Mes chers Amis,
Voici l’histoire de Michel Magon, petit voyou qui deviendra un saint garçon grâce à l’amitié de saint jean Bosco et d’un de ses camarades. Le Bon Dieu met toujours sur notre chemin un ou des amis pour nous guider et nous faire entrer dans l’amitié de Jésus et de Marie : nos parents, un bon prêtre, de bons camarades qui aiment Dieu… Demandez à Dieu de vous les faire connaître, trouvez-les et rendez-leur votre amitié. C’est ainsi que vous aimerez Dieu.
Avec toute mon amitié et mon affection.
Textes de saint Jean Bosco
Vie de Michel Magon
Chapitre I. Curieuse rencontre
Un soir d’automne, je revenais de Sommariva del Bosco et, en arrivant à Carmagnola, je dus attendre plus d’une heure le train pour Turin. Il était déjà sept heures, le temps était nuageux, un épais brouillard s’était levé et il tombait une pluie fine. Tout cela contribuait à rendre l’obscurité si dense qu’à distance d’un pas, on ne pouvait reconnaître âme qui vive. Le pauvre éclairage de la gare jetait une pâle lueur qui se perdait dans l’obscurité au-delà du quai. Une bande de jeunes, avec leurs cris et leur brouhaha, attirait l’attention, disons plutôt qu’ils assourdissaient les oreilles des spectateurs. Les voix « attends » , « attrape » , « cours » , « attrape celui-ci » , « attrape celui-là » occupaient les esprits des voyageurs. Mais parmi ces cris, une voix on percevait clairement une voix qui dominait toutes les autres ; c’était comme la voix d’un capitaine, qui était entendue par ses compagnons et obéie par tous, car les ordres étaaient sans réplique.
Je conçus aussitôt le vif désir de connaître celui qui, avec un tel aplomb et une telle présence d’esprit, savait diriger le jeu au milieu d’un tel charivari.
Je saisis le moment où tous étaient rassemblés autour de celui qui les dirigeait ; alors, en deux enjambées, je m’élançai parmi eux. Tous s’enfuirent effrayés ; un seul demeura, s’avança et, les mains sur les hanches, d’un air impérieux, commença à parler ainsi :
– Qui êtes-vous, vous qui venez ici parmi nos jeux ?
– Je suis ton ami.
– Qu’attendez-vous de nous ?
– Je veux, si ne vous dérange pas, m’amuser et jouer avec toi et tes compagnons.
– Mais qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas.
– Je te le répète, je suis ton ami ; je souhaite faire un peu de récréation avec toi et tes compagnons. Mais toi, qui es-tu ?
– Moi ? Qui suis-je ? Je suis, ajouta-t-il d’une voix grave et sonore, Magon Michel, général de la récréation.
Pendant que ces paroles étaient prononcées, les autres garçons, qui avaient été dispersés par une peur panique, s’approchèrent de nous. Après avoir vaguement adressé le discours à l’un ou à l’autre, je me tournai à nouveau vers Magon et continuai comme suit :
– Mon cher Magon, quel âge as-tu ?
– J’ai treize ans.
– Tu vas déjà te confesser ?
– Oui, répondit-il en riant.
– As-tu déjà été admis à la Sainte Communion ?
– Oui, j’y ai déjà été accepté et j’y suis déjà allé.
– As-tu appris un métier ?
– J’ai appris le métier de fainéant.
– Qu’as-tu fait jusqu’à présent ?
– Je suis allé à l’école.
– Quelle classe as-tu suivie ?
– Je suis allé jusqu’au CM2.
– As-tu encore ton père ?
– Non, mon père est déjà mort.
– As-tu encore ta mère ?
– Oui, ma mère est encore en vie et elle travaille au service des autres, elle fait ce qu’elle peut pour nous donner du pain, à moi et à mes frères qui la désespèrent constamment.
– Que veux-tu faire pour l’avenir ?
– Il faut que je fasse quelque chose, mais je ne sais pas quoi.
Cette franchise d’expression jointe à une faconde ordonnée et raisonnable me fit entrevoir un grand danger pour ce garçon s’il était laissé ainsi à l’abandon. D’autre part, il me semblait que si ce brio et cette nature entreprenante étaient cultivés, il ferait du bien : je repris donc mon discours ainsi :
– Mon cher Magon, as-tu la volonté d’abandonner cette vie de gamin et de te mettre à apprendre un métier, ou poursuivre tes études ?
– Bien sûr que j’en ai la volonté, répondit-il, ému, cette vie maudite ne me plaît plus ; certains de mes compagnons sont déjà en prison ; je crains qu’il n’en soit de même pour moi ; mais que dois-je faire ? Mon père est mort, ma mère est pauvre, qui m’aidera ?
– Ce soir, adresse une prière fervente à notre Père qui est aux cieux ; prie du fond du cœur, espère en lui, il veillera sur moi, sur toi et sur tout le monde.
À ce moment-là, la cloche de la gare sonna son dernier coup, et il me fallut partir sans tarder. Prends, lui dis-je, prends cette médaille, va demain chez Don Ariccio, ton vicaire, dis-lui que le prêtre qui te l’a donnée veut avoir des renseignements sur ta conduite.
Il prit respectueusement la médaille.
– Mais quel est votre nom, de quel pays êtes-vous, Don Ariccio vous connaît-il ?
Le bon Magon me posait ces questions et d’autres encore, mais je ne pouvais plus répondre, car le train était arrivé et il fallait que je monte dans le wagon pour Turin.
Chapitre II. Sa vie antérieure et sa venue à l’Oratoire de Saint François de Sales.
Son impuissance à percer l’identité du prêtre avec lequel il s’était entretenu suscita chez Magon un vif désir de savoir qui il était ; c’est pourquoi, sans attendre le lendemain, il se rendit immédiatement chez Don Ariccio en lui racontant avec chaleur ce qu’il avait entendu. Le vicaire comprit tout et, le lendemain, il m’écrivit une lettre dans laquelle il rapportait précisément les exploits de la vie de notre général.
« Le jeune Michel Magon, écrivait-il, est un pauvre garçon qui a perdu son père. Sa mère, qui doit subvenir aux besoins de la famille, ne peut s’en occuper, et il passe son temps dans les rues et sur les places avec des gamins. Il a une intelligence peu commune ; mais son inconstance et son insouciance l’ont fait renvoyer plusieurs fois de l’école ; cependant, il a assez bien réussi sa deuxième année de cours moyen.
« En ce qui concerne la moralité, je le crois bon au fond et d’une moralité simple, mais difficile à apprivoiser. À l’école ou au catéchisme, il est le trouble-fête universel ; quand il n’intervient pas, tout est en paix ; et quand il s’en va, c’est un bienfait pour tout le monde.
« Son âge, sa pauvreté, son tempérament et son esprit le rendent digne de toute considération charitable. Il est né le 19 septembre 1845 ».
D’après ces renseignements, je décidai de le recevoir parmi les jeunes gens de cette maison pour le destiner soit à l’étude soit à l’apprentissage d’un métier manuel. Ayant reçu la lettre d’acceptation, notre candidat était impatient de venir à Turin. Il pensait jouir des délices du paradis terrestre, et devenir maître des trésors de cette capitale.
Quelques jours plus tard, je le vis se présenter devant moi.
– Me voici, dit-il en courant vers moi, me voici, je suis ce Magon Michele que vous avez rencontré à la gare de Carmagnola.
– Je sais tout, mon cher ; es-tu venu avec bonne volonté ?
– Oui, oui ! Je ne manque pas de bonne volonté.
– Si tu as bonne volonté, je te recommande de ne pas mettre toute la maison sens dessus dessous.
– Oh rassurez-vous, je ne vous déplairai pas.
– Aime-tu mieux étudier, ou exercer un métier ?
– Je veux bien faire ce que vous voudrez ; mais si vous me laissez le choix, je préférerais étudier.
– Supposons que tu te mettes à étudier, que penses-tu faire après tes études ?
– Si un voyou… dit-il, puis il baissa la tête.
– Vas-y ! Que veux-tu dire : si un voyou…
– Si un voyou pouvait encore devenir assez bon pour se faire prêtre, je me ferais volontiers prêtre.
– Nous verrons donc ce qu’un voyou peut faire. Je te mettrai à l’étude ; quant à savoir si tu deviendras prêtre ou non, cela dépendra de tes progrès dans l’étude, de ta conduite morale, et des signes que tu donneras d’être appelé à l’état ecclésiastique.
– Si les efforts d’une bonne volonté peuvent réussir en quelque chose, je vous assure que vous ne serez pas mécontent de moi.
D’abord un compagnon lui fut assigné, pour être son ange gardien. Il est de tradition dans cette maison de confier dès son arrivée tout enfant inconnu ou dont on pourrait se méfier à un élève choisi parmi les plus anciens et de moralité éprouvée. Il devra l’avertir et au besoin le reprendre jusqu’au jour où cet enfant pourra sans danger être mêlé aux autres À l’insu de Magon, de la façon la plus habile et la plus charitable, ce compagnon ne le perdait jamais de vue : il lui tenait compagnie à l’école, à l’étude, à la récréation : il plaisantait avec lui, il jouait avec lui. Mais à chaque instant il devait lui dire : Ne tiens pas ce discours qui est mauvais ; ne dis pas ce mot, ne prononce pas en vain le saint nom de Dieu. Et Magon, quoique l’impatience parût souvent sur son visage, se contentait de dire : « Bon, tu as bien fait de m’avertir ; tu es un bon compagnon. Si je t’avais eu comme compagnon autrefois, je n’aurais pas contracté ces mauvaises habitudes que je n’arrive plus à abandonner. »
Dans les premiers temps, il n’avait pratiquement aucun goût sauf pour la récréation. Chanter, crier, courir, sauter et rire, voilà ce qui satisfaisait sa nature ardente et vive. Cependant, lorsque son compagnon lui disait : « Magon, la cloche nous appelle à l’étude, à l’école, à la prière ou à d’autres choses semblables, il jetait encore un coup d’œil complaisant aux jeux, puis, sans difficulté, se rendait là où le devoir l’appelait.
Il fallait le voir quand la cloche donnait le signal de la fin d’un exercice, auquel succédait la récréation ! Il semblait sortir de la bouche d’un canon ; il volait dans tous les coins de la cour ; tout amusement où l’on employait la dextérité corporelle faisait son bonheur. Le jeu que nous appelons les barres était son favori et il y était très célèbre. En mêlant ainsi la récréation aux autres devoirs de l’école, il trouva son nouveau mode de vie très agréable.
Conseils aux jeunes
Ô mes chers fils, vous êtes tous créés pour le Paradis, et Dieu, ce Père plein d’amour, éprouve une grande douleur lorsqu’il est contraint d’envoyer quelqu’un en enfer. Ah ! combien le Seigneur vous aime, et désire vous voir accomplir des œuvres bonnes pour vous rendre ensuite participants de cet immense bonheur qu’il a préparé pour tous dans le Paradis !
Bien persuadés, mes chers fils, que nous sommes tous créés pour le Paradis, nous devons orienter chacune de nos actions vers ce grand but. Pour nous y encourager, il y a la perspective de la récompense qui nous est promise et du châtiment qui nous menace. Mais ce qui doit bien davantage nous pousser à aimer Dieu et à le servir, c’est le grand amour qu’il nous porte (6). Bien sûr, il aime tous les hommes, qui sont l’ouvrage de ses mains, mais il porte une affection toute spéciale aux adolescents, jusqu’à trouver en eux ses délices : Deliciae meae esse cum filiis hominum (Prov 8,31). Oui, vous êtes les délices et l’amour de ce Dieu qui vous a créés. Il vous aime parce que vous avez encore devant vous la possibilité de faire tant d’œuvres bonnes ! Il vous aime parce que vous êtes à un âge de simplicité, d’humilité, d’innocence, non encore devenu, en général, la malheureuse proie de l’ennemi infernal.
Le Sauveur lui-même a donné aussi des marques de sa particulière bienveillance à l’égard des enfants. Il dit qu’il regarde comme fait à lui-même tout le bien qu’on leur fait. Il a des menaces terribles pour ceux qui les scandalisent par leurs paroles ou leurs actes. Voici ses propres termes : « Si quelqu’un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attachât au cou une meule de moulin et qu’on le précipitât au fond de la mer ». Il aimait être entouré par les enfants, il les appelait à lui, les embrassait, leur donnait sa divine bénédiction.
Puisque le Seigneur vous aime à ce point à l’âge où vous êtes, quelle ne doit pas être votre ferme résolution de correspondre à cet amour, en ayant soin de faire en toutes choses ce qui lui plaît et d’éviter tout ce qui pourrait lui déplaire !