31 décembre
Saint Sylvestre
Septième jour dans l’octave
Nouvel an

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
31 décembre, saint Silvestre, pape et confesseur
Septième jour dans l’octave de Noël

Saint Sylvestre
Septième jour de l’octave de Noël
Le nouvel An

Saint Sylvestre

Jusqu’ici, nous avons contemplé les martyrs au berceau de l’Emmanuel. Étienne, qui a succombé sous les cailloux du torrent ; Jean, martyr de désir, qui a passé par le feu ; les Innocents immolés par le glaive ; Thomas, égorgé sur le pavé de sa cathédrale : tels sont les champions qui font la garde auprès du nouveau Roi. Cependant, si nombreuse que soit la troupe des martyrs, tous les fidèles du Christ ne sont pas appelés à faire partie de ce bataillon d’élite ; le corps de l’armée céleste se compose aussi des confesseurs qui ont vaincu le monde, mais dans une victoire non sanglante. Si la place d’honneur n’est pas pour eux, ils ne doivent pas cependant être déshérités de l’avantage de servir leur Roi. La palme, il est vrai, n’est pas dans leurs mains ; mais la couronne de justice ceint leurs têtes. Celui qui les a couronnés se glorifie aussi de les voir à ses côtés.

Il était donc juste que la sainte Église, pour réunir, dans cette triomphante octave, toutes les gloires du ciel et de la terre, inscrivît en ces jours, sur le cycle, le nom d’un saint confesseur qui dût représenter tous les autres. Ce confesseur est Silvestre, Époux de la sainte Église Romaine, et par elle de l’Église universelle, un Pontife au règne long et pacifique, un serviteur du Christ orné de toutes les vertus, et donné au monde le lendemain de ces combats furieux qui avaient duré trois siècles, dans lesquels avaient triomphé, par le martyre, des millions de chrétiens, sous la conduite de nombreux Papes martyrs, prédécesseurs de Silvestre.

Silvestre annonce aussi la paix que le Christ est venu apporter au monde, et que les anges ont chantée en Bethléhem. Il est l’ami de Constantin, il confirme le concile de Nicée, il organise la discipline ecclésiastique pour l’ère de la paix. Ses prédécesseurs ont représenté le Christ souffrant : il figure le Christ dans son triomphe. Il complète, dans cette Octave, le caractère du divin Enfant qui vient dans l’humilité des langes, exposé à la persécution d’Hérode, et cependant Prince de la Paix, et Père du siècle futur[1]

Lisons l’histoire de son tranquille pontificat, dans le récit de la sainte Église. La nature de cet ouvrage exclut les discussions critiques ; c’est pourquoi nous ne dirons rien des difficultés qu’on a élevées sur le fait du baptême de Constantin, à Rome, par saint Silvestre. Il suffira de rappeler que la tradition romaine, à ce sujet, est adoptée par de savants hommes, tels que Baronius, Schelestrate, Bianchini, Marangoni, Vignoli, etc.

Silvestre, Romain, fils de Rufin, fut placé, dès son bas âge, sous la discipline du prêtre Cyrinus, dont il imita parfaitement la doctrine et les mœurs. Pendant que sévissait la persécution, il vécut caché sur le mont Soracte. Âgé de trente ans, il fut créé prêtre de la sainte Église romaine par le pape Marcellin. S’étant acquitté de cet emploi d’une manière digne de louange, et surpassant en mérite les autres clercs, il succéda au pape Melchiade, sous l’empire de Constantin. Cet empereur avait auparavant, par une loi publique, donné la paix à l’Église de Jésus-Christ. Déjà marqué par le ciel du signe de la Croix, et vainqueur de Maxence, il se fit le défenseur et le propagateur de la religion chrétienne ; l’encourager dans cette voie fut la grande œuvre à laquelle s’adonna le nouveau pontife. Selon que le porte l’antique tradition de l’Église romaine, il fit reconnaître les portraits des Apôtres à l’empereur, le lava dans le bain du saint baptême, et le guérit de la lèpre de l’infidélité.

Aussi, d’après les conseils de Silvestre, le pieux empereur confirma par son exemple le droit qu’il avait accordé aux chrétiens de bâtir publiquement leurs temples ; car il éleva un grand nombre de basiliques, à savoir celle du Latran au Christ Sauveur, celle du Vatican à saint Pierre, celle de la voie d’Ostie à saint Paul, celles de saint Laurent dans l’Agro Verano, de Sainte-Croix au palais de Sessorius, des saints Pierre et Marcellin et de sainte Agnès sur les voies Lavicane et Nomentane, d’autres encore, qu’il orna splendidement d’images saintes et dota magnifiquement en possessions et privilèges. Ce fut pendant le pontificat de Sylvestre que se tint le premier concile de Nicée, dans lequel, sous la présidence de ses légats, en présence de Constantin et de trois cent dix-huit évêques, la sainte et catholique foi fut expliquée, Arius et ses sectateurs condamnés ; et ce concile fut confirmé par Silvestre, à la demande des Pères, dans un synode tenu à Rome, où Arius fut condamné de nouveau. Silvestre fit aussi plusieurs décrets avanta­geux à l’Église de Dieu qui sont rapportés sous son nom ; savoir : que le Chrême serait fait par l’évêque seul ; que le prêtre oindrait du Chrême le sommet de la tête du baptisé ; que les diacres se serviraient de la dalmatique dans l’Église, et porteraient sur le bras gauche un ornement de lin ; que le sacrifice de l’autel se célébrerait sur un voile de lin.

Il prescrivit également, dit-on, à tous ceux qui seraient initiés aux ordres, le temps durant lequel ils doivent exercer, chacun, les fonctions de leur ordre dans l’Église, avant de monter à un degré plus élevé. Il interdit aux laïques la fonction d’accusateur public contre les clercs, et défendit aux clercs de plaider devant les juges séculiers. Retenant seulement le nom de samedi et de dimanche, il voulut que les autres jours de la semaine fussent appelés du nom de fériés, comme il était déjà d’usage dans l’Église, pour signifier que les clercs doivent, chaque jour, vaquer uniquement au service de Dieu, et se dégager de tout autre soin. L’admirable sainteté de sa vie, et sa bonté envers les pauvres, répondirent toujours à cette prudence céleste avec laquelle il gouvernait l’Église. Il veilla à ce que les clercs pauvres vécussent en commun avec les autres clercs plus riches, et que les vierges sacrées ne manquassent pas des choses nécessaires à la vie. Il vécut dans le pontificat vingt-un ans, dix mois et un jour. Il fut enseveli au cimetière de Priscille, sur la voie Salaria. Il célébra sept ordinations au mois de décembre, dans lesquelles il créa quarante-deux prêtres, vingt-cinq diacres, et soixante-cinq évêques pour divers lieux.

D’anciens livres liturgiques de l’Italie avaient un office propre de saint Silvestre. Nous avons trouvé dans le bréviaire de l’antique Église abbatiale, aujourd’hui collégiale de Sainte-Barbe, à Mantoue, le bel office auquel nous empruntons les traits suivants, pris dans les antiennes et les répons dont il est composé.

Les flots des persécutions étant tombés, sous le bienheureux Silvestre, la religion du Seigneur Christ se propage dans toute l’étendue de l’empire romain.

Silvestre a pieusement administré toutes choses ; il a propagé la foi, et assuré liberté et confiance à la prédication évangélique dans cette ville à qui obéissent les royaumes.

Il a supporté beaucoup de tribulations, qui ont accru le mérite de sa vie ; il a établi beaucoup de règlements dans lesquels éclate sa science.

Silvestre était un homme saint : sa vie sur la terre était céleste ; et comme sa sainteté était insigne, il administra l’Église de Dieu avec une prudence digne du ciel.

Élu Pontife de Dieu, pour fuir la cruauté du tyran Maxence, il chercha une retraite sur le Soracte ; et de là, il priait le Seigneur de donner enfin la paix à son Église.

Pendant qu’il est ainsi caché, l’empereur Constantin, sur l’avertissement des apôtres Pierre et Paul, le fait appeler ; Silvestre soulage et guérit dans le bain salutaire du baptême ce prince affligé de la lèpre [du péché].

Il instruit pleinement le César Constantin dans la foi du Christ, et, le premier, consacre publiquement en église, sous le nom du Sauveur, la basilique de cet Auguste.

Tout occupé de la gloire de Dieu et du salut des hommes, Silvestre instruit le peuple des préceptes de la doctrine du salut ; il le délivre, par une merveilleuse doctrine, des atteintes du serpent plein d’artifices.

Convoquant le synode universel de Nicée, où figure un nombre mystique de pontifes, il renverse les machinations des hérétiques par la vertu de l’Esprit-Saint.

C’est là le saint pontife dans les jours duquel le Christ a donné la paix à l’Église ; et l’empire romain a incliné, sous les pieds d’un prêtre, le faite sublime de son antique gloire.

O bienheureux pontife ! Pasteur admirable de l’Église universelle, vous que le Seigneur a glorifié en présence de toutes les nations, et a élevé au-dessus du César de Rome, maintenant triomphant dans la gloire céleste, priez pour nous le Seigneur.

O lumière et splendeur éclatante ! très saint et bienheureux Silvestre, aux jours duquel la nuée des persécutions, qui menaçait le peuple fidèle, s’est dissipée, et la tranquillité de la paix a apparu, aidez-nous par vos prières ; que par elles nous jouissions éternellement du bienfait du repos.

L’Église grecque célèbre saint Silvestre par des chants d’enthou­siasme. On remarquera, dans les strophes que nous empruntons à ses Menées, qu’elle rapporte à ce grand Pontife tout l’honneur de la décision de Nicée, et qu’elle l’honore comme ayant détruit l’hérésie arienne.

In magno Vespertino, et passim

Père, hiérarque, Silvestre ! saintement illuminé de la lumière de sainteté, tu as éclairé les fidèles par la lueur de tes enseignements ; tu leur as fait adorer l’unité de nature en trois personnes, et tu as chassé les ténèbres des hérésies : c’est pourquoi, aujourd’hui, nous chantons avec joie, dans des hymnes splendides, ta brillante mémoire.

Père qui portes Dieu, Silvestre ! visible colonne de feu, qui t’avances d’un pas sacré, à la tête de la sainte armée ; nuée dont l’ombre protège, qui fais sortir les fidèles des erreurs de l’Égypte par tes enseignements infaillibles, nous vénérons ta glorieuse et très sacrée mémoire.

Père aux paroles divines, Silvestre ! par le torrent de tes prières, tu as arrêté et emprisonné le dragon aux mille formes. Homme admirable et sacré, tu as conduit à Dieu des multitudes de païens, tu as humilié l’audace des juifs, opérant sous leurs yeux de grands miracles : c’est pourquoi nous t’honorons et te proclamons bienheureux.

Divinement obéissant à la loi divine, divinement orné de la science des Écritures inspirées, tu as enseigné la vérité aux sages des païens ; tu leur as appris à confesser le Christ avec le Père et l’Esprit, et à répéter : Chantons au Seigneur, car il a fait éclater magnifiquement sa gloire. »

Hiérarque inspiré de Dieu, Silvestre notre père ! tu as paru donnant l’onction aux pontifes dans l’Esprit divin, et illuminant les peuples, ô homme très sacré ! Tu as mis en fuite l’erreur des hérésies, tu as fait paître le troupeau, et jaillir les eaux fertilisantes de la piété sur les moissons appelées à la connaissance de Dieu.

Par l’habileté de tes discours, tu as délié à jamais les vains nœuds de l’erreur ; ceux que l’erreur avait enchaînés, tu les as enchaînés toi-même à la divine foi, ouvrant leur âme, ô Père et bienheureux hiérarque, à l’explication des Écritures.

Tu as rendu immobile par tes prières, tu as renfermé pour jamais le serpent de malice, qui, dans son envie, infectait de son haleine ceux qui approchaient de toi, ô bienheureux. ! toi qui as imposé à la demeure des dragons le sceau de la croix, plus inviolable pour eux que les portes et les verrous.

Pontife suprême de l’Église de Jésus-Christ, vous avez donc été choisi entre tous vos frères pour décorer de vos glorieux mérites la sainte octave de la naissance de l’Emmanuel. Vous y représentez dignement le chœur immense des confesseurs, vous qui avez tenu, avec tant de vigueur et de fidélité, le gouvernail de l’Église après la tempête. Le diadème pontifical orne votre front ; et la splendeur du ciel se réfléchit sur les pierres précieuses dont il est semé. Les clefs du Royaume des cieux sont entre vos mains : et vous l’ouvrez pour y faire entrer les restes de la gentilité qui passent à la foi du Christ ; et vous le fermez aux Ariens, dans cet auguste concile de Nicée, où vous présidez par vos légats, et auquel vous donnez autorité, en le confirmant de votre suffrage apostolique. Bientôt des tempêtes furieuses se déchaîneront de nouveau contre l’Église ; les vagues de l’hérésie viendront battre la barque de Pierre ; vous serez déjà rendu au sein de Dieu ; mais vous veillerez, avec Pierre, sur la pureté de la foi romaine. Vous soutiendrez Jules, vous sauverez Libère ; et, par vos prières, l’Église romaine sera le port où Athanase trouvera enfin quelques heures de paix.

Sous votre règne pacifique, Rome chrétienne reçoit le prix de son long martyre. Elle est reconnue Reine de l’humanité chrétienne, et son empire le seul empire universel. Le fils de votre zèle, Constantin, s’éloigne de cette ville de Romulus, aujourd’hui la cité de Pierre ; la seconde majesté ne veut pas être éclipsée par la première ; et, Byzance fondée, Rome demeure aux mains de son pontife. Les temples des faux dieux croulent, et font place aux basiliques chrétiennes qui reçoivent la dépouille triomphale des saints Apôtres et des martyrs. Enfin, la victoire de l’Église sur le Prince de ce monde est marquée, ô Silvestre, par la défaite de ce dragon qui infectait les hommes de son haleine empoisonnée, et que votre bras enchaîna pour jamais.

Étant honoré de dons si merveilleux, ô Vicaire du Christ, souvenez-vous de ce peuple chrétien qui a été le vôtre. Dans ces jours, il vous demande de l’initier au divin mystère du Christ Enfant. Par le sublime symbole qui contient la foi de Nicée, et que vous avez confirmé et promulgué dans toute l’Église, vous nous apprenez à le reconnaître Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, engendré et non fait, consubstantiel au Père. Vous nous conviez à venir adorer cet Enfant, comme Celui par qui toutes choses ont été faites. Confesseur du Christ, daignez nous présenter à lui, comme l’ont daigné faire les martyrs qui vous ont précédé. Demandez-lui de bénir nos désirs de vertu, de nous conserver dans son amour, de nous donner la victoire sur le monde et nos passions, de nous garder cette couronne de justice à laquelle nous osons aspirer, pour prix de notre Confession.

Pontife de la Paix, du séjour tranquille où vous vous reposez, considérez l’Église de Dieu agitée par les plus affreuses tourmentes, et sollicitez Jésus, le Prince de la Paix, de mettre fin à de si cruelles agitations. Abaissez vos regards sur cette Rome que vous aimez et qui garde si chèrement votre mémoire ; protégez, dirigez son Pontife. Qu’elle triomphe de l’astuce des politiques, de la violence des tyrans, des embûches des hérétiques, de la perfidie des schismatiques, de l’indifférence des mondains, de la mollesse des chrétiens. Qu’elle soit honorée, qu’elle soit aimée, qu’elle soit obéie. Que la majesté du sacerdoce se relève ; que la puissance spirituelle s’affranchisse, que la force et la charité se donnent la main ; que le règne de Dieu commence enfin sur la terre, et qu’il n’y ait plus qu’un troupeau et qu’un Pasteur.

Veillez, ô Silvestre, sur le sacré dépôt de la foi que vous avez conservé avec tant d’intégrité ; que sa lumière triomphe de tous ces faux et audacieux systèmes qui s’élèvent de toutes parts, comme les rêves de l’homme dans son orgueil. Que toute intelligence créée s’abaisse sous le joug des mystères, sans lesquels la sagesse humaine n’est que ténèbres ; que Jésus, Fils de Dieu, Fils de Marie, règne enfin, par son Église, sur les esprits et sur les cœurs.

Priez pour Byzance, autrefois appelée la nouvelle Rome, et devenue sitôt la capitale des hérésies, le triste théâtre de la dégradation du christia­nisme. Obtenez que les temps de son humiliation soient abrégés. Qu’elle revoie les jours de l’unité ; qu’elle consente enfin à honorer le Christ dans son Vicaire ; qu’elle obéisse, afin d’être sauvée. Que les races égarées et perdues par son influence, recouvrent cette dignité humaine que la pureté de la foi seule maintient, que seule elle peut régénérer.

Enfin, ô vainqueur de Satan, retenez le Dragon infernal dans la prison où vous l’avez enfermé ; brisez son orgueil, déjouez ses plans ; veillez à ce qu’il ne séduise plus les peuples ; mais que tous les enfants de l’Église, selon la parole de Pierre, votre prédécesseur, lui résistent par la force de leur foi.[2]

Septième jour de l’octave de Noël

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Considérons, dans ce septième jour de l’octave de Noël, le Sauveur qui nous est né, enveloppé des langes de l’enfance. Les langes sont la livrée de la faiblesse ; l’enfant qu’ils couvrent n’est pas encore un homme ; il n’a pas encore de vêtement à lui. Il attend qu’on le délie ; et ses mouvements ne deviennent libres que par le secours d’autrui. Ainsi a paru sur la terre, captif dans notre infirmité, celui qui donne la vie et le mouvement à toute créature.

Contemplons Marie, enveloppant avec un tendre respect les membres du Dieu son Fils dans ces langes, et adorant les abaissements qu’il est venu chercher en ce monde, pour sanctifier tous les âges de l’homme, sans oublier le plus faible et le plus dépendant. Telle était la plaie de notre orgueil, qu’il lui fallait un si extrême remède. Comment maintenant refuserions-nous d’être enfants, lorsque Celui qui vient nous en intimer le précepte, daigne joindre à sa parole un exemple si entraînant ? Nous vous adorons, ô Jésus ! dans les langes de la faiblesse, et nous aspirons à vous devenir semblables en tout.

« Ne vous scandalisez donc pas, mes Frères, dit le pieux Abbé Guerric, de cette livrée si humble : que l’œil de votre foi n’en soit pas troublé. De même que Marie enveloppe son Fils de cette vile couverture, ainsi la Grâce, votre mère, couvre d’ombres et de symboles la vérité et la secrète majesté de ce Verbe divin. Quand je vous annonce par mes paroles cette

« Vérité qui est le Christ, que fais-je autre chose qu’envelopper le Christ lui-même sous d’humbles langes ? Heureux cependant celui aux yeux duquel le Christ, sous ces haillons, ne semble pas vil ! Que votre piété contemple donc le Christ dans les langes dont sa Mère le couvre, afin de mériter de voir, dans l’éternelle félicité, la gloire et l’éclat dont le Père l’a revêtu comme son Fils unique. »

Célébrons encore la joyeuse Naissance, en empruntant à nos anciens Missels Romains-Français cette antique Prose, où respire la piété des siècles de foi.

Séquence

Au Seigneur nouveau-né, tous les êtres en chœur chantent un pieux hommage.
Chaque parole a pour accord la mélodie de l’orgue.
Jour sacré, dans lequel des joies nouvelles sont accordées au monde avec plénitude.
En cette nuit sublime, la Gloire à Dieu a retenti par la voix des Anges.
Au milieu de la nuit, des clartés inouïes ont éclaté aux yeux des bergers.
Pendant qu’ils gardent leurs troupeaux, soudain ils entendent le message divin :
En cette nuit sublime, la Gloire à Dieu a retenti par la voix des Anges.
Au ciel, gloire immense, et paix sur la terre.
Il est né de la Vierge féconde, Celui qui est avant les siècles.
Donc, milice des cieux, éclate dans les plus bruyants transports.
À ces cris de triomphe, que le monde et ses pôles soient ébranlés.
Brisé est le sceptre oppresseur de l’ennemi.
L’humanité tout entière célèbre le Dieu né en terre.
La paix est rendue à la terre ; que tout se réjouisse de la naissance de cet enfant.
En ce jour que tout rende gloire, d’une voix mélodieuse et retentissante.
Seul, il protège toutes choses ;
Seul, il gouverne tout ;
Dans sa bonté, qu’il daigne sauver tous les royaumes, et qu’il les pacifie.
Amen.

En l’honneur de la Vierge-Mère, le pieux Abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, nous fournira cette belle Prose, dans laquelle on retrouve toute la tendresse de son âme évangélique.

Séquence

Ciel, réjouis-toi ; terre, applaudis ; que nul ne retienne la louange.
Par la Vierge l’homme remonte à son antique origine.
La Vierge a enfanté un Dieu, l’antique colère est apaisée.
La vieille discorde a fini son cours ; la gloire et la paix lui succèdent.
Le pécheur se lève de son bourbier ; un Dieu est étendu sur la paille.
Une vile étable contient le Pain de la nourriture céleste.
La Vierge nourrit son Créateur, le Rédempteur qui est né d’elle.
Sous la faiblesse de l’enfance, se cache la divine Sagesse.
Du sein de la mère jaillit le lait : le cœur du Fils le répand aussi ;
Car, en prenant l’humanité, il nous donne la douceur de sa grâce.
Donc, par une douce mélodie, nous vous chantons, ô Marie !
Par nos voix religieuses, et par nos cris d’amour.
Salut, Vierge bénie, qui avez mis en fuite la malédiction.
Salut, Mère du Très-Haut, Epouse du très doux Agneau.
Vous avez vaincu le serpent, vous avez brisé sa tête,
Quand le Dieu, né de vous, l’a exterminé.
Vous êtes l’Impératrice des deux, la réparatrice de la terre.
Vers vous soupirent les hommes ; les démons maudits tremblent sous vos pieds.
Vous êtes la fenêtre, la porte, la toison, le palais, la maison, le temple, un monde ;
Lis de virginité, rose par le martyre.
Jardin fermé, fontaine des jardins, vous lavez les taches des péchés,
Purifiant ceux qui sont souillés, rendant les morts à la vie.
Dominatrice des Anges ; après Dieu, l’espérance des siècles.
Le lieu de repos du Roi, le trône de la divinité.
Étoile brillante de l’Orient, qui dissipe les ombres de l’Occident.
Aurore annonçant le soleil, jour qui ne connaît pas de nuit.
Mère de notre Père, vous enfantez Celui qui nous a créés.
Mère tendre, objet de notre confiance, réconciliez les fils avec le Père.
O Mère ! priez le Dieu né en ces jours, qu’il détruise nos péchés,
Et, après le pardon, qu’il nous donne la grâce et la gloire.
Amen.

Le nouvel An

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L’année civile achève aujourd’hui son cours. À minuit, une nouvelle année se lève sur ce monde ; celle qui l’a précédée disparaît sans retour dans l’abîme de l’éternité. Notre vie fait un pas, et la fin de toutes choses approche d’autant plus.[3] La Liturgie, qui commence l’année ecclésias­ti­que au premier dimanche de l’Avent, n’a point produit de prières spéciales dans l’Église romaine, pour accompagner ce renouvellement de l’année, au premier janvier ; mais son esprit qui répond à toutes les situations de l’homme et de la société, nous avertit de ne pas laisser passer ce moment solennel sans offrir à Dieu le tribut de nos actions de grâces, pour les bienfaits qu’il a répandus sur nous dans le cours de l’année qui vient de finir.

Rome nous donne l’exemple. Aujourd’hui, le souverain pontife se rend en pompe à l’église du Jésus, pour y assister au chant du Te Deum ; et la bénédiction du Saint-Sacrement vient confirmer cette solennelle action de grâces, et promettre de nouveaux dons. Des usages analogues ont lieu dans plusieurs de nos Églises de France.

La seule Église gothique d’Espagne avait songé à associer les sentiments que nous exprimons à l’action même du saint sacrifice ; et nous croyons être agréable à la piété de nos lecteurs, en donnant ici cette belle prière du missel mozarabe. Elle fait partie de la messe du dimanche qui précède la fête de l’Épiphanie.

Illatio

Il est digne et juste que nous vous rendions grâce, Seigneur saint, Père éternel et tout-puissant, par Jésus-Christ, votre Fils, notre Seigneur, qui avant les temps né de vous, Dieu son Père, a créé le temps, avec vous et l’Esprit-Saint ; qui a daigné lui-même naître dans le temps, du sein de la Vierge Marie ; et qui, tout éternel qu’il est, a fixé les révolutions des années au moyen desquelles ce monde accomplit ses propres révolutions. Il a divisé l’année en périodes certaines et harmonieuses, suivant lesquelles le soleil, fidèle aux lois qui règlent sa course, vient répandre sur le cercle de l’année une variété sans confusion. Aujourd’hui, par l’offrande de nos dons, nous venons dédier à ce Dieu vivant, et la fin de l’année écoulée, et le commencement de celle qui la suit. Par lui, nous avons traversé le cours de celle-là ; par lui, nous ouvrons le commencement de celle-ci. Nous donc, qu’une dévotion commune et sainte a rassemblés en ce commencement de l’année, nous répandons devant vous, ô lieu Père ! nos simples prières. Dans la Nativité de votre Fils, vous avez fixé le point de départ de la supputation de nos temps ; faites que cette année soit pour nous une année favorable, et que nous en passions les jours dans votre service. Couvrez la terre de moissons, rendez nos âmes et nos corps exempts de maladies et de péchés. Ôtez les scandales, repoussez les ennemis, chassez la famine, et éloignez de nos frontières tous les fléaux qui pourraient nous nuire. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

[1]              Is. 9, 6

[2]              1 s. Pierre. 5, 9

[3]              1 s. Pierre 4, 7