Transcription du sermon « Noël et la persécution »

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.

Mes bien chers Frères,

En cette période de Noël, nous devons nous rappeler que Notre Seigneur est prêtre, sauveur et roi. Il est le seul sauveur, et il ne peut pas y avoir de sauveur en dehors de lui. Il est le roi des rois parce qu’il est le premier en tout, le plus sage, le seul digne par nature de nous diriger. Il est prêtre par nature parce qu’il est le seul intermédiaire entre Dieu et les hommes, digne de Dieu, digne de représenter les hommes auprès de Dieu.

Ces trois qualités de Notre Seigneur qui vient dans la crèche, ont été reconnues par la chrétienté dès le début. Toute la chrétienté s’est faite autour de la royauté de Notre Seigneur. Elle s’est faite autour de l’autel où Notre Seigneur, prêtre, s’immole en même temps comme victime. Et Notre Seigneur, à cause de cela, est devenu le centre de l’histoire, le centre de l’histoire du monde. Et en même temps, il est devenu la grande préoccupation de ses ennemis qui savaient, qui ont toujours su que, s’ils laissaient Notre Seigneur épanouir, au milieu des hommes, son sacerdoce, sa royauté et son caractère de sauveur, c’en était fini du règne du démon. Notre Seigneur a donc été, depuis le début, un signe de contradiction annoncé déjà par Dieu à Adam et Eve : Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance, et sa descendance t’écrasera la tête au moment où tu la mordras au talon. Un signe de contradiction établi pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre, prophétise le vieillard Siméon.

Certes, par sa mort sur la croix, Notre Seigneur a vaincu le démon ; encore faut-il que cette victoire soit prise en compte par chacun d’entre nous pour transformer la victoire universelle du Christ en une victoire particulière sur chaque âme à sauver, en toute époque et en tout lieu. Cette lutte se voit dès le début. Caïn qui tue Abel parce qu’Abel est fidèle à Dieu. Puis après cela, toutes les persécutions des prophètes qui sont rappelées par Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’évangile que l’Église a choisi pour la fête de saint Étienne aujourd’hui, lutte qui sera encore rappelée par la fête des saints Innocents, victimes de l’opposition démoniaque à Jésus, parce que la haine du démon ne pouvant atteindre Dieu, cherche à atteindre au moins ses créatures et ses œuvres, c’est-à-dire au moins les âmes. Cette lutte se poursuit dans les persécutions.

Mais, il y a un obstacle à l’action du démon, et cet obstacle, c’est notre foi en la royauté de Jésus-Christ, et en son caractère d’unique sauveur et d’unique prêtre. Je ne dis pas seulement notre foi en son caractère de sauveur et de prêtre, mais d’unique sauveur et d’unique prêtre. Notre foi en ce que ce petit roi démuni, privé de tout dans la crèche, et, plus tard cloué sur une croix, est plus puissant que tous les démons et leurs complices. Bien sûr, le premier obstacle à la victoire du démon, c’est la croix, mais encore faut-il que la croix soit appliquée dans nos cœurs, à chaque lieu et à chaque période de l’humanité pour transformer, comme je vous le disais dans un sermon sur le sacrifice eucharistique, la victoire universelle mais générale du Christ en une victoire particulière de chacun d’entre nous dans la lutte qu’il a à mener. Notre Seigneur est roi, bien entendu, encore faut-il que sa royauté soit reconnue. Or, nous constatons que, au fur et à mesure que la foi en Notre Seigneur, en sa royauté, en son caractère de sauveur et de prêtre unique, dans la mesure où cette foi diminue, le règne du démon avance. C’est un grand mystère de constater que, après la formation splendide de la chrétienté, les chrétiens se sont habitués à la paix que Notre Seigneur apportait, et ils n’ont pas voulu voir que la paix du Christ se fait dans la guerre, et que Notre Seigneur proclame dans l’Évangile qu’il donne la paix, mais qu’il ne la donne pas comme le monde la donne, car, proclame-t-il, il est venu mettre la division dans les familles, entre les parents, les enfants, la belle-mère et sa bru, etc. Notre Seigneur dit encore, dans le discours des Béatitudes : Bienheureux lorsqu’on vous persécutera. Nous-mêmes avons voulu croire à une paix sans effort, sans combat, et nous n’avons pas compris que le prince de la paix, qui est aussi le prince de l’amour, est en même temps celui qui s’oppose violemment au péché et au démon. Et, parce que nous avons cherché un faux calme dans la paix, ou plutôt le calme dans une fausse paix, alors nous avons laissé le champ libre au démon, et il s’est produit un drame.

Juste après l’épisode sanglant de  la Révolution française, lorsque le culte fut rétabli en France, les catholiques se sont réfugiés dans ce qu’on pourrait appeler une bulle, c’est-à-dire que du moment qu’on leur rendait leur culte, leur foi, leur possibilité personnelle de vivre en chrétiens, ils cessèrent de se préoccuper du fait que la société, elle, n’était plus chrétienne. Ils cessèrent de se préoccuper du fait qu’il y avait des âmes à sauver. Plus le XIXe siècle, plus le libéralisme, plus la mollesse de la foi chrétienne ont progressé, et plus les catholiques persécutés se sont réfugiés dans ce petit domaine que la Révolution leur concédait, qu’elle leur concédait parce qu’elle n’était pas encore assez forte pour les attaquer à l’intérieur même de leurs églises et de leur conscience. La Révolution a toujours eu cette prudence d’aller à un rythme qui ne suscite pas trop de réactions contre elle et nous sommes tombés dans le piège, notamment les traditionalistes. Je sais bien que parmi vous tous qui m’écoutez, mes bien chers Frères, beaucoup ne sont pas des traditionalistes d’origine, mais ont découvert la foi depuis un an, deux ans, cinq ans peut-être, et sont quelquefois étonnés de nous entendre parler des défauts de la Tradition. Pourtant il faut que j’en parle, d’abord parce qu’il y a encore parmi vous beaucoup de traditionalistes qui ne se sont pas rendu compte pourquoi nous sommes arrivés là où nous en sommes, pourquoi la Tradition qui devait être le phare dans l’Église est quasiment éteinte. Et puis même vous, mes bien chers Frères, qui n’êtes pas traditionalistes d’origine, soit que vous veniez de l’Église moderne, soit que vous veniez de l’incroyance parce que le Bon Dieu vous a convertis, il faut que je vous avertisse également de faire attention à partager le sort de nos frères, y compris de nos frères victimes du péché, victimes de la persécution, victimes du démon. C’est la grande préoccupation de Notre Dame, cela : Priez et faites pénitence pour la conversion des pécheurs. Or, que s’est-il passé chez les traditionalistes ? Ils ont dit : Nous avons nos évêques, nos messes, nos chapelles, nos écoles, pour nous assurer le salut, et ils n’ont pas voulu voir qu’à côté d’eux des âmes se perdaient. Ils n’ont pas donné à leurs enfants ce souci des âmes qui se perdent. Pourvu que nous nous sauvions, les autres peuvent bien se perdre, c’est de leur faute, après tout… Et cela, le Bon Dieu qui est tout amour, Notre Seigneur qui est venu dans une simple grotte, et qui a été déposé dans une simple crèche pour, justement, se faire tout à tous, le Bon Dieu n’aime pas qu’on soit égoïste dans la foi ! Et, parce que ses châtiments sont toujours des remèdes, et que ses remèdes sont en même temps toujours des châtiments, alors il nous punit en permettant que la persécution avance.

La persécution fait éclater cette petite bulle dans laquelle nous croyions pouvoir nous réfugier, et nous allons bien être obligés de partager le sort commun. Ả nous de savoir si nous allons le partager avec le souci apostolique qui est celui de l’Église, ou si nous allons le partager en essayant de diminuer, autant que nous pouvons, la persécution sans nous préoccuper des autres. Cette bulle, dans laquelle nous nous sommes réfugiés, c’est le contraire de l’esprit de l’Église. L’Église a toujours été apôtre. L’Église a toujours envoyé ses meilleurs fils s’oublier eux-mêmes pour le salut même des étrangers. C’est le message de Mgr Lefebvre d’avoir voulu faire une fraternité sacerdotale missionnaire, et ce message, hélas, n’a pas été compris, n’a pas été reçu. Comment se fait-il qu’aucun des capucins de la Tradition, eux qui, avec leurs pieds nus, avec leur pauvreté, avec leur barbe plus ou moins hirsute, feraient un apostolat extraordinaire dans le « 9 3 » au milieu des musulmans, comment se fait-il qu’ils se sont transformés en aumôniers de traditionalistes ? Comment se fait-il que, nous, héritiers de Mgr Lefebvre – je mets à part, peut-être, ceux qui furent envoyés en Afrique ou dans des pays difficiles comme l’Inde, M. l’abbé Chazal, par exemple, et d’autres également – comment se fait-il que nous qui étions dans les pays d’ancienne chrétienté, nous nous soyons si peu soucié, nous ayons démontré si peu de zèle missionnaire, alors que de nombreuses âmes tout autour de nous attendent le salut ? Malheur à nous ! Combien de musulmans convertis dans « nos » chapelles ? Combien de juifs convertis ? Quand on voit les missionnaires chez les Papous et l’enthousiasme des Papous qui, immédiatement, se font à leur tour missionnaires auprès de leurs frères. Mgr Lefebvre nous disait que, dans les villages convertis, il y eut, chez les jeunes convertis, des martyrs : des catéchistes qui portèrent la foi du Christ et qui furent martyrisés. Dès la première génération de Papous convertis, on a au moins un martyr ; dès les premières générations de Noirs convertis, on a un grand nombre de martyrs, par exemple les martyrs d’Ouganda, des jeunes, des enfants, des adolescents, martyrs de la chasteté, ce qui est une manière de témoigner de la foi parce qu’ils témoignent de la loi du Christ.

Alors, que vont être les persécutions à venir ? Mes bien chers Frères, elles seront pires que ce que vous pouvez imaginer. Elles seront pires que tout ce que vous pouvez craindre, car le démon, c’est la haine, et s’il y a une chose que le démon refuse, c’est l’amour.

La pire chose qui puisse vous arriver, c’est que le démon vous renouvelle la proposition qu’il fit aux libéraux du XIXe : vous acceptez de ne pas lutter contre la haine, c’est-à-dire que vous acceptez de ne plus répandre la charité et l’amour de Dieu, et le démon vous laissera relativement en paix. Vous croirez, nous croirons que cette paix nous permet de nous sauver, et le démon ricanera, parce qu’à partir du moment où l’amour du Christ n’est plus conquérant, nous cessons d’appartenir au Christ. Comment peut-il dire qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas, celui qui ne montre pas son amour pour son frère qu’il voit ? C’est l’Écriture Sainte qui nous dit cela. C’est saint Jean.

Ah, je sais, comme sermon pour Noël, c’est assez surprenant ; seulement, rappelez-vous, mes bien chers Frères, que saint Jean-Baptiste nous dit que la cognée est à la racine de l’arbre. Et saint Jean-Baptiste, pour préparer les voies du Seigneur, n’a pas fait un discours béni-oui-oui, d’une fausse charité, d’une fausse paix. Le message de l’Église, c’est celui que je vous transmets aujourd’hui. Ce message est authentique et il est vrai. La Révolution, le démon vont vous pousser à – oh non pas à contredire la charité, ils savent très bien que, cela, c’est difficile à obtenir d’un chrétien – ils vont vous pousser à négliger la charité, à négliger le prochain, à négliger d’être apôtre, à négliger de communiquer l’amour de Dieu fut-ce au péril de votre vie ! Le démon et la persécution vont vous proposer de sauver votre vie – mais quelle vie médiocre ! – en échange d’une fausse paix, à condition que vous cessiez d’attaquer le vice, le mal, le péché. Malheur à nous s’il en était ainsi !

Ces persécutions sont un châtiment, et il faut que nous les prenions comme tel, et si c’est un châtiment, il faut que nous nous corrigions, que nous demandions pardon et que nous nous corrigions. Notre vie ne vaut rien. Notre vie est peu de chose. Nous chantons dans le Salve Regina que nous sommes dans une vallée de larmes. Comment se fait-il que nous voulions y rester des années et des années, si vraiment nous sommes persuadés que c’est une vallée de larmes, et qu’il n’y a que le Ciel qui mérite d’être gagné ? Comment se fait-il que nous n’avons pas compris que nous vénérons les martyrs pour les imiter ? Saint Ignace nous enseigne en outre que les désolations et, donc, les persécutions, sont non seulement un châtiment, mais également une leçon, et cette leçon, je vous la transmets actuellement, je vous explique ce qu’il en est. Les désolations sont également des épreuves, et l’épreuve sert à faire la preuve. Si vous passez avec succès l’épreuve de l’examen en médecine, vous faites la preuve que vous serez un bon médecin. Si vous passez l’épreuve de la persécution, en communiquant l’amour de Dieu, en imitant Notre Seigneur venu dans ce monde pour communiquer le salut, alors vous ferez la preuve que vous êtes des bons chrétiens.

Je constate, avec beaucoup de peine, que parmi ceux qui, aujourd’hui, veulent lutter contre la persécution, contre le Covid, contre le vaccin, contre tout ce qui se passe aujourd’hui, rares, rares, rarissimes ceux qui luttent en s’appuyant sur Notre Seigneur Jésus-Christ et au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. “Il faudrait faire ceci, il faudrait faire cela”. Rares ceux qui proposent de prendre son chapelet, son rosaire, et surtout, surtout, comme le dit saint Louis Marie Grignion de Montfort, d’être les apôtres des derniers temps prêchant Jésus-Christ avec la croix dans une main et le chapelet dans l’autre. Peu importe que nous soyons persécutés, parce qu’alors la persécution fera de nous des martyrs et une semence de chrétiens. Si le grain ne tombe en terre et s’il ne meure, il ne porte pas de fruit. Pourquoi cela ? Parce que la vie qui est en nous, c’est la vie du Christ, et que le Christ ne peut pas mourir. C’est la vie de Dieu, et Dieu ne peut pas mourir, et cela, nous avons tendance à l’oublier.

Rappelez-vous, mes bien chers Frères, pères et mères de famille, qu’une éducation réussie, c’est une éducation à l’apostolat. Une éducation réussie, c’est une éducation qui fait des prêtres et des apôtres. Et, pour faire des prêtres et des apôtres, ce n’est pas tellement en poussant vers le sacerdoce ou vers la vocation qu’on y arrive, ah non ! c’est en poussant à communiquer « la charité du Christ qui nous presse » (2 Cor 5, 14). Lorsqu’on a formé les enfants à communiquer cette charité du Christ, alors, tout naturellement, ils veulent poursuivre l’œuvre commencée, et ils se font prêtres ou religieux et religieuses ou ils désirent le martyre, comme ces deux jeunes qui m’en ont fait la confidence. Trouvez le moyen, mes bien chers Frères, d’aller vers les pauvres. Trouvez le moyen d’aller vers les pécheurs. Trouvez le moyen d’aller vers les musulmans qui n’attendent que cela. Trouvez le moyen, sans chercher à savoir si vous y laisserez votre vie ou non, si la persécution sera plus lourde ou non, trouvez le moyen de communiquer la charité du Christ. Lisez la vie de Mgr Thuan. Lisez les récits de tous ceux qui furent prisonniers du communisme chinois, et voyez ce qu’est l’opposition radicale entre la charité de Jésus-Christ et la haine du démon.

Que la Très Sainte Vierge vous aide ! Retroussez les manches ! Ne vous contentez pas de dire « Oh là, Monsieur l’abbé nous a prêché un sermon bien sévère. » Ne vous contentez pas de dire « Oh là, Monsieur l’abbé nous a prêché un sermon bien vrai. » Mettez-le en œuvre. Et si vous ne savez pas comment faire, alors adressez-vous à moi. Adressez-vous au Père Marcel de la Croix. Adressez-vous à mes confrères de la Fidélité Catholique. Nous savons comment on retrousse les manches, et nous vous montrerons comment on fait.        

Que Dieu vous bénisse en ces saintes fêtes de Noël !

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.