23e dimanche après la Pentecôte

Dom Guéranger ~ L’Année Liturgique
23e dimanche après la Pentecôte

Dans les années où le nombre des dimanches après la Pentecôte est de vingt-trois seulement, on prend pour aujourd’hui la messe du vingt-quatrième et dernier dimanche.

Quoi qu’il en soit, et en tout état de cause, l’antiphonaire se ter­mine aujourd’hui, c’est-à-dire que l’introït, le graduel, l’offertoire et la communion ci-après, devront être repris en chacun des dimanches qui peuvent se succéder encore plus ou moins nom­breux, suivant les années, jusqu’à l’avent. On se rappelle qu’au temps de saint Grégoire, l’avent étant plus long que de nos jours[1], ses semaines avançaient dans la partie du cycle occupée mainte­nant par les derniers dimanches après la Pentecôte. C’est une des raisons qui expliquent la pénurie de composition des messes dominicales après la vingt-troisième.

En celle-ci même autrefois, l’Église, sans perdre de vue le dénoue­ment final de l’histoire du monde, tournait déjà sa pensée vers l’approche du temps consacré à préparer pour ses enfants la grande fête de Noël. On lisait pour épître le passage suivant de Jérémie, qui servit plus tard, en divers lieux, à la messe du pre­mier dimanche de l’avent : « Voici que le jour arrive, dit le Sei­gneur, et je susciterai à David une race juste. Un roi régnera, qui sera sage et qui accomplira la justice et le jugement sur la terre. En ces jours-là Juda sera sauvé, et Israël habitera dans la paix ; et voici le nom qu’ils donneront à ce roi : Le Seigneur notre juste ! C’est pourquoi le temps « vient, dit le Seigneur, où l’on ne dira plus : « Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d’Israël de la terre d’Égypte ! mais : Vive le Seigneur qui a tiré et ramené la posté­rité de la maison d’Israël de la terre d’aquilon et de tous les pays dans lesquels je les avais dispersés et chassés ! Et ils habiteront dans leur terre [2]. »

Comme on le voit, ce passage s’applique également très bien à la conversion des Juifs et à la restauration d’Israël annoncée pour les derniers temps. C’est le point de vue auquel se sont placés les plus illustres liturgistes du moyen âge, pour expliquer toute la messe du vingt-troisième dimanche après la Pentecôte. Mais pour bien les comprendre, il faut observer aussi que, primitivement, l’évangile du vingt-troisième dimanche était l’évangile de la mul­tiplication des cinq pains. Cédons la parole au pieux et profond abbé Rupert qui, mieux que personne, nous apprendra le mystère de ce jour où prennent fin les accents, si variés jusqu’ici, des mélodies grégoriennes.

« La sainte Église, dit-il, met tant de zèle à s’acquitter des suppli­cations, des prières et des actions de grâces pour tous les hommes demandées par l’Apôtre [3], qu’on la voit rendre grâces aussi pour le salut à venir des fils d’Israël, qu’elle sait devoir être un jour unis à son corps. Comme, en effet, à la fin du monde leurs restes seront sauvés [4], dans ce dernier office de l’année elle se félicite en eux comme en ses futurs membres. Dans l’introït, elle chante tous les ans, rappelant ainsi sans fin les prophéties qui les concernent : Le Seigneur dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non d’affliction. Ses pensées sont toutes de paix en effet, puisqu’il promet d’admettre au banquet de sa grâce les Juifs ses frères selon la chair, réalisant ce qui avait été figuré dans l’histoire du patriarche Joseph. Les frères de ce dernier, qui l’avaient vendu, vinrent à lui poussés par la faim, lorsqu’il étendait sa domination sur toute la terre d’Égypte ; ils furent reconnus, reçus par lui, et lui-même fit avec eux un grand festin : ainsi notre Seigneur, régnant sur tout le monde et nourrissant abondamment du pain de vie les Égyptiens, c’est‑à‑dire les Gentils, verra revenir à lui les restes des fils d’Israël ; reçus en la grâce de celui qu’ils ont renié et mis à mort, il leur donnera place à sa table, et le vrai Joseph s’abreuvera délicieusement avec ses frères.

Le bienfait de cette table divine est signifié, dans l’office du dimanche, par l’évangile, où l’on raconte du Seigneur qu’il nourrit avec cinq pains la multitude. Alors, en effet, Jésus ouvrira pour les Juifs les cinq livres de Moïse, portés maintenant comme des pains entiers et non rompus encore, par un enfant, à savoir ce même peuple resté jusqu’ici dans l’étroitesse d’esprit de l’enfance.

Alors sera accompli l’oracle de Jérémie, si bien placé avant cet évangile ; on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d’Israël de la terre d’Égypte ! mais : Vive le Seigneur qui les a ramenés de la terre d’aquilon et de toutes celles où ils étaient dispersés !

Délivrés donc de la captivité spirituelle qui les retient maintenant, ils chanteront du fond de l’âme l’action de grâces indiquée au graduel : Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous persécutaient.

La supplication par laquelle nous disons, dans l’offertoire : Du fond de l’abîme j’ai crié vers vous, Seigneur, répond manifeste­ment, elle aussi, aux mêmes circonstances. Car en ce jour-là, ses frères diront au grand et véritable Joseph : « Nous vous conjurons d’oublier le crime de vos frères [5] ».

La communion : En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez dans vos prières, et le reste, est la réponse de ce même Joseph disant, comme autrefois le premier [6] : « Ne crai­gnez point. Vous aviez formé contre moi un dessein mauvais ; mais Dieu l’a fait tourner au bien, afin de m’élever comme vous voyez maintenant et de sauver beaucoup de peuples. Ne craignez donc point : je vous nourrirai, vous et vos enfants [7]. »

À la messe

L’introït vient de nous être expliqué par l’Abbé Rupert. Il est tiré de Jérémie [8] comme l’ancienne épître de ce dimanche.

Introït

Le Seigneur dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non d’affliction ; vous m’invoquerez, et je vous exaucerai, et je ramènerai vos captifs de tous les lieux. Ps. Seigneur, vous avez béni la terre qui vous appartient ; vous avez fait cesser la captivité de Jacob. Gloire au Père. Le Seigneur.

La demande du pardon revient sans cesse dans la bouche du peu­ple chrétien, parce que la fragilité de la nature entraîne sans cesse, ici-bas, le juste lui-même [9]. Dieu sait notre misère ; il par­donne sans fin, à la condition de l’humble aveu des fautes et de la confiance dans sa bonté. Tels sont les sentiments qui inspirent à l’Église les termes de la Collecte du jour.

Collecte

Nous vous en supplions, Seigneur, absolvez les fautes de votre peuple, afin que nous soyons délivrés par votre bonté des liens des péchés que nous avons commis dans notre fra­gilité. Par Jésus-Christ.

Épître

Lecture de l’épître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. 3

Mes Frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux qui se conduisent suivant le modèle que vous avez en nous. Car il y en a plusieurs dont je vous ai parlé souvent, dont je vous parle encore avec larmes, qui sont les ennemis de la croix du Christ. Ils ont pour fin la mort, pour dieu leur ventre ; ils pla­cent la gloire pour eux dans leur honte, n’ayant de goût que pour les choses de la terre. Mais pour nous, déjà nous vivons dans les cieux ; c’est de là aussi que nous attendons pour Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui reformera le corps de notre bassesse et le rendra conforme à son corps glorieux, par la puissance qui lui permet de s’assujettir aussi toutes choses. C’est pourquoi, mes frères très chers et très désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, ô mes bien-aimés. Je prie Évodia et je conjure Synty­chès de s’unir et d’avoir les mêmes sentiments dans le Seigneur. Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d’aider celles qui ont travaillé avec moi pour l’Évangile, ainsi que Clément et les autres qui ont été mes aides, dont les noms sont au livre de vie.

Le nom de Clément, qui vient d’être prononcé par l’Apôtre, est celui du second successeur de saint Pierre. Assez souvent, le vingt-troisième dimanche après la Pentecôte ne précède que de fort peu la solennité de ce grand pontife et martyr du premier siècle. Disciple de Paul, attaché depuis à la personne de Pierre, et désigné par le vicaire de l’Homme-Dieu comme le plus digne de monter après lui sur la chaire apostolique, Clément, nous le verrons au 23 novembre, était l’un des saints de cette époque primi­tive les plus vénérés des fidèles. La mention faite de lui à l’office du temps, dans les jours qui précédaient son apparition directe au cycle de la sainte Église, excitait la joie du peuple chrétien et ranimait sa ferveur, à la pensée de l’approche d’un de ses plus illustres protecteurs et amis.

Au moment où saint Paul écrivait aux Philippiens, Clément, qui devait longtemps encore survivre aux Apôtres, était bien des hommes dont parle notre épître, imitateurs de ces illustres modèles, appelés à perpétuer dans le troupeau confié à leurs soins [10] la règle des mœurs, moins encore par la fidélité de l’enseignement que par la force de l’exemple. L’unique Épouse du Verbe divin se reconnaît à l’incommunicable privilège d’avoir en elle, par la sainteté, la vérité toujours vivante et non point seule­ment lettre morte. L’Esprit-Saint n’a point empêché les livres sacrés des Écritures de passer aux mains des sectes séparées ; mais il a réservé à l’Église le trésor de la tradition qui seule transmet pleinement, d’une génération à l’autre, le Verbe lumière et vie [11], par la vérité et la sainteté de l’Homme-Dieu toujours pré­sentes en ses membres, toujours tangibles et visibles en l’Église [12]. La sainteté inhérente à l’Église est la tradition à sa plus haute expression, parce qu’elle est la vérité non seulement proférée, mais agissante [13], comme elle l’était en Jésus-Christ, comme elle l’est en Dieu [14]. C’est là le dépôt [15] que les disciples des Apôtres recevaient la mission de transmettre à leurs successeurs, comme les Apôtres eux-mêmes l’avaient reçu du Verbe descendu en terre.

Aussi saint Paul ne se bornait point à confier l’enseignement dogmatique à son disciple Timothée [16] ; il lui disait : « Sois l’exemple des fidèles dans la parole et la conduite [17]. » Il redisait à Tite : « Montre-toi un modèle, en fait de doctrine et d’intégrité de vie [18]. » Il répétait à tous : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ [19]. » Il envoyait aux Corinthiens Timothée, pour leur rappeler, pour leur apprendre au besoin, non les dogmes seulement de son Évangile, mais ses voies en Jésus-Christ, sa manière de vivre ; car cette manière de vivre de l’Apôtre était, pour une part, son enseignement même en toutes les Égli­ses [20] ; et il louait les fidèles de Corinthe de ce qu’en effet ils se souvenaient de lui pour l’imiter en toutes choses, gardant ainsi la tradition de Jésus-Christ [21]. Les Thessaloniciens étaient si bien entrés dans cet enseignement tiré de la vie de leur Apôtre, que, devenus ses imitateurs, et par là même ceux de Jésus-Christ, ils étaient, dit saint Paul, la forme de tous les croyants ; cet ensei­gnement muet de la révélation chrétienne, qu’ils donnaient en leurs mœurs, rendait comme inutile la parole même des messa­gers de l’évangile [22].

L’Église est un temple admirable qui s’élève à la gloire du Très-Haut par le concours des pierres vivantes appelées à entrer dans ses murs [23]. La construction de ces murailles sacrées sur le plan arrêté par l’Homme-Dieu est l’œuvre de tous. Ce que l’un fait par la parole [24], l’autre le fait par l’exemple [25] ; mais tous deux cons­trui­sent, tous deux édifient la cité sainte ; et, comme au temps des Apôtres, l’édification par l’exemple l’emporte sur l’autre en efficacité, quand la parole n’est pas soutenue de l’autorité d’une vie conforme à l’évangile.

Mais de même que l’édification de ceux qui l’entourent est, pour le chrétien, une obligation fondée à la fois sur la charité envers le prochain et sur le zèle de la maison de Dieu, il doit, sous peine de présomption, chercher dans autrui cette même édification pour lui-même. La lecture des bons livres, l’étude de la vie des saints, l’observation, selon l’expression de notre épître, l’observation respectueuse des bons chrétiens qui vivent à ses côtés, lui seront d’un immense secours pour l’œuvre de sa sanctification person­nelle et l’accomplissement des vues de Dieu en lui. Cette fréquentation de pensées avec les élus de la terre et du ciel nous éloignera des mauvais, qui repoussent la croix de Jésus-Christ et ne rêvent que les honteuses satisfactions des sens. Elle placera véritablement notre conversation dans les cieux. Attendant pour un jour qui n’est plus éloigné l’avènement du Seigneur, nous demeurerons fermes en lui, malgré la défection de tant de mal­heureux entraînés par le courant qui emporte le monde à sa perte. L’angoisse et les souffrances des derniers temps ne feront qu’accroître en nous la sainte espérance ; car elles exciteront tou­jours plus notre désir du moment solennel où le Seigneur appa­raîtra pour achever l’œuvre du salut des siens, en revêtant notre chair même de l’éclat de son divin corps. Soyons unis, comme le demande l’Apôtre, et, pour le reste : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur », écrit-il à ses chers Philippiens ; « je le dis de nouveau, réjouissez-vous : le Seigneur est proche [26]. »

Graduel

Vous nous avez délivrés. Seigneur, de ceux qui nous persé­cutaient ; vous avez confondu nos ennemis. V/. Nous nous louerons en Dieu tout le jour, nous confesserons votre Nom à jamais. Alléluia, alléluia. V/. Du fond de l’abîme j’ai crié vers vous, Seigneur : Seigneur, exaucez ma prière. Alléluia.

Évangile

La suite du saint évangile selon saint Matthieu. Chap. 9

En ce temps-là, comme Jésus parlait au peuple, voici qu’un prince de la synagogue s’approcha, et l’adorant, il lui disait : Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra. Et Jésus, se levant, le suivait avec ses disciples. Or voici qu’une femme qui souffrait d’un flux de sang depuis douze années s’approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement. Car elle disait en elle-même : Si je touche seulement son vêtement, je serai sauvée. Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit : Aie confiance, ma fille ; ta foi t’a sauvée. Et de cette heure même, la femme fut guérie. Jésus venant ensuite à la maison du prince, et voyant les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit, leur dit : Retirez-vous, car la jeune fille n’est pas morte, elle n’est qu’endormie. Et ils se moquaient de lui. Mais lorsqu’on eut mis tout ce monde à la porte, il entra, prit la main de la jeune fille, et elle se leva. Et le bruit s’en répandit dans tout le pays.

Quoique le choix de cet évangile pour aujourd’hui ne remonte pas partout à la plus haute antiquité, il entre bien dans l’économie générale de la sainte liturgie, et confirme ce que nous avons dit du caractère de cette partie de l’année. Saint Jérôme nous apprend, dans l’homélie du jour, que l’hémorroïsse guérie par le Sauveur figure la gentilité, tandis que la nation juive est représentée par la fille du prince de la synagogue [27]. Celle-ci ne devait retrouver la vie qu’après le rétablissement de la première ; et tel est précisé­ment le mystère que nous célébrons en ces jours, où, la plénitude des nations ayant reconnu le médecin céleste, l’aveuglement dont Israël avait été frappé cesse enfin lui-même [28].

De cette hauteur où nous sommes parvenus, de ce point où le monde, ayant achevé ses destinées, ne va sembler sombrer un instant que pour se dégager des impies et s’épanouir de nouveau, transformé dans la lumière et l’amour : combien mystérieuses et à la fois fortes et suaves nous apparaissent les voies de l’éternelle Sagesse [29] ! Le péché, dès le début, avait rompu l’harmonie du monde, en jetant l’homme hors de sa voie. Si, entre toutes, une famille avait attiré sur elle la miséricorde, la lumière, en se levant sur cette privilégiée, n’avait fait que manifester plus profonde la nuit où végétait le genre humain. Les nations, abandonnées à leur misère épuisante, voyaient les attentions divines aller à Israël, et l’oubli s’appesantir sur elles au contraire. Lors même que les temps où la faute première devait être réparée se trouvèrent accomplis, il sembla que la réprobation des gentils dût être consommée du même coup ; car on vit le salut, venu du ciel en la personne de l’Homme-Dieu, se diriger exclusivement vers les Juifs et les brebis perdues de la maison d’Israël [30].

Cependant la race gratuitement fortunée, dont les pères et les premiers princes avaient si ardemment sollicité l’arrivée du Messie, ne se trouvait plus à la hauteur où l’avaient placée les patriarches et les saints prophètes. Sa religion si belle, fondée sur le désir et l’espérance, n’était plus qu’une attente stérile qui la tenait dans l’impuissance de faire un pas au-devant du Sauveur ; sa loi incomprise, après l’avoir immobilisée, achevait de l’étouffer dans les liens d’un formalisme sectaire. Or, pendant qu’en dépit de ce coupable engourdissement, elle comptait, dans son orgueil jaloux, garder l’apanage exclusif des faveurs d’en haut, la gentilité que son mal, toujours grandissant lui aussi, portait au-devant d’un libérateur, la gentilité reconnaissait en Jésus le Sauveur du monde, et sa confiante initiative lui méritait d’être guérie la première. Le dédain apparent du Seigneur n’avait servi qu’à l’affermir dans l’humilité, dont la puissance pénètre les cieux [31].

Israël devait donc attendre à son tour. Selon qu’il le chantait dans le psaume, l’Éthiopie l’avait prévenu en tendant ses mains vers Dieu la première [32]. Désormais ce fut à lui de retrouver, dans les souffrances d’un long abandon, l’humilité qui avait valu à ses pères les promesses divines et pouvait seule lui en mériter l’accomplissement. Mais aujourd’hui la parole de salut a retenti dans toutes les nations, sauvant tous ceux qui devaient l’être. Jésus, retardé sur sa route, arrive enfin à la maison vers laquelle se dirigeaient ses pas dès l’abord, à cette maison de Juda où dure toujours l’assoupissement de la fille de Sion. Sa toute-puissance compatissante écarte de la pauvre abandonnée la foule confuse des faux docteurs, et ces prophètes de mensonge qui l’avaient endormie aux accents de leurs paroles vaines ; il chasse loin d’elle pour jamais ces insulteurs du Christ, qui prétendaient la garder dans la mort. Prenant la main de la malade, il la rend à la vie dans tout l’éclat de sa première jeunesse ; prouvant bien que sa mort apparente n’était qu’un sommeil, et que l’accumulation des siècles ne pouvait prévaloir contre la parole donnée par Dieu à Abraham son serviteur [33].

Au monde maintenant de se tenir prêt pour la transformation dernière. Car la nouvelle du rétablissement de la fille de Sion met le dernier sceau à l’accomplissement des prophéties. Il ne reste plus aux tombeaux qu’à rendre leurs morts [34]. La vallée de Josa­phat se prépare pour le grand rassemblement des nations [35] ; le mont des Oliviers va de nouveau [36] porter l’Homme-Dieu, mais cette fois comme Seigneur et comme juge [37].

Offertoire

Du fond de l’abîme j’ai crié vers vous, Seigneur ; Seigneur, exaucez ma prière ; du fond de l’abîme j’ai crié vers vous, Sei­gneur.

L’acquittement du service que nous devons à Dieu est, de soi, bien au-dessous de la Majesté souveraine ; mais le Sacrifice, qui en fait partie chaque jour, l’ennoblit jusqu’à l’infini et supplée aux méri­tes qui nous font défaut, ainsi que l’exprime la Secrète de ce dimanche.

Secrète

Nous vous offrons, Seigneur, en accroissement de notre ser­vice ce Sacrifice de louange ; conduisez à bonne fin dans votre miséricorde les grâces accordées à notre indignité. Par Jésus-Christ.

Communion

En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous le recevrez, et il vous sera accordé.

Entrés, dans les Mystères sacrés, en participation de la vie divine, demandons au Seigneur que nous ne soyons plus accessibles aux dangers d’ici bas. Disons avec l’Église :

Postcommunion

Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, ne laissez point en butte aux dangers humains ceux que vous avez admis à l’heureuse participation de votre divinité. Par Jésus-Christ.

À Vêpres

Antienne de Magnificat

Jésus se retournant et la voyant, lui dit : Aie confiance, ma fille ; ta foi t’a sauvée. Alléluia.

Autres liturgies

L’approche du jugement inspire cette hymne des Maronites.

Hymne

En ce jour le Seigneur se lèvera ; porté sur un char de feu, le Roi du ciel descendra des divines demeures.

Le Christ Roi s’avancera vers Jérusalem et la montagne de Jébus ; il plantera sa croix dans le sépulcre d’Adam, là où les Juifs l’ont crucifié.

Au son de sa voix les rochers se fendront et les morts sorti­ront de leurs tombes, la terre retombera dans le chaos du commencement.

Ceux qui doivent être jugés comparaîtront pour être exami­nés, discutés, sondés ; les justes seront appelés au royaume, les impies rejetés à l’enfer.

Enveloppés de leurs crimes, les impies seront comme un œil obscurci, qui ne perçoit plus la lumière. Ils s’approcheront et frapperont, avec des lamentations et des pleurs : « Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous votre porte. »

Mais il leur dira : « Allez, maudits ; je ne vous connais pas. » Alors toutes les tribus imploreront sa miséricorde.

Maintenant donc, Seigneur, nous vous en supplions, répan­dez sur nos crimes vos miséricordes. Ce monde passera en un moment avec sa beauté, et tout ce qu’il renferme sera détruit.

Debout, debout, pécheur ! réveille-toi du criminel sommeil de ton iniquité ; que les larmes de tes yeux purifient ton âme et lavent ses souillures, afin que Dieu se réjouisse en toi, qu’il te donne le royaume et la vie qui ne passeront jamais.

Quitte le mal, pendant que tu as la vie, car lorsque le jour de la mort arrivera, ce sera la sévérité du jugement ; la pénitence ne sera plus reçue.

Donnez, Seigneur, le repos du salut à ceux qui ont mangé votre Corps et bu votre Sang. Qu’ils éprouvent au jugement votre miséricorde et soient placés à votre droite, afin qu’au jour de la résurrection ils viennent à votre rencontre.

Nous célébrons votre illustre mémoire, Vierge très sainte, pour que tous nous obtenions de votre glorieux Fils grâce, pardon et miséricorde. Suppliez-le avec nous, et votre prière sauvera nos âmes de tout dommage.

Faisons nôtre la belle formule où le missel mozarabe, en l’avant-dernier de ses dimanches, exprime si bien les pensées que l’Église voudrait nous inspirer à cette époque de l’année penchant vers son terme.

Illatio

Oui, certes ; il est bien digne et plus que digne de vous rendre gloire et honneur, ô Dieu Père tout-puissant, qui avec votre Fils et l’Esprit des deux êtes un seul et égal Dieu dans la Trinité. Vous avez créé l’homme qui n’existait pas ; et prenant chair dans l’une de vos personnes, vous avez rétabli l’homme perdu ; vous êtes venu au-devant de sa chute pour le relever, lui qui n’avait pas su se maintenir dans l’heureux état de sa condition première. C’est pourquoi, mettant notre confiance uniquement dans la victime du salut, nous vous adressons nos supplications et prières. Le jour décline vers son cou­chant, la ruine du monde se précipite, et notre vie mortelle tend vers son terme : secourez-nous en ce temps. Qu’il se lève d’autres jours à votre gloire ; soutenez le déclin du monde par l’espoir de la béatitude promise ; accordez-nous aussi d’obte­nir miséricorde au dernier jour de la vie présente. Puis­qu’approche la fin et du jour et du monde et de notre vie, qu’en tout cet unique Sacrifice daigne s’opposer pour nous incessamment à tous maux : en sorte que ni la chute du jour et les ténèbres qu’elle amène ne nous puissent souiller ou troubler, ni la fin prochaine du monde ne nous entraîne avec lui à la perte, ni la brièveté de notre vie ne nous fasse garder jusqu’au bout nos souillures. Mais plutôt, que le retour de la lumière vienne rallumer pour notre consolation le jour qui disparaît ; que, sous la décadence du monde, l’espoir du royaume futur nous réconforte ; que, si notre vie doit payer sa dette à la mort, celle-ci ne soit qu’un passage paisible et joyeux à l’éternelle béatitude. Qu’ainsi tout ce qui pour nous tend à la ruine soit ramené par cette victime du salut dans l’ordre du salut éternel, devienne pour nous un instrument de notre rédemption, et fasse de nous le temple de votre gloire sans fin.

 

[1] Voir le volume L’Avent, chapitre Historique de l’avent.

[2] – Jérém. 23, 5-8.

[3] – 1 Tim. 2, 1.

[4] – Rom. 9, 27.

[5] – Gen. 50, 17.

[6]Ibid. 19‑21.

[7] – Rup. De div. Off. 12, 23.

[8] – Jérém. 29.

[9] – Prov. 24, 16.

[10] – 1 s. Pierre 5, 3.

[11] – s. Jean 1, 4.

[12] – 1 s. Jean 1, 1.

[13] – 1 Thess. 2, 13.

[14] – s. Jean 5, 17.

[15] – 1 Tim. 6, 20.

[16] – 2 Tim. 3, 2.

[17] – 1 Tim. 4, 12.

[18] – Tit. 2, 7.

[19] – 1 Cor. 2, 16.

[20]Ibid. 17.

[21] – 1 Cor. 11, 1-2.

[22] – 1 Thess. 1, 5-8.

[23] – Éph. 2,20-22.

[24] – 1 Cor. 14, 3.

[25] – Rom. 14, 19.

[26] – Philip, 4, 4-5.

[27] – Hier, in s. Matth. cap. 9.

[28] – Rom. 11, 25.

[29] – Sap. 8, 1.

[30] – s. Matth. 15, 24.

[31] – Eccli. 35, 21.

[32] – Psalm. 67, 32.

[33] – s. Luc. 1, 54-55.

[34] – Dan. 12, 1-2.

[35] – Joël. 3, 1.

[36] – Act. 1, 11.

[37] – Zach. 14, 4.