2 février
Purification de la Très Sainte Vierge

Dom Guéranger ~ l’année liturgique
2 février, Purification de la Très Sainte Vierge

Enfin les quarante jours de la purification de Marie sont écoulés, et le moment est venu où elle doit monter au temple du Seigneur pour y présenter Jésus. Avant de suivre le fils et la mère dans ce voyage mystérieux à Jérusalem, arrêtons-nous encore un instant à Bethléhem, et pénétrons avec amour et docilité les mystères qui vont s’accomplir.

La loi du Seigneur ordonnait aux femmes d’Israël, après leur enfantement, de demeurer quarante jours sans approcher du Tabernacle ; après l’expiration de ce terme, elles devaient, pour être purifiées, offrir un sacrifice qui consistait en un agneau, pour être consumé en holocauste et auquel on devait joindre une tourterelle ou une colombe, destinées à être offertes selon le rite du sacrifice pour le péché. Que si la mère était trop pauvre pour fournir l’agneau, le Seigneur avait permis de le remplacer par une autre tourterelle, ou une autre colombe.

Un second commandement divin déclarait tous les premiers-nés propriété du Seigneur, et prescrivait la manière de les racheter. Le prix de ce rachat était de cinq sicles qui, au poids du sanctuaire, représentaient chacun vingt oboles.

Marie, fille d’Israël, avait enfanté ; Jésus était son premier-né. Le respect dû à un tel enfantement, à un tel premier-né, permettait-il l’accomplissement de la loi ?

Si Marie considérait les raisons qui avaient porté le Seigneur à obliger les mères à la purification, elle voyait clairement que cette loi n’avait point été faite pour elle. Quel rapport pouvait avoir avec les épouses des hommes, celle qui était le très pur sanctuaire de l’Esprit-Saint, vierge dans la conception de son Fils, vierge dans son ineffable enfantement ; toujours chaste, mais plus chaste encore après avoir porté dans son sein et mis au monde le Dieu de toute sainteté ? Si elle considérait la qualité sublime de son fils, cette majesté du créateur et du souverain seigneur de toutes choses, qui avait daigné prendre naissance en elle, comment aurait-elle pu penser qu’un tel fils était soumis à l’humiliation du rachat, comme un esclave qui ne s’appartient pas à lui-même ?

Cependant, l’Esprit qui résidait en Marie lui révèle qu’elle doit accomplir cette double loi. Malgré son auguste qualité de Mère de Dieu, il faut qu’elle se mêle à la foule des mères des hommes, qui se rendent de toutes parts au temple, pour y recouvrer, par un sacrifice, la pureté qu’elles ont perdue. En outre, ce Fils de Dieu et Fils de l’Homme doit être considéré en toutes choses comme un serviteur ; il faut qu’il soit racheté en cette humble qualité comme le dernier des enfants d’Israël. Marie adore profondément cette volonté suprême, et s’y soumet de toute la plénitude de son cœur.

Les conseils du Très-Haut avaient arrêté que le Fils de Dieu ne serait déclaré à son peuple que par degrés. Après trente années de vie cachée à Nazareth où, comme le dit l’évangéliste, il était réputé le fils de Joseph, un grand prophète devait l’annoncer mystérieusement aux Juifs accourus au Jourdain pour y recevoir le baptême de la pénitence. Bientôt ses propres œuvres, ses éclatants miracles, rendraient témoignage de lui. Après les ignominies de sa passion, il ressusciterait glorieux, confirmant ainsi la vérité de ses prophéties, l’efficacité de son sacrifice, enfin sa divinité. Jusque-là presque tous les hommes ignoreraient que la terre possédait son Sauveur et son Dieu. Les bergers de Bethléhem n’avaient point reçu l’ordre, comme plus tard les pêcheurs de Génésareth, d’aller porter la parole jusqu’aux extrémités du monde ; les mages, qui avaient paru tout à coup au milieu de Jérusalem, étaient retournés dans l’Orient, sans revoir cette ville qui s’était émue un instant de leur arrivée. Ces prodiges, d’une si sublime portée aux yeux de l’Église, depuis l’accomplissement de la mission de son divin roi, n’avaient trouvé d’écho et de mémoire fidèle que dans le cœur de quelques vrais Israélites qui attendaient le salut d’un messie humble et pauvre ; la naissance même de Jésus à Bethléhem devait demeurer ignorée du plus grand nombre des Juifs ; car les prophètes avaient prédit qu’il serait appelé Nazaréen.

Le même plan divin qui avait exigé que Marie fût l’épouse de Joseph, pour protéger, aux yeux du peuple, sa virginité féconde, demandait donc que cette très chaste mère vînt comme les autres femmes d’Israël offrir le sacrifice de purification, pour la naissance du fils qu’elle avait conçu par l’opération de l’Esprit-Saint, mais qui devait être présenté au temple comme le fils de Marie, épouse de Joseph. Ainsi, la souveraine Sagesse aime à montrer que ses pensées ne sont point nos pensées, à déconcerter nos faibles conceptions, en attendant le jour où elle déchire les voiles et se montre à découvert à nos yeux éblouis.

La volonté divine fut chère à Marie, en cette circonstance comme en toutes les autres. La Vierge ne pensa point agir contre l’honneur de son fils, ni contre le mérite glorieux de sa propre intégrité, en venant chercher une purification extérieure dont elle n’avait nul besoin. Elle fut, au temple, la servante du Seigneur, comme elle l’avait été dans la maison de Nazareth, lors de la visite de l’ange. Elle obéit à la loi, parce que les apparences la déclaraient sujette à la loi. Son Dieu et son Fils se soumettait au rachat comme le dernier des hommes ; il avait obéi à l’édit d’Auguste pour le dénombrement universel ; il devait « être obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix » : la mère et l’enfant s’humilièrent ensemble ; et l’orgueil de l’homme reçut en ce jour une des plus grandes leçons qui lui aient jamais été données.

Quel admirable voyage que celui de Marie et de Joseph allant de Bethléhem à Jérusalem ! L’enfant divin est dans les bras de sa mère ; elle le tient sur son cœur durant tout le cours de cette route fortunée. Le ciel, la terre, la nature tout entière, sont sanctifiés par la douce présence de leur miséricordieux créateur. Les hommes au milieu desquels passe cette mère chargée de son tendre fruit la considèrent, les uns avec indifférence, les autres avec intérêt ; mais nul d’entre eux ne pénètre encore le mystère qui doit les sauver tous.

Joseph est porteur de l’humble offrande que la mère doit présenter au prêtre. Leur pauvreté ne leur permet pas d’acheter un agneau ; et d’ailleurs n’est-il pas l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, ce céleste enfant que Marie tient dans ses bras ? La loi a désigné la tourterelle ou la colombe pour suppléer l’offrande qu’une mère indigente ne pourrait présenter : innocents oiseaux, dont le premier figure la chasteté et la fidélité, et dont le second est le symbole de la simplicité et de l’innocence. Joseph porte aussi les cinq sicles, prix du rachat du premier-né ; car il est vraiment le Premier-né, cet unique fils de Marie, qui a daigné faire de nous ses frères, et nous rendre participants de la nature divine, en adoptant la nôtre.

Enfin, cette sainte et sublime famille est entrée dans Jérusalem. Le nom de cette ville sacrée signifie vision de paix ; et le Sauveur vient par sa présence lui offrir la paix. Admirons une magnifique progression dans les noms des trois villes auxquelles se rattache la vie mortelle du Rédempteur. Il est conçu à Nazareth, qui signifie la fleur ; car il est, comme il le dit au Cantique, la fleur des champs et le lis des vallons ; et sa divine odeur nous réjouit. Il naît à Bethléhem, la maison du pain, afin d’être la nourriture de nos âmes. Il est offert en sacrifice sur la croix à Jérusalem, et par son sang, il rétablit la paix entre le ciel et la terre, la paix entre les hommes, la paix dans nos âmes. Dans cette journée, comme nous le verrons bientôt, il va donner les arrhes de cette paix.

Pendant que Marie portant son divin fardeau monte, arche vivante, les degrés du temple, soyons attentifs ; car une des plus fameuses prophéties s’accomplit, un des principaux caractères du Messie se déclare. Conçu d’une vierge, né en Bethléhem, ainsi qu’il était prédit, Jésus, en franchissant le seuil du temple, acquiert un nouveau titre à nos adorations.

Cet édifice n’est plus le célèbre temple de Salomon, qui devint la proie des flammes aux jours de la captivité de Juda. C’est le second temple bâti au retour de Babylone, et dont la splendeur n’a point atteint la magnificence de l’ancien. Avant la fin du siècle, il doit être renversé pour la seconde fois ; et la parole du Seigneur sera engagée à ce qu’il n’y demeure pas pierre sur pierre. Or, le prophète Aggée, pour consoler les Juifs revenus de l’exil, qui se lamentaient sur leur impuissance à élever au Seigneur une maison comparable à celle qu’avait édifiée Salomon, leur a dit ces paroles, et elles doivent servir à fixer l’époque de la venue du Messie : « Prends courage, Zorobabel, dit le Seigneur ; prends courage, Jésus, fils de Josedec, souverain prêtre ; prends courage, peuple de cette contrée ; car voici ce que dit le Seigneur : Encore un peu de temps et j’ébranlerai le ciel et la terre, et j’ébranlerai toutes les nations ; et le Désiré de toutes les nations viendra ; et je remplirai de gloire cette maison. La gloire de cette seconde maison sera plus grande que ne le fut celle de la première ; et dans ce lieu je donnerai la paix, dit le Seigneur des armées. »

L’heure est arrivée de l’accomplissement de cet oracle. L’Emmanuel est sorti de son repos de Bethléhem, il s’est produit au grand jour, il est venu prendre possession de sa maison terrestre ; et par sa seule présence dans l’enceinte du second temple, il en élève tout d’un coup la gloire au-dessus de la gloire dont avait paru environné celui de Salomon. Il doit le visiter plusieurs fois encore ; mais cette entrée qu’il y fait aujourd’hui, porté sur les bras de sa mère, suffit à accomplir la prophétie ; dès maintenant, les ombres et les figures que renfermait ce temple commencent à s’évanouir aux rayons du Soleil de la vérité et de la justice. Le sang des victimes teindra encore, quelques années, les cornes de l’autel ; mais au milieu de toutes ces victimes égorgées, hosties impuissantes, s’avance déjà l’enfant qui porte dans ses veines le sang de la rédemption du monde. Parmi ce concours de sacrificateurs, au sein de cette foule d’enfants d’Israël qui se presse dans les diverses enceintes du temple, plusieurs attendent le Libérateur, et savent que l’heure de sa manifestation approche ; mais aucun d’eux ne sait encore qu’en ce moment même le Messie attendu vient d’entrer dans la maison de Dieu.

Cependant un si grand événement ne devait pas s’accomplir sans que l’Éternel opérât une nouvelle merveille. Les bergers avaient été appelés par l’ange, l’étoile avait attiré les mages d’Orient en Bethléhem ; l’Esprit-Saint suscite lui-même à l’enfant divin un témoignage nouveau et inattendu.

Un vieillard vivait à Jérusalem, et sa vie touchait au dernier terme ; mais cet homme de désirs, nommé Siméon, n’avait point laissé languir dans son cœur l’attente du Messie. Il sentait que les temps étaient accomplis ; et pour prix de son espérance, l’Esprit-Saint lui avait fait connaître que ses yeux ne se fermeraient pas avant qu’ils eussent vu la Lumière divine se lever sur le monde. Au moment où Marie et Joseph montaient les degrés du temple, portant vers l’autel l’enfant de la promesse, Siméon se sent poussé intérieurement par la force irrésistible de l’Esprit divin ; il sort de sa maison, il dirige vers la demeure sacrée ses pas chancelants, mais soutenus par l’ardeur de ses désirs. Sur le seuil de la maison de Dieu, parmi les mères qui s’y pressent chargées de leurs enfants, ses yeux inspirés ont bientôt reconnu la Vierge féconde prophétisée par Isaïe ; et son cœur vole vers l’enfant qu’elle tient dans ses bras.

Marie, instruite par le même Esprit, laisse approcher le vieillard ; elle dépose dans ses bras tremblants le cher objet de son amour, l’espoir du salut de la terre. Heureux Siméon, figure de l’ancien monde vieilli dans l’attente et près de succomber ! À peine a-t-il reçu le doux fruit de la vie, que sa jeunesse se renouvelle comme celle de l’aigle ; en lui s’accomplit la transformation qui doit se réaliser dans la race humaine. Sa bouche s’ouvre, sa voix retentit, il rend témoignage comme les bergers dans la région de Bethléhem, comme les mages au sein de l’Orient. « Ô Dieu ! dit-il, mes yeux ont donc vu le Sauveur que vous prépariez ! Elle luit enfin, cette Lumière qui doit éclairer les Gentils, et faire la gloire de votre peuple d’Israël. »

Tout à coup survient, attirée aussi par le mouvement du divin Esprit, la pieuse Anne, fille de Phanuel, illustre par sa piété et vénérable à tout le peuple par son grand âge. Les deux vieillards, représentants de la société antique, unissent leurs voix, et célèbrent l’avènement fortuné de l’enfant qui vient renouveler la face de la terre, et la miséricorde de Jéhovah qui, selon la prophétie d’Aggée, dans ce lieu, au sein même du second temple, donne enfin la paix au monde.

C’est dans cette paix tant désirée que va s’endormir Siméon. Vous laisserez donc partir dans la paix votre serviteur, selon votre parole, Seigneur ! dit le vieillard ; et bientôt son âme, dégagée des liens du corps, va porter aux élus qui reposent dans le sein d’Abraham la nouvelle de la paix qui apparaît sur la terre, et leur ouvrira bientôt les cieux. Anne survivra quelques jours encore à cette grande scène ; elle doit, comme nous l’apprend l’évangéliste, annoncer l’accomplissement des promesses aux Juifs spirituels qui attendaient la rédemption d’Israël. Une semence devait être confiée à la terre ; les bergers, les mages, Siméon, Anne, l’ont jetée ; elle lèvera en son temps : et quand les années d’obscurité que le Messie doit passer dans Nazareth seront écoulées, quand il viendra pour la moisson, il dira à ses disciples : Voyez comme le froment blanchit à maturité sur les guérets : priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour la récolte.

Le fortuné vieillard rend donc aux bras de la très pure mère le fils qu’elle va offrir au Seigneur. Les oiseaux mystérieux sont présentés au prêtre qui les sacrifie sur l’autel, le prix du rachat est versé, l’obéissance parfaite est accomplie ; et après avoir rendu ses hommages au Seigneur dans cet asile sacré à l’ombre duquel s’écoulèrent ses premières années, Marie toujours Vierge, pressant sur son cœur le divin Emmanuel, et accompagnée de son fidèle époux, descend les degrés du temple.

Tel est le mystère du quarantième jour, qui ferme la série des jours du temps de Noël, par cette admirable fête de la Purification de la très sainte Vierge. De savants hommes, au nombre desquels on compte le docte Henschenius, dont Benoît XIV partage le sentiment, inclinent à donner une origine apostolique à cette solennité ; il est certain du moins qu’elle était déjà ancienne au cinquième siècle.

L’Église grecque et l’Église de Milan mettent cette fête au nombre des solennités de Notre-Seigneur ; mais l’Église romaine l’a toujours comptée entre les fêtes de la sainte Vierge. Sans doute, l’enfant Jésus est offert aujourd’hui dans le temple et racheté ; mais c’est à l’occasion de la Purification de Marie, dont cette offrande et ce rachat sont comme la conséquence. Les plus anciens martyrologes et calendriers de l’Occident donnent cette fête sous le titre qu’elle conserve aujourd’hui ; et la gloire du fils, loin d’être obscurcie par les honneurs que l’Église rend à la mère, en reçoit un nouvel accroissement, puisque lui seul est le principe de toutes les grandeurs que nous révérons en elle.

Les premières vêpres

La sainte Église chante dans cet office, pour la dernière fois, les célèbres antiennes de l’octave de Noël, qui célèbrent le grand mystère de l’incarnation du Verbe et la fécondité de la Vierge.

  1. Ant. Ô commerce admirable ! le créateur du genre humain, prenant un corps et une âme, a daigné naître de la vierge ; et homme sans le concours de l’homme, il nous a fait part de sa divinité.
  2. Ant. Quand vous naquîtes ineffablement d’une vierge, alors s’accomplirent les Écritures ; comme la rosée sur la toison, vous descendîtes pour sauver le genre humain : nous vous louons, ô notre Dieu !
  3. Ant. Le buisson enflammé, mais non consumé, qui apparut à Moïse, nous l’avons reconnu dans votre virginité admirablement conservée : Mère de Dieu, intercédez pour nous.
  4. Ant. La tige de Jessé a fleuri ; l’étoile est sortie de Jacob ; la Vierge a enfanté le Sauveur : nous vous louons, ô notre Dieu !
  5. Ant. Voici que Marie a enfanté le Sauveur, à la vue duquel Jean s’est écrié : Voici l’Agneau de Dieu ; voici celui qui ôte les péchés du monde, alleluia.

Le capitule est la prophétie de Malachie annonçant la venue du souverain Seigneur, de l’Ange de l’Alliance, qui vient visiter son temple, oracle qui s’accomplit aujourd’hui.

Capitule (Malach. 3)

Voici que j’envoie mon ange précurseur, et il préparera la voie devant ma face. Et aussitôt viendra à son saint temple le Dominateur que vous cherchez, et l’Ange de l’Alliance que vous désirez.

Hymne

Salut, astre des mers,
Mère de Dieu féconde,
Salut, ô toujours vierge,
Porte heureuse du ciel !

Vous qui de Gabriel
Avez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d’Èva.

Délivrez les captifs,
Éclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.

Montrez en vous la Mère,
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.

Ô Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes

Donnez vie innocente,
Et sûr pèlerinage,
Pour qu’un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.

Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.

Amen.

V/. Il avait été révélé à Siméon par le Saint-Esprit, R/. Qu’il ne mourrait point sans avoir vu le Christ du Seigneur.

Antienne de Magnificat

Ant. Le vieillard portait l’enfant ; mais l’enfant conduisait le vieillard ; vierge dans l’enfantement comme après l’enfantement, la Vierge a adoré celui qu’elle a mis au monde.

La bénédiction des cierges

Après l’office de tierce, l’Église pratique, en ce jour, la bénédiction solennelle des cierges, que l’on compte pour une des trois principales qui ont lieu dans le cours de l’année : les deux autres sont celle des Cendres et celle des Rameaux. L’intention de cette cérémonie se rapporte au jour même de la Purification de la sainte Vierge ; en sorte que si l’un des dimanches de Septuagésime, de Sexagésime, ou de Quinquagésime, tombe le deux février, la fête est remise au lendemain ; mais la bénédiction des cierges, et la procession qui en est le complément, demeurent fixes au deux février.

Afin de réunir sous un même rite les trois grandes bénédictions dont nous parlons, l’Église a ordonné, pour celle des cierges, l’usage de la même couleur violette qu’elle emploie dans la bénédiction des Cendres et dans celle des Rameaux ; en sorte que cette solennelle fonction, qui sert à marquer d’une manière inviolable le jour auquel s’est accomplie la purification de Marie, doit s’exécuter tous les ans, le deux février, sans qu’il soit dérogé à la couleur prescrite pour les trois dimanches dont nous venons de parler.

L’origine de cette cérémonie est assez difficile à assigner d’une manière précise. Selon Baronius, Thomassin, Baillet, etc., elle aurait été instituée, vers la fin du 5e siècle, par le pape saint Gélase, pour donner un sens chrétien aux restes de l’antique fête des Lupercales, dont le peuple de Rome avait encore retenu quelques usages superstitieux. Il est du moins certain que saint Gélase abolit, à cette époque, les derniers vestiges de la fête des Lupercales qui, comme l’on sait, était célébrée au mois de février, dans les siècles du paganisme. Innocent III, dans un de ses sermons sur la fête de la Purification, enseigne que l’attribution de la cérémonie des cierges au deux février est due à la sagesse des pontifes romains, lesquels auraient appliqué au culte de la sainte Vierge les restes d’un usage religieux des anciens Romains, qui allumaient des flambeaux en mémoire des torches à la lueur desquelles Cérès avait, selon la fable, parcouru les sommets de l’Etna, cherchant sa fille Proserpine enlevée par Pluton ; mais on ne trouve pas de fête en l’honneur de Cérès, au mois de février, sur le calendrier des anciens Romains. Il nous semble donc plus exact d’adopter le sentiment de D. Hugues Ménard, Rocca, Henschenius et Benoît XIV, qui tiennent que la fête antique connue en février sous le nom d’Amburbalia, et dans laquelle les païens parcouraient la ville en portant des flambeaux, a donné occasion aux souverains pontifes de lui substituer un rite chrétien qu’ils ont uni à la célébration de la fête dans laquelle le Christ, Lumière du monde, est présenté au temple par la Vierge-mère.

Le mystère de cette cérémonie a été fréquemment expliqué par les liturgistes depuis le 7e siècle. Selon saint Ives de Chartres, dans son deuxième sermon sur la fête d’aujourd’hui, la cire des cierges, formée du suc des fleurs par les abeilles, que l’antiquité a toujours considérées comme un type de la virginité, signifie la chair virginale du divin enfant, lequel n’a point altéré, dans sa conception ni dans sa naissance, l’intégrité de Marie. Dans la flamme du cierge, le saint évêque nous apprend à voir le symbole du Christ qui est venu illuminer nos ténèbres. Saint Anselme, dans ses Énarrations sur saint Luc, développant le même mystère, nous dit qu’il y a trois choses à considérer dans le cierge : la cire, la mèche et la flamme. La cire, dit-il, ouvrage de l’abeille virginale, est la chair du Christ ; la mèche, qui est intérieure, est l’âme ; la flamme, qui brille en la partie supérieure, est la divinité.

Autrefois, les fidèles s’empressaient d’apporter eux-mêmes des cierges à l’Église, le jour de la Purification, afin qu’ils fussent bénis avec ceux que les prêtres et les ministres portent à la procession ; cet usage est encore observé en beaucoup de lieux. Il est à désirer que les pasteurs des âmes recommandent fortement cette coutume, et qu’ils la rétablissent ou la soutiennent partout où il est besoin. Tant d’efforts que l’on a faits pour ruiner, ou du moins pour appauvrir le culte extérieur, ont amené insensiblement le plus triste affaiblissement du sentiment religieux, dont l’Église possède seule la source dans la liturgie. Il est nécessaire aussi que les fidèles sachent que les cierges bénis au jour de la Chandeleur, car tel est le nom populaire de la fête de la Purification, emprunté à la cérémonie même dont nous parlons ; que ces cierges, disons-nous, sont bénis, non seulement pour servir à la procession, mais encore pour l’usage des chrétiens qui, en les gardant avec respect dans leurs maisons, en les portant avec eux, tant sur la terre que sur les eaux, comme dit l’Église, attirent des bénédictions particulières du ciel. On doit allumer aussi ces cierges de la Chandeleur auprès du lit des mourants, comme un souvenir de l’immortalité que le Christ nous a méritée, et comme un signe de la protection de Marie.

Tout étant préparé, le prêtre commence la cérémonie de la Bénédiction des Cierges.

V/. Le Seigneur soit avec vous ; R/. Et avec votre esprit.

Prions

Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui avez créé toutes choses du néant, et avez ordonné que la cire confectionnée par les abeilles devînt propre à former les cierges, et qui, aujourd’hui, avez accordé la demande du juste Siméon : nous vous prions humblement de daigner bénir et sanctifier, par l’invocation de votre saint nom, et par l’intercession de la bienheureuse Marie toujours Vierge, dont nous célébrons dévotement la fête, et par les prières de tous vos saints, ces cierges, pour l’usage des hommes, et pour la santé des corps et des âmes, soit sur la terre, soit sur les eaux ; exaucez du ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre majesté, les voix de votre peuple ici présent, qui désire les porter honorablement dans ses mains, et vous louer par ses chants ; enfin soyez propice à tous ceux qui vous implorent, puisque vous les avez rachetés par le précieux sang de votre Fils qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, en l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

Prions

Dieu tout-puissant et éternel, qui avez voulu que votre Fils unique, présenté aujourd’hui dans votre temple, fût reçu sur les bras de saint Siméon : nous supplions votre clémence de bénir, de sanctifier, et d’allumer au feu de la céleste bénédiction, ces cierges que nous, vos serviteurs, désirons porter allumés, après les avoir reçus pour la gloire de votre saint nom ; afin que, les offrant à vous, notre Dieu et Seigneur, rendus dignes et enflammés du feu sacré de votre très douce charité, nous méritions d’être présentés dans le temple saint de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Prions

Seigneur Jésus-Christ, vraie lumière qui illuminez tout homme venant en ce monde, répandez votre bénédiction sur ces cierges, et sanctifiez-les de la lumière de votre grâce ; et de même que ces luminaires, allumés à un feu visible, chassent les ténèbres, daignez faire que nos cœurs, illuminés d’un feu invisible, c’est-à-dire de la splendeur du Saint-Esprit, soient délivrés de l’aveuglement de tous les vices, afin que l’œil de notre âme étant purifié, nous puissions voir les choses qui vous sont agréables et utiles à notre salut, et mériter, après les ombres et les dangers de ce siècle, d’arriver à la lumière qui ne s’éteint jamais : par vous, ô Jésus-Christ, Sauveur du monde, qui, dans la Trinité parfaite, vivez et régnez Dieu, dans tous les siècles des siècles. Amen.

Prions

Dieu tout-puissant et éternel, qui avez fait préparer par Moïse, votre serviteur, une très pure liqueur d’huile pour fournir au luminaire qui devait brûler continuellement devant votre majesté : daignez répandre la grâce de votre bénédiction sur ces cierges, afin que pendant qu’ils nous donneront la lumière extérieure, la lumière de votre Esprit soit octroyée par vous intérieurement à notre âme. Par notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous en l’unité du même Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

Prions

Seigneur Jésus-Christ, qui, apparaissant aujourd’hui au milieu des hommes, dans la substance de notre chair, avez été présenté au temple par vos parents ; vous, que le vénérable vieillard Siméon, tout rayonnant de la lumière de votre Esprit, a reconnu, a reçu et a béni : faites que nous aussi, illuminés et instruits par la lumière du même Saint-Esprit, nous vous reconnaissions avec vérité, et vous aimions avec fidélité : vous qui, étant Dieu, vivez et régnez avec Dieu le Père, en unité du même Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

Après ces oraisons, le célébrant asperge d’eau bénite et encense les cierges ; on procède ensuite à leur distribution. À ce moment, l’Église, émue à la vue des symboles glorieux qui lui rappellent les caractères de l’Emmanuel, s’unit aux transports du vieillard Siméon, qui, tenant en ses bras l’enfant de la Vierge, le proclama la Lumière des nations. Elle emprunte son beau cantique, répétant après chaque verset une antienne formée des dernières paroles dont il se compose.

Ant. Il sera la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

Cantique de Siméon

C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole.

Ant. Il sera la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

Parce que mes yeux ont vu votre Salut.

Ant. Il sera la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

Que vous avez destiné à être exposé aux regards de tous les peuples.

Ant. Il sera la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit.

Ant. Il sera la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

Comme il était au commencement, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Ant. Il sera la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

La bénédiction et la distribution des cierges se terminent par l’oraison suivante :

Prions

Daignez exaucer votre peuple Seigneur, et opérer intérieurement dans nos âmes, par la lumière de votre grâce, les mystères que vous accordez à notre piété de célébrer extérieurement, chaque année. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

La procession des cierges

Remplie d’allégresse, illuminée de ces feux mystérieux, entraînée, comme Siméon, par le mouvement de l’Esprit-Saint, la sainte Église se met en marche pour aller à la rencontre de l’Emmanuel. C’est cette rencontre sublime que l’Église grecque, dans sa liturgie, désigne sous le nom d’Hypapante, et dont elle a fait l’appellation de la fête d’aujourd’hui. L’Église veut imiter la merveilleuse procession qui eut lieu en ce moment même dans le temple de Jérusalem, et que saint Bernard célèbre ainsi, dans son premier sermon pour la fête de la Purification de Notre-Dame : « Aujourd’hui la Vierge-mère introduit le Seigneur du temple dans le temple du Seigneur ; Joseph présente au Seigneur, non un fils qui soit le sien, mais le Fils bien-aimé du Seigneur, dans lequel il a mis ses complaisances. Le juste reconnaît celui qu’il attendait ; la veuve-Anne l’exalte dans ses louanges. Ces quatre personnes ont célébré pour la première fois la procession d’aujourd’hui, qui, dans la suite, devait être solennisée dans l’allégresse de la terre entière, en tous lieux, et par toutes les nations. Ne nous étonnons pas que cette procession ait été si petite ; car celui qu’on y recevait s’était fait petit. Aucun pécheur n’y parut : tous étaient justes, saints et parfaits. »

Marchons néanmoins sur leurs traces. Allons au-devant de l’époux, comme les vierges sages, portant dans nos mains des lampes allumées au feu de la charité. Souvenons-nous du conseil que nous donne le Sauveur lui-même : « Que vos reins soient ceints comme ceux des voyageurs ; tenez dans vos mains des flambeaux allumés et soyez semblables à ceux qui attendent leur Seigneur [1]. » Conduits par la foi, éclairés par l’amour, nous le rencontrerons, nous le reconnaîtrons, et il se donnera à nous.

La sainte Église ouvre les chants de cette procession par l’antienne suivante, qui se trouve mot à mot dans la liturgie grecque, en cette même fête :

Ant. Décore ta chambre nuptiale, ô Sion ! et reçois le Christ Roi : accueille avec amour Marie, qui est la porte du ciel ; car elle tient dans ses bras le roi de gloire, celui qui est la lumière nouvelle. La vierge s’arrête, présentant son fils engendré avant l’aurore ; Siméon le reçoit dans ses bras, et annonce aux peuples qu’il est le maître de la vie et de la mort, et le Sauveur du monde.

On ajoute l’antienne suivante, tirée de l’évangile, et dans laquelle est racontée la mystérieuse rencontre du vieillard Siméon :

Ant. Siméon avait appris de l’Esprit-Saint qu’il ne mourrait pas sans voir le Christ du Seigneur ; et au moment où l’enfant était introduit dans le temple, il le prit dans ses bras, et bénissant Dieu, il dit : C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur. V/. Comme les parents de Jésus le présentaient, pour remplir à son égard la coutume de la loi, il le prit dans ses bras.

En rentrant dans l’Église, le chœur chante le répons suivant :

R/. Ils offrirent pour lui au Seigneur deux tourterelles, ou deux petits de colombes : * Selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur. V/. Les jours de la purification de Marie étant remplis, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur : * Selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur. Gloire au Père. * Selon qu’il est écrit.

La procession étant terminée, le célébrant et les ministres déposent les ornements violets, et en revêtent de blancs pour la messe solennelle de la Purification de Notre-Dame. Si cependant on était à l’un des trois dimanches de Septuagésime, de Sexagésime ou de Quinquagésime, la messe de la fête serait, comme nous l’avons dit, remise au lendemain.

À la messe

Dans l’introït, l’Église chante la gloire du temple visité aujourd’hui par l’Emmanuel. Aujourd’hui, le Seigneur est grand dans la cité de David, sur la montagne de Sion. Siméon, figure du genre humain, reçoit dans ses bras celui qui est la miséricorde que Dieu nous envoie.

Introït

Nous avons reçu, ô Dieu, votre miséricorde, au milieu de votre temple. Comme votre nom, ô Dieu ! ainsi votre gloire s’étend jusqu’aux extrémités de la terre : votre droite est pleine de justice. Ps. Le Seigneur est grand et digne de toute louange, en la cité de notre Dieu, sur sa montagne sainte. Gloire au Père. Nous avons reçu.

Dans la collecte, l’Église demande pour ses enfants la grâce d’être présentés eux-mêmes au Seigneur, comme l’a été l’Emmanuel ; mais, afin qu’ils soient reçus favorablement par sa majesté toute sainte, elle implore pour eux la pureté du cœur.

Collecte

Dieu tout-puissant et éternel, faites, nous vous en supplions humblement, que comme votre Fils unique a été présenté aujourd’hui dans le temple, avec la substance de notre chair, nous vous soyons aussi présentés avec la pureté de l’âme. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Épître
Lecture du prophète Malachie. Chap. 3

Le Seigneur Dieu dit : Voici que j’envoie mon ange ; et il préparera la voie devant ma face : et aussitôt viendra à son temple le Dominateur que vous cherchez, et l’Ange de l’Alliance que vous désirez. Voici qu’il vient, dit le Seigneur des armées : et qui pourra seulement penser au jour de son avènement ; ou qui pourra en soutenir la vue ? Car il sera comme le feu qui purifie les métaux, et comme l’herbe dont les foulons se servent. Il s’asseyera comme un homme qui fait fondre et qui épure l’argent, et il purifiera les enfants de Lévi, et il les rendra purs comme l’or et l’argent qui ont passé par le feu, et ils offriront des sacrifices au Seigneur dans la justice. Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme l’ont été ceux des siècles passés et des années anciennes. Ainsi parle le Seigneur tout-puissant.

Tous les mystères de l’Homme-Dieu ont pour objet la purification de nos cœurs. Il envoie son ange, son Précurseur, devant sa face, pour préparer la voie ; et Jean nous criait du fond du désert : Abaissez les collines, comblez les vallées. Il vient enfin lui-même, l’ange, l’envoyé par excellence, sceller l’alliance avec nous ; il vient à son temple ; et ce temple est notre cœur. Mais il est semblable à un feu ardent qui fond et épure les métaux. Il veut nous renouveler, en nous rendant purs, afin que nous devenions dignes de lui être offerts, et d’être offerts avec lui, dans un sacrifice parfait. Nous ne devons donc pas nous contenter d’admirer de si hautes merveilles, mais comprendre qu’elles ne nous sont montrées que pour opérer en nous la destruction de l’homme ancien, et la création de l’homme nouveau. Nous avons dû naître avec Jésus-Christ ; cette nouvelle naissance est déjà à son quarantième jour. Aujourd’hui il nous faut être présentés avec lui par Marie, qui est aussi notre Mère, à la majesté divine. L’instant du sacrifice approche ; préparons une dernière fois nos âmes.

Dans le graduel, l’Église célèbre de nouveau la miséricorde qui a apparu dans le temple de Jérusalem, et qui va bientôt se manifester avec plus de plénitude encore dans l’offrande du grand sacrifice.

Graduel

Nous avons reçu, ô Dieu ! votre miséricorde, au milieu de votre temple ; comme votre nom, ô Dieu ! ainsi votre gloire s’étend jusqu’aux extrémités de la terre. V/. Ce qui nous a été annoncé, nous l’avons vu dans la cité de notre Dieu, sur sa montagne sainte.

Alleluia, alleluia. V/. Le vieillard portait l’enfant ; mais l’enfant conduisait le vieillard. Alleluia.

Si l’on est déjà dans le temps de la Septuagésime, l’Église chante, en place de l’alleluia, le trait suivant composé tout entier des paroles du vieillard Siméon.

Trait

C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole ; V/. Parce que mes yeux ont vu votre salut, V/. Que vous avez destiné à être exposé aux regards de tous les peuples, V/. Pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël.

Évangile
La suite du saint Évangile selon saint Luc. Chap. 2

En ce temps-là, quand les jours de la purification de Marie, selon la loi de Moïse, furent accomplis, ils portèrent Jésus à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur ; et pour offrir en sacrifice, comme l’ordonne la loi du Seigneur, deux tourterelles, ou deux petits de colombes. Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon ; et cet homme juste et craignant Dieu attendait la consolation d’Israël ; et le Saint-Esprit était en lui. Et il lui avait été révélé par le Saint-Esprit qu’il ne verrait point la mort sans voir auparavant le Christ du Seigneur. Et par un mouvement de l’Esprit, il vint au temple. Et comme les parents de Jésus l’y apportaient, afin d’accomplir pour l’enfant ce qui était en usage selon la loi, Siméon le prit dans ses bras, et il bénit Dieu, et il dit : « C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole ; parce que mes yeux ont vu le Sauveur que vous avez destiné à être exposé aux regards de tous les peuples, pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d’Israël. »

L’esprit divin nous a conduits au temple comme Siméon ; et nous y contemplons en ce moment la Vierge-mère, présentant à l’autel le Fils de Dieu et le sien. Nous admirons cette fidélité à la loi dans le fils et dans la mère, et nous sentons au fond de nos cœurs le désir d’être présentés à notre tour au grand Dieu qui acceptera notre hommage, comme il a reçu celui de son Fils.

Hâtons-nous donc de mettre nos sentiments en rapport avec ceux du cœur de Jésus, avec ceux qui s’élèvent du cœur de Marie. Le salut du monde a fait un pas dans cette grande journée ; que l’œuvre de notre sanctification avance donc aussi. Désormais, le mystère du Dieu Enfant ne nous sera plus offert par l’Église comme l’objet spécial de notre religion ; la douce quarantaine de Noël touche à son terme ; il nous faut suivre maintenant l’Emmanuel dans ses luttes contre nos ennemis. Attachons-nous à ses pas ; courons à sa suite comme Siméon, et marchons sans relâche sur les traces de celui qui est notre lumière ; aimons cette lumière, et obtenons par notre fidélité empressée qu’elle luise toujours sur nous.

Pendant l’offrande, la sainte Église célèbre la grâce que le Seigneur a mise sur les lèvres de Marie, et les faveurs répandues sur celle que l’ange a appelée Bénie entre toutes les femmes.

Offertoire

La grâce est répandue sur vos lèvres ; c’est pourquoi Dieu vous a bénie pour l’éternité, et pour les siècles des siècles.

Secrète

Exaucez nos prières, Seigneur ; et afin que les dons que nous offrons soient dignes des regards de votre majesté, accordez-nous le secours de votre miséricorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

En distribuant le pain de vie, le fruit de Bethléhem qui a été présenté sur l’autel, et a racheté toutes nos iniquités, la sainte Église rappelle encore aux fidèles les sentiments du pieux vieillard. Mais, dans le mystère d’amour, nous ne recevons pas seulement entre nos bras, comme Siméon, celui qui est la consolation d’Israël ; c’est notre cœur même qu’il visite, et dans lequel il vient prendre son habitation.

Communion

Il avait été révélé à Siméon par le Saint-Esprit, qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur.

Demandons avec l’Église, dans la postcommunion, que le remède céleste de notre régénération ne produise pas seulement un secours passager dans nos âmes, mais que, par notre fidélité, ses fruits s’étendent jusqu’à la vie éternelle.

Postcommunion

Nous vous supplions, Seigneur notre Dieu, de faire que ces saints et sacrés mystères que vous nous avez donnés pour notre défense et notre régénération, nous soient, par l’intercession de la bienheureuse Marie toujours Vierge, un remède salutaire pour le présent et pour l’avenir. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Aux secondes vêpres

Les secondes vêpres de la solennité se composent des psaumes employés dans l’office de la Sainte Vierge ; et on les chante sur des antiennes tirées de l’évangile. Nous avons déjà exposé ailleurs l’intention de l’Église, en appliquant à Marie les cinq psaumes qui reparaissent dans toutes ses fêtes. L’hymne est la même qu’aux premières vêpres, l’Ave maris Stella, toujours chère à la piété des peuples, et douce au cœur de notre grande Reine. Nous chanterons le Magnificat, en union avec les sentiments dont elle était remplie, quand elle le chanta elle-même, par l’inspiration de l’Esprit-Saint.

  1. Ant Siméon, juste et craignant Dieu, attendait la rédemption d’Israël, et l’Esprit-Saint était en lui.
  2. Ant. Siméon avait connu par l’Esprit-Saint qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Seigneur.
  3. Ant. Siméon, prenant l’enfant dans ses bras, rendit grâces et bénit le Seigneur.
  4. Ant. Il sera la lumière pour éclairer les Gentils, et la gloire de votre peuple d’Israël.
  5. Ant. Ils offrirent pour lui au Seigneur deux tourterelles, ou deux petits de colombes.

Le capitule, l’hymne et le verset des premières vêpres.

Antienne de Magnificat

Aujourd’hui, la bienheureuse Vierge Marie a présenté l’enfant Jésus au temple, et Siméon, rempli de l’Esprit-Saint, l’a pris dans ses ras, et il a béni Dieu à jamais.

Oraison

Dieu tout-puissant et éternel, faites, nous vous en supplions humblement, que comme votre Fils unique a été présenté aujourd’hui dans le temple, avec la substance de notre chair, nous vous soyons aussi présentés avec la pureté de l’âme. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Autres liturgies

Réunissons maintenant la voix des diverses Églises, pour célébrer le mystère d’aujourd’hui. Nous emprunterons d’abord au bréviaire mozarabe les cinq oraisons suivantes, dans lesquelles l’Église gothique d’Espagne présente à Dieu les sentiments que lui inspire l’exemple du saint vieillard Siméon.

Oraisons

Dieu tout-puissant, Père et Seigneur, donnez la paix au peuple de vos croyants, afin que nous puissions voir votre Salut dans votre temple : ce Sauveur que le juste Siméon a reçu dans ses bras ; faites que celui qui a été la lumière pour éclairer les Gentils, se fasse sentir comme celui qui remet les péchés à ceux qui croient. Amen.

Vous êtes, Seigneur, le salut , et le salut est à vous ; nous nous réjouissons de nous le voir octroyer ; daignez nous le donner jusqu’à la fin ; répandez, s’il vous plaît, votre bénédiction sur votre peuple, afin que la malédiction de la peine disparaisse, et que la justice fructifie en nous abondamment. Amen.

Faites retentir en nous, Seigneur, l’heureuse voix du juste Siméon, nous donnant une piété semblable à la sienne, en sorte que nous aussi qui avons vu votre Salut, et qui avons cru en lui, nous allions en paix, quand vous l’ordonnerez ; que nous ne soyons point renvoyés par vous à la fin de notre vie ; mais plutôt que nous possédions, absous par vous de nos dettes, la paix éternelle à jamais. Amen.

Nous avons vu, Seigneur, votre gloire comme celle du Fils unique du Père, Fils unique en divinité, premier-né en grâces : au ciel Fils unique du Père, sur la terre le principal entre ses frères ; au ciel une même substance avec le Père, sur la terre le premier de ses frères ; au ciel égal en nature et habitant au sein du Père, sur la terre n’abandonnant point ceux auxquels il s’est fait semblable. Rendez donc participants de votre royaume ceux dont vous avez été la propitiation en ce monde ; et soyez, au siècle à venir, le rémunérateur de ceux vers lesquels vous êtes venu d’abord comme rédempteur. Amen.

Ô Dieu, qui, pour la purification des mères, avez commandé qu’on vous offrit deux tourterelles ou deux petits de colombes, préparez-nous pour être une hostie vivante, vous qui vous êtes fait notre hostie ; vous qui êtes venu accomplir la loi, et non la détruire, daignez développer en nous, dans toute sa richesse, la grâce de l’évangile. Amen.

L’antiquité liturgique a produit peu d’hymnes sur la Purification de la Sainte Vierge. Nous donnerons la suivante, qui ne manque pas de grandeur, et qui est de saint Paulin, patriarche d’Aquilée.

Hymne

Le quarantième jour de la jeune mère étant arrivé, selon la loi du Seigneur, Marie, cette vierge, présenta au temple, sur ses bras sacrés, le saint enfant Jésus, Fils unique de la majesté du Père.

L’heureuse mère portait sur ses chastes épaules un Dieu couvert du voile de la chair ; ses lèvres avaient imprimé de doux baisers sur le visage de ce Dieu, homme véritable, par l’ordre duquel tout fut créé.

Les parents portèrent deux blanches et tendres colombes, au plumage pur comme le lait ; ils offrirent pour lui au temple deux tourterelles ; elles furent consumées dans un sacrifice, comme le prescrivait la loi.

Un prêtre de Dieu, homme humble et doux, était dans la ville, un vieillard vénérable, l’heureux Siméon ; rempli de l’Esprit-Saint aux influences célestes, il arrive dans la sainte maison, poussé par un mouvement divin.

Car dès longtemps l’Esprit-Saint lui avait répondu que la puissance de la mort ne viendrait pas le séparer de son corps qu’il n’eût vu, de son vivant, le Christ du Seigneur, envoyé par le Père du haut des cieux.

Il prit donc l’enfant dans ses bras, il rendit grâces au Père céleste ; pressant sur sa poitrine ce nouveau-né, il bénit le Seigneur ; dans le transport de son amour, au milieu des douceurs dont son cœur était inondé, il s’exprima ainsi à haute voix :

« Laissez maintenant, Seigneur, aller en paix votre serviteur ; car j’ai pu voir de mes yeux le Sauveur que vous envoyez, celui que votre suprême bonté a préparé à la face de tous les peuples.

Il est la lumière qui brille aux yeux des nations, la gloire du peuple d’Israël ; il est placé pour être la pierre sur laquelle plusieurs se heurteront à leur ruine ; pour être le salut de ceux qui sont la fidèle race de Jacob, au jour où les secrets des cœurs se révéleront.

Mais un glaive, ô sainte Mère, transpercera ton âme. » Et Marie conservait dans son cœur de si hauts mystères, et, fidèle à croire les oracles célestes, elle repassait constamment ces paroles en elle-même.

Gloire au Père de Jésus, dans sa majesté souveraine ; gloire à toi, Fils unique du Père, Dieu, puissance, vertu, plus haut que les cieux ; au saint Paraclet louange infinie, honneur et empire à jamais ! Amen.

Les séquences pour la Purification sont aussi rares que les hymnes dans les anciens livres liturgiques. Celle qui suit est de la composition de Notker, et elle est tirée de l’ancien séquential de l’Abbaye de Saint-Gall.

Séquence

Ce peuple n’a qu’une voix pour te célébrer, ô Marie ! Tous ces cœurs pieux te vénèrent.

De l’illustre Abraham tu es la fille auguste, issue de la race royale de David.

Très sainte dans ton corps, très chaste dans ta vie, la plus belle de toutes, Vierge des vierges.

Mère et vierge glorieuse, réjouis-toi : docile à l’oracle de l’archange Gabriel, toujours intacte tu as enfanté un fils ;

Un fils dont le sang très sacré purifie la race perdue tout entière, comme Dieu l’a promis à Abraham.

C’est toi, ô Marie, que figure la verge d’Aaron desséchée, puis tout à coup ornée d’une belle fleur ; il est la fleur, ce fils que tu as enfanté contre les lois de la nature.

Tu es la porte toujours fermée que célèbre la voix d’Ézéchiel : tu n’es accessible qu’à Dieu seul, ô Marie !

Mais, aujourd’hui, voulant nous donner un exemple digne de la mère des vertus, tu t’es présentée pour l’expiation imposée aux mères que leur enfantement avait souillées.

Tu portas au temple, pour être purifié avec toi, le Dieu-Homme dont la naissance a ajouté à ta pureté, ô Mère immaculée !

Réjouis-toi, ô sainte Marie ! toi que celui qui sonde les reins et les cœurs a trouvée la seule demeure digne de lui.

Tressaille, ô Marie ! car il te sourit enfant, celui qui seul donne à tous les êtres de se réjouir et d’exister.

Donc, nous qui célébrons la fête du Christ, enfant pour nous, et de Marie sa tendre mère,

Si notre faiblesse ne nous permet pas d’atteindre à une si profonde humilité d’un Dieu, que du moins sa mère soit notre modèle.

Louange au Père de gloire, qui, révélant son Fils aux Gentils et à son peuple, daigne nous associer à Israël.

Louange à son Fils, qui, nous réconciliant au Père par son sang, nous associe aux habitants des cieux.

Louange aussi à l’Esprit-Saint à jamais.

Amen.

L’admirable prose que nous donnons ci-après est d’Adam de Saint-Victor. Elle était demeurée inédite jusqu’à la publication qu’en a faite M. Léon Gautier, dans sa précieuse édition des œuvres poétiques de notre grand lyrique. Cette séquence est cependant une des plus belles de son auteur, et l’un des plus gracieux hommages que le moyen âge ait offerts à la Vierge-Mère.

Séquence

Ornons le temple intérieur ; dans un cœur nouveau, renouvelons la joie nouvelle du saint vieillard, qui, prenant sur ses bras l’enfant divin, satisfait enfin les désirs qui le firent soupirer tant d’années.

Il est l’étendard qui ralliera les peuples, cet enfant dont la présence illumine le temple, inspire de si beaux cantiques, émeut les cœurs d’un si noble transport ; aujourd’hui c’est un enfant que l’on présente ; plus tard, sur la croix, ce sera un homme offert comme hostie du péché.

Là le Sauveur, ici Marie : saint enfant, sainte mère, quels objets d’allégresse mais portons en nous avec amour l’œuvre de lumière que représentent nos cierges allumés.

Le Verbe du Père est la lumière, la chair formée par la vierge est la cire ; le cierge étincelant est le Christ lui-même ; c’est lui qui éclaire nos cœurs de la vraie sagesse ; par sa grâce, celui qui était le jouet de l’erreur et du vice s’élance dans le chemin de la vertu.

Celui qui par l’amour tient le Christ dans ses bras, porte vraiment le flambeau de cire allumé, et remplit pleinement le rite de la fête ; de même que le vieillard dont le cœur portait déjà le Verbe du Père, serra dans ses bras ce même Verbe fait chair que lui confiait l’auguste mère.

Mère d’un tel fils, réjouis-toi ; pure au dedans, chaste au dehors, sans tache ni ride ; femme que son bien-aimé a choisie d’avance, que l’amour d’un Dieu a chérie avant les siècles.

À qui contemple ta beauté, toute autre beauté n’est que ténèbres et difformité qui repousse ; à qui goûte ta saveur délicieuse, toute autre saveur n’est qu’amertume et objet de dégoût.

À qui respire tes parfums, toute autre senteur est nulle ou désagréable ; en celui qui cultive ton amour, tout autre amour s’efface, ou n’obtient plus que le second rang.

De la mer brillante étoile, honneur éternel de toutes les mères, ô mère véritable de la Vérité, de la Voie, de la Vie, de l’Amour, remède de ce monde languissant, canal de ce vin délicieux qui est la source de vie dont tous doivent éprouver la soif ; dont le breuvage est doux à celui qui est sain comme à celui qui est malade : rends la force et la santé à celui qui défaille.

Fontaine scellée, verse tes ruisseaux de sainteté ; fontaine des jardins spirituels, arrose de tes eaux nos âmes desséchées.

Fontaine abondante, inonde-nous, lave nos cœurs coupables. Fontaine limpide, source toujours pure, daigne purifier des souillures du monde, par ta pureté, le cœur de ton peuple. Amen.

L’Église grecque vient à son tour nous prêter ses accents mélodieux, dans les strophes suivantes que nous empruntons à ses menées.

En la rencontre du Seigneur

Aujourd’hui Siméon reçoit dans ses bras le Seigneur de gloire que Moïse, sous la nuée, contempla jadis sur le Sinaï visible, où il lui donna la loi. C’est le Seigneur qui parle dans les prophètes, l’auteur de la loi, c’est lui qu’annonça David, c’est le Dieu terrible ; et c’est aussi celui qui possède une grande et très riche miséricorde.

Ô trésor des siècles, vie universelle ! toi qui autrefois as gravé la loi sur des tables au Sinaï, tu t’es fait enfant, tu t’es placé sous la loi pour nous arracher tous à l’antique servitude de cette loi ; gloire à ta miséricorde, ô Sauveur ! gloire à ton règne ; gloire à ton divin conseil, ô seul ami des hommes !

Marie, Mère de Dieu, pure de tout commerce humain, porte dans ses bras celui qui est assis sur les chérubins comme sur un char, et qui est célébré dans les cantiques des séraphins, celui qui a pris chair en elle, le législateur qui accomplit le précepte de la loi ; elle le remet aux mains du prêtre vénérable par son grand âge. Siméon, portant ainsi la Vie, implorait la grâce de ne plus vivre : « Seigneur, disait-il, laisse-moi partir maintenant ; laisse-moi annoncer à Adam que j’ai vu, sous les traits d’un enfant, le Dieu immuable, qui est avant les siècles, le Sauveur du monde. »

Prosterné, et suivant en esprit les pas de la Vierge et Mère de Dieu, le vieillard disait : « C’est un feu que tu portes, ô très pure ! Tu soutiens sur tes bras tremblants le Dieu de la lumière sans couchant, le Seigneur de la paix. »

« Isaïe est purifié par le séraphin qui touche ses lèvres d’un charbon de feu, disait le vieillard à la mère de Dieu ; mais toi, en me donnant de tes mains, comme d’un instrument, ce feu, tu m’embrases par celui que tu portes, et qui est le Seigneur de la lumière éternelle et de la paix. »

Hommes de bonne volonté, courons à la mère de Dieu pour voir son fils qu’elle conduit vers Siméon. C’est celui que les Esprits célestes, dans leur étonnement, contemplent du haut du ciel, disant : « Nous voyons en ce moment des choses merveilleuses qu’on n’eût pu croire, et qu’on ne saurait comprendre. Celui qui autrefois forma Adam est porté comme un enfant ; Celui qui ne connaît pas l’espace est déposé sur les bras d’un vieillard ; Celui qui habite au sein ineffable du Père daigne connaître les limites dans la chair, lui qui n’en connaît pas dans sa divinité : il est l’unique ami des hommes ».

Ô Emmanuel ! en ce jour où vous faites votre entrée dans le temple de votre Majesté, porté sur les bras de Marie, votre ineffable mère, recevez l’hommage de nos adorations et de notre reconnaissance. C’est afin de vous offrir pour nous que vous venez dans le temple ; c’est comme prélude de notre rachat, que vous daignez payer la rançon du premier-né ; c’est pour abolir bientôt les sacrifices imparfaits, que vous venez offrir un sacrifice légal. Aujourd’hui vous paraissez dans cette ville qui doit être un jour le terme de votre course, et le lieu de votre immolation. Le mystère de notre salut a fait un pas ; car il ne vous a pas suffi de naître pour nous ; votre amour nous réserve pour l’avenir un plus éclatant témoignage.

Consolation d’Israël, vous sur qui les anges aiment tant à arrêter leurs regards, vous entrez dans le temple ; et les cœurs qui vous attendaient s’ouvrent et s’élèvent vers vous. Oh ! qui nous donnera une part de l’amour que ressentit le vieillard, lorsqu’il vous tint dans ses bras et vous serra contre son cœur ? Il ne demandait qu’à vous voir, ô divin enfant, objet de tant de désirs ardents, et il était heureux de mourir. Après vous avoir vu un seul instant, il s’endormait délicieusement dans la paix. Quel sera donc le bonheur de vous posséder éternellement, si des moments si courts ont suffi à combler l’attente d’une vie entière !

Mais, ô Sauveur de nos âmes, si le vieillard est au comble de ses vœux pour vous avoir vu seulement une fois, dans cette offrande que vous daignez faire de vous-même pour nous au temple ; quels doivent être nos sentiments, à nous qui avons vu la consommation de votre sacrifice ! Le jour viendra, ô Emmanuel, où, pour nous servir des expressions de votre dévot serviteur Bernard, vous serez offert non plus dans le temple et sur les bras de Siméon, mais hors la ville, et sur les bras de la croix. Alors, on n’offrira point pour vous un sang étranger ; mais vous-même offrirez votre propre sang. Aujourd’hui a lieu le sacrifice du matin : alors s’offrira le sacrifice du soir. Aujourd’hui vous êtes à l’âge de l’enfance ; alors vous aurez la plénitude de l’âge d’homme ; et, nous ayant aimés dès le commencement, vous nous aimerez jusqu’à la fin. Que vous rendrons-nous, ô divin enfant, qui portez déjà, dans cette première offrande pour nous, tout l’amour qui consommera la seconde ? Pouvons-nous faire moins que nous offrir à vous pour jamais, dès ce jour ? Vous vous donnez à nous dans votre sacrement, avec plus de plénitude que vous ne le fîtes à l’égard de Siméon ; nous vous recevons non plus entre nos bras, mais dans notre cœur. Déliez-nous aussi, ô Emmanuel ; rompez nos chaînes ; donnez-nous la paix que vous apportez aujourd’hui ; ouvrez-nous, comme au vieillard, une vie nouvelle. Pour imiter vos exemples, et nous unir à vous, nous avons, pendant cette quarantaine, travaillé à établir en nous cette humilité et cette simplicité de l’enfance que vous nous recommandez ; soutenez-nous maintenant dans les développements de notre vie spirituelle, afin que nous croissions comme vous en âge et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes. Ô la plus pure des vierges et la plus heureuse des mères ! Marie, fille des rois, que vos pas sont gracieux, que vos démarches sont belles [2] , au moment où vous montez les degrés du temple, chargée de notre Emmanuel ! que votre cœur maternel est joyeux, et en même temps qu’il est humble, en ce moment où vous allez offrir à l’Éternel son Fils et le vôtre ! À la vue de ces mères d’Israël qui apportent aussi leurs enfants au Seigneur, vous vous réjouissez en songeant que cette nouvelle génération verra de ses yeux le Sauveur que vous lui apportez. Quelle bénédiction pour ces nouveau-nés d’être offerts avec Jésus ! Quel bonheur pour ces mères d’être purifiées en votre sainte compagnie ! Si le temple tressaille de voir entrer dans son enceinte le Dieu en l’honneur duquel il est bâti, sa joie est grande aussi de sentir dans ses murs la plus parfaite des créatures, la seule fille d’Ève qui n’ait point connu le péché, la verge féconde, la mère de Dieu. Mais pendant que vous gardez fidèlement, ô Marie, les secrets de l’Éternel, confondue dans la foule des filles de Juda, le saint vieillard accourt vers vous ; et votre cœur a compris que l’Esprit-Saint lui a tout révélé. Avec quelle émotion vous déposez pour un moment entre ses bras le Dieu qui porte la nature entière, et qui veut bien être la consolation d’Israël ! Avec quelle grâce vous accueillez la pieuse Anne ! Peut-être, dans vos jeunes années, avez-vous reçu ses soins, dans cette demeure sacrée qui vous revoit aujourd’hui, vierge encore et cependant mère du Messie. Les paroles des deux vieillards qui exaltent la fidélité du Seigneur à ses promesses, la grandeur de celui qui est né de vous, la Lumière qui va se répandre par ce divin Soleil sur toutes les nations, font tressaillir délicieusement votre cœur. Le bonheur d’entendre glorifier le Dieu que vous appelez votre fils, et qui l’est en effet, vous émeut de joie et de reconnaissance ; mais, ô Marie, quelles paroles a prononcées le vieillard, en vous rendant votre fils ! quel froid subit et terrible vient tout à coup glacer votre cœur ! La lame du glaive l’a traversé tout entier. Cet enfant que vos yeux contemplaient avec une joie si douce, vous ne le verrez plus qu’à travers des larmes. Il sera en butte à la contradiction, et les blessures qu’il recevra transperceront votre âme. Ô Marie ! ce sang des victimes qui inonde le temple cessera un jour de couler ; mais il faut qu’il soit remplacé par le sang de l’enfant que vous tenez entre vos bras.

Nous sommes pécheurs, ô Mère naguère si heureuse, et maintenant si désolée ! Ce sont nos péchés qui ont ainsi tout d’un coup changé votre allégresse en douleur. Pardonnez-nous, ô Mère ! laissez-nous vous accompagner à la descente des degrés du temple. Nous savons que vous ne nous maudissez pas ; nous savons que vous nous aimez, car votre fils nous aime. Oh ! aimez-nous toujours, Marie ! intercédez pour nous auprès de l’Emmanuel. Obtenez-nous de conserver les fruits de cette précieuse quarantaine. Les grâces de votre divin enfant nous ont attirés vers lui ; nous nous sommes permis d’approcher de son berceau ; votre sourire maternel nous y invitait. Faites, ô Marie, que nous ne quittions plus cet enfant qui bientôt sera un homme ; que nous soyons dociles à ce docteur de nos âmes, attachés, comme de vrais disciples, à ce maître si plein d’amour, fidèles à le suivre partout comme vous, jusqu’au pied de cette croix qui vous apparaît aujourd’hui.

[1] – s. Luc 12, 35.

[2] – Cant. 7, 1.