Dom Guéranger ~ L’année liturgique
16 janvier, Saint Marcel, pape et martyr
En l’honneur de Mgr Marcel Lefebvre, martyr des temps moderne, voici la biographie de son saint patron par Dom Guéranger. Cela nous rappelle les jours où nous étions si heureux de fêter notre père et son patron. Abbé François Pivert.
Au glorieux pape et martyr Hygin, vient s’adjoindre sur le cycle son vaillant successeur Marcel ; tous deux viennent faire hommage de leurs clefs au chef invisible de l’Église ; leur frère Fabien les suivra de près. Tous trois, émules des mages, ils ont offert leur vie en don à l’Emmanuel.
Marcel a gouverné l’Église à la veille des jours de paix qui bientôt allaient se lever. Encore quelques mois, et le tyran Maxence tombait sous les coups de Constantin, et la croix triomphante brillait sur le labarum[1] des légions. Les moments étaient courts pour le martyre ; mais Marcel sera ferme jusqu’au sang, et méritera d’être associé à Étienne, et de porter comme lui la palme près du berceau de l’enfant divin. Il soutiendra la majesté du pontificat suprême en face du tyran, au milieu de cette Rome qui verra bientôt les Césars s’enfuir à Byzance, et laisser la place au Christ, dans la personne de son vicaire. Trois siècles se sont écoulés depuis le jour où les édits de César Auguste ordonnaient le dénombrement universel qui amena Marie en Bethléhem où elle mit au monde un humble enfant : aujourd’hui, l’empire de cet enfant a dépassé les limites de celui des Césars, et sa victoire va éclater. Après Marcel va venir Eusèbe ; après Eusèbe, Melchiade qui verra le triomphe de l’Église.
Les Actes de saint Marcel se lisent ainsi dans les leçons de son office.
Marcel, Romain de naissance, exerça le pontificat depuis Constance et Galérius jusqu’à Maxence. Ce fut par ses exhortations que Lucine, dame romaine, institua l’Église de Dieu héritière de ses biens. Le nombre des fidèles s’étant accru dans Rome, il établit pour leur utilité de nouveaux titres ; c’étaient comme autant de districts nouveaux, destinés également à faciliter la sépulture des martyrs et l’administration du baptême et de la pénitence aux récents convertis. Maxence, irrité, menace Marcel des plus rigoureux supplices, s’il ne dépose le pontificat et s’il ne sacrifie aux idoles.
Comme Marcel méprisait les paroles insensées d’un homme, le tyran l’envoya au lieu où étaient renfermées les bêtes qu’on nourrissait aux dépens du public, et lui en donna la charge. Marcel y passa neuf mois, en jeûnes et en prières continuels, visitant par ses lettres les Églises qu’il ne pouvait visiter en personne. Ayant été tiré de là par quelques clercs, et la bienheureuse Lucine l’ayant reçu chez elle, il dédia, dans la maison de cette sainte femme, une église qui est aujourd’hui le Titre de Saint-Marcel, où les chrétiens allaient faire leurs prières, et où le saint pape prêchait lui-même.
Maxence, ayant appris ces choses, fait amener dans cette église les bêtes des écuries publiques, et commande qu’elles soient gardées par Marcel, qui, étant incommodé de l’infection du lieu, et accablé de tribulations, s’endormit dans le Seigneur. Son corps fut enseveli par la bienheureuse Lucine, au cimetière de Priscille, sur la voie Salaria, le dix-sept des calendes de février. Il siégea cinq ans, un mois et vingt-cinq jours. Il écrivit une lettre aux évêques de la province d’Antioche, sur la primauté de l’Église romaine, qu’il démontre devoir être appelée le chef des Églises. Il y est aussi écrit qu’on ne peut, de droit, célébrer aucun concile sans l’autorité du pontife romain. Il ordonna à Rome, au mois de décembre, vingt-cinq prêtres, deux diacres, et vingt et un évêques pour divers lieux.
Quelles furent vos pensées, ô glorieux Marcel, lorsque l’impie dérision d’un tyran vous enferma en la compagnie de vils animaux ? Vous songeâtes au Christ, votre maître, naissant dans une étable, et étendu dans la crèche à laquelle étaient attachés aussi des animaux sans raison. Bethléhem vous apparut avec toutes ses humiliations, et vous reconnûtes avec joie que le disciple n’est pas au-dessus du maître. Mais de l’ignoble séjour où le tyran avait cru renfermer la majesté du siège apostolique, elle allait bientôt sortir affranchie et glorifiée, aux yeux de la terre entière. Rome chrétienne, abaissée en vous, allait être reconnue comme la mère de tous les peuples, et Dieu n’attendait plus qu’un moment pour livrer à vos successeurs les palais de cette fière cité qui n’avait pas encore le secret de sa destinée. Comme l’enfant de Bethléhem, ô Marcel, vous avez triomphé par vos abaissements. Souvenez-vous de l’Église qui vous est toujours chère ; bénissez Rome qui visite avec tant d’amour le lieu sacré de vos combats. Bénissez tous les fidèles du Christ qui vous demandent, dans ces saints jours, de leur obtenir la grâce d’être admis à faire leur cour au roi nouveau-né. Demandez-lui pour eux la soumission à ses exemples, la victoire sur l’orgueil, l’amour de la croix, et le courage de demeurer fidèles dans toutes les épreuves.
[1] Labarum s. f. Étendard romain richement décoré. Jusqu’au temps de Constantin le Grand, elle portait la figure d’une aigle ; mais ce prince fit mettre à la place une croix avec un chiffre qui exprimait le nom de Jésus, à la suite d’une apparition dans les nues qui lui montrait ce signe et lui annonçait la victoire s’il l’adoptait.