Le 9 novembre
La dédicace de la basilique du Très Saint Sauveur

Le 9 novembre
La dédicace de la basilique du Très Saint Sauveur

Au quatrième siècle de notre ère, la fin des persécutions sembla au monde un avant-goût de sa future entrée dans la cité de la paix sans fin. « Gloire au Tout-Puissant ! gloire au Rédempteur de nos âmes ! » s’écrie, en tête du dixième et dernier livre de son Histoire, le contemporain Eusèbe. Et témoin du triomphe, il décrit l’admirable spectacle auquel donna lieu partout la dédicace des sanctuaires nouveaux. De villes en villes, s’assemblaient les évêques et s’empressaient les foules. De peuples à peuples, une telle bienveillance de mutuelle charité, de commune foi, d’allégresse recueillie harmonisait les cœurs, que l’unité du corps du Christ apparaissait aux yeux, dans cette multitude animée d’un même souffle de l’Esprit-Saint ; c’était l’accomplissement des anciennes prophéties : cité vivante du Dieu vivant où tout sexe et tout âge exaltaient l’auteur de tous biens. Combien augustes apparurent alors les rites de notre Église ! la perfection achevée qu’y déployaient les Pontifes, l’élan de la psalmodie, les lectures inspirées, la célébration des ineffables Mystères formaient un ensemble divin [1].

Constantin avait mis les trésors du fisc à la disposition des évêques, et lui-même stimulait leur zèle pour ce qu’il appelait dans ses édits impériaux l’œuvre des églises [2]. Rome surtout, lieu de sa victoire par la Croix et capitale du monde devenu chrétien, bénéficia de la munificence du prince. Dans une série de dédicaces à la gloire des Apôtres et des saints Martyrs, Silvestre, Pontife de la paix, prit possession de la Ville éternelle pour le vrai Dieu.

Aujourd’hui fut le jour natal de l’Église Maîtresse et Mère, dite du Sauveur, Aula Dei [3], Basilique d’or ; nouveau Sinaï [4], d’où les oracles apostoliques et tant de conciles notifièrent au monde la loi du salut. Qu’on ne s’étonne pas d’en voir célébrer la fête en tous lieux.

Si depuis des siècles les Papes n’habitent plus le palais du Latran, la primauté de sa Basilique survit dans la solitude à tout abandon. Comme au temps de saint Pierre Damien, il est toujours vrai de dire qu’ « en la manière où le Sauveur est le chef des élus, l’Église qui porte son nom est la tête des églises ; que celles de Pierre et de Paul sont, à sa droite et à sa gauche, les deux bras par lesquels cette souveraine et universelle Église embrasse toute la terre, sauvant tous ceux qui désirent le salut, les réchauffant, les protégeant dans son sein maternel [5]. » Et Pierre Damien appliquait conjointement au Sauveur et à la Basilique, sacrement de l’unité, les paroles du prophète Zacharie : Voici l’ homme dont le nom est Orient ; il germera de lui-même, et il bâtira un temple au Seigneur ; il bâtira, dis-je, un temple au Seigneur, et il aura la gloire, et il s’assiéra : et sur son trône il sera Roi, et sur son trône il sera Pontife [6].

C’est au Latran que, de nos jours encore, a lieu la prise de possession officielle des Pontifes romains. Là s’accomplissent chaque année en leur nom, comme Évêques de Rome, les fonctions cathédrales de la bénédiction des saintes Huiles au Jeudi saint et, le surlendemain, de la bénédiction des fonts, du baptême solennel, de la confirmation, de l’ordination générale. Prudence, le grand poète de l’âge du triomphe, reviendrait en nos temps qu’il dirait toujours : « À flots pressés le peuple romain court à la demeure de Latran, d’où l’on revient marqué du signe sacré, du chrême royal ; et il faudrait douter encore, ô Christ, que Rome te fût consacrée [7] ! »

Lisons le récit liturgique attribué à ce jour.

Ce fut le bienheureux Pape Silvestre qui établit le premier les rites observés par l’Église romaine dans la consécration des églises et des autels. Il y avait bien dès le temps des Apôtres, en effet, certains lieux voués à Dieu, et nommés oratoires par les uns, Églises par d’autres ; on y tenait l’assemblée le premier jour de la semaine, et le peuple chrétien avait la coutume d’y prier, d’y entendre la parole de Dieu, d’y recevoir l’Eucharistie : cependant on ne les consacrait pas avec autant de solennité ; on n’y élevait pas d’autel fixe qui, oint du chrême, exprimât le symbole de notre Seigneur Jésus-Christ, pour nous autel, hostie et pontife.

Mais lorsque l’empereur Constantin eut par le sacrement du baptême obtenu la santé du corps et le salut de l’âme, une loi émanant de lui fut portée qui pour la première fois permettait dans tout l’univers aux chrétiens de bâtir des églises. Non content de cet édit, le prince voulut même leur donner l’exemple et inaugurer les saints travaux. C’est ainsi que dans son propre palais de Latran, il dédia une église au Sauveur, et fonda le baptistère contigu sous le nom de saint Jean-Baptiste, dans le lieu où lui-même, baptisé par saint Silvestre, avait été guéri de la lèpre. C’est cette église que le Pontife consacra le cinq des ides de novembre ; et nous en célébrons la mémoire en ce même jour où pour la première fois à Rome une église fut ainsi publiquement consacrée, où l’image du Sauveur apparut visible sur la muraille aux yeux du peuple romain.

Plus tard, ayant à consacrer l’autel du Prince des Apôtres, le bienheureux Silvestre ordonna que les autels ne fussent plus désormais que de pierre. Si cependant l’autel de la basilique de Latran fut de bois, on ne doit pas s’en étonner : de saint Pierre à Silvestre, en effet, les persécutions ne laissaient pas aux Pontifes de demeure stable ; partout donc où les amenait la nécessité, soit dans les cryptes ou les cimetières, soit dans les maisons des chrétiens, c’était sur cet autel de bois, creux en forme de coffre, qu’ils offraient le Sacrifice. Quand la paix fut rendue à l’Église, par honneur pour le Prince des Apôtres qu’on dit avoir célébré sur cet autel, et les autres Pontifes qui jusqu’alors s’en étaient servis de même dans les Mystères sacrés, saint Silvestre le plaça dans la première église, au Latran, défendant que nul autre n’y célébrât par la suite, si ce n’est le Pontife romain. Ébranlée et ruinée par les incendies, les incursions ennemies, les tremblements de terre, cette église fut toujours réparée avec grand zèle par les Souverains Pontifes ; à la suite d’une nouvelle restauration, le Pape Benoît XIII, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, la consacra derechef en grande pompe, le vingt-huitième jour d’avril de l’an mil sept cent vingt-six, assignant à la mémoire de cette solennité le présent jour. De grands travaux que Pie IX avait entrepris furent menés à bonne fin par Léon XIII ; à savoir : l’agrandissement et le prolongement de l’abside qui tombait de vétusté ; la réfection sur le modèle primitif de l’antique mosaïque déjà précédemment renouvelée dans beaucoup de ses parties, et son transfert dans la nouvelle abside magnifiquement et à grands frais décorée ; le renouvellement de la charpente et des lambris du transept embelli ; œuvre complétée, l’an mil huit cent quatre-vingt-quatre, d’une sacristie, d’habitations pour les chanoines et d’un portique rejoignant les nouvelles constructions au baptistère de Constantin.

Tant de détails courent le risque de sembler superflus aux profanes. En la manière cependant que le Pape est notre premier et propre pasteur à tous, son Église de Latran est aussi notre Église ; rien de ce qui la concerne ne saurait, ne devrait du moins, laisser le fidèle indifférent. Inspirons-nous à son endroit des belles formules qui suivent, et que nous donne le pontifical romain au jour de la consécration des Églises ; elles ne sauraient s’appliquer mieux qu’à l’Église Mère.

Antiennes et repons

R/. La maison du Seigneur est fondée au sommet des monts ; elle est élevée sur les collines ; toutes les nations viendront à elle * Et elles diront : Gloire à vous, Seigneur !

V/. Elles viendront avec transport, portant leurs moissons. * Et elles diront.

R/. Seigneur de toutes choses, qui n’avez nul besoin, vous voulez avoir au milieu de nous votre temple. * Gardez pure à jamais cette maison, Seigneur.

V/. Seigneur, c’est la maison que vous choisîtes pour qu’y fût invoqué votre nom : maison de la prière et des supplications de votre peuple. * Gardez.

Ant. Paix éternelle à cette maison par l’Éternel! Paix soit à cette maison la Paix sans fin, Verbe du Père ! Paix donne à cette maison le divin Consolateur !

Ant. Oh! combien redoutable est ce lieu ! c’est véritablement ici la maison de Dieu et la porte du ciel.

Ant. C’est la maison du Seigneur solidement bâtie, bien établie sur la pierre ferme.

Ant. Jacob vit une échelle dont le sommet atteignait les cieux, et les Anges qui descendaient, et il dit : Ce lieu est vraiment saint.

R/. Voici Jérusalem, la grande cité, céleste, ornée comme l’Épouse de l’Agneau. * C’est le vrai tabernacle. Alléluia.

V/. Ses portes ne se fermeront point durant le jour ; quant à la nuit, elle y sera inconnue. * C’est le vrai.

R/. Vos places, Jérusalem, seront pavées d’or pur, Alléluia, et l’on chantera en vous le cantique de joie, Alléluia. * Et par vos rues chacun dira : Alléluia, Alléluia.

V/. Vous brillerez d’une lumière éclatante, et, vous voyant, toute la terre adorera.* Et par vos rues.

Ant. Faites le tour de Sion, parcourez son enceinte, racontez ses merveilles en ses tours.

V/. Le Seigneur est grand, et digne de toute louange en la cité de notre Dieu, sur sa montagne sainte.

R/. Le Seigneur vous a revêtue d’un vêtement d’allégresse ; à votre front il a mis le diadème.* Il vous a parée de saints ornements.

V/. Vous brillerez d’une lumière éclatante, et, vous voyant, toute la terre adorera. * Il vous a parée.

V/. Les nations viendront à vous des plus lointains pays, apportant leurs dons et adorant le Seigneur ; votre terre sera pour elles la sainte terre ; elles invoqueront en vous le grand Nom.* Il vous a parée.

V/. Bénis seront vos constructeurs. Pour vous, vos fils seront votre joie ; car la bénédiction sera sur eux tous, et tous ensemble ils viendront au Seigneur. * Il vous a parée.

Oraison

Dieu tout-puissant et éternel, qui par votre Fils, la pierre d’angle, avez joint les deux murs divergents de la circoncision et de la gentilité, qui sous un même et seul pasteur avez uni par lui les deux troupeaux distincts ; ayez égard à notre dévotion : donnez à vos serviteurs l’indissoluble lien de la charité, pour qu’aucune division des âmes, pour qu’aucune perversion d’aucune sorte ne vienne à séparer ceux que rassemble en un troupeau unique la houlette de l’unique pasteur, ceux que gardent sous votre protection les barrières de l’unique bercail. Par le même Jésus-Christ.

À la mémoire du grand Martyr brûlé vif, le soldat « conscrit » Théodore d’Amasée, que célébra saint Grégoire de Nysse, qu’honore au pied du Palatin Rome même, et qui eut trois églises de son nom dans Constantinople, disons avec l’Église latine en ce jour :

Oraison

O Dieu qui nous entourez, comme d’une protection, de la confession glorieuse du bienheureux Théodore, votre Martyr ; accordez-nous de profiter de ses exemples, d’être soutenus de sa prière. Par Jésus-Christ.

[1] – Euseb. Hist. eccl. 10, 1-4.

[2] – Euseb. De Vita Constantini, 2, 14, 46.

[3] – Palais de Dieu.

[4] – Inscriptio vetus olim in apside majori.

[5] – Petr. Dam. Epist. L. 2, 1.

[6] – Zach. 6, 12, 13.

[7] – Prudent. Lib. 1 contra Symmachum, 586-588.