La journée de Noël

Dom Guéranger ~ L’année liturgique
La journée de Noël

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La messe de l’aurore

L’office des laudes est achevé, les cantiques de réjouissance par lesquels l’Église remercie le Père des siècles de ce qu’il a fait lever son soleil de justice sont épuisés : il est temps d’offrir le second sacrifice, le sacrifice de l’aurore. La sainte Église a glorifié, par la première Messe, la naissance temporelle du Verbe, selon la chair ; à cette heure, elle va honorer une seconde naissance du même Fils de Dieu, naissance de grâce et de miséricorde, celle qui s’accomplit dans le cœur du chrétien fidèle.

Voici que, dans ce moment même, des bergers invités par les saints anges arrivent en hâte à Bethléhem ; ils se pressent dans l’étable, trop étroite pour contenir leur foule. Dociles à l’avertissement du ciel, ils sont venus reconnaître le Sauveur qu’on leur a dit être né pour eux. Ils trouvent toutes choses telles que les anges les leur ont annoncées. Qui pourrait dire la joie de leur cœur, la simplicité de leur foi ? Ils ne s’étonnent point de rencontrer, sous les livrées d’une pauvreté pareille à la leur, celui dont la naissance émeut les anges mêmes. Leurs cœurs ont tout compris ; ils adorent, ils aiment cet enfant. Déjà ils sont chrétiens : l’Église chrétienne commence en eux ; le mystère d’un Dieu abaissé est reçu dans les cœurs humbles. Hérode cherchera à faire périr l’enfant ; la Synagogue frémira ; ses docteurs s’élèveront contre Dieu et contre son Christ ; il mettront à mort le libérateur d’Israël ; mais la foi demeurera ferme et inébranlable dans l’âme des bergers, en attendant que les sages et les puissants s’abaissent à leur tour devant la crèche et la croix.

Que s’est-il donc passé au cœur de ces hommes simples ? Le Christ y est né, il y habite désormais par la foi et l’amour. Ils sont nos pères dans l’Église ; et c’est à nous de leur devenir semblables. Appelons donc, à notre tour, le divin enfant dans nos âmes ; faisons-lui place, et que rien ne lui ferme plus l’entrée de nos cœurs. C’est pour nous aussi que parlent les anges, c’est à nous qu’ils annoncent l’heureuse nouvelle ; le bienfait ne doit pas s’arrêter aux seuls habitants des campagnes de Bethléhem. Or, afin d’honorer le mystère de la venue silencieuse du Sauveur dans les âmes, le prêtre va tout à l’heure remonter au saint autel, et présenter, pour la seconde fois, l’agneau sans tache aux regards du Père céleste qui l’envoie.

Que nos yeux soient donc fixés sur l’autel, comme ceux des bergers sur la crèche ; cherchons-y, comme eux, l’enfant nouveau-né, enveloppé de langes. En entrant dans l’étable, ils ignoraient encore celui qu’ils allaient voir ; mais leurs cœurs étaient préparés. Tout à coup ils l’aperçoivent, et leurs yeux s’arrêtent sur ce divin soleil. Jésus, du fond de la crèche, leur envoie un regard de son amour ; ils sont illuminés, et le jour se fait dans leurs cœurs. Méritons qu’elle s’accomplisse en nous, cette parole du prince des apôtres : « La lumière luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à briller, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs [1]. »

Nous y sommes arrivés, à cette aurore bénie ; il a paru, le divin Orient que nous attendions, et il ne se couchera plus sur notre vie : car nous voulons craindre par-dessus tout la nuit du péché dont il nous délivre. Nous sommes les enfants de la lumière et les fils du jour [2] ; nous ne connaîtrons plus le sommeil de la mort ; mais nous veillerons toujours, nous souvenant que les bergers veillaient quand l’ange leur parla, et que le ciel s’ouvrit sur leurs têtes. Tous les chants de cette messe de l’aurore vont nous redire la splendeur du soleil de justice ; goûtons-les comme des captifs longtemps enfermés dans une prison ténébreuse, aux yeux desquels une douce lumière vient rendre la vue. Il resplendit, au fond de la crèche, ce Dieu de lumière ; ses divins rayons embellissent encore les augustes traits de la Vierge-Mère qui le contemple avec tant d’amour ; le visage vénérable de Joseph en reçoit aussi un éclat nouveau ; mais ces rayons ne s’arrêtent pas dans l’étroite enceinte de la grotte. S’ils laissent dans ses ténèbres méritées l’ingrate Bethléhem, ils s’élancent par le monde entier, et allument dans des millions de cœurs un amour ineffable pour cette lumière d’en haut qui arrache l’homme à ses erreurs et à ses passions, et l’élève vers la sublime fin pour laquelle il a été créé.

Mais, à ce moment, la sainte Église, au milieu de tous ces mystères du Dieu incarné, nous présente, au sein même de l’humanité, un autre objet d’admiration et d’allégresse. Au souvenir si cher et si glorieux de la naissance de l’Emmanuel, elle unit, dans ce sacrifice de l’aurore, la mémoire solennelle d’une de ces âmes courageuses qui ont su conserver la lumière du Christ, en dépit de tous les assauts des ténèbres. Elle honore, à cette heure même, une pieuse veuve romaine qui, en ce jour de la naissance du rédempteur, naquit à la vie céleste, par la croix et la souffrance, sous la persécution de Dioclétien.

Anastasie, épouse d’un Romain nommé Publius, eut beaucoup à souffrir de la brutalité de ce païen, qui s’irritait de sa générosité envers les serviteurs de Dieu. Après de cruels traitements endurés avec patience, elle fut enfin affranchie du joug qui l’accablait ; mais s’étant vouée à la visite et au soulagement des confesseurs de la foi qui remplissaient les prisons de Rome durant cette affreuse persécution, elle fut arrêtée elle-même comme chrétienne, liée à un poteau et brûlée vive. Son Église, à Rome, bâtie sur l’emplacement de sa maison, est le lieu de la station pour la messe de l’aurore ; et autrefois le souverain pontife y venait célébrer cette seconde messe. Léon XII l’a encore pratiqué en ce siècle.

Admirons ici la délicatesse maternelle de la sainte Église, qui, voulant associer le nom d’une sainte à la gloire de cette solennité dans laquelle triomphe si merveilleusement la virginité de Marie, a choisi de préférence une sainte veuve, afin de montrer que l’état du mariage, quoique inférieur en sainteté et en dignité à celui de la continence, n’est cependant pas déshérité des bénédictions que le divin enfantement a méritées à la terre. En ce même jour, une vierge, sainte Eugénie, a souffert à Rome un cruel et courageux martyre, sous la persécution de Gallien ; cependant, l’épouse de Publius, Anastasie, a été préférée. Cette attention, si pleine d’intelligence maternelle de la part de l’Église, rappelle tout naturellement ces belles paroles de saint Augustin dans son 9e sermon pour la fête de Noël :

« Triomphez, vierges du Christ : la Mère du Christ est votre compagne. Vous n’avez pas enfanté le Christ ; mais, pour le Christ, vous avez renoncé aux douceurs de la maternité ; Celui qui n’est pas né de vous, est né pour vous. Cependant, si vous vous souvenez de sa parole, n’êtes-vous pas vous-mêmes ses propres mères, puisque vous faites la volonté de son Père ? car il a dit : Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère.

Triomphez, veuves du Christ ; car vous avez voué une sainte continence à celui qui a rendu féconde la virginité. Triomphez aussi, chasteté nuptiale, vous toutes qui vivez dans la fidélité à vos époux ; ce que vous perdez selon la chair, vous le gardez dans votre cœur. Que votre conscience demeure vierge, par cette foi qui fait que l’Église est vierge tout entière. Le Christ est vérité, paix et justice : concevez-le par la foi, enfantez-le par les œuvres ; ce que le sein de Marie a fait pour la chair du Christ, que votre cœur le fasse pour la loi du Christ. Comment n’auriez-vous pas votre part dans l’enfantement de la Vierge, puisque vous êtes les membres du Christ ? Marie a enfanté celui qui est le chef ; l’Église vous a enfantées, vous qui êtes les membres. Car elle aussi est mère et vierge : mère par ses entrailles de charité, vierge par l’intégrité de la foi et de la piété. »

Mais il est temps de lever les yeux vers le saint autel, où le sacrifice commence. L’introït célèbre le lever du divin soleil. L’éclat de son aurore annonce déjà les splendeurs de son midi. Il a en partage la force et la beauté ; il s’est armé pour sa victoire, et son nom est le prince de la paix.

Introït

La lumière brillera aujourd’hui sur nous ; car le Seigneur nous est né, et il sera appelé l’admirable, Dieu, le prince de la paix, le père du siècle futur, dont le règne n’aura point de fin. Ps. Le Seigneur règne, il s’est revêtu de beauté ; le Seigneur s’est revêtu de force, et il s’est armé. Gloire au Père. La lumière.

La prière de l’Église, en cette messe de l’aurore, est pour implorer l’effusion des rayons du soleil de justice sur les âmes, afin qu’elles deviennent fécondes en œuvres de lumière, et que les anciennes ténèbres ne reparaissent plus.

Collecte

Dieu tout-puissant, qui daignez nous inonder de la nouvelle lumière de votre Verbe en son incarnation ; daignez faire resplendir en nos œuvres ce même éclat qui, par la foi, illumine nos âmes. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

Mémoire de sainte Anastasie.

Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que nous ressentions auprès de vous les effets de l’intercession de la bienheureuse Anastasie, votre Martyre, dont nous célébrons la solennelle mémoire. Par notre Seigneur.

Épître
Lecture de l’épître du bienheureux Paul, Apôtre, à Tite. Chap. 3

Très cher fils, la bénignité et l’humanité de Dieu notre Sauveur ont apparu. Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous eussions faites, mais à cause de sa miséricorde, par l’eau de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit, qu’il a répandu sur nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions les héritiers de la vie éternelle, selon l’espérance que nous en avons en Jésus-Christ notre Seigneur.

Le soleil qui s’est levé sur nous, c’est un Dieu sauveur, dans toute sa miséricorde. Nous étions loin de Dieu, dans les ombres de la mort ; il a fallu que les divins rayons descendissent jusqu’au fond de l’abîme où le péché nous avait précipités ; et voilà que nous en sortons régénérés, justifiés, héritiers de la vie éternelle. Qui nous séparera maintenant de l’amour de cet enfant ? Voudrions-nous rendre inutiles les merveilles d’un amour si généreux, et redevenir encore les esclaves des ténèbres de la mort ? Gardons bien plutôt l’espérance de la vie éternelle, à laquelle de si hauts mystères nous ont initiés.

Graduel

Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur : c’est le Seigneur Dieu, et sa lumière s’est levée sur nous.

V/. C’est l’ouvrage du Seigneur, la merveille qui éclate à nos yeux. Alleluia, alleluia. V/. Le Seigneur règne, il s’est revêtu de beauté ; le Seigneur s’est revêtu de force, et il s’est armé. Alleluia.

Évangile
La suite du saint évangile selon saint Luc. Chap. 2

En ce temps-là, les bergers se dirent l’un à l’autre : Passons jusqu’à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé et ce que le Seigneur nous a fait connaître. Et ils vinrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph, et l’enfant couché dans la crèche. Et l’ayant vu, ils connurent la vérité de ce qui leur avait été dit sur cet enfant. Et tous ceux qui en ouïrent parler furent dans l’admiration de ce qui leur avait été rapporté par les bergers. Or, Marie conservait toutes ces choses en elle-même, les repassant dans son cœur. Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu de toutes les choses qu’ils avaient entendues et vues, selon qu’il leur avait été dit.

Imitons l’empressement des bergers à aller trouver le nouveau-né. À peine ont-ils entendu la parole de l’ange, qu’ils partent sans aucun retard, et se rendent à l’étable. Arrivés en présence de l’enfant, leurs cœurs déjà préparés le reconnaissent ; et Jésus, par sa grâce, prend naissance en eux. Ils se réjouissent d’être petits et pauvres comme lui ; ils sentent qu’ils lui sont unis désormais, et toute leur conduite va rendre témoignage du changement qui s’est opéré dans leur vie. En effet, ils ne se taisent pas, ils parlent de l’enfant, ils s’en font les apôtres ; et leur parole ravit d’admiration ceux qui les entendent. Glorifions avec eux le grand Dieu qui, non content de nous appeler à son admirable lumière, en a placé le foyer dans notre cœur, en s’unissant à lui. Conservons chèrement en nous le souvenir des mystères de cette grande nuit, à l’exemple de Marie, qui repasse sans cesse dans son très saint cœur les simples et sublimes événements qui s’accomplissent par elle et en elle.

Pendant l’offrande des dons sacrés, l’Église relève la puissance de l’Emmanuel, qui, pour raffermir ce monde déchu, s’est abaissé jusqu’à n’avoir, pour former sa cour, que d’humbles bergers, mais qui n’en est pas moins assis sur son trône de gloire et de divinité, à jamais, et avant tous les siècles.

Offertoire

Dieu a affermi la terre : elle ne sera plus ébranlée. Votre trône, ô Dieu ! est établi dès l’éternité ; vous êtes avant tous les temps.

Secrète

Faites, Seigneur, que nos offrandes soient convenables aux mystères de la nativité d’aujourd’hui ; afin que, comme votre Fils, naissant homme, a fait en même temps éclater sa lumière divine, ainsi cette substance terrestre nous communique ce qui est divin. Par le même Seigneur.

Mémoire de sainte Anastasie.

Recevez favorablement, Seigneur, les dons que nous vous offrons, et par le suffrage des mérites de la bienheureuse Anastasie, votre Martyre, daignez faire qu’ils deviennent un secours pour notre salut. Par notre Seigneur.

Après la communion du prêtre et du peuple, la sainte Église, tout illuminée de la douce lumière de son époux auquel elle vient de s’unir, s’applique à elle-même ces paroles du prophète Zacharie annonçant la venue du roi sauveur.

Communion

Réjouis-toi, fille de Sion ; chante des cantiques, fille de Jérusalem : voici ton roi qui vient à toi, le saint et le sauveur du monde.

Postcommunion

Faites, Seigneur, que nos âmes soient régénérées par la nouvelle naissance de celui qui se donne en ce sacrement, et dont l’admirable nativité a détruit le vieil homme. Par le même Seigneur.

Mémoire de sainte Anastasie.

Seigneur, vous avez rassasié votre famille de vos dons sacrés ; ranimez-nous, s’il vous plaît, par l’intercession de celle dont nous célébrons la solennité. Par notre Seigneur.

Le second sacrifice achevé, et la naissance de grâce ayant été célébrée par cette nouvelle immolation de l’immortelle victime, les fidèles se retirent de l’église, et vont réparer leurs forces par le sommeil, en attendant la célébration du troisième sacrifice.

Dans l’étable de Bethléhem, Marie et Joseph veillent auprès de la crèche. La Vierge-Mère prend respectueusement dans ses bras le nouveau-né et lui présente le sein. Le Fils de l’Éternel, comme un simple mortel, s’abreuve à cette source de la vie. Saint Éphrem essaye de nous initier aux sentiments qui se pressent alors dans l’âme de Marie, et il nous traduit ainsi son langage : « Par quelle faveur ai-je enfanté celui qui étant simple se multiplie partout, celui que je tiens petit dans mes bras et qui est si grand, celui qui est à moi ici tout entier, et qui tout entier est aussi en tous lieux ? Le jour où Gabriel descendit vers ma faiblesse, de servante que j’étais, je devins princesse. Toi, le fils du roi, tu fis de moi tout à coup la fille de ce roi éternel. Humble esclave de ta divinité, je devins la mère de ton humanité, ô mon Seigneur et mon fils ! De toute la descendance de David, tu es venu choisir cette pauvre jeune fille et tu l’as entraînée jusque dans les hauteurs du ciel où tu règnes. Oh ! quelle vue ! un enfant plus ancien que le monde ! son regard cherche le ciel ; ses lèvres ne s’ouvrent pas ; mais dans ce silence, c’est avec Dieu qu’il converse. Cet œil si ferme n’indique-t-il pas celui dont la providence gouverne le monde ? Et comment osé-je lui donner mon lait, à lui qui est la source de tous les êtres ? comment lui servirai-je la nourriture, à lui qui alimente le monde entier ? comment pourrai-je manier ces langes qui enveloppent celui qui est revêtu de la lumière [3] ? »

Le même saint docteur du 4e siècle nous montre saint Joseph remplissant auprès de l’enfant divin les touchants devoirs du père. Il embrasse, dit-il, le nouveau-né, il lui prodigue ses caresses, et il sait que cet enfant est un Dieu. Hors de lui, il s’écrie : « D’où me vient cet honneur que le Fils du Très-Haut me soit ainsi donné pour fils ? Ô enfant, je fus alarmé, je le confesse, au sujet de ta mère : je songeais même à m’éloigner d’elle. L’ignorance où j’étais du mystère m’avait été un piège. En ta mère cependant résidait le trésor caché qui devait faire de moi le plus opulent des hommes. David mon aïeul ceignit le diadème royal, moi j’étais descendu jusqu’au sort de l’artisan ; mais la couronne que j’avais perdue est revenue à moi, lorsque, Seigneur des rois, tu daignes te reposer sur mon sein [4]. » Au milieu de ces colloques sublimes, la lumière du nouveau-né, devant laquelle pâlit celle du

soleil qui se lève, remplit toujours la grotte et ses alentours ; mais, les bergers étant partis, les chants des anges étant suspendus, le silence s’est fait dans ce mystérieux asile. En prenant notre repos sur notre couche, songeons au divin enfant, et à cette première nuit qu’il passe dans son humble berceau. Pour se conformer aux nécessités de notre nature qu’il a adoptée, il clôt ses tendres paupières, et un sommeil volontaire vient parfois endormir ses sens ; mais, au milieu de ce sommeil, son cœur veille et s’offre sans cesse pour nous. Parfois aussi, il sourit à Marie qui tient ses yeux attachés sur lui avec un ineffable amour ; il prie son Père, il implore le pardon des hommes ; il expie leur orgueil par ses abaissements ; il se montre à nous comme un modèle de l’enfance que nous devons imiter. Prions-le de nous donner part aux grâces de son divin sommeil, afin que, après avoir dormi dans la paix, nous puissions nous réveiller dans sa grâce, et poursuivre avec fermeté notre marche dans la voie qui nous reste à parcourir.

 

La journée de Noël

Le son des cloches, qui annonce l’approche de la troisième messe, de la messe du jour, est venu interrompre joyeusement notre sommeil. Elles semblent répéter, avec l’Église, ces belles paroles qui ont ouvert les chants de la longue veille de cette nuit : Le Christ nous est né ; venez, adorons-le !

Le soleil luit au ciel, non point avec les feux qu’il versera au solstice d’été ; mais sa lumière pâle n’annonce pas moins la victoire. Aujourd’hui, il a vaincu les ombres, et il monte dans le ciel comme un conquérant assuré du triomphe. Adorons, sous son emblème, le soleil de justice, Jésus notre doux sauveur, qui débute aussi dans sa glorieuse carrière.

En attendant le moment de partir pour l’église, puisons l’aliment de notre prière matutinale dans les chants divers des liturgies antiques. Tous sont pleins de joie et de tendresse ; tous célèbrent le triomphe de la lumière, l’amour du nouveau-né, la gloire de sa mère.

Lisons d’abord ces gracieuses strophes de Prudence, le prince des poètes chrétiens, dans son hymne qui a pour titre : 8. Kal. Januarias.

Hymne

Pourquoi, abandonnant son cours si restreint naguère, le soleil remonte-t-il à l’horizon ? N’est-ce point que sur la terre est né le Christ, qui ouvre une voie plus large à la lumière ?

Oh ! quel pâle et fugitif éclat dans ces jours si prompts à s’enfuir ! Comme le flambeau du jour, presque éclipsé, éteignait peu à peu ses vacillantes lueurs !

Aujourd’hui, que le ciel s’épanouisse dans sa joie ; que la terre, en son allégresse, tressaille : voici que, pas à pas, le jour remonte à ses plus brillantes phases.

C’est toi, c’est ta naissance, enfant divin, que saluent les éléments inertes et aveugles ! C’est pour toi que le roc dompté fléchit, et couvre ses âpres flancs de verdure.

Déjà le miel coule à flots de la pierre ; déjà l’yeuse, de son tronc aride, distille les larmes odorantes de l’amôme ; déjà le baume naît sur les bruyères.

Qu’elle est sainte, ô roi de l’éternité, cette crèche qui te sert de berceau, que les peuples et les siècles vénèrent, que même les animaux muets entourent avec sollicitude !

Entendons maintenant les diverses Églises, de l’Orient, plus voisines à commencer par celles des lieux où le grand événement s’accomplit. Voici d’abord l’Église de Syrie, ayant pour chantre saint Éphrem, qui entonne son cantique :

Le fils étant né, la lumière a brillé ; les ténèbres du monde se sont évanouies, et l’univers a été illuminé ; qu’il rende gloire à l’enfant qui l’illumine.

Il est né du sein de la Vierge, et à sa vue les ombres se sont enfuies : les ténèbres de l’erreur étant dissipées par sa présence, tout l’univers a été dans la lumière : que l’univers le glorifie.

L’Église arménienne fait à son tour entendre sa voix ; elle chante, dans l’action même du saint sacrifice :

Une nouvelle fleur sort aujourd’hui de la tige de Jessé, et la fille de David enfante le Fils de Dieu.

La multitude des anges et de la milice céleste descendant des cieux, avec le roi fils unique, chantaient et disaient : C’est ici le Fils de Dieu. Disons tous : Cieux, tressaillez ; fondements de la terre, réjouissez-vous : car le Dieu éternel a apparu sur la terre, et a conversé avec les hommes, pour sauver nos âmes.

L’Église grecque, dans la pompe de son langage, s’écrie :

Venez, réjouissons-nous dans le Seigneur, célébrant le mystère de ce jour. Le mur de division a été renversé, le glaive de feu est détourné ; le chérubin ne défend plus l’approche de l’arbre de vie. Et moi je deviens participant des délices du paradis, d’où, par désobéissance, j’avais été chassé. L’image immuable du Père, le type de son éternité, prend la forme d’un esclave, naissant d’une Vierge-Mère, sans souffrir nul changement ; car il est demeuré ce qu’il était : Dieu véritable ; il a pris ce qu’il n’était pas, devenu homme par amour pour les hommes. Crions vers lui : Ô toi qui es né de la Vierge ! aie pitié de nous.

La sainte Église romaine, par la bouche de saint Léon, dans son sacramentaire, célèbre ainsi le mystère de la lumière divine :

C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces, ô Dieu éternel ! Car aujourd’hui, la lumière véritable, la lumière de notre Sauveur s’est levée et a manifesté toutes choses à notre intelligence et à notre vue ; et non seulement elle dirigera par sa splendeur nos pas dans la vie présente ; mais elle doit nous amener jusqu’à contempler la gloire même de votre immense majesté.

La même sainte Église romaine, dans le sacramentaire de saint Gélase, fait cette demande au Père céleste qui nous a envoyé son Fils :

Dieu tout-puissant et éternel, qui avez consacré ce jour par l’incarnation de votre Verbe, et par l’enfantement de la bienheureuse Vierge, accordez à vos peuples, dans cette joyeuse solennité, de devenir vos enfants par l’adoption, comme ils sont rachetés par votre grâce.

Par l’organe de saint Grégoire le Grand, dans son sacramentaire, la même sainte Église romaine implore la lumière du Christ pour ses enfants :

Faites, Dieu tout-puissant, que le Sauveur que vous nous envoyez en ce jour où les cieux renouvellent leur lumière, et qui descend en cette solennité pour le salut du monde, se lève à jamais en nos cœurs pour les régénérer.

L’Église de Milan, dans sa liturgie ambrosienne chante aussi la lumière nouvelle et les joies de la Vierge-Mère :

Le Seigneur, par sa venue a dissipé toutes les ombres de la nuit ; là où la lumière n’était pas, la splendeur s’est répandue, et le jour a paru.

Réjouissez-vous et tressaillez, ô vous, la joie des anges ! réjouissez-vous, Vierge du Seigneur, allégresse des prophètes. Réjouissez-vous, ô vous qui, à la parole de l’ange, avez reçu en vous celui qui est la joie du monde ! Réjouissez-vous, ô vous qui avez enfanté votre créateur et votre maître ! Réjouissez-vous d’avoir été trouvée digne d’être la mère du Christ.

L’ancienne Église des Gaules épanche son allégresse dans ces joyeuses antiennes, que l’Église romaine lui emprunta pendant plusieurs siècles :

Aujourd’hui la Vierge immaculée nous a donné un Dieu, sous les membres délicats d’un enfant ; elle a eu l’honneur de l’allaiter. Adorons tous le Christ qui vient nous sauver.

Réjouissons-nous tous, ô fidèles ! notre Sauveur est né en ce monde. Aujourd’hui a paru le rejeton de la majesté sublime, et la pudeur de la mère est demeurée intacte.

Ô dame du monde, fille de race royale, le Christ est sorti de votre sein, comme l’époux de la chambre nuptiale ; il est étendu dans la crèche, celui qui régit les astres.

L’Église gothique d’Espagne, dans son bréviaire mozarabe, salue, avec toutes les autres Églises, le lever du divin soleil :

Aujourd’hui, la lumière du monde s’est levée ; aujourd’hui, le salut de la terre a brillé ; aujourd’hui, le Sauveur d’Israël est descendu des hauteurs du ciel pour délivrer tous les captifs que l’antique ennemi, le ravisseur, avait enchaînés par le péché du premier homme, et pour rendre, par sa grâce, la lumière aux intelligences aveugles et l’ouïe aux sourds. En réjouissance du bienfait opéré par ce grand mystère, les montagnes et les collines bondissent, et les éléments du monde, avec une joie ineffable, exécutent en ce jour une mélodie sublime. Nous aussi, d’une humble prière, nous implorons la clémence du miséricordieux rédempteur ; enveloppés des ténèbres de nos péchés, nous le prions de nous purifier par cette acclamation de nos cœurs, afin que, sa présence se manifestant dans nos âmes, l’éclat de sa gloire s’accroisse de plus en plus en nous, avec la félicité qu’elle apporte, et que les joies du salut deviennent pour nous pleines de douceur, à jamais.

Terminons notre excursion pieuse dans les antiques liturgies, par cette antienne de l’Église d’Irlande, au septième siècle, que nous empruntons à l’antiphonaire de Benchor, publié par Muratori. Elle célèbre aussi le triomphe de la lumière du soleil, image du Christ naissant.

C’est aujourd’hui que la nuit commence à perdre son empire ; le jour croit, les ténèbres sont diminuées, la splendeur augmente, et les pertes que fait la nuit profitent au développement de la lumière.

Il en est temps, chrétiens ; montons à la maison de Dieu, et préparons-nous à célébrer le troisième sacrifice. L’Église y prélude par le chant de l’office de tierce.

La messe du jour

Le mystère que l’Église honore, en cette troisième messe, est la naissance éternelle du Fils de Dieu au sein de son Père. Elle a célébré, à minuit, le Dieu-Homme naissant du sein de la Vierge dans l’étable ; à l’aurore, le divin enfant prenant naissance dans le cœur des bergers ; en ce moment, il lui reste à contempler une naissance bien plus merveilleuse que les deux autres, une naissance dont la lumière éblouit les regards des anges, et qui est elle-même l’éternel témoignage de la sublime fécondité de notre Dieu. Le Fils de Marie est aussi le Fils de Dieu ; notre devoir est de proclamer aujourd’hui la gloire de cette ineffable génération qui le produit consubstantiel à son Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière. Élevons donc nos regards jusqu’à ce Verbe éternel qui était au commencement avec Dieu, et sans lequel Dieu n’a jamais été ; car il est la forme de sa substance et la splendeur de son éternelle vérité.

La sainte Église ouvre les chants du troisième sacrifice par l’acclamation au roi nouveau-né. Elle célèbre la puissante principauté qu’il possède, en tant que Dieu, avant tous les temps, et qu’il recevra, comme homme, par le moyen de la croix qui un jour doit charger ses épaules. Il est l’ange du grand conseil, c’est-à-dire l’envoyé du ciel pour accomplir le sublime dessein conçu par la glorieuse trinité, de sauver l’homme par l’incarnation et la rédemption. Dans cet auguste conseil, le Verbe a eu sa divine part ; et son dévouement à la gloire de son Père, joint à son amour pour les hommes, lui en fait prendre sur lui l’accomplissement.

Introït

Un enfant nous est né et un Fils nous a été donné ; il porte sur son épaule le signe de sa principauté, et il sera appelé l’ange du grand conseil.

Ps. Chantez au Seigneur un cantique nouveau, car il a opéré des merveilles. Gloire au Père. Un enfant.

L’Église demande, dans la collecte, que la nouvelle naissance que le Fils éternel de Dieu a daigné prendre dans le temps, ne soit pas privée de son effet, mais qu’elle obtienne notre délivrance.

Collecte

Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que la nouvelle naissance de votre Fils unique nous délivre, nous qu’une antique servitude retient sous le joug du péché. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

Épître
Lecture de l’épître du bienheureux apôtre Paul aux Hébreux. Ch. I.

Dieu ayant parlé autrefois à nos pères, en diverses occasions et en diverses manières, par les prophètes, nous a parlé, en ces derniers temps, par son Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, et par lequel il a fait les siècles. Ce Fils étant la splendeur de sa gloire et la forme de sa substance, soutenant toutes choses par la puissance de sa parole, et nous ayant purifiés de nos péchés, est assis au plus haut des cieux, à la droite de la souveraine majesté, étant aussi élevé au-dessus des anges, que le nom qu’il a reçu est plus excellent que le leur. En effet, à quel ange Dieu a-t-il jamais dit : Vous êtes mon Fils ; je vous ai engendré aujourd’hui ? Et ailleurs : Je serai son Père, et il sera mon Fils. Et lorsqu’il envoie de nouveau son premier-né sur la terre, il dit : Que tous les anges de Dieu l’adorent. Pour ce qui est des anges, l’Écriture dit : Dieu se sert des esprits pour en faire ses ambassadeurs, et des flammes ardentes pour en faire ses ministres. Mais Dieu dit à son Fils : Votre trône, ô Dieu, demeure dans les siècles des siècles : le sceptre de l’équité est le sceptre de votre empire. Vous aimez la justice et vous haïssez l’iniquité ; c’est pour cela, ô Dieu, que votre Dieu vous a sacré d’une onction de joie, au-dessus de tous ceux qui participeront à votre gloire. Et ailleurs il est dit : Seigneur, vous avez créé la terre dès le commencement, et les cieux sont l’ouvrage de vos mains. Ils périront, mais vous demeurerez ; ils vieilliront comme un vêtement, et vous les changerez comme un manteau, et ils seront changés ; mais vous, vous êtes toujours le même, et vos années ne finiront jamais.

Le grand apôtre, dans ce magnifique début de son épître à ses anciens frères de la Synagogue, relève l’éternelle naissance de l’Emmanuel. Pendant que nos yeux sont tendrement fixés sur le doux enfant de la crèche, il nous invite à les élever jusqu’à la suprême lumière, au sein de laquelle le même Verbe qui daigne habiter l’étable de Bethlehem, entend le Père éternel lui dire : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui ; et cet aujourd’hui est le jour de l’éternité, jour sans soir ni matin, sans lever ni couchant. Si la nature humaine qu’il daigne prendre dans le temps le place au-dessous des anges, son élévation au-dessus d’eux est infinie par le titre et la qualité de Fils de Dieu qui lui appartiennent par essence. Il est Dieu, il est le Seigneur, et les changements ne l’atteignent pas. Enveloppé de langes, attaché à la croix, mourant dans les angoisses, selon son humanité, il reste impassible et immortel dans sa divinité ; car il a une naissance éternelle.

Graduel

Toute l’étendue de la terre a vu le Sauveur que notre Dieu a envoyé : toute la terre, louez Dieu avec transport.

V/. Le Seigneur a manifesté le Sauveur qu’il avait promis ; il a révélé sa justice aux yeux des nations. Alleluia, alleluia. V/. Un jour de sainteté a lui sur nous ; venez, nations, et adorez le Seigneur, car aujourd’hui une grande lumière est descendue sur la terre. Alleluia.

Évangile
Le commencement du saint évangile selon saint Jean. Chap. I.

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était dès le principe en Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui. Ce qui a été fait était vie en lui, et la vie était la lumière des hommes ; et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise. Il y eut un homme envoyé de Dieu, qui s’appelait Jean. Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à celui qui était la lumière. Celui-ci était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a point connu. Il est venu chez soi, et les siens ne l’ont point reçu. Mais il a donné à tous ceux qui l’ont reçu le pouvoir d’être faits enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu même. Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, sa gloire comme du Fils unique du Père, étant plein de grâce et de vérité.

Fils éternel de Dieu ! en présence de la crèche où vous daignez vous manifester aujourd’hui pour notre amour, nous confessons, dans les plus humbles adorations, votre éternité, votre toute-puissance, votre divinité. Dans le principe, vous étiez ; et vous étiez en Dieu, et vous étiez Dieu. Tout a été fait par vous, et nous sommes l’ouvrage de vos mains. Ô lumière infinie ! ô Soleil de justice ! nous ne sommes que ténèbres ; éclairez-nous. Trop longtemps nous avons aimé ces ténèbres, et nous ne vous avons point compris ; pardonnez-nous notre erreur. Trop longtemps vous avez frappé à la porte de notre cœur, et nous ne vous avons pas ouvert. Aujourd’hui du moins, grâce aux admirables inventions de votre amour, nous vous avons reçu ; car, qui ne vous recevrait, enfant divin, si doux, si plein de tendresse ? Mais, demeurez avec nous ; consommez cette nouvelle naissance que vous avez prise en nous. Nous ne voulons plus être ni du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu, par vous et en vous. Vous vous êtes fait chair, ô Verbe éternel ! afin que nous fussions nous-mêmes divinisés. Soutenez notre faible nature qui défaille en présence d’une si haute destinée. Vous naissez du Père, vous naissez de Marie, vous naissez dans nos cœurs : trois fois gloire à vous pour cette triple naissance, ô Fils de Dieu si miséricordieux dans votre divinité, si divin dans vos abaissements !

À l’offrande, la sainte Église rappelle à l’Emmanuel que l’univers est son ouvrage ; car il a créé toutes choses. Les dons sont offerts, au milieu des nuages de l’encens. La pensée de l’enfant de la crèche domine toujours les sentiments de l’Église ; mais ses cantiques insistent sur la puissance et la grandeur du Dieu incarné.

Offertoire

Les cieux et la terre sont à vous : vous avez établi l’univers et tout ce qu’il renferme ; la justice et l’équité sont les bases de votre trône.

Secrète

Sanctifiez, Seigneur, cette offrande nouvelle par la nativité de votre Fils unique, et purifiez-nous des taches de nos péchés. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

Pendant la communion, le chœur chante le bonheur de la terre qui a vu aujourd’hui son Sauveur, par la miséricorde du Verbe, devenu visible dans la chair, sans perdre rien de l’éclat de sa gloire. L’Église ensuite, par la bouche du prêtre, implore pour ses enfants, nourris de la chair de l’agneau virginal, la participation à l’immortalité du Christ, qui a daigné leur donner aujourd’hui les prémices d’une vie toute divine, en prenant lui-même une naissance humaine dans Bethléhem.

Communion

Toutes les contrées de la terre ont vu le Sauveur que notre Dieu a envoyé.

Postcommunion

Faites, s’il vous plait, Dieu tout-puissant, que le Sauveur du monde, qui, en naissant aujourd’hui, nous donne une naissance divine, nous accorde aussi l’immortalité ; lui qui, étant Dieu, vit et règne.

Les secondes vêpres de Noël

La louange du soir appelle les fidèles à la maison de Dieu, pour terminer saintement cette mémorable journée. Le soleil matériel avance sa course à grands pas ; mais le soleil de justice ne s’éteindra pas dans les cœurs qui l’ont reçu. Allons nous joindre à la sainte Église et célébrer avec elle, par les chants du Roi-Prophète, le bonheur de la terre qui a enfanté son Sauveur, les grandeurs de ce nouveau-né, et les miséricordes qu’il nous apporte. Ne laissons pas refroidir nos cœurs ; le Christ est né en nous : que notre bouche le chante avec transport ; que nos vœux si admirablement formulés par la sainte Église, dans la divine liturgie, montent vers lui purs et sincères.

V/. Ô Dieu ! venez à monde ! R/. Hâtez-vous, Seigneur, de me secourir. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; Comme il était au commencement, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. Alleluia.

Le premier psaume des secondes vêpres de Noël est celui qui ouvre l’office du soir, le dimanche et dans toutes les solennités. Il célèbre la génération éternelle du Verbe, et prophétise ses souffrances et son triomphe.

Ant. La principauté éclatera en vous au jour de votre force, au milieu des splendeurs des saints ; car le Père vous a dit : Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore.

Psaume 109

Celui qui est le Seigneur a dit à son Fils, mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, et régnez avec moi ;

Jusqu’à ce que, au jour de votre dernier avènement, je fasse de vos ennemis l’escabeau de vos pieds.

Ô Christ ! le Seigneur votre Père fera sortir de Sion le sceptre de votre force : c’est de là que vous partirez pour dominer au milieu de vos ennemis.

La principauté éclatera en vous, au jour de votre force, au milieu des splendeurs des saints ; car le Père vous a dit : Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore.

Le Seigneur l’a juré, et sa parole est sans repentir ; il a dit en vous parlant : Dieu-Homme, vous êtes prêtre à jamais, selon l’ordre de Melchisédech.

Ô Père ! le Seigneur votre Fils est donc à votre droite : c’est lui qui, au jour de sa colère, viendra juger les rois.

Il jugera aussi les nations ; il consommera la ruine du monde, et brisera contre terre la tête de plusieurs.

Maintenant il vient dans l’humilité ; il s’abaisse pour boire l’eau du torrent des afflictions ; mais c’est pour cela même qu’un jour il élèvera la tête.

Ant. La principauté éclatera en vous, au jour de votre force, au milieu des splendeurs des saints ; car le Père vous a dit : Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore.

Le second psaume chante l’alliance que Dieu vient de contracter avec son peuple, la rédemption qu’il lui envoie aujourd’hui. Le genre humain languissait dans sa misère ; le Dieu de miséricorde, fidèle à ses promesses, lui donne, en Bethléhem, celui qui est le pain de vie, la nourriture céleste qui préserve de la mort.

Ant. Il a envoyé à son peuple un rédempteur : il a rendu son alliance éternelle.

Psaume 110

Je vous louerai, Seigneur, de toute la plénitude de mon cœur, dans l’assemblée des justes.

Grandes sont les œuvres du Seigneur ; elles ont été concertées dans les desseins de sa sagesse.

Elles sont dignes de louanges et magnifiques ; et la justice de Dieu demeure dans les siècles des siècles.

Le Seigneur, clément et miséricordieux, nous a laissé un mémorial de ses merveilles ; il est le pain de vie, et il a donné une nourriture à ceux qui le craignent.

Il se souviendra à jamais de son alliance avec les hommes : le moment est venu où il fera éclater aux yeux de son peuple la vertu de ses œuvres.

Il donnera à son Église l’héritage des nations : tout ce qu’il fait est justice et vérité.

Ses préceptes sont immuables, et garantis par la succession des siècles ; ils sont fondés sur la vérité et la justice.

Il a envoyé à son peuple un rédempteur ; il rend par là son alliance éternelle.

Son nom est saint et terrible ; le commencement de la sagesse est de craindre le Seigneur.

La lumière et l’intelligence sont pour celui qui agit selon cette crainte : gloire et louange à Dieu dans les siècles des siècles.

Ant. Il a envoyé à son peuple un rédempteur : il a rendu son alliance éternelle.

Le troisième psaume chante la félicité du juste jour de la naissance du messie. Au sein des ténèbres, la lumière de l’Emmanuel s’est levée tout à coup ; cette lumière si douce et si radieuse, c’est le Seigneur de miséricorde. Elle illumine les cœurs droits ; malheur au pécheur qui la méprise !

Ant. Au sein des ténèbres, une lumière s’est levée sur ceux dont le cœur est droit : c’est le Seigneur, le Dieu miséricordieux, clément et juste.

Psaume 111

Heureux l’homme qui craint le Seigneur, et qui met tout son zèle à lui obéir.

Sa postérité sera puissante sur la terre ; la race du juste sera en bénédiction.

La gloire et la richesse sont dans sa maison, et sa justice demeure dans les siècles des siècles.

Au sein des ténèbres, une lumière s’est levée sur ceux dont le cœur est droit : c’est le Seigneur, le Dieu miséricordieux, clément et juste, qui vient de naître parmi les hommes.

Heureux aujourd’hui l’homme qui a fait miséricorde, qui a prêté au pauvre, qui a réglé jusqu’à ses paroles avec justice ; car il ne sera point ébranlé.

La mémoire du juste sera éternelle : s’il entend une nouvelle fâcheuse, elle ne lui donnera point à craindre.

Son cœur est toujours prêt à espérer au Seigneur ; son cœur est en assurance ; il ne sera point ému, et méprisera la rage de ses ennemis.

Il a répandu l’aumône avec profusion sur le pauvre : sa justice demeurera à jamais ; sa force sera élevée en gloire.

Le pécheur le verra, et il entrera en fureur ; il grincera des dents et séchera de colère ; mais les désirs du pécheur périront.

Ant. Au sein des ténèbres, une lumière s’est levée sur ceux dont le cœur est droit : c’est le Seigneur, le Dieu miséricordieux, clément et juste.

Le quatrième psaume exprime le cri de détresse que le genre humain, du fond de l’abîme de la dégradation, envoyait à son libérateur. Mais ce cri était aussi un cri d’espérance ; car la parole de Dieu était engagée. Enfin, le Seigneur, dont la miséricorde est infinie, a daigné descendre, et notre rédemption commence aujourd’hui.

Ant. Dans le Seigneur est la miséricorde, et un prix abondant pour notre rédemption.

Psaume 129

Des profondeurs de l’abîme, moi, votre peuple, j’ai crié vers vous, Seigneur ; Seigneur, écoutez ma voix.

Que vos oreilles soient attentives au cri de ma prière.

Seigneur, si vous considérez mes iniquités ; Seigneur, qui soutiendra votre jugement ?

Mais la miséricorde est en vous ; c’est pourquoi, à cause de votre parole, je vous ai attendu, Seigneur, durant de longs siècles.

Mon âme s’est soutenue par vos oracles ; mon âme a espéré dans le Seigneur.

Depuis la veille du matin jusqu’à la nuit, Israël espérera dans le Seigneur.

Car dans le Seigneur est la miséricorde, et un prix abondant pour notre rédemption.

Il a daigné naître aujourd’hui, et il rachètera Israël de toutes ses iniquités.

Ant. Dans le Seigneur est la miséricorde, et un prix abondant pour notre rédemption.

Le cinquième psaume chante l’arche du Seigneur qui s’est reposée en Éphrata. Marie est l’arche véritable dont l’autre n’était que la figure ; en elle le Seigneur a fait sa demeure ; elle a été le trône de sa majesté. Qu’il se lève donc, le Seigneur, et qu’il prenne possession de son Église qui commence aujourd’hui en Bethléhem ; qu’il se lève et qu’il nous régisse avec Marie, la reine de miséricorde. Désormais, il va habiter au milieu de nous ; il consolera toutes les douleurs, il rassasiera tous ceux qui ont faim d’un pain immortel ; il honorera le sacerdoce nouveau ; il brillera, comme un flambeau d’immuable vérité, dans son Église ; il triomphera de tous ses ennemis ; le diadème qui orne le front de cet enfant ne tombera jamais, et tous les autres pâliront devant lui.

Ant. Je placerai sur ton trône, ô David ! un fils qui naîtra de ta race.

Psaume 131

Seigneur, souvenez-vous de David, et de toute sa douceur.

Souvenez-vous du serment qu’il fit au Seigneur, et du vœu qu’il offrit au Dieu de Jacob :

« Je n’entrerai pas dans l’intérieur de mon palais ; je ne monterai pas sur le lit de mon repos ;

Je n’accorderai pas le sommeil à mes yeux, ni l’assoupis­se­ment à mes paupières,

Ni un appui à ma tête, jusqu’à ce que j’aie trouvé une demeure au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob. »

Voilà que nous avons entendu que son arche était dans Bethléhem d’Éphrata : nous sommes partis en toute hâte, et nous l’avons trouvée dans des campagnes couvertes de forêts.

Nous sommes entrés dans la demeure du Seigneur ; nous l’avons adoré dans l’humble lieu où s’étaient arrêtés ses pieds.

Levez-vous, Seigneur ; entrez dans votre repos, vous et Marie, qui est l’arche dans laquelle a daigné habiter votre sainteté.

Que vos prêtres se revêtent de la justice, et que vos saints tressaillent d’allégresse.

À cause de David, votre serviteur, Père céleste ! ne nous privez pas de la vue de ce Christ qui ne vient que pour nous.

Le Seigneur l’a juré à David dans sa vérité, et ce serment est irrévocable : « Je placerai sur ton trône un fils qui naîtra de ta race.

Si tes enfants gardent mon alliance et les préceptes que je leur enseignerai,

Je jure que leur postérité s’assiéra sur ton trône à jamais. »

Le Seigneur a fait choix de Sion, son Église ; il l’a choisie pour son habitation.

Il a dit : « C’est ici le lieu de mon repos, le lieu que j’habiterai ; car je l’ai choisi.

Je comblerai de bénédictions, par la naissance de mon Fils, celle dont le veuvage a duré tant de siècles ; dans Bethléhem je donnerai du pain en abondance à tous ses pauvres.

Je revêtirai ses prêtres du sacerdoce de mon Fils, leur Sauveur, et ses saints seront ravis d’allégresse.

C’est là, dans mon Église, que je signalerai la force de David ; c’est là que j’ai allumé le flambeau du Christ, mon Fils.

Je couvrirai de confusion ses ennemis ; et le diadème dont je l’ai sacré brillera à jamais sur sa tête. »

Ant. Je placerai sur ton trône, ô David ! un fils qui naîtra de ta race.

Capitule (Hébr. 1.)

Dieu ayant parlé autrefois à nos pères, en diverses occasions et en diverses manières, par les prophètes, nous a parlé en ces derniers temps par son Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, et par lequel il a fait les siècles.

Hymne

Jésus, rédempteur de tous les hommes, vous qu’avant la première aurore, en sa paternité suprême, le Père engendra semblable à sa gloire ;

Vous, lumière et splendeur du Père, vous, l’inépuisable espérance de tous, écoutez ces prières que répandent à cette heure vos serviteurs par le monde entier.

Souvenez-vous, créateur des êtres, qu’un jour, au sein béni de la Vierge, vous prîtes, par votre naissance, la forme de notre chair.

Ce jour même l’atteste, ce jour que ramène l’année dans son cours, où, sortant du sein du Père, vous vîntes à nous, unique salut du monde.

Les astres, la terre, la mer, tout ce que le ciel couronne, saluent par un nouveau cantique ce jour auteur d’un salut nouveau.

Et nous, lavés dans les heureux flots d’un sang divin, nous vous offrons, ô Christ, le tribut de cette hymne, à la gloire de votre jour natal.

Ô Jésus, qui êtes né de la Vierge, gloire à vous, avec le Père et l’Esprit divin dans les siècles éternels !

Amen.

V/. Le Seigneur a manifesté, alleluia. R/. Le Sauveur qu’il avait promis, alleluia.

Antienne de Magnificat.

Aujourd’hui le Christ est né, aujourd’hui le Sauveur a apparu ; aujourd’hui sur la terre chantent les anges, se réjouissent les archanges ; aujourd’hui les justes, dans les transports de leur joie, répètent : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, alleluia.

Magnificat, etc…

Prions

Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que la nouvelle naissance de votre Fils unique nous délivre, nous qu’une antique servitude retient sous le joug du péché. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

Mémoire de saint Étienne, premier martyr.

Ant. Plein de grâce et de force, Étienne faisait de grands prodiges au milieu du peuple. V/. Vous l’avez couronné d’honneur et de gloire, Seigneur ! R/. Et vous lui avez donné l’empire sur les ouvrages de vos mains.

Prions

Accordez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, d’imiter ce que nous honorons, afin que nous apprenions à aimer même nos ennemis ; puisque nous célébrons la fête de celui qui sut aussi implorer pour ses persécuteurs, Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit et règne, etc.

La fin de la journée de Noël

La grande journée a terminé son cours, et la nuit approche durant laquelle le sommeil achèvera de réparer les saintes fatigues que nous ont causées les veilles de la glorieuse nativité. Avant de prendre notre repos, envoyons un souvenir pieux aux saints martyrs dont l’Église a renouvelé la mémoire en ce jour dans le livre du martyrologe. Dioclétien et ses collègues dans l’empire venaient de publier le fameux édit de persécution qui déclarait à l’Église la plus sanglante guerre qu’elle ait jamais subie. L’édit affiché à Nicomédie, résidence de l’empereur, avait été déchiré par un chrétien qui paya cet acte d’une sainte audace par un glorieux martyre. Les fidèles prêts à la lutte osèrent braver la puissance impériale, en continuant de fréquenter leur église condamnée à la démolition. On était arrivé au jour de Noël. Ils s’assemblèrent au nombre de plusieurs milliers dans le saint temple, afin d’y célébrer une dernière fois la naissance du rédempteur. À cette nouvelle, Dioclétien envoya un de ses officiers avec ordre de fermer les portes de l’église, et d’allumer aux quatre angles de l’édifice le feu qui devait le consumer. Ces mesures ayant été prises, les sons de la trompette se firent entendre par les fenêtres de la basilique, et les fidèles ouïrent la voix d’un crieur qui leur disait de la part de l’empereur que ceux d’entre eux qui voudraient avoir la vie sauve pouvaient encore sortir, à la condition d’offrir de l’encens sur un autel de Jupiter que l’on avait dressé près de la porte de l’église ; qu’autrement ils allaient être tous la proie des flammes. Un chrétien répondit au nom de la pieuse assemblée : « Nous sommes tous chrétiens ; nous honorons le Christ, comme le seul Dieu et le seul roi ; et nous sommes prêts à lui sacrifier notre vie en ce jour. » Sur cette réponse, les soldats reçurent ordre d’allumer les feux ; et dans un instant l’église ne fut plus qu’un immense bûcher, dont les flammes montaient vers le ciel, envoyant en holocauste au Fils de Dieu, qui daigna en ce jour commencer une vie humaine, l’offrande généreuse de ces milliers de vies qui rendaient témoignage à sa venue en ce monde. Ainsi fut glorifié, en l’année 3o3, à Nicomédie, l’Emmanuel descendu des cieux pour habiter parmi les hommes. Unissons, avec la sainte Église, l’hommage de nos vœux à celui de ces courageux chrétiens dont la mémoire se conservera, par la sainte liturgie, jusqu’à la fin des siècles.

Ramenons encore une fois nos pensées et nos cœurs dans l’heureuse étable où Marie et Joseph forment l’auguste compagnie de l’enfant divin. Adorons encore ce nouveau-né, et demandons-lui sa bénédiction. Saint Bonaventure exprime, avec une tendresse digne de son âme séraphique, dans ses Méditations sur la vie de Jésus-Christ, les sentiments du chrétien admis auprès du berceau de Jésus naissant : « Et toi aussi, dit-il, qui as tant différé, fléchis le genou, adore le Seigneur ton Dieu ; vénère la mère d’icelui et salue révéremment le saint vieillard Joseph ; ensuite, baise les pieds de l’enfant Jésus, gisant en sa couchette, et prie Notre-Dame de te le donner ou de te permettre de le prendre. Prends-le en tes bras, retiens-le et considère bien son aimable face ; baise-le révéremment, et délecte-toi confidemment en icelui. Tu peux faire cela ; parce que c’est vers les pécheurs qu’il est venu pour leur salut, et qu’il a humblement conversé avec eux, et que, finalement, il s’est abandonné à iceux pour nourriture. Partant, sa bénignité se laissera patiemment toucher, selon ton vouloir, et n’imputera pas cela à la présomption, ains à l’amour [5]. »

Nous placerons, à la fin de cette journée de Noël, deux chants joyeux inspirés à la piété du moyen âge par l’allégresse de cette solennité. Le premier est une séquence que l’on rencontre dans tous les missels romains-français ; elle a été longtemps attribuée à saint Bernard ; mais nous l’avons trouvée déjà sur un manuscrit du 11e siècle.

Séquence

Que le chœur des fidèles, dans son allégresse, tressaille de joie. Alleluia.

Le sein de la Vierge pure a produit le roi des rois : prodige admirable !

L’ange du conseil est né de la Vierge : le soleil de l’étoile.

Soleil sans couchant, étoile à jamais scintillante, radieuse à jamais.

L’étoile produit son rayon ; la Vierge enfante son Fils d’une même manière.

Ni l’étoile par le rayon, ni la Vierge par son Fils ne perd rien de son pur éclat.

Le haut cèdre du Liban vient ramper, avec l’hysope, dans notre humble vallée.

Le Verbe, Sagesse du Très-Haut, daigne se revêtir d’un corps ; il se fait chair.

Isaïe l’avait chanté, la Synagogue s’en souvient, et pourtant n’a point cessé d’être dans l’aveuglement.

Qu’elle en croie, sinon ses prophètes, au moins ceux de la gentilité ; les vers de la sybille ont annoncé le mystère :

« Peuple malheureux, hâte-toi : crois enfin les antiques oracles ; pourquoi serais-tu réprouvé, peuple infortuné ?

L’enfant qu’annonce la lettre prophétique, vois-le aujourd’hui : une Vierge l’a mis au monde. »

Amen.

La seconde pièce est une séquence en l’honneur de la très sainte Mère de Dieu. Elle appartient au 15e siècle. C’est une de ces nombreuses imitations de la séquence de Pâques, Victimae paschali, que l’on rencontre dans les missels romains-français des 15e et 16e siècles.

Séquence

À la Vierge Marie que les chrétiens entonnent un cantique.

Ève, malheureuse mère, nous perdit ; mais Marie nous a donné un Fils qui a racheté les pécheurs.

La mort et la vie se sont rencontrées dans une alliance merveilleuse : celui qui est Fils de Marie est un Dieu, il règne.

Dis-nous, ô Marie, vierge douce et clémente :

Comment es-tu devenue mère, étant la créature de celui qui naît de toi ?

—         L’ange en est le témoin envoyé des cieux vers moi.

—         De moi est né celui qui est mon espérance ; mais la Judée est demeurée incrédule.

—         Mieux vaut croire au seul Gabriel, l’ange de force, qu’à la perverse race des Juifs.

Oui, nous savons que le Christ est Fils de Marie en vérité ; vous, ô roi, né pour nous, soyez-nous miséricordieux.

Amen.

 

[1]     2 Petr. 1, 19.

[2]     1 Thess. 5 , 5.

[3]     In Natalem Domini, 5, § 4.

[4]     Ibid. § 3.

[5]     Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par saint Bonaventure. Traduction du R. P. Dom François Le Bannier.