21 septembre
Saint Matthieu
apôtre et évangéliste

Dom Guéranger ~ Année liturgique
21 septembre Saint Matthieu
apôtre et évangéliste

Généalogie de Jésus-Christ fils de David, fils d’Abraham (s. Matth. 1, 1). À la suite de l’Aigle et du Lion levés les premiers au ciel de la sainte Liturgie, l’Homme paraît, en attendant que se complète, au mois prochain, le glorieux quadrige promenant le char de Dieu par le monde (Ézéch. 1), entourant son trône dans les cieux (s. Jean Apoc. 4). Êtres mystérieux, aux six ailes de séraphins, dont les yeux sans nombre fixent l’Agneau debout sur le trône et comme immolé (Ibid. 5, 6), dont la voix répète jour et nuit : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu tout-puissant, qui était, et qui est, et qui doit venir (Ibid. 5, 8). Jean les voit donnant le signal de l’acclamation des élus au Créateur (Ibid. 9-11) et Rédempteur (Ibid. 5, 8-12) ; et quand toute créature, au ciel, sur la terre, sous la terre, a reconnu prosternée les titres de l’Agneau vainqueur à la divinité, à la gloire, à l’empire dans les siècles sans fin (Ibid. 13), c’est encore eux qui scellent de leur témoignage pour l’éternité l’hommage du monde, disant : Amen ! il est ainsi (Ibid. 14) !

Il est donc grand et tout insigne l’honneur des Évangélistes. Matthieu, le donné, mérita son beau nom du jour où, à la parole de Jésus : Suis-moi, il se leva et le suivit (Matth. 9, 9) ; mais le don de Dieu au publicain des bords du lac de Tibériade dépassa celui qu’il faisait lui-même. Le Très-Haut, dont les regards atteignent d’au delà des cieux ce qu’il y a de plus bas sur la terre, aime à choisir parmi les humbles les princes de son peuple (Psalm. 112, 4-8). Au plus bas rang social, Lévi l’était par sa profession, décriée du juif, méprisée du gentil ; mais plus humble encore apparut-il en son cœur, lorsque, n’imitant pas la délicate réserve à son endroit des autres narrateurs sacrés, il inscrivit devant l’Église son titre honni d’autrefois à côté de celui d’apôtre (s. Matth. 10, 3).

C’était relever la miséricordieuse magnificence de Celui qui est venu pour guérir les malades et non les forts, pour appeler, non les justes, mais les pécheurs (Ibid. 9, 12-13) ; c’était, en exaltant l’abondance de ses grâces, en provoquer la surabondance : Matthieu fut appelé à écrire le premier Évangile. Sous le souffle de l’Esprit, il écrivit, dans cette inimitable simplicité qui parle au cœur, l’Évangile du Messie attendu d’Israël et que les Prophètes avaient annoncé ; du Messie docteur et sauveur de son peuple, descendant de ses rois, roi lui-même de la fille de Sion ; du Messie enfin venu, non pour détruire la Loi (Ibid. 5, 17), mais pour la conduire au plein épanouissement de l’alliance universelle et éternelle.

Ce fut à l’occasion du banquet offert par la simplicité de sa reconnaissance au bienfaiteur divin, qu’on entendit Jésus, prenant la défense de Lévi autant que la sienne, répondre au scandale qu’y cherchaient plusieurs : Est-ce que les fils de l’Époux peuvent gémir, tant que l’Époux est avec eux ? Mais viendront des jours où l’Époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront (s. Matth. 9, 15). Clément d’Alexandrie atteste par la suite, en effet, l’austérité de l’Apôtre qui ne vivait que de légumes et de fruits sauvages (Clém. Al. Paedag. 2, 1). Mais la Légende nous dira aussi son zèle pour Celui qui s’était si suavement révélé à son cœur, sa fidélité à lui garder les âmes enivrées du vin qui fait germer les vierges (Zach. 9, 17). Ce fut son martyre ; le témoignage du sang fut pour lui d’affirmer les devoirs et les droits de la virginité sainte. Aussi, jusqu’à la fin des temps, l’Église, consacrant ses vierges, reprendra pour chacune la bénédiction qu’il prononça sur l’Éthiopienne, et que le sang de l’Apôtre‑Évangéliste a pénétrée de sa vertu pour jamais (Pontificale rom. De benedict. et consecrat. Virginum : Deus plasmator corporum, afflator animarum).

L’Église nous donne ce court récit d’une vie moins connue des hommes que de Dieu.

Matthieu, nommé encore Lévi, fut Apôtre et Évangéliste. Le Christ l’appela comme il était assis à son bureau de collecteur d’impôts, et aussitôt il le suivit ; c’était à Capharnaüm. Il fit à cette occasion un festin au Maître et à ses autres disciples. Après la résurrection du Seigneur, Matthieu fut le premier qui écrivit l’Évangile de Jésus-Christ ; il le fit en hébreu, pour les fidèles venus de la circoncision, étant encore en Judée et avant de se rendre dans la province échue à son apostolat. Gagnant bientôt après cette province, qui était l’Éthiopie, il y prêcha l’Évangile et confirma sa prédication par beaucoup de miracles.

Le moindre ne fut pas celui par lequel il ressuscita la fille du roi d’entre les morts, prodige qui fît embrasser la foi du Christ au roi son père, à l’épouse de celui-ci, à tout le pays. Mais le roi mort, Hirtacus, son successeur, prétendant à la main d’Iphigénie la princesse royale, et celle-ci, qui avait consacré à Dieu sa virginité entre les mains de l’Apôtre, persévérant grâce à lui dans sa résolution sainte, le prince le fit tuer à l’autel où il célébrait les Mystères. Ce fut le onze des calendes d’octobre qu’il couronna son apostolat de la gloire du martyre. Son corps, transporté a Salerne, y fut plus tard, au temps du Souverain Pontife Grégoire VII, placé dans une église dédiée sous son nom ; il y est honoré pieusement par un grand concours de peuple.

Combien votre humilité plut au Seigneur ! C’est elle qui vous mérite d’être aujourd’hui si grand dans le royaume des cieux (s. Matth. 18, 1-4) ; c’est elle qui fit de vous le confident de l’éternelle Sagesse incarnée. Cette Sagesse du Père qui se détourne des prudents et se révèle aux petits (s. Matth. 11, 25), renouvela votre âme dans sa divine intimité et la remplit du vin nouveau de sa céleste doctrine (Ibid. 9, 17). Si pleinement vous aviez compris son amour, qu’elle vous choisit pour premier historien de sa vie terrestre et mortelle. Par vous l’Homme-Dieu se révélait à l’Église. Magnifiques enseignements que les vôtres (Secrète de la fête), ne se tient pas de dire l’Épouse dans l’auguste secret des Mystères, où elle recueille l’héritage de celle qui ne sut comprendre ni le Maître adoré, ni les Prophètes qui l’annoncèrent !

Mais il est une parole entre toutes que ceux-là seuls comprennent, des élus mêmes, à qui est donné de la comprendre (s. Matth. 19, 10-12) ; de même qu’au ciel tous ne suivent point l’Agneau partout où il va (Apoc. 14, 3-4), que tous non plus ne chantent pas le cantique réservé à ceux-là seuls dont les affections ici-bas ne furent point divisées (1 Cor. 7, 33). Évangéliste de la virginité (s. Matth. 25, 1-13) comme vous en fûtes l’hostie, veillez sur la portion choisie du troupeau du Seigneur.

N’oubliez cependant, ô Lévi, nul de ceux pour qui vous nous apprenez que l’Emmanuel a reçu son beau nom de Sauveur (Ibid. 1, 21, 23). Le peuple entier des rachetés vous vénère et vous prie. Par la voie qui nous reste tracée grâce à vous dans l’admirable Sermon sur la montagne (Ibid. 5-7), conduisez-nous tous à ce royaume des cieux dont la mention revient sans fin sous votre plume inspirée .