Dom Guéranger ~ L’année liturgique
26 décembre, Saint Étienne, premier martyr
Saint Pierre Damien ouvre son sermon sur la présente solennité par ces paroles :
« Nous tenons encore entre nos bras le Fils de la Vierge, et nous honorons par nos caresses l’enfance d’un Dieu. Marie nous a conduits à l’auguste berceau ; belle entre les filles des hommes, bénie entre les femmes, elle nous a présenté Celui qui est beau entre tous les enfants des hommes, et plus qu’eux tous, comblé de bénédictions. Elle soulève pour nous le voile des prophéties, et nous montre les desseins de Dieu accomplis. Qui de nous pourrait distraire ses yeux de la merveille d’un tel enfantement ? Néanmoins, tandis que le nouveau-né nous accorde les baisers de sa tendresse, et nous tient dans l’étonnement par de si grands prodiges, tout à coup, Etienne, plein de grâce et de force, opère des choses merveilleuses au milieu du peuple. (Act. VI, 8.) Laisserons-nous donc le Roi pour tourner nos regards sur un de ses soldats ? Non certes, à moins que le Prince lui-même ne nous le commande. Or, voici que le Roi, Fils de Roi, se lève lui-même, et vient assister au combat de son serviteur. Courons donc à un spectacle auquel il court lui-même, et considérons le porte-étendard des Martyrs. »
La sainte Église, dans l’Office d’aujourd’hui, nous fait lire ce début d’un Sermon de saint Fulgence sur la fête de saint Etienne : « Hier, nous avons célébré la Naissance temporelle de notre Roi éternel ; aujourd’hui, nous célébrons la Passion triomphale de son soldat. Hier notre Roi, couvert du vêtement de la chair, est sorti du sein de la Vierge et a daigné visiter le monde ; aujourd’hui, le combattant est sorti de la tente de son corps, et est monté triomphant au ciel. Le premier, tout en conservant la majesté de son éternelle divinité, a ceint l’humble baudrier de la chair, et est entré dans le camp de ce siècle pour combattre ; le second, déposant l’enveloppe corruptible du corps, est monté au palais du ciel pour y régner à jamais. L’un est descendu sous le voile de la chair, l’autre est monté sous les lauriers empourprés de son sang. L’un est descendu du milieu de la joie des Anges ; l’autre est monté du milieu des Juifs qui le lapidaient. Hier, les saints Anges, dans l’allégresse, ont chanté : Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Aujourd’hui, ils ont reçu Etienne dans leur compagnie avec jubilation. Hier, le Christ a été pour nous enveloppé de langes : aujourd’hui, Etienne a été par lui revêtu de la robe a d’immortalité. Hier, une étroite crèche a reçu le Christ enfant : aujourd’hui l’immensité du ciel a reçu Etienne dans son triomphe. »
Ainsi, la divine Liturgie unit les joies de la Nativité du Seigneur avec l’allégresse que lui inspire le triomphe du premier des Martyrs ; et encore Etienne ne sera pas le seul à venir partager les honneurs de cette glorieuse Octave. Après lui, nous célébrerons Jean, le bien-aimé Disciple ; les Innocents de Bethléhem ; Thomas, le Martyr de la liberté de l’Église ; Sylvestre, le Pontife delà Paix. Mais, dans cette brillante escorte du Roi nouveau-né, la place d’honneur appartient à Etienne, ce Proto-martyr qui, ainsi que le chante l’Église, « a rendu le premier au Sauveur la mort que le Sauveur a soufferte pour lui ». Ainsi méritait d’être honoré le Martyre, ce témoignage sublime qui acquitte avec plénitude envers Dieu les dons octroyés à notre race, et scelle par le sang de l’homme la vérité que le Seigneur a confiée à la terre.
Pour bien comprendre ceci, il est nécessaire de considérer le plan divin pour le salut du monde. Le Verbe de Dieu est envoyé afin d’instruire les hommes ; il sème sa divine parole, et ses œuvres rendent témoignage de lui. Mais, après son Sacrifice, il remonte à la droite de son Père ; et son témoignage, pour être reçu par les hommes qui n’ont pas vu ni entendu ce Verbe de vie, a besoin d’un témoignage nouveau. Or, ce témoignage nouveau, ce sont les Martyrs qui le donneront ; et ce ne sera pas simplement par la confession de leur bouche, mais par l’effusion de leur sang qu’ils le rendront. L’Église s’élèvera donc par la Parole et le Sang de Jésus-Christ ; mais elle se soutiendra, elle traversera les âges, elle triomphera de tous les obstacles par le sang des Martyrs, membres du Christ ; et ce sang se mêlera avec celui de leur Chef divin, dans un même Sacrifice.
Les Martyrs auront toute ressemblance avec leur Roi suprême. Ils seront, comme il l’a dit, « semblables à des agneaux au milieu des loups ». (s. Mt 10, 16.) Le monde sera fort contre eux ; devant lui, ils seront faibles et désarmés ; mais, dans cette lutte inégale, la victoire des Martyrs n’en sera que plus éclatante et plus divine. L’Apôtre nous dit que le Christ crucifié est la force et la sagesse de Dieu (I Cor. I, 24) ; les Martyrs immolés, et cependant conquérants du monde, attesteront, d’un témoignage que le monde même comprendra, que le Christ qu’ils ont confessé, et qui leur a donné la constance et la victoire, est véritablement la force et la sagesse de Dieu. Il est donc juste qu’ils soient associés à tous les triomphes de l’Homme-Dieu, et que le cycle liturgique les glorifie, comme l’Église elle-même les honore en plaçant sous la pierre de l’autel leurs sacrés ossements, en sorte que le Sacrifice de leur Chef triomphant ne soit jamais célébré sans qu’ils soient offerts avec lui dans l’unité de son Corps mystique.
Or, la liste glorieuse des Martyrs du Fils de Dieu commence à saint Etienne ; il y brille par son beau nom qui signifie le Couronné, présage divin de sa victoire. Il commande, sous le Christ, cette blanche armée que chante l’Église, ayant été appelé le premier, avant les Apôtres eux-mêmes, et ayant répondu dignement à l’honneur de l’appel. Etienne a rendu un fort et courageux témoignage à la divinité de l’Emmanuel, en présence de la Synagogue des Juifs ; il a irrité leurs oreilles incrédules, en proclamant la vérité ; et bientôt une grêle de pierres meurtrières a été lancée contre lui par les ennemis de Dieu, devenus les siens. Il a reçu cet affront, debout, sans faiblir ; on eût dit, suivant la belle expression de saint Grégoire de Nysse, qu’une neige douce et silencieuse tombait sur lui à flocons légers, ou encore qu’une pluie de roses descendait mollement sur sa tête. Mais, à travers ces pierres qui se choquaient entre elles en lui apportant la mort, une clarté divine arrivait jusqu’à lui : Jésus, pour qui il mourait, se manifestait à ses regards ; et un dernier témoignage à la divinité de l’Emmanuel s’échappait avec force de la bouche du Martyr. Bientôt, à l’exemple de ce divin Maître, pour rendre son sacrifice complet, le Martyr répand sa dernière prière pour ses bourreaux ; il fléchit les genoux et demande que le péché ne leur soit pas imputé. Ainsi tout est consommé ; et le type du Martyre est montré à la terre pour être imité et suivi dans toutes les générations, jusqu’à la consommation des siècles, jusqu’au dernier complément du nombre des Martyrs. Etienne s’endort dans le Seigneur, et il est enseveli dans la paix, in pace, jusqu’à ce que sa tombe sacrée soit retrouvée, et que sa gloire se répande de nouveau dans toute l’Église, par cette miraculeuse Invention, comme par une résurrection anticipée.
Étienne a donc mérité de faire la garde auprès du berceau de son Roi, comme le chef des vaillants champions de la divinité du céleste Enfant que nous adorons. Prions-le, avec l’Église, de nous faciliter l’approche de l’humble couche où repose notre souverain Seigneur. Demandons-lui de nous initier aux mystères de cette divine Enfance que nous devons tous connaître et imiter dans le Christ. Dans la simplicité de la crèche, il n’a point compté le nombre de ses ennemis, il n’a point tremblé en présence de leur rage, il n’a point fui leurs coups, il n’a point imposé silence à sa bouche, il a pardonné à leur fureur ; et sa dernière prière a été pour eux. O fidèle imitateur de l’Enfant de Bethléhem ! Jésus, en effet, n’a point foudroyé les habitants de cette cité qui refusa un asile à la Vierge-Mère, au moment où elle allait enfanter le Fils de David. Il dédaignera d’arrêter la fureur d’Hérode qui bientôt le cherchera pour le faire périr ; il aimera mieux fuir en Égypte, comme un proscrit, devant la face de ce tyran vulgaire ; et c’est à travers toutes ces faiblesses apparentes qu’il montrera sa divinité, et que le Dieu-Enfant sera le Dieu-Fort. Hérode passera, et sa tyrannie ; le Christ demeurera, plus grand dans sa crèche où il fait trembler un roi, que ce prince sous sa pourpre tributaire des Romains ; plus grand que César-Auguste lui-même, dont l’empire colossal a pour destinée de servir d’escabeau à l’Église que vient établir cet Enfant si humblement inscrit sur les rôles de la ville de Bethléhem.
À la messe
La sainte Église débute par les paroles du saint Martyr qui, empruntant le langage de David, rappelle le conseil tenu contre lui par les méchants, et l’humble confiance qui Ta fait triompher de leurs persécutions. Depuis l’effusion du sang d’Abel jusqu’aux futurs Martyrs que doit immoler l’Antéchrist, l’Église est toujours persécutée ; son sang ne cesse de couler dans une contrée ou dans une autre ; mais son refuge est dans sa fidélité à son Epoux, et dans la simplicité que l’Enfant de la Crèche est venu lui enseigner par son exemple.
Introït
Les princes se sont assis, et ils ont prononcé contre moi, et les méchants m’ont persécuté ; secourez-moi, Seigneur mon Dieu ; car votre serviteur s’est exercé dans la pratique de votre loi. Ps. Heureux ceux qui sont purs dans la voie, qui marchent dans la loi du Seigneur. Gloire au Père. Les princes.
Dans la Collecte, l’Église demande, pour elle-même et pour ses enfants, cette force divine qui produit dans les saints Martyrs le pardon des injures, et met le sceau à leur témoignage et à leur ressemblance avec le Sauveur. Elle glorifie saint Etienne, qui en a donné le premier exemple sous la loi nouvelle.
Collecte
ACCORDEZ-NOUS, s’il vous plaît, Seigneur, d’imiter ce que nous honorons, afin que nous apprenions à aimer même nos ennemis ; puisque nous célébrons la fête de celui qui sut aussi implorer pour ses persécuteurs Jésus-Christ, notre Seigneur, qui vit et règne, etc.
Mémoire de Noël.
Prions. Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que la nouvelle naissance de votre Fils unique nous délivre, nous qu’une antique servitude retient sous le joug du péché. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.
Épître
Lecture des Actes des Apôtres. Chap. VI et VII.
En ces jours-là, Etienne, plein de grâce et de force, faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple. Or, quelques-uns de la synagogue qui est appelée des Affranchis, et de celle des Cyrénéens, des Alexandrins, des gens de la Cilicie et de l’Asie, s’élevèrent contre Etienne, et disputèrent avec lui ; et ils ne pouvaient résister à la sagesse et à l’Esprit qui parlait en lui. Ayant entendu son discours, leurs cœurs furent déchirés par la rage, et ils grinçaient des dents contre lui. Mais Etienne étant rempli du Saint-Esprit, et levant les yeux au ciel, vit la gloire de Dieu, et Jésus se tenant debout à la droite du Dieu tout-puissant, et il dit : « Je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’Homme debout à la droite du Dieu tout-puissant. » Mais ils poussèrent tous de grands cris, et se bouchant les oreilles, ils se jetèrent tous ensemble sur lui. Et l’ayant entraîné hors de la ville, ils le lapidaient. Et les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul. Et ils lapidèrent Etienne, qui priait et disait : « Seigneur Jésus, recevez mon esprit. » S’étant mis à genoux,il cria d’une voix haute et dit : « Seigneur, ne leur imputez pas ce péché. » Et ayant dit cela, il s’endormit dans le Seigneur.
Ainsi, ô glorieux Prince des Martyrs, vous fûtes conduit hors des portes de la ville pour être immolé, et vous fûtes mis à mort par le supplice des blasphémateurs. Le disciple devait être en tout semblable au Maître. Mais ni l’ignominie de cette mort, ni la cruauté du supplice n’épouvantèrent votre grande âme : vous portiez le Christ dans votre cœur, et avec lui vous étiez plus fort que tous vos ennemis. Mais quelle fut votre joie, lorsque les cieux s’étant ouverts au-dessus de votre tête, ce Dieu Sauveur vous apparut dans sa chair glorifiée se tenant debout à la droite de Dieu, lorsque les yeux de ce divin Emmanuel rencontrèrent les vôtres ! Ce regard d’un Dieu sur sa créature qui va souffrir pour lui, de la créature vers le Dieu pour qui elle s’immole, vous ravit hors de vous-même. En vain les pierres cruelles pleuvaient sur votre tête innocente : rien ne put vous distraire de la vue de ce Roi éternel qui, pour vous, se levait de son trône, et qui venait à vous, portant cette Couronne qu’il vous avait tressée de toute éternité, et que vous obteniez à cette heure. Demandez, dans la gloire où vous régnez aujourd’hui, que nous aussi soyons fidèles, et fidèles jusqu’à la mort, à ce Christ qui ne s’est pas seulement levé pour nous, mais qui est descendu jusqu’à nous sous la forme de l’enfance.
Graduel
Les princes se sont assis, et ils ont prononcé contre moi, et les méchants m’ont persécuté. V/. Secourez-moi, Seigneur mon Dieu ; sauvez-moi par votre miséricorde.
Alleluia, alleluia. V/. Je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’Homme debout à la droite du Dieu tout-puissant. Alleluia.
Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. XXIII.
En ce temps-là, Jésus disait aux Scribes et aux Pharisiens : Voici que je vais vous envoyer des Prophètes, des Sages et des Docteurs, et vous tuerez les uns, vous crucifierez les autres ; vous en fouetterez plusieurs dans vos synagogues, et vous les poursuivrez de ville en ville ; afin que tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre, retombe sur vous, depuis le sang d’Abel le Juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l’autel. En vérité, je vous le dis, toutes ces choses viendront fondre sur cette génération. Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les Prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! Voici que votre demeure va être déserte et abandonnée. Car, je vous le déclare, vous ne me verrez plus désormais, jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur !
Les Martyrs sont donnés au monde pour continuer sur la terre le ministère du Christ, en rendant témoignage à sa parole, et en scellant de leur sang ce témoignage. Le monde les a méconnus ; comme leur Maître, ils ont lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne les ont point compris. Cependant, plusieurs ont reçu leur témoignage, et ont germé à la foi, sur cette féconde semence. La Synagogue a été rejetée pour avoir versé le sang d’Etienne, après celui du Christ ; malheur donc à quiconque méconnaît le mérite des Martyrs ! Recueillons plutôt les hautes leçons que nous donne leur sacrifice ; et que notre religion envers eux témoigne de notre reconnaissance pour le sublime ministère qu’ils ont rempli et qu’ils remplissent tous les jours dans l’Église. L’Église, en effet, n’est jamais sans Martyrs, comme elle n’est jamais sans miracles ; c’est le double témoignage qu’elle rendra jusqu’à la fin des siècles, et par lequel se manifeste la vie divine que son auteur a déposée en elle.
Pendant l’offrande, la sainte Église rappelle les mérites et la mort sublime d’Etienne, pour montrer que le sacrifice du saint Diacre s’unit à celui de Jésus-Christ lui-même.
Offertoire
Les Apôtres élurent pour diacre Etienne, plein de foi et du Saint-Esprit ; les Juifs le lapidèrent pendant qu’il priait et disait : Seigneur Jésus, recevez mon esprit. Alleluia.
Secrète
Recevez, Seigneur, les offrandes que nous vous faisons en l’honneur de vos Saints ; afin que comme leur Passion les a rendus glorieux, ainsi notre piété envers eux nous rende l’innocence. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Mémoire de Noël
Sanctifiez, Seigneur, par la nouvelle naissance de votre Fils unique, ces dons que nous vous offrons, et purifiez-nous des taches de nos péchés. Parle même Jésus-Christ notre Seigneur.
Unie à son divin Époux par la sainte Communion, l’Église voit aussi les cieux ouverts, et Jésus debout à la droite de Dieu. Elle envoie à ce Verbe incarné tous les sentiments de son amour, et puise dans la nourriture céleste cette mansuétude qui lui fait supporter les outrages de ses ennemis, pour les gagner tous à la foi et à la charité de Jésus-Christ. C’est dans la participation à cet aliment céleste qu’Etienne avait puisé la force surhumaine qui lui mérita la victoire et la couronne.
Communion
Je vois les cieux ouverts, et Jésus debout à la droite du Dieu tout-puissant. Seigneur Jésus ! recevez mon esprit, et ne leur imputez pas ce péché.
Postcommunion
Faites, Seigneur, que les Mystères que nous venons de recevoir soient pour nous un secours, et que, par l’intercession du bienheureux Etienne, votre Martyr, nous en recevions une continuelle protection. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.
Mémoire de Noël
Faites, s’il vous plait, Dieu tout-puissant, que le Sauveur du monde, qui naît aujourd’hui, de même qu’il est en nous l’auteur d’une naissance divine, nous accorde aussi le don de l’immortalité ; lui qui, étant Dieu, vit et règne avec vous.
À vêpres
La solennité de l’octave de Noël dont nous a, en quelque manière, distrait la fête de saint Etienne, reparaît aux Vêpres dans toute sa splendeur. L’Église y chante les Psaumes du jour de Noël, avec leurs Antiennes, et ne recommence à s’occuper du saint Martyr qu’à partir du capitule. Elle observe cet usage à toutes les autres fêtes qui se rencontrent pendant l’Octave.
Autres liturgies
À la gloire du premier des Martyrs, nous donnerons ici quelques-uns des chants que la Liturgie des diverses Églises consacre à célébrer ses mérites. Nous commencerons par une Hymne empruntée au Bréviaire de l’Église de Milan.
Hymne
À Etienne, le premier Martyr, chantons un cantique nouveau ; qu’il soit doux dans son harmonie ; qu’il soit salutaire aux croyants.
Chantons-le, disciples de la foi ; redisons la louange du Martyr, qui, le premier après son Rédempteur, n’a pas craint d’embrasser la croix.
Éprouvé dans le service de Dieu par les Apôtres eux-mêmes, il a porté l’étendard du martyre, il a été préféré à tous.
O glorieuse préférence ! ô bienheureuse victoire ! Etienne a mérité de suivre le Seigneur.
Martyr plein de vaillance, il prêche le Christ avec amour ; il est rempli de l’Esprit-Saint ; son visage est le visage d’un Ange.
Il a levé les yeux : il a vu le Père avec le Fils ; il a fait voir vivant au ciel Celui que son peuple avait voulu faire périr.
La fureur des Juifs redouble ; ils arment de pierres leurs mains ; ils courent, pour mettre à mort le pieux soldat du Christ.
Sa tête est prête, et avec joie, il reçoit cette grêle de pierres ; il prie le Seigneur pour ses bourreaux ; d’un cœur joyeux, il rend son âme.
Gloire à vous, Seigneur ; gloire à votre Fils unique ; avec le Saint-Esprit, dans les siècles éternels.
Amen.
Le Sacramentaire Gallican, à la fête de saint Etienne, glorifiait Dieu en ces termes, pour les mérites qu’il a daigné conférer au premier des Martyrs :
Messe de s. Étienne
Dieu tout-puissant, qui avez donné à votre Église le Martyr saint Etienne comme la première gerbe de votre moisson, et qui avez fait de cette offrande primitive d’un fruit si promptement mûr, le prédicateur de votre doctrine nouvellement promulguée ; accordez à l’assemblée des fidèles, et aux prières d’un martyr si rempli de mérites, que par ses suffrages Etienne protège votre Église, qu’il a honorée par son ministère.
L’Église Gothique d’Espagne consacre à saint Etienne ces magnifiques éloges, dans son missel Mozarabe :
Pour la naissance au ciel [1] de s. Etienne, Contestatio
Il est digne et juste de vous louer, de vous bénir, de vous rendre grâces, Dieu tout-puissant et éternel, qui vous glorifiez dans l’assemblée de vos Saints. Vous les avez élus dès avant la création du monde, vous les avez marqués pour le ciel d’une bénédiction spirituelle, et vous les avez associés à votre Fils unique par l’Incarnation et par la rédemption de la croix. Vous avez fait régner en eux votre Esprit-Saint, et par lui, votre miséricorde les favorisant, ils sont parvenus à la gloire d’un heureux martyre. C’est donc avec raison, ô Seigneur des armées, que cette solennité vous est consacrée ; que nous fêtons, pour votre gloire, ce jour sacré, que le sang du bienheureux Etienne, votre premier martyr, répandu pour le témoignage de votre vérité, a marqué magnifiquement pour la gloire de votre Nom. En effet, il est le premier Confesseur de ce Nom qui est au-dessus de tout nom, et dans lequel, ô Père éternel, vous avez placé l’unique secours de notre salut. Dans votre Église, quel exemple éclatant et glorieux il a laissé pour raffermir les cœurs ! Le premier, après la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ, il a saisi Ta palme de la victoire. Consacré, par l’Esprit-Saint et le choix des Apôtres, au ministère lévitique, il a éclaté aussitôt par une pureté semblable à celle de la neige, et par la pourpre sanglante du martyre. O rejeton béni d’Abraham ! premier imitateur et témoin de la croix du Seigneur ! il a mérité de voir les cieux ouverts, et Jésus assis à la droite de Dieu. C’est avec raison et avec justice que, célébrant votre Nom, ô Dieu tout-puissant, nous honorons celui que vous avez daigné appeler à une si grande gloire. Dans votre miséricorde, faites-nous jouir de son suffrage. Qu’il prie pour ce peuple, dans cette gloire que le Christ lui a départie, lorsqu’il l’a reçu avec triomphe après son combat victorieux. Que ces yeux s’élèvent pour nous, ces yeux qui, étant encore dans ce corps de mort, à l’heure même de sa passion, ont vu le Fils de Dieu debout à la droite du Père. Qu’il obtienne pour nous vos grâces, celui qui, pendant qu’on le lapidait, vous implorait, Dieu saint, Père tout-puissant, par Jésus-Christ notre Seigneur, votre Fils, quia daigné naître de la Vierge, selon la chair, pour nos péchés, et souffrir la mort, afin d’instruire ses martyrs à souffrir par son exemple. À lui tous les Anges et les Archanges chantent sans jamais cesser, disant : Saint ! Saint ! Saint !
Nous entendrons maintenant l’Église Grecque, et nous emprunterons quelques strophes à ses Menées, pour la louange du Protomartyr.
26 décembre pour les grdes vepres et passim
Tu as paru tout rayonnant dans ton âme de la grâce de l’Esprit, et, dans ton visage, pareil à un Ange, ô Etienne ! La splendeur qui t’illuminait au dedans rejaillit sur ton corps, et ton âme laissa échapper aux regards l’éclat dont tu fus frappé, et les reflets de tes contemplations lumineuses, quand les cieux te furent ouverts, ô chef g’orieux des martyrs !
Ces pierres lancées sur toi comme les flocons de la neige, te servirent de degrés, et comme d’échelle pour monter aux parvis célestes ; t’élevant sur leur amas glorieux, tu as contemplé le Seigneur assis à la droite du Père, t’offrant de sa vivifiante droite la couronne que ton nom présageait ; près de lui, tu assistes maintenant en vainqueur glorieux, prémices des athlètes.
Illustre en prodiges et en miracles, et en la céleste doctrine, tu as livré aux flammes la chaire des impies ; par eux mis à mort et accablé de pierres, tu as demandé grâce pour tes bourreaux : imitant même par tes paroles celles du Sauveur, entre les mains duquel tu as remis ton âme très sacrée, ô Etienne !
Le glorieux Etienne est présenté, en ce jour, au Seigneur Roi nouveau-né ; il n’est pas resplendissant de joyaux, mais tout fleuri par l’éclat de son sang. O amis des martyrs ! venez, cueillons des fleurs, couronnons nos fronts et chantons tour à tour : Toi qui brilles en ton âme par l’éclat de la sagesse et delà charité, ô premier martyr du Christ Dieu ! demande pour nous la paix et une grande miséricorde.
Tu as dignement été appelé en aide aux apôtres du Christ, et tu as administré en diacre fidèle, ô Etienne, vraiment digne de ton nom ! Comme le Christ, tu as passé à travers le sang.
Aussi brillant que le soleil, ô homme portant Dieu ! tu t’es levé à l’orient, lançant de toutes parts les rayons de ton témoignage, de ton grand courage et de ta résistance généreuse.
Celui qui, né d’une Vierge-Mère, est venu habiter parmi nous, le premier des martyrs l’a contemplé dans les cieux, debout dans l’immuable divinité et dans la gloire du Père.
Hier, le Seigneur, revêtu de notre chair, est venu habiter parmi nous ; aujourd’hui, le serviteur a quitté sa demeure de chair ; aujourd’hui, le serviteur est lapidé, et ainsi achève sa course le Proto-martyr et divin Etienne.
Une étoile resplendissante a brillé aujourd’hui en la Nativité du Christ ; c’est Etienne, premier martyr, qui illumine de ses clartés la terre entière. Il a éteint toute l’impiété des Juifs, les reprenant par des paroles de sagesse, leur parlant d’après les Écritures, et leur prouvant que Jésus, né d’une Vierge, est le propre Fils de Dieu ; il confond leur sacrilège malice, le Proto-martyr et divin Etienne.
Tu as dépassé tous termes de louanges, ô Etienne ! et tu portes vraiment et ineffablement tes palmes de victoire ; et aucun esprit mortel ne peut tresser une couronne digne de ta gloire.
Tu as été le premier entre les diacres, le premier entre les martyrs, ô très saint Etienne ! car tu as ouvert la voie aux saints, et tu as conduit au Seigneur d’innombrables martyrs : c’est pourquoi le ciel t’a été ouvert, et Dieu s’est montré à tes regards ; supplie-le de sauver nos âmes.
Le moyen âge des Églises d’Occident a produit de nombreuses pièces liturgiques, spécialement dans le genre des Proses ou Séquences, à la louange de saint Etienne. Nous en omettrons plusieurs, comme étant moins remarquables ; mais nous donnerons ici celle d’Adam de Saint-Victor. Nous nous faisons toujours un devoir d’honorer les œuvres de ce grand poète liturgique, dont les compositions rehaussèrent, durant tant de siècles, le Missel de l’Église de Paris, et furent si longtemps populaires dans l’Allemagne, l’Angleterre, et généralement dans toutes les Églises du nord de l’Europe.
Sequence
Hier a tressailli le monde, et son allégresse fêtait la Nativité du Christ.
Hier un chœur d’Anges se pressait autour du Roi des Cieux, en grande liesse.
Voici le Protomartyr et Lévite, fameux par sa foi, par sa vie fameux, fameux aussi par ses miracles.
En ce jour Etienne a triomphé, et dans son triomphe, il a bravé les Juifs incrédules.
Ils frémissent d’une fureur sauvage ; car ils sont vaincus, ils défaillent, les ennemis de la Lumière.
Ils produisent de faux témoins ; ils aiguisent leur langue, ces fils de vipères.
Ne cède pas, ô athlète ! combats, sûr de la récompense : ô Etienne, persévère.
Résiste aux faux témoins ; confonds, par tes discours, la Synagogue de Satan.
Ton témoin est au ciel, témoin véritable et fidèle, témoin de ton innocence.
Tu portes le nom de Couronné : il te faut, par les tourments, mériter la couronne de gloire.
Pour une couronne inflétrissable, supporte le supplice d’un moment ; la victoire t’attend.
La mort te sera une Naissance ; ton dernier tourment sera pour toi le premier instant d’une vie nouvelle.
Rempli de l’Esprit-Saint, Etienne, par son regard, pénètre les régions célestes.
Il voit la gloire de Dieu, il s’élance à la victoire, il aspire à la récompense.
Considère, debout à la droite de Dieu, Jésus qui combat pour toi, ô Etienne !
Pour toi les cieux s’ouvrent, à toi le Christ se révèle : publie-le d’une voix intrépide.
Il se recommande au Sauveur, pour qui la mort lui paraît douce, jusque sous les pierres qui fondent sur lui.
Saul garde les vêtements des bourreaux ; il lapide Etienne parla main de tous.
Que le péché ne soit pas imputé à ceux qui le lapident ; Etienne, à genoux, le demande, compatissant à leur fureur aveugle.
Ainsi il s’endormit dans le Christ, ainsi il fut fidèle au Christ, et avec le Christ il vit à jamais, celui qui est appelé les prémices des Martyrs.
Par lui six morts ressuscitèrent, aux plages africaines ; Augustin l’atteste ; la renommée l’a répété.
Dieu veut, dans sa miséricorde, que ses ossements soient révélés ; une pluie alors se répand sur le monde tourmenté par la sécheresse.
La seule odeur de ses reliques met en fuite les maladies et les démons ; il est digne de louange et d’honneur, digne d’éternelle mémoire.
O Martyr, dont le nom est un sujet de joie pour l’Église : par ton céleste parfum, ranime ce monde languissant.
Amen.
Nous nous unissons à ces éloges que vous envoient tous les siècles chrétiens, ô vous le premier et le prince des Martyrs ! Nous vous félicitons d’avoir été choisi par la sainte Église pour assister, au poste d’honneur, près du berceau du souverain Seigneur de toutes choses. Qu’elle est glorieuse, la confession que vous avez rendue, au milieu des cailloux meurtriers qui brisaient vos membres généreux ! Qu’elle est éclatante, la pourpre qui vous couvre comme un triomphateur ! Qu’elles sont lumineuses, les cicatrices de ces blessures que vous reçûtes pour le Christ ! Qu’elle est nombreuse et brillante, l’armée des Martyrs qui vous suit comme son chef, et qui continue ses glorieux enrôlements jusqu’à la consommation des siècles !
Dans ces jours de la Naissance de notre commun Sauveur, nous vous prions, ô Etienne, de nous faire pénétrer dans les profondeurs dés mystères du Verbe incarné. Fidèle gardien de sa Crèche, c’est à vous de nous introduire auprès du céleste Enfant qui y repose. Vous avez rendu témoignage à sa divinité et à son humanité ; vous l’avez prêché, cet Homme-Dieu, au milieu des cris furieux de la Synagogue. En vain les Juifs se bouchèrent les oreilles ; il leur fallut entendre votre voix tonnante qui leur dénonçait le déicide qu’ils avaient commis, en mettant à mort Celui qui est tout à la fois le Fils de Marie et le Fils de Dieu. Montrez-le-nous aussi, ce Rédempteur du monde, non point encore triomphant à la droite du Père, mais humble et doux, dans ces premières heures de sa manifestation, enveloppé de langes et couché dans la crèche. Nous voulons aussi lui rendre témoignage, annoncer sa Naissance pleine d’amour et de miséricorde, faire voir par nos œuvres qu’il est né aussi dans nos cœurs. Obtenez-nous ce dévouement à l’Enfant divin, qui vous a rendu fort au jour de l’épreuve. Nous l’aurons, si nous sommes simples et sans crainte, comme vous l’avez été, si nous avons l’amour de cet Enfant ; car l’amour est plus fort que la mort. Qu’il ne nous arrive jamais d’oublier que tout chrétien doit être prêt au martyre, par cela seul qu’il est chrétien. Que la vie du Christ qui commence en nous, s’y développe par notre fidélité et nos œuvres, en sorte que nous arrivions, comme dit l’Apôtre, à la plénitude du Christ. (Ephes. 4, 13.)
Mais souvenez-vous, ô glorieux Martyr, souvenez-vous de la sainte Église, dans ces contrées où les arrêts du Seigneur exigent qu’elle résiste jusqu’au sang Obtenez que le nombre de vos frères se complète de tous ceux qui sont éprouvés, et que pas un ne défaille dans le combat. Que ni l’âge ni le sexe ne faiblissent, afin que le témoignage soit entier, et que l’Église cueille encore, dans sa vieillesse, les palmes et les couronnes immortelles qui ont honoré ces premières années dont vous fûtes l’ornement. Mais, ô Etienne, priez, afin que le sang des Martyrs soit fécond, comme aux anciens jours ; que la terre ingrate ne l’absorbe pas, mais qu’il lui fasse germer de riches moissons. Que l’infidélité recule de plus en plus ses tristes frontières ; que l’hérésie s’éteigne et cesse de dévorer, comme une lèpre, des membres dont la vigueur ferait la gloire et la consolation de l’Église. Que le Seigneur, touché par vos prières, accorde à nos derniers Martyrs l’accomplissement des espérances qui ont fait battre leur cœur, au moment où ils courbaient la tête sous le glaive, ou rendaient leur âme au milieu des tourments.
Nous ne terminerons pas cette seconde journée de l’Octave de Noël sans nous arrêter auprès du berceau de notre Emmanuel, sans contempler ce divin Fils de Marie. Déjà deux jours se sont écoulés depuis que sa Mère l’a couché dans l’humble crèche ; et ces deux jours valent plus pour le salut du monde que les milliers d’années qui ont précédé la naissance de cet Enfant. L’œuvre de notre rédemption avance, et les vagissements du nouveau-né, ses pleurs commencent à réparer nos crimes. Considérons donc aujourd’hui, dans cette fête du premier des Martyrs, les larmes qui mouillent les joues enfantines de Jésus, et qui sont les premiers indices de ses douleurs. « Il pleure, cet Enfant, dit saint Bernard ; mais non comme les autres enfants, ni pour la même raison. Les enfants des hommes pleurent de besoin et de faiblesse ; Jésus pleure de compassion et d’amour pour nous. » Recueillons chèrement ces larmes d’un Dieu qui s’est fait notre frère, et qui ne pleure que sur nos maux. Apprenons à déplorer le mal du péché qui vient attrister, par les souffrances prématurées du tendre Enfant que le ciel nous envoie, la douce allégresse que sa venue nous a causée.
Marie aussi voit ces larmes, et son cœur de mère en est troublé. Elle pressent déjà qu’elle a mis au jour un homme de douleurs ; bientôt elle le saura mieux encore. Unissons-nous à elle pour consoler le nouveau-né par l’amour de nos cœurs. C’est le seul bien qu’il soit venu chercher à travers tant d’humiliations ; c’est pour cet amour qu’il est descendu du ciel, qu’il a accompli toutes les merveilles dont nous sommes environnés. Aimons-le donc de toute la plénitude de nos âmes, et prions Marie de lui faire agréer le don de notre cœur. Le Psalmiste a chanté, et il a dit : Le Seigneur est grand et digne de toute louange ; ajoutons avec saint Bernard : Le Seigneur est petit, et digne de tout amour !
Le pieux et éloquent Père Faber, qui fut aussi un grand poète, a célébré, dans le plus gracieux des Noëls, le mystère de l’Enfant-Jésus sous l’aspect que nous contemplons en ce moment. « Cher petit enfant, s’écrie-t-il, que tu es doux ! De quel éclat brillent tes yeux ! Ils semblent presque parler, quand le regard de Marie rencontre le tien.— Combien faible est ton petit cri ! Semblable au gémissement de l’innocente colombe, est ta plainte de douleur et d’amour, dans ton sommeil. — Quand Marie te dit de dormir, tu dors ; à son appel tu t’éveilles ; content sur ses genoux, content aussi dans la crèche rustique.— O le plus simple des enfants ! avec quelle grâce tu cèdes à la volonté de ta mère ! Tes manières enfantines trahissent la science d’un Dieu qui se cache. Lorsque Joseph te prend dans ses bras, et qu’il caresse tes petites joues, tu le regardes dans les yeux avec ton innocence et ta douceur. — Oui, tu es bien ce que tu parais être : une petite créature de sourires et de pleurs ; et pourtant tu es Dieu, et le ciel et la terre t’adorent en tremblant. — Oui, Enfant chéri, tes petites mains qui se jouent dans les cheveux de Marie, soutiennent au même moment le poids du vaste univers. — Tandis que tu serres le cou de Marie d’une étreinte tendre et timide, les plus fiers Séraphins se voilent devant ta face, ô divin Enfant ! — Quand Marie a étanché ta soif, et calmé tes faibles cris, les cœurs des hommes demeurent encore ouverts devant ton œil endormi. Faible enfant, serais-tu donc mon Dieu lui-même ? Oh ! alors, il faut que je t’aime ; oui, que je t’aime, que j’aspire à étendre ton amour chez les oublieux mortels. Dors, doux Enfant, au cœur vigilant ; dors, Jésus chéri : pour moi un jour tu veilleras ; tu veilleras pour souffrir et pour pleurer. — Des fouets, une croix, une couronne cruelle, c’est ce que pour toi j’ai a en réserve. Et cependant une petite larme, ô Seigneur, serait rançon suffisante. — Mais non ; la mort, c’est le choix de ton cœur ; c’est le prix décrété là-haut. Tu veux faire plus que sauver nos âmes ; c’est par amour que tu veux mourir. »
Dear Little One ! how sweet Thou art,
Thine eyes how bright they shine,
So bright they almost seem to speak
When Mary’s look meets Thine !
How faint and feeble is Thy y
Like plaint of harmless dove,
When Thou dost murmur in Thy sleep
Of sorrow and of love.
When Mary bids Thee sleep Thou sleepst,
Thou wakest when she calls
Thou art content upon her lap,
Or in the rugged stalls.
Simplest of Babes ! with what a grace
Thou dost Thy Mother’s will
Thine infant fashions well betray
The Godhead’s hidden skill.
When Joseph takes Thee in his arms,
And smooths Thy little cheek,
Thou lookest up into his face
So helpless and so meek.
Yes ! Thou art what Thou seemst to be,
À thing of smiles and tears ;
Yet Thou art God, and heaven and earth
Adore Thee with their fears.
Yes ! dearest Babe ! those tiny hands,
That play with Mary’s hair,
The weight of ail the mighty world
This very moment bear.
While Thou art clasping Mary’s neck
In timid tight embrace,
The boldest Seraphs veil themselves
Before Thine infant Face.
When Mary hath appeased Thy thirst,
And hushed Thy feeble cry,
The hearts of men lie open still
Before Thy s’umbering eye.
Art Thou, weak Babe ! my very God ?
Oh ! must love Thee then,
Love Thee, and yearn to spread Thy love
Among forgetful men.
O sweet, O wakeful-hearted Child !
Sleep on, dear Jesus ! sleep ;
For Thou must one day wake for me
To suffer and to weep.
À scourge, a Cross, a cruel Crown
Have I in store for Thee ;
Yet why ? one little tear, O Lord !
Ransom enough would be.
But no ! death is Thine own sweet will,
The price decreed above ;
Thou wilt do more than save our souls,
For Thou wilt die for love.
À ces touchants accents de la piété de notre âge, faisons succéder cette antique séquence de l’abbaye de Saint-Gall, composée par le B. Notker. Elle célèbre le combat de l’Emmanuel contre notre ennemi, et sa victoire, qui a été le principe de celle qu’ont remportée Etienne et tous les Martyrs.
Séquence
Oui, reprenons nos cantiques pieux, et qu’ils soient dignes
De ce jour où sur nous se lève la plus chère lumière.
Au milieu des ténèbres de la nuit, s’effacent les ombres de nos péchés.
Aujourd’hui, l’Etoile de la mer enfante au monde les joies d’un salut nouveau :
Celui qui fait frémir l’enfer qui frappe de terreur l’affreuse mort ; car elle doit périr sous ses coups.
L’antique peste gémit captive ; le dragon livide a perdu ses dépouilles.
L’homme tombé, brebis égarée, est ramené aux joies éternelles.
Jour d’allégresse pour les célestes bataillons des Anges ;
Car elle était perdue, la dixième drachme, et la voilà retrouvée.
O heureux Enfant ! qui rachètes la nature humaine !
Le Dieu qui a tout créé, prend naissance de la femme.
Sa nature admirable se revêt de chair par un merveilleux prodige ; elle prend ce qu’elle n’était pas ; elle demeure ce qu’elle était.
La divinité se couvre de la nature humaine ; dites-moi si jamais vous ouïtes un tel prodige.
Le bon Pasteur venait chercher ce qui avait péri.
Il prend le casque, il combat armé comme un soldat.
Terrassé, l’ennemi tombe sur son propre dard.
On lui arrache ses armes dans lesquelles il se confiait ; ses dépouilles sont livrées en partage, sa proie lui est ravie.
C’est la forte bataille du Christ, c’est notre salut véritable,
Du Christ qui, après sa victoire, nous mène en sa patrie :
Là soit à lui louange éternelle. Amen.
À la glorieuse Mère de Dieu, nous présenterons notre hommage, en lui consacrant cette gracieuse Prose du Missel de Cluny, de 1523.
Séquence
Jetez sur nous un regard, Reine du noble empire des Anges.
Avec votre Fils, sur le trône des cieux, vous régnez pour jamais.
Douce Marie ! vraiment douce, vraiment très bénigne ;
Toute pleine de miséricorde, de clémence, toute suave comme le miel.
Aux larmes de Théophile vous accourez, pour obtenir le pardon de sa faute.
Sous vos auspices, la pécheresse égyptienne s’arrache à la honte.
O Mère de miséricorde ! ô le seul espoir de l’homme tombé !
En ce jour, portez au ciel les vœux et les soupirs de vos serviteurs.
Vous êtes l’honneur d’Israël ; vous êtes la gloire du monde.
Réconciliez-nous à notre Emmanuel ;
Vous l’avez allaité de vos mamelles sacrées.
Vous avez réchauffé ses membres délicats.
Notre médiatrice, rendez-nous-le favorable.
C’est notre prière en ce jour redoutable.
Nous voici présentant au Dieu Père votre Fils, notre gage.
Par la vertu de ce gage, purifiez les coupables, rassurez les pécheurs tremblants.
Vous êtes bonne, vous êtes clémente, vous êtes notre espérance, ô Marie !
Que toute âme dévote dise et répète : Amen.
[1] On appelle « naissance au ciel » ou plus simplement « jour de la naissance » le jour de l’entrée des saints au Ciel, c’est-à-dire le jour de leur mort.