4e mystère douloureux
Le portement de Croix


4e mystère douloureux
Le portement de la Croix

Méditation par Dom Delatte
L’Évangile de Jésus-Christ

La troisième phase de la Passion, celle de la souffrance, va commencer. Les soldats dépouillent le Seigneur de sa pourpre dérisoire et lui rendent ses vêtements. On apporte une lourde croix, que le condamné devra porter lui-même sur ses épaules. Le Seigneur n’a vraiment pour lui que sa croix ; elle est toute sienne. Le voilà seul, au milieu d’un peuple ameuté, dont la foule grossit à chaque pas. Deux malfaiteurs, qui doivent être crucifiés avec lui, sont du cortège. Il faut sortir de Jérusalem, regardée comme sainte dans toute son étendue : les exécutions ne pouvaient avoir lieu qu’au-delà des murs (Heb., XIII, 12). Le petit monticule vers lequel on se dirige et qui va devenir le centre du monde régénéré, est situé au nord-est de la ville : son nom hébreu est Golgotha, c’est-à-dire le lieu du crane ; peut-être parce que cette saillie de terrain affectait la forme d’une tète humaine.

La distance du prétoire an Calvaire n’était guère que de six cents mètres ; mais le Seigneur n’avait pas eu de repos depuis deux jours, l’agonie avait passé sur lui, la flagellation l’avait brisé. Il n’avançait qu’avec peine. Et un événement survint qui ajouta encore au poids de la douleur : ce fut la rencontre de la Sainte Vierge. Nous ne connaissons que par une tradition ce rapprochement soudain du Fils et de sa Mère, ainsi que la première chute du Seigneur et la violence de ceux qui l’accompagnaient. Mais les trois synoptiques ont conservé l’épisode de Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, personnages bien connus sans doute de l’Église primitive. Cet homme revenait des champs ; peut-être eut-il un geste de commisération ou de protestation : séance tenante, les soldats le réquisitionnèrent et lui imposèrent de porter la croix derrière Jésus. Nous pouvons croire qu’il s’y prêta de bon cœur et que le contact de la croix lui fut salutaire. II faut toujours, par le monde, que la croix du Seigneur soit portée ; le Calvaire n’est pas un événement d’un instant, c’est un fait éternel. Dans la multitude qui entourait le Seigneur, saint Luc nous a montré un groupe de femmes pleurant et se lamentant à grands cris sur tant d’infortune. Et il a recueilli la réponse du Sauveur, si triste et si tendre. Se retournant vers elles, Jésus leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. Car des jours vont venir où l’on dira : Heureuses les stériles, heureuses les entrailles qui n’ont point enfanté, et les mamelles qui n’ont point allaité ! Alors, on dira aux montagnes : Tombez sur nous ! Et aux collines : Recouvrez-nous ! (Os., X, 8) Car si l’on traite ainsi le bois vert, que sera-t-il réservé au bois sec ? » Il semble que pour le cœur du Fils de Dieu, ce soit peu de chose que son corps déchiré et son front couronné d’épines : ce qui est plus cruel que toute souffrance, c’est qu’un tel amour soit dépensé en vain.