ~ Le troisième dimanche après la Pentecôte

C’est aujourd’hui qu’a lieu la seconde Procession du Saint-Sacrement dans la plupart des églises de France, de même que la première s’était célébrée au Dimanche précédent. La coutume est aussi dans plusieurs lieux de chanter en ce même jour la Messe solennelle du Sacré-Cœur, à laquelle beaucoup de fidèles ne pourraient assister le jour même de la fête.

À la messe

L’âme fidèle a vu se clore dans la sainte Liturgie la succession des mystères du Sauveur. L’Esprit-Saint est descendu pour la soutenir dans cette autre partie de la carrière, où ne se déroulera plus devant elle que la féconde simplicité de la vie chrétienne. Il l’instruit et la forme sur les données du Maître divin remonté dans les cieux. Et d’abord il lui montre à prier. Car la prière, disait le Seigneur, doit être de tous les jours et de tous les instants (s. Luc 18, 1) ; et cependant, nous ne savons ni ce qu’il faut demander, ni comment il convient de le faire. Mais Celui-là le sait, qui aide notre faiblesse, et demande en nous et pour nous par des gémissements inénarrables (Rom. 8, 26).

La prière donc, appuyée sur l’humble repentir des fautes passées et la confiance dans les miséricordes infinies, respire dans l’Introït et toute cette Messe du 3ème Dimanche après la Pentecôte, le premier qui se présente à nous en dehors des fêtes et dans toute la simplicité de l’Office du Temps.

Introït

Regardez-moi d’un œil favorable et ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis pauvre et délaissé ; voyez mon humiliation et ma peine : pardonnez-moi tous mes péchés, ô mon Dieu. Ps. Vers vous, Seigneur, j’ai levé mon âme : mon Dieu, j’ai confiance en vous, je n’aurai point à rougir. Gloire au Père. Regardez-moi.

Collecte

Protecteur de ceux qui espèrent en vous, ô Dieu, sans qui rien n’est solide, rien n’est saint : multipliez sur nous les effets de votre miséricorde ; afin que, sous votre loi et votre conduite, nous puissions traverser les biens du temps sans perdre ceux de l’éternité. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

Épître
Lecture de l’Épître du bienheureux Pierre, Apôtre. 1, Chap. 5.

Mes bien-aimés, humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, pour qu’il vous exalte au temps de sa visite. Jetez en lui toutes vos sollicitudes, parce que lui-même prend soin de vous. Soyez sobres et vigilants ; car votre adversaire le diable tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. Résistez-lui forts dans la foi, sachant que les mêmes épreuves arrivent à vos frères qui sont dans le monde. Mais le Dieu de toute grâce qui nous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ Jésus, après un peu de souffrance, vous redressera lui-même pour jamais dans sa stabilité inébranlable. À lui la gloire et l’empire dans les siècles des siècles. Amen.

Les misères de cette vie sont l’épreuve que Dieu fait subir à ses soldats, pour les juger et les classer dans l’autre selon leur valeur. Aussi tous, en ce monde, ont leur part de souffrances. Le concours est ouvert, le combat engagé ; l’Arbitre des jeux regarde et compare : bientôt il prononcera sur les mérites divers des combattants, et les appellera du labeur de l’arène au repos du trône où il siège lui-même. Heureux alors ceux qui, reconnaissant la main de Dieu dans l’épreuve, se seront abaissés sous cette main puissante avec amour et confiance ! Contre ces âmes fortes dans la foi, le lion rugissant n’aura pu prévaloir. Sobres et vigilantes dans cette carrière de leur pèlerinage, sans se poser en victimes, sachant bien que tout souffre ici-bas, elles auront uni joyeusement leurs souffrances à celles du Christ, et elles tressailliront dans la manifestation éternelle de sa gloire qui sera aussi leur partage pour les siècles sans fin.

Le Graduel continue d’exciter la confiance de l’âme fidèle. Qu’elle jette tout souci dans le sein du Seigneur : ne l’a-t-il pas toujours exaucée dans ses besoins pressants ? Il la vengera, au jour marqué, de tous ses ennemis.

Graduel

Jette tes pensées dans le Seigneur, et lui-même te nourrira. V/. Lorsque je criais au Seigneur, il a exaucé ma voix contre ceux qui m’assiègent. Alleluia, alleluia. V/. Le Dieu juste juge est fort et patient : sa colère éclate-t-elle donc tous les jours ? Alleluia.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Luc Chap. 15.

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’entendre. Or les Pharisiens et les Scribes en murmuraient, disant : Cet homme reçoit les pécheurs et mange avec eux. Et il leur dit cette parabole : Quel est l’homme d’entre vous qui, ayant cent brebis et venant à perdre l’une d’entre elles, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf dans le désert, pour aller à celle qui s’est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Et lorsqu’il l’a trouvée, il la met plein de joie sur ses épaules ; et venant chez lui, il convoque ses amis et voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai retrouvé ma brebis qui était perdue. Je vous dis que de même il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur faisant pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence. Ou quelle est la femme qui, ayant dix drachmes et venant à en perdre une, n’allume pas sa lampe, balayant la maison et cherchant avec grand soin, jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Et lorsqu’elle l’a trouvée, elle convoque ses amies et ses voisines, disant : Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue. Ainsi, je vous le dis, sera la joie dans l’assemblée des Anges de Dieu pour un seul pécheur faisant pénitence.

Cette parabole de la brebis rapportée au bercail sur les épaules du Pasteur était chère aux premiers chrétiens ; on la rencontre partout dans les monuments figures des premiers siècles. En même temps qu’elle continue d’affermir notre confiance dans la miséricorde infinie, elle nous rappelle ineffablement le Seigneur Jésus qui naguère rentrait triomphalement dans les cieux, portant avec lui l’humanité perdue et reconquise. « Car quel est ce Pasteur de notre parabole, s’écrie saint Ambroise, sinon le Christ qui te porte en son corps et a pris sur lui tes péchés ? Cette brebis est une par le genre, non par le nombre. Riche Pasteur, dont nous tous formons la centième partie du troupeau ! Car il a les Anges, il a les Archanges, les Dominations, les Puissances, les Trônes, et le reste, innombrables troupeaux qu’il a laissés sur les montagnes, pour courir après la brebis perdue (Ambr. in Luc 7). »

Mais c’est à saint Grégoire que l’Église demandait aujourd’hui, dans l’Office de la nuit, le commentaire de l’Évangile ; la suite de l’Homélie qu’elle lui emprunte complète l’enseignement, par l’explication de la parabole de la femme et des dix drachmes. « Celui qui est signifié par le Pasteur », dit saint Grégoire le Grand, « l’est aussi par la femme. Car il est Dieu, et il est la Sagesse de Dieu. Et parce que l’image du prince est requise sur la drachme, la femme (mulier)[1] a perdu sa drachme, lorsque l’homme, créé à l’image de Dieu, s’est éloigné par le péché de la ressemblance de son Créateur. Mais la femme allume sa lampe, la divine Sagesse apparaît dans l’humanité. Lampe en effet dit lumière dans un vase d’argile ; et la lumière dans l’argile, c’est la divinité dans la chair. De cette argile de son corps, la Sagesse dit elle-même : Ma force a séché comme l’argile (Psalm 21, 16). Car de même que l’argile durcit au feu, sa force a séché comme l’argile, parce qu’elle a affermi pour la gloire de la résurrection, dans le creuset des souffrances, la chair qu’elle avait prise. Ayant donc retrouvé la drachme perdue, elle convoque ses amies et ses voisines, disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la drachme que j’avais perdue. Quelles sont ces amies sinon les célestes Puissances, d’autant plus voisines de la Sagesse éternelle, qu’elles s’en approchent dans la gloire d’une vision sans fin ? Mais nous ne devons pas négliger de rechercher pourquoi cette femme, qui figure l’éternelle Sagesse, a dix drachmes, dont elle retrouve l’une, après l’avoir perdue. Il faut donc savoir que le Seigneur a créé, pour le connaître éternellement, la nature des anges et des hommes, et qu’il a fait cette double nature à son image. La femme en conséquence eut dix drachmes ; car neuf est le chiffre des chœurs des anges, et l’homme fut créé dixième pour parfaire le nombre des élus ; séparé de son Créateur, il ne fut point perdu sans retour, parce que la divine Sagesse, revêtant chair, fit briller à ses yeux sa douce lumière à travers l’argile (saint Grég. Hom. 34 in Evangelia). »

L’Offertoire est un épanchement de reconnaissance et d’amour pour le Dieu qui habite en Sion : il n’abandonne point ceux qui le cherchent, il n’a point oublié la prière du pauvre.

Offertoire

Que tous ceux qui connaissent votre Nom espèrent en vous, ô Seigneur ; car vous n’abandonnez point ceux qui vous cherchent. Chantez au Seigneur qui habite en Sion ; car il n’a point oublié la prière des pauvres.

Secrète

Regardez favorablement, Seigneur, les dons de l’Église qui vous prie ; et accordez-lui, pour le salut des croyants, l’aliment de l’éternelle sanctification. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

L’Antienne de la Communion rappelle, non sans mystère, le miséricordieux enseignement de l’Évangile du jour, au moment où la Sagesse éternelle rentre pleinement en possession de la drachme perdue, dans le banquet préparé par elle-même au prodigue repentant.

Communion

Je vous le dis : il y a de la joie chez les Anges de Dieu pour un pécheur faisant pénitence.

Postcommunion

Que vos saints Mystères reçus par nous, Seigneur, nous vivifient, et nous préparent dans la pureté pour la miséricorde éternelle. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

Autres liturgies

En hommage au Sacré-Cœur de Jésus, dont la fête illumine encore pour ainsi dire le ciel de la sainte Église, nous emprunterons quelques strophes de la Séquence composée en son honneur par le Vénérable Jean Eudes, et revêtue de l’approbation du Saint-Siège pour le Propre de sa Congrégation.

Séquence

Publions en des chants d’allégresse les divines louanges du Cœur de Jésus.

Cœur bienheureux du Roi suprême, Cœur et vie de la loi nouvelle, que toute langue le célèbre.

Cœur admirable du Rédempteur, il réunit la terre aux cieux, miroir d’unité.

Digne trône de la Trinité, plénitude de divinité, c’est le miracle de l’amour.

C’est l’évangile de l’amour, l’embrasement des cœurs purs, pour Dieu sa gloire immense.

Nectar du ciel qui donne la vie, manne déifiante du cœur, son amour et sa joie.

Défense de la tribu sainte, guide bienveillant, guidez nos cœurs.

Source de tendresse éternelle, ardente fournaise de charité, dévorez les cœurs de vos flammes.

Vous êtes la maison d’or de l’amour, la tour enflammée de ceux qui aiment, la loi de feu de notre assemblée, le réservoir inépuisable de la grâce.

Cœur, trésor de sainteté, abîme de l’humilité, trône de la volonté de Dieu et centre de sa clémence !

Paradis pour les bienheureux, consolateur des affligés, paix et salut des pécheurs, Cœur qui pour tous êtes toute chose !

O Cœur, bonté souveraine, munificence immense, charité incompréhensible, du cœur vraie félicité, montrez-vous tel à ceux qui prient.

Faites, ô Jésus, que dans nos mœurs devenues saintes nous imitions de votre Cœur la charité de flamme, la divine piété, la sainteté souveraine.

Bienheureuse Trinité, du Cœur de Jésus l’amour, qu’à l’immensité de votre clémence soient rendues grâces immenses, qu’immense aussi soit votre gloire, que toute créature dise Amen à nos vœux ! Amen. Alleluia.

Enfin, terminant ce volume comme nous l’avons commencé, à la gloire de la Trinité souveraine, il convient de placer ici le Répons que la sainte Liturgie ramènera désormais chaque Dimanche jusqu’à l’Avent dans l’Office de la nuit. Nous le ferons suivre de l’antique acclamation dont la date remonte au delà de l’âge de la paix vers les temps apostoliques, et que redisent encore les Églises de l’Orient et la famille bénédictine.

Répons

R/. Deux Séraphins criaient l’un à l’autre : * Saint, Saint, Saint le Seigneur, le Dieu des armées ;* Toute la terre est remplie de sa gloire. V/. Il y en a trois au ciel qui rendent témoignage : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont une même chose. * Saint, Saint, Saint le Seigneur, le Dieu des armées. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. * Toute la terre est remplie de sa gloire.

Hymne[2]

À vous convient la louange, à vous nos chants, à vous la gloire, Dieu Père et Fils avec le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.

Amen.

[1] C’est aussi l’interprétation du Vénérable Bède et de saint Cyrille d’Alexandrie sur ce passage de saint Luc : mulier, Sapientia. Saint Augustin s’exprime de même dans ses Énarrations sur les Psaumes : voir au verset 24 du Ps. 103, Omnia in Sapientia fecisti ; de même, Ps. 138, 2 : « Sapientia Dei perdiderat drachmam… Et quid fecit mulier sapiens ? Accendit lucernam. Et nox illuminatio in deliciis meis. Deliciae nostrae Christus. » Avant eux tous, saint Méliton, au mot mulier.

 

[2] S. P. Benedictus. Reg cap. 11. Ex Consiitut. Apost. 8, 48