27 décembre
saint Jean, apôtre et évangéliste

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
27 décembre, saint Jean, apôtre et évangéliste

Après Étienne, le premier des martyrs, Jean, l’apôtre et l’évangéliste, assiste le plus près à la crèche du Seigneur. Il était juste que la première place fût réservée à celui qui a aimé l’Emmanuel jusqu’à verser son sang pour son service ; car, comme le dit le Sauveur lui-même, il n’est point de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime [1] ; et le martyre a toujours été considéré par l’Église comme le dernier effort de la charité, ayant même la vertu de justifier le pécheur dans un second baptême. Mais après le sacrifice du sang, le plus noble, le plus courageux, celui qui gagne par-dessus tout le cœur de l’époux des âmes, c’est le sacrifice de la virginité. Or, de même que saint Étienne est reconnu pour le type des martyrs, saint Jean nous apparaît comme le prince des vierges. Le martyre a valu à Étienne la couronne et la palme ; la virginité a mérité à Jean des prérogatives sublimes, qui, en même temps qu’elles démontrent le prix de la chasteté, placent aussi ce disciple parmi les principaux membres de l’humanité.

Jean eut l’honneur de naître du sang de David, dans la famille même de la très pure Marie ; il fut donc parent de notre Seigneur, selon la chair. Un tel honneur lui fut commun avec saint Jacques le Majeur, son frère, fils de Zébédée comme lui ; avec saint Jacques le Mineur et saint Jude, fils d’Alphée ; mais, dans la fleur de sa jeunesse, Jean laissa, non seulement sa barque et ses filets, non seulement son père, mais sa fiancée, au moment de célébrer de chastes noces. Il suivit le Christ et ne regarda pas en arrière ; c’est pourquoi la tendresse particulière du cœur de Jésus lui fut acquise ; et tandis que les autres étaient disciples et apôtres, il fut l’ami du Fils de Dieu. La raison de cette rare prédilection fut donc, ainsi que le proclame l’Église, le sacrifice de virginité que Jean offrit à l’Homme-Dieu. Or, il convient de relever ici, au jour de sa fête, les grâces et les prérogatives qui ont découlé pour lui de l’heureux avantage de cette amitié céleste.

Ce seul mot du saint évangile : Le disciple que Jésus aimait, en dit plus, dans son admirable concision, que tous les commentaires. Pierre, sans doute, a été choisi pour être le chef des autres apôtres et le fondement de l’Église ; il a été plus honoré ; mais Jean a été plus aimé. Pierre a reçu l’ordre d’aimer plus que les autres ; il a pu répondre au Christ, par trois fois, qu’il en était ainsi ; cependant, Jean a été plus aimé du Christ que Pierre lui-même, parce qu’il convenait que la virginité fût honorée.

La chasteté des sens et du cœur a la vertu d’approcher de Dieu l’homme qui la conserve, et d’attirer Dieu vers lui ; c’est pourquoi, dans le moment solennel de la dernière cène, de cette cène féconde qui devait se renouveler sur l’autel jusqu’à la fin des temps, pour ranimer la vie dans les âmes et guérir leurs blessures, Jean fut placé auprès de Jésus lui-même, et non seulement il eut cet honneur insigne, mais dans ces derniers épanchements de l’amour du rédempteur, ce fils de sa tendresse osa reposer sa tête sur la poitrine de l’Homme-Dieu. Ce fut alors qu’il puisa, à leur source divine, la lumière et l’amour ; et cette faveur, qui était déjà une récompense, devint le principe de deux grâces signalées qui recommandent spécialement saint Jean à l’admiration de toute l’Église.

En effet, la Sagesse divine ayant voulu manifester le mystère du Verbe, et confier à l’écriture des secrets que jusqu’alors aucune plume humaine n’avait été appelée à raconter, Jean fut choisi pour ce grand œuvre. Pierre était mort sur la croix, Paul avait livré sa tête au glaive, les autres apôtres avaient successivement scellé leur témoignage de leur sang ; Jean restait seul debout, au milieu de l’Église ; et déjà l’hérésie, blasphémant l’enseignement apostolique, cherchait à anéantir le Verbe divin, et ne voulait plus le reconnaître pour le Fils de Dieu, consubstantiel au Père. Jean fut invité par les Églises à parler, et il le fit dans un langage tout du ciel. Son divin maître lui avait réservé, à lui, pur de toute souillure, d’écrire de sa main mortelle des mystères que ses frères n’avaient été appelés qu’à enseigner : le Verbe, Dieu éternel, et ce même Verbe fait chair pour le salut de l’homme. Par là il s’éleva, comme l’aigle, jusqu’au divin soleil ; il le contempla sans en être ébloui, parce que la pureté de son âme et de ses sens l’avait rendu digne d’entrer en rapport avec la lumière incréée. Si Moïse, après avoir conversé avec le Seigneur dans la nuée, se retira de ces divins entretiens le front orné de merveilleux rayons, combien radieuse devait être la face vénérable de Jean, qui s’était appuyée sur le cœur même de Jésus, , comme parle l’apôtre, sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science [2] ! combien lumineux ses écrits ! combien divin son enseignement ! Aussi, ce type sublime de l’aigle montré par Ézéchiel, et confirmé par saint Jean lui-même dans sa Révélation, lui a-t-il été appliqué par l’Église, avec le beau nom de théologien que lui donne toute la tradition.

À cette première récompense qui consiste dans la pénétration des mystères, le Sauveur joignit pour son bien-aimé disciple une effusion d’amour inaccoutumée, parce que la chasteté, en désintéressant l’homme des affections grossières et égoïstes, l’élève à un amour plus pur et plus généreux. Jean avait recueilli dans son cœur les discours de Jésus : il en fit part à l’Église, et surtout il révéla le divin sermon de la cène, où s’épanche l’âme du rédempteur, qui, ayant aimé les siens, les aima jusqu’à la fin [3]. Il écrivit des épîtres, et ce fut pour dire aux hommes que Dieu est amour [4] ; que celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu [5] ; que la charité bannit la crainte [6]. Jusqu’à la fin de sa vie, jusque dans les jours de son extrême vieillesse, il insista sur l’amour que les hommes se doivent les uns aux autres, à l’exemple du Dieu qui les a aimés ; et de même qu’il avait annoncé plus clairement que les autres la divinité et la splendeur du Verbe, ainsi plus que les autres se montra-t-il l’apôtre de cette infinie charité que l’Emmanuel est venu allumer sur la terre.

Mais le Seigneur lui réservait un don véritablement digne du disciple vierge et bien-aimé. En mourant sur la croix, Jésus laissait Marie sur la terre ; déjà, depuis plusieurs années, Joseph avait rendu son âme au Seigneur. Qui veillerait donc sur un si sacré dépôt ? qui serait digne de le recevoir ? Jésus enverrait-il ses anges pour garder et consoler sa Mère : car quel homme sur la terre mériterait un tel honneur ? Du haut de sa croix, le Sauveur aperçoit le disciple vierge : tout est fixé. Jean sera un fils pour Marie, Marie sera une mère pour Jean ; la chasteté du disciple l’a rendu digne de recevoir un legs si glorieux. Ainsi, suivant la belle remarque de saint Pierre Damien, Pierre recevra en dépôt l’Église, Mère des hommes ; mais Jean recevra Marie, Mère de Dieu. Il la gardera comme son bien, il remplacera auprès d’elle son divin ami ; il l’aimera comme sa propre mère ; il en sera aimé comme un fils.

Environné de tant de lumière, réchauffé par tant d’amour, nous étonnerons-nous que Jean soit devenu l’ornement de la terre, la gloire de l’Église ? Aussi, comptez, si vous pouvez, ses titres ; énumérez ses qualités. Parent du Christ par Marie, apôtre, vierge, ami de l’Époux, aigle divin, théologien sacré, docteur de la charité, fils de Marie, il est encore évangéliste par le récit qu’il nous a laissé de la vie de son maître et ami ; Écrivain sacré par ses trois épîtres inspirées de l’Esprit-Saint ; Prophète par sa mystérieuse Apocalypse, qui renferme les secrets du temps et de l’éternité. Que lui a-t-il donc manqué ? la palme du martyre ? On ne le saurait dire ; car, s’il n’a pas consommé son sacrifice, il a néanmoins bu le calice de son maître lorsque, après une cruelle flagellation, il fut plongé dans l’huile bouillante, devant la Porte-Latine, à Rome. Jean fut donc martyr de désir et d’intention, sinon d’effet ; et si le Seigneur, qui le voulait conserver dans son Église comme un monument de son estime pour la chasteté et des honneurs qu’il réserve à cette vertu, arrêta miraculeusement l’effet d’un affreux supplice, le cœur de Jean n’en avait pas moins accepté le martyre dans toute son étendue.

Tel est le compagnon d’Étienne, près du berceau dans lequel nous honorons l’enfant divin. Si le protomartyr éclate par la pourpre de son sang, la blancheur virginale du fils adoptif de Marie n’est-elle pas éblouissante au-dessus de celle de la neige ? Les lis de Jean ne peuvent-ils pas marier leur innocent éclat à la vermeille splendeur des roses de la couronne d’Étienne ? Chantons donc gloire au roi nouveau-né, dont la cour brille de si riantes et de si fraîches couleurs. Cette céleste compagnie s’est formée sous nos yeux. D’abord nous avons vu Marie et Joseph seuls dans l’étable auprès de la crèche ; l’armée des anges a bientôt paru avec ses mélodieuses cohortes ; les bergers sont venus ensuite avec leurs cœurs humbles et simples ; puis, voici Étienne le Couronné, Jean le disciple chéri ; et en attendant les mages, d’autres viendront bientôt accroître l’éclat de la pompe, et réjouir de plus en plus nos cœurs. Quelle naissance que celle de notre Dieu ! Si humble qu’elle paraisse, combien elle est divine ! et quel roi de la terre, quel empereur a jamais eu autour de son splendide berceau des honneurs pareils à ceux de l’enfant de Bethléhem ? Unissons nos hommages à ceux qu’il reçoit de tous ces heureux membres de sa cour ; et si nous avons hier ranimé notre foi, à la vue des palmes sanglantes d’Étienne, aujourd’hui réveillons en nous l’amour de la chasteté, à l’odeur des célestes parfums que nous envoient les fleurs de la virginale couronne de l’ami du Christ.

À la messe

La sainte Église ouvre les chants du divin sacrifice par les paroles du livre de l’Ecclésiastique qu’elle applique à saint Jean. Le Seigneur a placé son disciple bien-aimé sur la chaire de son Église, pour lui faire proclamer les mystères. Dans ses sublimes entretiens, il l’a rempli d’une sagesse infinie ; il l’a revêtu d’une robe éclatante de blancheur, afin d’honorer sa virginité.

Introït

Au milieu de l’Église, le Seigneur lui a ouvert la bouche ; il l’a rempli de l’Esprit de sagesse et d’intelligence, et il l’a revêtu de la robe de gloire. Ps. Il est bon de louer le Seigneur, et de chanter à la gloire de votre nom, ô Très-Haut ! Gloire au Père. Au milieu.

Dans la collecte, l’Église demande le don de la lumière qui est le Verbe de Dieu, et dont saint Jean a été le dispensateur par ses divins écrits. Elle aspire à posséder à jamais cet Emmanuel qui est venu illuminer la terre, et qui a révélé à son disciple les secrets célestes.

Collecte

Répandez, Seigneur, dans votre bonté, la lumière sur votre Église, afin qu’étant illuminée par les enseignements du bienheureux Jean, apôtre et évangéliste, elle parvienne aux dons éternels. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

Mémoire de Noël

Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que la nouvelle naissance de votre Fils unique nous délivre, nous qu’une antique servitude retient sous le joug du péché.

Épître
Lecture du livre de la Sagesse. Eccli. Chap. 15

Celui qui craint Dieu fera le bien, et celui qui possède la justice acquerra la sagesse ; et elle viendra à lui comme une mère pleine d’honneur. Elle le nourrira du pain de vie et d’intelligence, et elle le désaltérera de l’eau d’une doctrine salutaire. Et elle s’affermira en lui et le rendra inébranlable, et elle le soutiendra, et il ne sera point confondu ; et elle l’exaltera au milieu des siens. Elle lui ouvrira la bouche, et le Seigneur le remplira de l’Esprit de sagesse et d’intelligence. Et elle le revêtira de la robe de gloire. La Sagesse lui amassera un trésor de joie et d’allégresse ; et le Seigneur, notre Dieu, lui donnera pour héritage un nom éternel.

Cette suprême Sagesse est le Verbe divin, qui est venu au-devant de saint Jean, en l’appelant à l’apostolat. Ce pain de vie dont elle l’a nourri est le pain immortel de la dernière cène ; cette eau d’une doctrine salutaire, c’est celle que le Sauveur promettait à la Samaritaine, et dont il a été donné à Jean de se désaltérer à longs traits dans sa source même, quand il reposa sur le cœur de Jésus. Cette force inébranlable est celle qu’il a fait paraître dans la garde vigilante et courageuse de la chasteté, et dans la confession du Fils de Dieu en présence des ministres de Domitien. Ce trésor que la divine Sagesse a amassé pour lui, c’est cet ensemble de glorieuses prérogatives que nous avons énumérées. Enfin, ce nom éternel est celui de Jean le disciple bien-aimé.

Graduel

Il courut un bruit parmi les frères, que ce disciple ne mourrait point ; et Jésus n’avait pas dit : Il ne mourra point ; V/. Mais : Je veux qu’il demeure ainsi jusqu’à ce que je vienne ; pour toi, suis-moi.

Alleluia, alleluia. V/. C’est ce même disciple qui rend témoignage de ces choses, et nous savons que son témoignage est véritable. Alleluia.

Évangile
La suite du saint évangile selon saint Jean, ch. 21

En ce temps-là, Jésus dit à Pierre : Suis-moi. Pierre se retournant vit venir après lui le disciple que Jésus aimait : celui-là même qui, pendant la cène, s’était reposé sur la poitrine de Jésus, et lui avait dit : Seigneur, quel est celui qui vous trahira ? Pierre donc l’ayant vu, dit à Jésus : Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il ? Jésus lui dit : Je veux qu’il demeure ainsi jusqu’à ce que je vienne ; que t’importe ? Pour toi, suis-moi. Il courut donc un bruit parmi les frères, que ce disciple ne mourrait point. Et Jésus n’avait pas dit : Il ne mourra point ; mais : Je veux qu’il demeure ainsi jusqu’à ce que je vienne ; que t’importe? C’est ce même disciple qui rend témoignage de ces choses et qui a écrit ceci, et nous savons que son témoignage est véritable.

Ce passage de l’évangile a beaucoup occupé les pères et les commentateurs. On a cru y voir la confirmation du sentiment de ceux qui ont prétendu que saint Jean a été exempté de la mort corporelle, et qu’il attend encore, dans la chair, la venue du juge des vivants et des morts. Il n’y faut voir cependant, avec la plupart des saints docteurs, que la différence des deux vocations de saint Pierre et de saint Jean. Le premier suivra son maître, en mourant, comme lui, sur la croix ; le second sera réservé ; il atteindra une heureuse vieillesse ; et il verra venir à lui son maître qui l’enlèvera de ce monde par une mort tranquille.

Pendant l’offrande, l’Église célèbre les palmes fleuries du disciple bien-aimé ; elle nous montre autour de lui les générations de fidèles qu’il a enfantées, les Églises qu’il a fondées, et qui se multipliaient autour de lui, comme les jeunes cèdres, sous l’ombrage de leurs pères majestueux qui s’élèvent sur le Liban.

Offertoire

Le juste fleurira comme le palmier ; il se multipliera comme le cèdre qui est sur le Liban.

Secrète

Recevez, Seigneur, les offrandes que nous vous présentons dans la solennité de celui par la protection duquel nous avons la confiance d’être délivrés. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Mémoire de Noël

Sanctifiez, Seigneur, les dons que nous vous offrons dans la nouvelle nativité de votre Fils unique, et purifiez-nous des taches de nos péchés.

Les mystérieuses paroles que nous avons lues, il y a peu d’instants, dans l’évangile, reviennent ici, en ce moment où le prêtre et le peuple communient à la victime du salut, comme une assurance que celui qui mange de ce pain, s’il meurt selon le corps, n’en vivra pas moins pour attendre la venue du juge et rémunérateur suprême.

Communion

Il courut un bruit parmi les frères, que ce disciple ne mourrait point ; cependant Jésus n’avait pas dit : Il ne mourra point ; mais : Je veux qu’il demeure ainsi, jusqu’à ce que je vienne.

Postcommunion

Étant rassasiés de la nourriture et du breuvage célestes, nous vous supplions, notre Dieu, de permettre que nous soyons protégés par les prières de celui en mémoire duquel nous avons reçu cette divine nourriture. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

Mémoire de Noël

Faites, s’il vous plaît, Dieu tout puissant, que le Sauveur du monde, qui, en naissant aujourd’hui, est pour nous-mêmes l’auteur d’une naissance divine, nous accorde aussi l’immortalité.

Autres liturgies

Entendons maintenant les diverses Églises proclamer la gloire de saint Jean, dans leurs éloges liturgiques. Nous commencerons par la sainte Église romaine, à qui nous emprunterons cette belle préface du sacramentaire léonien.

Préface

C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces, Père tout-puissant, en ce jour où nous vénérons la naissance de votre bienheureux apôtre, Jean l’évangéliste. Ayant été appelé par notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, il laissa un père terrestre pour trouver un Père céleste. Il jeta loin de lui les filets du siècle dans lesquels il était embarrassé, pour rechercher d’un cœur affranchi les biens de l’éternité ; il abandonna sa barque agitée par les flots, pour goûter la tranquillité dans le gouvernement de l’Église ; il renonça à la pêche des poissons, pour retirer, par la ligne de la doctrine du salut, les âmes plongées dans les abîmes du monde ; il cessa de sonder les profondeurs de la mer, pour devenir le scrutateur des secrets divins. Il s’est élevé jusqu’à reposer sur la poitrine du Sauveur lui-même, au festin sacré de la cène mystique. Le Seigneur, attaché à la croix, le subrogea en sa place pour être le fils de la Vierge-Mère ; et Jean prêcha avec plus de lumière que les autres écrivains sacrés, le Verbe qui, au commencement, était Dieu en Dieu.

L’Église de Milan, dans son missel ambrosien, chante ainsi la gloire du disciple bien-aimé :

C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces, Dieu éternel, quand nous honorons les mérites du bienheureux Jean l’évangéliste. Notre Seigneur Jésus-Christ, non seulement le favorisa toujours d’une particulière distinction ; mais comme il était sur la croix, il le substitua à soi-même, dans sa tendresse, pour être le fils de Marie, qu’il lui légua en héritage. La divine bonté l’éleva jusqu’à ce degré d’honneur, que, de pêcheur, elle le fit disciple, et, surpassant pour lui la mesure des mystères du salut de l’homme, le rendit capable de contempler, par son intelligence, et de proclamer par sa voix, plus que les autres apôtres, la divinité éternelle de votre Verbe.

Le missel mozarabe consacre à notre saint apôtre et évangéliste l’oraison suivante

Oraison

Fils engendré du Dieu souverain et non engendré, qui avez ouvert à votre bien-aimé apôtre Jean les divins secrets de votre cœur, lorsque, reposant sur votre poitrine, il lui fut permis d’y puiser les eaux vives de son Évangile : daignez nous regarder favorablement, afin que, par vous, nous connaissions les choses secrètes, et que, par vous, nous accomplissions le bien qui nous est manifesté. Dévoilez-nous les mystères cachés dans votre sein, afin que nous puissions comprendre l’infirmité de notre condition, et parvenir à la connaissance de votre divinité. Manifestez-nous sur vous-même ce que nous devons aimer ; et indiquez-nous, sur nous-mêmes, ce que nous devons corriger. Par le suffrage de ce disciple bien-aimé, que nos mœurs deviennent plus pures, que la peste soit éloignée, que les maladies soient dissipées, que le glaive soit repoussé. Que tout ce qui est contraire à la foi chrétienne soit détruit ; que tout ce qui lui est favorable prenne de l’accroissement. Que la famine s’éloigne, que les discussions s’apaisent, que les fauteurs de l’hérésie soient confondus. Que la terre soit féconde en moissons ; que nos âmes soient ornées de vertus ; enfin que l’ensemble de tous les biens nous advienne ; en sorte que, fidèlement attachés a votre service, ô notre Dieu ! nous usions de vos dons sans péché, et, après cette vie, nous jouissions des délices de votre éternelle possession. Amen.

L’hymne de la liturgie de Milan, que nous donnons ci-après, est attribuée à saint Ambroise ; elle en est digne par la majesté de la diction et la grandeur des pensées.

Hymne

Illustre par l’amour que lui porta le Christ, Jean, l’enfant du Tonnerre, révéla, de sa bouche sacrée, les secrets de Dieu.

D’abord, il nourrit la vieillesse de son père par la pêche du poisson ; un jour qu’il voguait sur l’onde agitée, la foi vint lui donner l’immutabilité.

Il a lancé sa ligne dans les profondeurs, il a retiré le Verbe même de Dieu ; il a jeté ses filets dans les ondes éternelles, il a levé celui qui est la vie de tous.

La foi pieuse est le poisson véritable qui surnage sur la mer du monde ; elle s’appuie sur le sein du Christ, et parle ainsi dans l’Esprit-Saint :

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu.

Toutes choses par lui ont été faites. » Que la louange de Jean retentisse, qu’on lui offre les lauriers de l’Esprit-Saint ; qu’il soit couronné pour ses divins écrits.

Le martyre a été commun à un grand nombre de fidèles ; cette effusion du sang lave le péché ; mais il est quelque chose au-dessus de la mort des martyrs, c’est d’avoir révélé ce qui fait les martyrs.

Toutefois il fut lié un jour par les impies, et plongé dans l’huile bouillante. Ce bain enleva la poussière du monde, et Jean demeura vainqueur de l’ennemi.

Gloire à vous, Seigneur, qui êtes né de la Vierge ; gloire au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles éternels.

Amen.

Nous donnerons maintenant quelques strophes des cantiques que l’Église grecque, dans son langage pompeux, consacre à la louange de saint Jean, dont elle célèbre la fête le 26 septembre.

Venez, Fidèles, couronnons aujourd’hui de cantiques divins l’abîme de la sagesse, l’écrivain des dogmes orthodoxes, Jean le glorieux, le bien-aimé ; car c’est lui qui a tonné : Le Verbe était au commencement. C’est pourquoi il a paru comme une voix de tonnerre, illuminant le monde par son Évangile, illustre maître de la sagesse.

Tu as paru vraiment, aux yeux de tous, le grand ami de cœur du Christ maître : car tu t’es appuyé sur sa poitrine, et là, tu as puisé les dogmes de sagesse dont, ô divin prêcheur de Dieu, tu as enrichi toute la terre, laquelle l’aimable Église du Christ possède, et orne maintenant avec allégresse.

Réjouis-toi, ô vrai théologue ! réjouis-toi, fils très aimable de la mère du Seigneur ; car, debout au pied de la croix du Christ, tu as entendu la voix divine du maître qui te criait : Voici maintenant ta mère. C’est pourquoi nous te rendons de dignes louanges, comme au bien-aimé et grand apôtre du Christ.

Le contemplateur des révélations ineffables, l’interprète des sublimes mystères de Dieu, le fils de Zébédée, écrivant pour nous l’évangile du Christ, nous a appris à discourir théologiquement sur le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Lyre aux célestes cantiques, touchée par Dieu lui-même, écrivain mystique, bouche aux paroles divines, il chante avec douceur le cantique des cantiques, et prie pour notre salut.

Exaltons par de nombreuses acclamations, ô race des mortels, célébrons le fils du Tonnerre, le fondement des divines paroles, le guide sacré de la théologie, le premier prêcheur de la vraie sagesse, Jean le bien-aimé, le disciple vierge.

Les fleuves de la théologie jaillirent de ta bouche vénérable, ô apôtre ! et l’Église de Dieu, qui s’y désaltère, adore, ô orthodoxe, la Trinité consubstantielle ; et maintenant, ô Jean le théologue, fais par tes prières que nos âmes soient affermies et qu’elles soient sauvées.

Le noble rejeton de la pureté, le parfum d’agréable odeur, nous est apparu en la présente solennité ; crions-lui donc : Ô toi qui as reposé sur la poitrine du Seigneur ! toi qui as comme fait distiller sur le monde le Verbe divin, ô Jean, apôtre ! toi qui as gardé la Vierge comme la prunelle de l’œil, demande pour nous au Christ une grande miséricorde.

La sommité des apôtres, la trompette de la théologie, le guide spirituel qui a soumis à Dieu l’univers, venez, fidèles, célébrons son bonheur : c’est le très illustre Jean, transporté de la terre et non enlevé à la terre ; mais vivant et attendant le second et terrible avènement du Seigneur, auquel, pour assister sans reproches, nous qui célébrons ta mémoire, daigne nous recommander, ô ami mystique du Christ, toi qui amoureusement reposas sur sa poitrine.

Nous terminerons, suivant notre usage, cet ensemble de louanges à la gloire de saint Jean, par une séquence du moyen âge des Églises d’Occident, que nous emprunterons au recueil de l’abbaye de Saint-Gall. Elle est de la composition de Notker, et a été, pendant de longs siècles, en usage dans nos missels romains-français.

Séquence

Jean, disciple vierge, tant aimé de Jésus !

C’est toi qui, par son amour, as laissé dans ta barque ton père selon la chair ;

Toi qui, pour suivre le messie, as dédaigné le cœur d’une jeune épouse ;

Toi qui méritas de goûter les eaux sacrées qui jaillissent du cœur de ce messie ;

Toi qui, sur cette terre, as contemplé la gloire du Fils de Dieu :

Cette gloire qu’il n’est donné de voir, et nous le croyons ainsi, qu’aux seuls saints dans la vie éternelle.

C’est toi que le Christ, sur sa croix triomphale, donna pour gardien à sa mère.

Vierge, tu reçus sous ta garde la Vierge ; et elle fut commise à tes soins.

Captif dans un cachot, brisé par les fouets, tu t’es réjoui de rendre témoignage au Christ.

C’est encore toi qui ressuscitas les morts, et qui, par le nom de Jésus, as vaincu le poison.

À toi, le Père suprême révèle son Verbe caché, plus qu’aux autres mortels.

Toi donc, par d’assidues prières, recommande-nous tous à Dieu,

Ô Jean, cher au Christ ! Amen.

Disciple chéri de l’enfant qui nous est né, combien votre félicité est grande ! combien admirable est la récompense de votre amour et de votre virginité ! En vous s’est accomplie la parole du maître : Heureux ceux dont le cœur est pur, car ils verront Dieu. Et non seulement vous l’avez vu, ce Dieu-Homme, mais vous avez été son ami, vous avez reposé sur son cœur. Jean-Baptiste tremble d’étendre sa main pour plonger dans le Jourdain sa tête divine ; Madeleine, assurée par lui-même d’un pardon immense comme son amour, n’ose lever la tête, et s’arrête à ses pieds ; Thomas attend son ordre pour oser mettre son doigt dans les cicatrices de ses plaies : et vous, en présence de tout le collège apostolique, vous prenez auprès de lui la place d’honneur, vous appuyez votre tête mortelle sur son sein. Et non seulement vous jouissez de la vue et de la possession de ce Fils de Dieu dans la chair ; mais, parce que votre cœur est pur, vous volez avec la rapidité de l’aigle, et vous fixez d’un regard assuré le Soleil de Justice, au sein même de cette lumière inaccessible qu’il habite éternellement avec le Père et l’Esprit-Saint.

Tel est donc le prix de la fidélité que vous lui avez montrée en conservant pour lui, pur de toute atteinte, le précieux trésor de la chasteté. Souvenez-vous de nous, ô vous le favori du grand roi ! Aujourd’hui, nous confessons la divinité de ce Verbe immortel que vous nous avez fait connaître ; mais nous voudrions aussi approcher de lui, dans ces jours où il se montre si accessible, si humble, si plein d’amour, sous les livrées de l’enfance et de la pauvreté. Hélas ! nos péchés nous retiennent ; notre cœur n’est pas pur, comme le vôtre ; nous avons besoin d’un protecteur qui nous introduise à la crèche de notre maître [7]. Pour jouir de ce bonheur, ô bien-aimé de l’Emmanuel, nous espérons en vous. Vous nous avez dévoilé la divinité du Verbe dans le sein du Père ; conduisez-nous en présence du Verbe fait chair. Que par vous nous puissions entrer dans l’étable, nous arrêter auprès de la crèche, voir de nos yeux, toucher de nos mains le doux fruit de la vie éternelle. Qu’il nous soit donné de contempler les traits si pleins de charmes de celui qui est notre Sauveur et votre ami, d’entendre les battements de ce cœur qui vous a aimé et qui nous aime ; de ce cœur qui, sous vos yeux, fut ouvert par le fer de la lance, sur la croix. Obtenez que nous demeurions près de ce berceau, que nous ayons part aux faveurs du céleste enfant, que nous imitions comme vous sa simplicité.

Enfin, ô vous qui êtes le fils et le gardien de Marie, présentez-nous à votre mère qui est aussi la nôtre. Qu’elle daigne, à votre prière, nous communiquer quelque chose de cette tendresse avec laquelle elle veille près du berceau de son divin Fils ; qu’elle voie en nous les frères de ce Jésus que ses flancs ont porté, qu’elle nous associe à l’affection maternelle qu’elle a ressentie pour vous, heureux dépositaire des secrets et des affections de l’Homme-Dieu.

Nous vous recommandons aussi l’Église de Dieu, ô saint apôtre ! Vous l’avez plantée, vous l’avez arrosée, vous l’avez embaumée de la céleste odeur de vos vertus, vous l’avez illuminée de vos divins enseignements ; priez maintenant que toutes ces grâces qui sont venues par vous, fructifient jusqu’au dernier jour ; que la foi brille d’un nouvel éclat, que l’amour du Christ se ranime dans les cœurs, que les mœurs chrétiennes s’épurent et refleurissent, et que le Sauveur des hommes, quand il nous dit, par les paroles de votre évangile : Vous n’êtes plus mes serviteurs, mais mes amis, entende sortir de nos bouches et de nos cœurs une réponse d’amour et de courage qui l’assure que nous le suivrons partout, comme vous l’avez suivi.

Considérons le sommeil de l’enfant Jésus, dans ce troisième jour de sa naissance. Admirons ce Dieu de bonté descendu du ciel pour inviter tous les hommes à chercher entre ses bras le repos de leurs âmes, se soumettant à prendre son propre repos dans leur demeure terrestre, et sanctifiant par ce divin sommeil la nécessité que nous impose la nature. Tout à l’heure nous nous plaisions à le contempler offrant sur sa poitrine un lieu de repos à saint Jean et à toutes les âmes qui voudront l’imiter dans sa pureté et dans son amour ; maintenant nous le voyons lui-même endormi doucement dans son humble couchette, ou sur le sein de sa mère.

Saint Alphonse de Liguori, dans un de ses délicieux cantiques, célèbre ainsi le sommeil du divin enfant et la tendresse de la Vierge-Mère :

« Les cieux ont suspendu leur douce harmonie, lorsque Marie a chanté pour endormir Jésus. — De sa voix divine, la Vierge de beauté, plus brillante qu’une étoile, disait ainsi : — Mon fils, mon Dieu, mon cher trésor, tu dors ; et moi je meurs d’amour pour ta beauté. — Dans ton sommeil, ô mon bien, tu ne regardes pas ta mère ; mais l’air que tu respires est du feu pour moi. — Tes yeux fermés me pénètrent de leurs traits ; que sera-ce de moi quand tu les ouvriras ? — Tes joues de rose ravissent mon cœur ! Ô Dieu ! mon âme se meurt pour toi. — Tes lèvres charmantes attirent mon baiser ; pardonne, ô chéri, je n’en puis plus. — Elle se tait, et pressant l’enfant sur son sein, elle dépose un baiser sur son divin visage. — Mais l’enfant aimé se réveille ; et de ses beaux yeux pleins d’amour, il regarde sa mère. — Ô Dieu ! pour la mère, ces yeux, ces regards, quel trait d’amour qui blesse et traverse son cœur ! — Et toi, mon âme, si dure, tu ne languis pas à ton tour, en voyant Marie languir de tendresse pour son Jésus ? — Divines beautés, je vous ai aimées tard, mais désormais je brûlerai pour vous sans fin. — Le Fils et la Mère, la Mère avec le Fils, la rose avec le lis, ont pour jamais tous mes amours. »

Honorons donc le sommeil de Jésus enfant ; rendons nos hommages au nouveau-né dans cet état de repos volontaire, et songeons aux fatigues qui l’attendent au réveil. Il grandira, cet enfant ; il deviendra un homme, et il marchera, à travers tous les labeurs, à la recherche de nos âmes, pauvres brebis égarées. Que du moins, dans ces premières heures de sa vie mortelle, son sommeil ne soit pas troublé ; que la pensée de nos péchés n’agite pas son cœur ; que Marie jouisse en paix du bonheur de contempler le repos de cet enfant qui doit plus tard lui causer tant de larmes. Le jour viendra assez tôt où il dira : « Les renards ont leurs tanières, les oiseaux du ciel ont leurs nids ; et le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête. »

Pierre de Celles dit admirablement, dans son quatrième sermon sur la nativité du Seigneur : « Le Christ a eu trois endroits où reposer sa tête. D’abord, le sein de son Père éternel. Il dit : Je suis dans le Père, et le Père est en moi . Quel repos plus délectable que cette complaisance du Père dans le Fils, et du Fils dans le Père ? Dans une mutuelle et ineffable dilection, ils sont heureux par l’union. Mais, tout en conservant ce lieu de repos éternel, le Fils de Dieu en a cherché un second au sein de la Vierge. Il l’a couverte de l’ombre de l’Esprit-Saint, et il a pris en elle un long sommeil, pendant que se formait en elle son corps humain. La très pure Vierge n’a point troublé le sommeil de son Fils ; elle a tenu toutes les puissances de son âme dans un silence digne du ciel, et ravie en elle-même, elle entendait des mystères qu’il n’est pas donné à l’homme de répéter. Le troisième lieu du repos du Christ est en l’homme. Il est dans un cœur purifié par la foi, dilaté par la charité, élevé par la contemplation, renouvelé par l’Esprit-Saint. Un tel cœur offrira au Christ, non pas une demeure terrestre, mais une habitation toute céleste, et l’enfant qui nous est né ne refusera pas d’y prendre son repos. »

À la gloire de ce Verbe éternel, fait chair pour notre salut, nous consacrerons cette hymne de notre grand poète ecclésiastique, Prudence

Hymne

Né du sein du Père, avant le commencement du monde, appelé l’Alpha et l’Oméga, le Verbe est la source et le terme de tout ce qui est, de tout ce qui fut, de tout ce qui sera.

Il a commandé, et toutes choses ont été créées ; il a dit, et tout a été fait : la terre, le ciel, les abîmes de la mer, la triple sphère, tout ce qui vit sous le soleil et sous la lune.

Pour sauver de la mort la famille du premier homme, qu’une loi funeste avait plongé dans les profondeurs de l’enfer, il a revêtu la forme d’un corps fragile, des membres sujets à la mort.

Ô heureuse naissance ! quand une Vierge-Mère, féconde par l’Esprit-Saint, mit au jour notre salut, et que l’enfant, rédempteur du monde, nous fit voir ses traits sacrés !

Que les hauteurs du ciel retentissent de concerts ; chantez, esprits célestes ; que tout ce qui respire entonne un cantique à la louange de Dieu ; que nulle langue ne se taise ; que toute voix s’unisse.

Voici celui que les poètes divins chantaient dans les siècles antiques, que les pages fidèles des prophètes avaient annoncé. Ce messie, promis autrefois, parait : que toute créature entonne ses louanges.

Verbe incarné ! que les vieillards et les jeunes hommes, que le chœur des enfants, que la troupe des mères, des vierges, des jeunes filles au cœur simple, unissant leurs voix, éclatent en concerts pudiques.

Que les fleuves et leurs cascades, que la mer, ses côtes et ses rivages, que les pluies, les ardeurs de l’été, les neiges, les brouillards, les forêts, les airs, la nuit, le jour, célèbrent ta naissance dans les siècles des siècles. Amen.

À la très sainte et très miséricordieuse Vierge Marie, Mère de Dieu, nous offrirons cette prose gracieuse tirée de nos anciens missels romains-français.

Séquence

Réjouissez-vous, Vierge-Mère, de votre joyeux enfantement, vous dont les chastes entrailles devenues fécondes ont conçu un Fils.

Vos mamelles distillent le lait, sous le lis de la pudeur ; Vierge, vous nourrissez d’un lait qui est à vous les membres délicats de votre Fils.

Le Fils unique du Père, par qui il a fait les siècles, habite ici-bas dans l’humanité, soumis à une mère pauvre.

Au ciel, il repaît d’allégresse les saints anges ; ici, il a soif, il a faim, dès son enfance.

Au ciel, il régit toutes choses ; ici, il est conduit par une mère. Au ciel, il donne les empires ; ici, il se soumet à sa servante.

Au ciel, il réside sur le trône suprême ; ici, lié de bandelettes, il vagit dans une crèche.

Ô homme ! considère, rappelle à ta mémoire combien grandes sont les œuvres de la divine clémence.

Ne désespère pas du pardon, si tu as beaucoup péché, quand tu vois les merveilles d’un tel amour.

Fuis sous la protection de la Mère, l’instrument de ton pardon : car elle tient entre ses bras la source de miséricorde.

Salue-la bien souvent dans l’espoir et la confiance ; fléchis tes genoux, et dis-lui : Salut, ô pleine de grâce !

Autrefois, quand il pleurait, vous lui présentiez votre sein, et ses larmes s’arrêtaient ; aujourd’hui, apaisez-le, irrité par nos péchés.

Jésus nous sommes tombés ! tournez vers nous vos regards : par les prières d’une Mère si tendre, amendez-nous et rendez-nous dignes citoyens du ciel.

Amen.

 

 

[1]           s. Jean 15, 13.

[2]           Col. 2, 3.

[3]           s. Jean 13, 1.

[4]           1 s. Jean 4, 8.

[5]           Ibid.

[6]           Ibid. 18.

[7]           Isaï. 1, 3.